vendredi 31 décembre 2010

Le réveillon du jour de l'an (chanson)

On m'avait invité à aller réveillonner
Pour fêter l'arrivée de la nouvelle année
Moé qui est toujours gai, je n'ai pas refusé
Et à mon arrivée, j'ai entendu chanter

Ah que c'est bon bon de prendre un verre de bière
Avec la cuisinière dans un petit coin noir
Pis si c'est bon bon, faites-le en riant
Y a pas de mal là-dedans dans le temps du jour de l'an
Ah que c'est bon bon de prendre un verre de bière
Avec la cuisinière dans un petit coin noir
Pis si c'est bon bon, faites-le en riant
Y a pas de mal là-dedans dans le temps du jour de l'an

Minuit est arrivé, on souhaite une bonne année
La bière est de côté pis on prends du brandy
On a trop mélangé, je me suis enivré
Et toute la sainte journée je donnais à murmurer

Ah que c'est bon bon de prendre un verre de bière
Avec la cuisinière dans un petit coin noir
Pis si c'est bon bon, faites-le en riant
Y a pas de mal là-dedans dans le temps du jour de l'an
Ah que c'est bon bon de prendre un verre de bière
Avec la cuisinière dans un petit coin noir
Pis si c'est bon bon, faites-le en riant
Y a pas de mal là-dedans dans le temps du jour de l'an

Une chanson traditionnelle du jour de l'an qui a été interprétée par La bottine souriante sous le titre La cuisinière

jeudi 30 décembre 2010

Heureuse année

Au début du siècle dernier, on échangeait des cartes postales pour les souhaits du nouvel an. Celle-ci a été postée à Ottawa le 30 décembre 1905 et a été reçue à Québec le premier janvier 1906. L'année étant inscrite dessus, elle ne pouvait servir qu'une seule journée.

mardi 21 décembre 2010

La grosse boîte rouge de bonbons Viau


Viau Limitée vendait des "bonbons surfins" dans de grosses boîtes rondes en fer-blanc de couleur rouge vif, ornées d'une fleur-de-lys dorée. Elles contenaient  environ 20 livres de bonbons durs multicolores qui étaient consommés dans le temps des Fêtes. Comme le couvercle fermait bien, les boîtes vides pouvaient être utilisées pour conserver des aliments. Ma mère y mettait les beignes de Noël au froid dans la "dépense".


Je crois que ces boîtes datent des années 1940-1950. Sur le site Héritage Montréal, on aperçoit des contenants de format semblable sur une photo en noir et blanc qui a été prise en 1935. L'entreprise fondée en 1867 a adopté le nom de Viau Limitée en 1936.

 Ajout du 25 décembre 2010 : La boîte date des années 1940. Elle était vendue aux commerces qui revendaient ensuite les bonbons au poids. Une boîte identique à celle qui est illustrée provenait du magasin général de Félix St-Onge à Saint-Étienne-des-Grès.

Voir aussi sur ce blog : Les bonbons mélangés.

lundi 20 décembre 2010

Le portage en sleigh

Dans le secteur de la forêt en Mauricie, le mot portage a pris plusieurs significations différentes, bien que connexes. J'en ai rencontré cinq :
  1. Le sens premier de portage désignait le transport à dos d'homme d'une embarcation pour franchir un obstacle à la navigation comme la chute de Shawinigan ou le rapide des Hêtres.
  2. Au milieu du 19ième siècle, des canotiers "portageaient" des marchandises qu'ils allaient livrer dans les chantiers du Haut-Saint-Maurice. On les appelait les "portageux".
  3. Portage désignait aussi le sentier que les canotiers empruntaient pour franchir l'obstacle.
  4. Par analogie, on utilisait le même terme pour  le chemin suivi par le castor pour transporter les matériaux vers sa hutte.
  5. On disait aussi portage pour le transport en hiver de marchandises vers les chantiers, en empruntant les rivières et les lacs gelés, avec des traîneaux à chevaux nommés sleighs.

Vers 1902, Georges Lampron de Saint-Boniface, fils d'Olivier et de Marie Caron, a fait du portage en sleigh dans les chantiers forestiers des frères Burrill. Il n'était pas le seul, plusieurs fermiers de Saint-Boniface approvisionnaient les chantiers en "portageant", notamment du foin et de l'avoine pour les chevaux. Le portage représentait pour eux un revenu d'appoint en hiver : "c'était pour se sortir du trou comme de raison" disait Béatrice, la fille de Georges.

Charles et Vivian Burrill exploitaient un gros moulin à scie à vapeur dans le troisième rang de Saint-Boniface, près de la paroisse de Sainte-Flore. Un hameau, qu'on appelait Burrill's Siding, s'était formé autour du moulin. La production de bois-d'oeuvre pouvait être expédiée à faible coût grâce au train qui passait à proximité.
 
(L'illustration est une peinture de Cornelius David Krieghoff.)

dimanche 19 décembre 2010

Beignes canadiens de Monsieur 50


Pour le temps des Fêtes, voici la recette de beignes canadiens de Monsieur 50. Cette recette n'est pas faisable. La pâte est beaucoup trop molle. Il faut ajouter 1 tasse et demi de farine et 1 cuiller à thé et demi de poudre à pâte. Il faut aussi réfrigérer la pâte avant de la rouler. Si vous n'avez pas de lait sûr, vous pouvez le remplacer par de la crème sure à 5 % dans laquelle on ajoute la cuiller à thé de bicarbonate de soude. La recette modifiée est délicieuse.

On trouve sur le même scan les recettes du pouding au pain, du pouding au chômeur, des grosses crêpes, du gâteau de blé d'inde et de la mousse au sirop d'érable.

vendredi 17 décembre 2010

Des avantages et un inconvénient du train

En 1879, l'achèvement de la construction du Chemin de fer du Nord entre Montréal  et Québec a facilité de façon considérable les déplacements entre les municipalités de la Mauricie situées le long de cette ligne. Des activités comme le tourisme, les pèlerinages et même les assemblées politiques ont alors connu un essor remarquable. À l'époque, il y avait souvent des fanfares à bord  pour distraire les passagers et peut-être aussi pour couvrir le bruit du train. On imagine le vacarme !

Voici quelques extraits d'articles de la presse régionale qui nous parlent avec enthousiasme de ces nouveaux développements. Certains déplorent cependant que l'arrivée du chemin de fer favorise l'exode des familles aux États-Unis.

Le tourisme 

« On nous dit que la baie de la Maskinongé va devenir une des places favorites pour le pique-nique des Trois-Rivières, grâce à la beauté de la plage et à l’abondance de la pêche et la facilité qu’il y a pour aller et revenir en chemin de fer. »  Courrier de Maskinongé (1 août 1878): 2, col. 4.

« Dimanche prochain, le 7 septembre, nous aurons de visite de Québécois : comme nos lecteurs ont pu le voir, sans doute, par les journaux de Québec. Une excursion, par le chemin de fer du Nord, partira de la gare du Palais à midi précis dimanche, arrivant ici vers 3:30 heures probablement. Les excursionnistes repartiront vers 7 heures du soir. Un magnifique corps de musique les accompagnera. »  La Concorde (5 septembre 1879): 3, col. 1.

Les pèlerinages

« Un grand pèlerinage à Ste-Anne de Yamachiche vient d’être organisé par les conférences St-Vincent-de-Paul de cette ville. Il aura lieu vendredi prochain. Les catholiques de cette ville profiteront, nous n’en doutons pas, de cette occasion, pour aller déposer leurs hommages aux pieds de la grande sainte dans le sanctuaire vénéré d’Yamachiche. Le voyage aura lieu par le chemin de fer du Nord; des arrangements ont été pris pour offrir aux pèlerins tout le confort et la facilité possible; les prix seront très réduits. Départ de la gare des Trois-Rivières à 5 1/2 heures du matin; retour à 10 heures a.m. et 7 heures du soir. »  Le Journal des Trois-Rivières (29 juillet 1878): 2, col. 4.

Les assemblées politiques

« Dimanche prochain, il y aura une grande démonstration politique à Yamachiche à laquelle les honorables Messieurs Joly, Marchand, Turcotte et Messieurs Charles Langelier, J. N. Bureau, C. R. et plusieurs autres orateurs distingués adresseront la parole. À cet effet, et pour donner à nos amis l’avantage de prendre part à cette grande démonstration, un train spécial du chemin de fer du Nord laissera la gare des Trois-Rivières à l’heure précise, dimanche, pour se rendre à Yamachiche, où doit avoir lieu la démonstration, et de là à Rivière-du-Loup, afin de donner l’avantage aux amis de la cause libérale, en cette paroisse, de se joindre à nous. Le train arrêtera aussi, en allant et revenant, à la Pointe-du-Lac. Un magnifique corps de musique fera partie de l’excursion. Le prix du passage, aller et retour, sera réduit à 25 centins, afin de permettre à chacun de prendre part à cette grande manifestation libérale. »  La Concorde (3 octobre 1879): 2, col. 1.

L'émigration aux États-Unis

« Nous regrettons de constater qu’à chaque convoi de chemin de fer du Nord Q.M.O. et O., quatre à cinq familles prennent passage pour les Etats-Unis. »  Courrier de Maskinongé (15 avril 1880): 2, col. 2. 

« On nous informe que les agents pour la vente des billets pour les différentes compagnies de chemin de fer font de véritables ravages dans notre district. Il y a de ces agents dans presque toutes les paroisses et la plupart, pour grossir leur commission, encourage les cultivateurs à émigrer aux Etats-Unis. Nous attirons l’attention du gouvernement sur ce regrettable état de choses. »  La Concorde (25 août 1880): 3, col. 1.


Ces extraits sont tirés des Bases de données en histoire de la Mauricie.

Voir aussi sur ce blog :  En attendant le train, La Bonne Sainte-Anne et 400 victimes sur un vapeur.


jeudi 16 décembre 2010

Georges Smiley l'anti-héros

«Mr George Smiley n'était pas naturellement équipé pour courir sous la pluie, et surtout pas en pleine nuit... Petit, bedonnant et à tout le mieux entre deux âges, il était en apparence un de ces humbles de Londres à qui le royaume des cieux n'appartient pas. Il avait les jambes courtes, la démarche rien moins qu'agile, il portait des vêtements coûteux, mal coupés et extrêmement mouillés. Son manteau, qui vous sentait un peu le veuf, était de ce tissu noir et mou qui semble conçu pour retenir l'humidité. C'étaient ou bien les manches qui étaient trop longues ou bien ses bras qui étaient trop courts, car comme Roach, quand il portait son imperméable, les parements lui dissimulaient presque les doigts. Pour des raisons de vanité il ne portait pas de chapeau, persuadé à juste titre que les chapeaux lui donnaient l'air ridicule. « On dirait une bonnette sur un oeuf », avait remarqué sa belle épouse peu avant la dernière fois où elle l'avait quitté, et cette cinglante formule, comme c'était souvent le cas, lui était restée dans l'esprit

(John Le Carré, La taupe, traduit de l'anglais par Jean Rosenthal)

mercredi 15 décembre 2010

L'orignal à Laflamme


Monsieur Laflamme de Shawinigan avait réussi à apprivoiser un jeune orignal (élan d'Amérique) qui acceptait de se laisser conduire par son maître. On l'aperçoit sur la photo en train de brouter un bouquet de fleurs sur le bureau du maire Roy vers 1949 (Source : Fabien Larochelle, Shawinigan depuis 75 ans,1975).

mardi 14 décembre 2010

La diète des bûcherons

Dans Anciens chantiers du Saint-Maurice, Pierre Dupin décrit l'alimentation des bûcherons qui travaillaient dans les chantiers de la Mauricie en hiver vers 1875. Son texte a d'abord été publié dans le journal Le Bien public de Trois-Rivières en 1935.

Au déjeuner, les hommes mangeaient des beans (fèves au lard) que le "cook" avait fait cuire dans les cendres pendant la nuit. "Nourriture complète puisqu'elle renferme le féculent et la graisse."

"Pendant que les hommes déjeunent, le cuisinier, aidé de son marmiton, prépare les sacs de ceux qui, travaillant trop loin pour revenir dîner au "campe", devront collationner dans le bois. Pas de délicatesses ni de friandises pour ce repas qui n'aura rien d'un pique-nique; deux ou trois chanteaux de pain, une brique de lard bouilli, le tout roulé dans un sac de toile, et le lunch est préparé." Ils enfouiront ce repas dans la neige pour éviter qu'il gèle et le mangeront froid à la pause du midi.

Ceux qui travaillent près du camp sont plus chanceux, ils ont droit à une soupe chaude. "Pour être pris au "campe" le dîner n'en sera  ni plus riche ni plus varié. Depuis le mois d'octobre jusqu'à la fin des chantiers, le menu, toujours le même, ne variera ni d'une fève ni d'un pois; du pain et des beans le matin, de la soupe aux pois, du pain et du lard le midi... Ajoutez à cela du thé à discrétion et fort à faire flotter un clou !"

"On se tromperait grandement si on imaginait le "cook" de chantier tout de blanc vêtu, coiffé de la toque, manipulant des casseroles d'aluminium et confectionnant des sauces savantes."  Pour le décrire, Pierre Dupin cite un extrait du Tableau de la mer de Jean Taché écrit en 1732 :

Un visage enfumé, que l'on appelle coq,
Qui quitte rarement sa cuillère et son croc;
Un malpropre, un vilain, qui sans cesse se gratte,
Dont les yeux larmoyants sont bordés d'écarlate;
Qu'on voit le plus souvent les bras nus charbonnés,
Le tabac à la bouche et la roupie au nez;
Un homme qu'on prendrait pour un diable à la mine !
Cet élégant mignon préside à la cuisine.

lundi 13 décembre 2010

Madame de la Meslée trafiquante d'eau-de-vie

La vente d'alcool aux  Amérindiens a été interdite en Nouvelle-France en 1657, à cause des désordres que la boisson provoquait chez eux.  Les missionnaires soutenaient cette interdiction, avec l'appui de l'évêque Monseigneur de Laval, alors que les marchands s'y opposaient. L'administration civile ne la faisait pas respecter. L'auteur de la Relation des Jésuites écrivait à ce sujet en 1663 : "Je ne veux pas décrire les malheurs que les désordres de la boisson ont causé à cette église naissante. Mon encre n'est pas assez noire pour les dépeindre de leurs couleurs; il faudrait du fiel de dragon pour coucher ici les amertumes que nous avons ressenties."

Peau de castor sur armature
Malgré l'interdiction, des commerçants échangeaient de l'eau-de-vie contre des fourrures aux Algonquins qui vivaient à proximité de Trois-Rivières. C'était plus facile que d'aller courir les bois dans les pays d'en-haut. De plus, certains Amérindiens qui s'étaient habitués à la consommation d'alcool refusaient d'autres marchandises en échange de leurs fourrures. L'habitude de la traite de l'eau-de-vie s'était ainsi installée dans les moeurs de la colonie trifluvienne et les coupables s'étonnaient qu'on leur en fasse le reproche.

Jeanne Évard (1618-1682), surnommée Madame de la Meslée, dirigeait un réseau de trafic d'eau-de-vie au village du Cap (devenu plus tard le Cap-de-la-Madeleine). Madame de la Meslée était l'épouse de Christophe Crevier dit la Meslée. Ils se sont mariés en 1633 dans la région de Rouen en France et sont arrivés en Nouvelle-France vers 1639.  Ils ont eu huit enfants dont une fille prénommée Jeanne  qui a épousé, en 1652, Pierre Boucher Sieur de Gros-Bois, capitaine de milice du bourg de Trois-Rivières. Boucher a été gouverneur des Trois-Rivières pendant la majeure partie de la période allant de 1654 à 1668. Il était propriétaire d'un fief au Cap-de-la-Madeleine où résidait la famille Crevier.

Christophe Crevier Sieur de la Meslée, qui était boulanger, est décédé en 1662 ou 1663.  Sa veuve Jeanne Évard a été incriminée en 1667 lors d'une enquête du Conseil souverain sur la traite d'eau-de-vie. Cette enquête avait été faite à la demande pressante des Jésuites qui avaient sédentarisé un groupe d'Algonquins au Cap-de-la-Madeleine pour les protéger des Iroquois et des trafiquants d'alcool. Mais aussitôt qu'ils s'éloignaient de la mission en hiver, les trafiquants les rejoignaient en traîneaux pour leur échanger de l'eau-de-vie contre des fourrures, de la viande d'orignal, des raquettes ou des mocassins qu'ils revendaient ensuite avec profit aux habitants de Trois-Rivières. Les Amérindiens pouvaient aussi se procurer de l'alcool dans les maisons des trafiquants au village du Cap et même le consommer sur place.

La plupart des témoignages qui ont été entendus lors de l'enquête de 1667 désignaient Jeanne Évard, sous les noms de Madame Crevier ou de Madame de la Meslée, comme la principale instigatrice de ce commerce avec ses fils Jean, Nicolas et Jean-Baptiste Crevier, ses gendres Nicolas Gastineau dit Duplessis et Michel Gamelain et ses domestiques Jean Hébert et Simone Dorian. En plus de faire son trafic illégal au Cap, elle organisait aussi des voyages de traite dans les pays d'en-haut.

L'histoire ne nous dit pas si elle poursuivait ainsi un commerce de son défunt mari ou bien si ce trafic résultait de sa propre initiative. Je penche pour la deuxième hypothèse étant donné qu'on ne mentionne nulle part que le mari ait été impliqué dans la traite des fourrures. Il est à noter que trois de leurs fils ont été tués par les Iroquois.

Voici quelques extraits des témoignages qui l'ont incriminée : Henry Derby étant à boire sa part d'un pot de vin au logis de Madame Crevier, il était venu deux Sauvagesses lesquelles avaient apporté trois cervelles pour lesquelles la Dame de la Meslée leur aurait donné une pinte de vin. --- Benjamin Anseau affirme que tout l'hiver il a vu plusieurs fois des Sauvages et Sauvagesses ivres dans le village du Cap ... (les Sauvages) par plusieurs fois lui ont dit en venir traiter en sa maison. --- Pierre Coustaut a souvent vu des Sauvages ivres  et presque toujours le bruit courait qu'ils s'étaient enivrés soit au logis de Madame de la Meslée, soit chez Madame Duplessis (sa fille). --- François Frigon a vu Madame Duplessis servir du vin ou de l'eau-de-vie à un Sauvage nommé Rakoué et à sa femme qu'elle avait enfermés dans un cabinet qui tient à sa maison.


Pierre Boucher (1622-1717)
Malgré ces témoignages, il n'y a pas eu d'accusations portées contre Jeanne Évard et son groupe, sans doute parce qu'elle était la belle-mère du gouverneur, mais aussi parce que le juge royal Michel Leneuf du Hérisson avait lui-même parmi ses proches des trafiquants notoires. Dégouté par le comportement de sa belle-famille, Pierre Boucher, un homme foncièrement honnête, a démissionné du poste de gouverneur quelques mois après l'enquête pour aller finir ses jours dans sa seigneurie de Boucherville près de Montréal. Il disait chercher « un lieu dans ce pays où les gens de bien puissent vivre en repos ».

Jeanne Évard n'était pas la seule "dame" de la société trifluvienne a être impliquée dans le trafic de l'eau-de-vie. Une autre enquête avait eu lieu deux ans plus tôt, soit en 1665, qui avait incriminé Marguerite Le Gardeur, une dame de la noblesse, épouse de l'ancien gouverneur de Trois-Rivières Jacques Leneuf de la Potherie et belle-soeur du juge royal Michel Leneuf du Hérisson. Aucune accusation n'avait été portée contre elle non plus. On l'avait même dispensée de témoigner à l'enquête. Quand le mauvais exemple vient de haut ...

Dans ce contexte, il était pratiquement impossible de faire respecter l'interdiction. En 1668, le Conseil souverain permet à nouveau la traite de l'eau-de-vie pour favoriser le commerce des fourrures. Il interdit toutefois aux Amérindiens de s'enivrer! 

Sources :
- Douville, Raymond; Visages du vieux Trois-Rivières, tome 1, Les Éditions La Liberté, pages 9-31.
- Saintonge, Jacques; Christophe Crevier dit Lameslée, dans Nos Ancêtres, vol 7, Sainte-Anne-de-Beaupré, 1986.
- Trudel, Marcel; La seigneurie de la Compagnie des Indes Occidentales 1663-1674.
Voir aussi l'article sur Pierre Boucher dans le Dictionnaire biographique du Canada.


dimanche 12 décembre 2010

Mes meilleurs disques de Noël

Marie-Michel Desrosiers chante les classiques de Noël avec l'Orchestre Symphonique Tchèque dirigé par Jacques Lacombe, réalisé par André Gagnon, Audiogram ADCD10100, 1996.  La belle voix de Marie-Michelle Desrosiers, autrefois chanteuse du groupe Beau Dommage, convient parfaitement au répertoire de Noël. Onze classiques plus une berceuse allemande intitulée Wiengenlied. À ne pas confondre avec un autre disque de Noël de Marie-Michelle Desrosiers enregistré avec le Choeur de l'Armée rouge qui est moins réussi. Je crois que le travail d'André Gagnon à la réalisation y est pour beaucoup dans la beauté de cet album de Noël.

Sarah McLachlan Wintersong, produit et réalisé par Pierre Marchand, Tyde Music 0 6700 30621 2 1, 2006. Happy Christmas (War is over) de John Lennon, River  de Joni Mitchell, What Child is this?  (une variation de Greensleeves), Song for a Winter Night de Gordon Lighfoot et plusieurs airs traditionnels qu'elle a arrangés à la façon McLachlan avec le vibrato dans sa voix qui donne à l'enregistrement une couleur folk celtique. Elle a déjà vendu plus d'un million d'exemplaires de cet album. Pierre Marchand, de Montréal, a produit tous les albums de Sarah McLachlan depuis 1991.


Rossmarin Oyez! La Nouvelle, réalisation de Claude Gagnon, et Rossmarin, ATMA ATM 2 9718.  Un disque moins connu que les précédents. Deux  membres de l'ensemble Anonymus, Guy Ross (luth et chant) et Alfred Marin (viole de gambe et chant), interprètent des chansons profanes et des cantiques religieux de la Renaissance française (seizième et dix-septième siècles), dont Noël Nouvelet. La plupart des pièces sont anonymes. Pour ajouter un peu de variété dans le  répertoire des Fêtes : Je me suis levé par un matinet, Une vierge pucelle, Promptement levez-vous mon voisin,  Le triste état de cette pauvre étable, etc.

André Gagnon, Noël avec l'Orchestre Philarmonique de Prague dirigé par Mario Klemens, arrangements et orchestration d'André Gagnon, Les disques Star STR-CD-8038. Disque platine enregistré à Prague en 1992. Félix du meilleur album instrumental en 1993. Un de ses meilleurs disques. André Gagnon interprète au piano des classiques et quelques airs moins connus : Bel astre, La ronde des bergers, La Vierge à la crèche. Arrangements originaux. Une musique douce au tempo lent qui crée une ambiance nostalgique.

Nat King Cole, The chrismas song, Capitol Records 09463-31227-2-7. La magnifique voix et le piano de Nat King Cole (1919-1965). La plupart des enregistrements de cet album datent des années 1960. Son titre original était The Magic of Christmas. La chanson Christmas song de Mel Tormé (chestnuts roasting on an open fire) est présentée en trois versions : celle de 1961, un duo virtuel avec sa fille Nathalie Cole enregistré en 1998, de même qu'une version plus ancienne du Nat King Cole Trio en 1946.
Thomas Hampson, International Christmas Carols avec The Saint Paul Chamber Orchestra dirigé par Hugh Wolff, Teldec 9031-73135-2. La voix de baryton de Thomas Hampson convient particulièrement aux interprétations de chants traditionnels allemands qui constituent près de la moitié des pièces de ce disque. Il nous rappelle que le Noël profane était au départ une tradition germanique. Aussi quelques cantiques religieux en latin et des pièces du répertoire américain. Malheureusement, le Minuit Chrétiens ! , un cantique du répertoire français, est chanté en anglais : O Holy Night !

Barbara Hendricks, chante Noël avec le Choeur de chambre Eric Ericson, un choeur d'enfants et l'Orchestre de chambre de Stckolm, EMI Classics 7243 5 55387 2 7. La soprano d'origine américaine, qui vit en Suisse, a enregistré en 1995 ce disque de Noêl international et polyglotte. Trentre-trois pièces interprétées en français (6), en allemand, en espagnol, en anglais, en italien, en flamand, en tchèque et en danois, notamment. Seize de ces chants sont fusionnés dans quatre "International Medleys". À signaler : le gospel Sweet Little Jesus Boy a capella. Des airs très connus, mais aussi d'autres que j'ai entendus pour la première fois sur ce disque. Barbara Hendricks chante très bien en français en roulant joliment ses "r". Belle interprétation (bilingue) du Minuit Chrétiens ! accompagnée à l'orgue. La présence des choeurs ajoute beaucoup à l'ensemble.



Mise à jour le 16 décembre 2014.

mercredi 8 décembre 2010

Tempérance et réveil religieux

Jean-Patrice Arès a publié en 1990 une thèse intitulée : "Les campagnes de tempérance de Charles Chiniquy : un des principaux moteurs du réveil religieux montréalais en 1840". On peut la trouver sur le web à cette adresse. Je ne vais pas résumer sa thèse, qui est très intéressante à lire, mais simplement faire quelques commentaires sur le mouvement de tempérance et sur l'abbé Charles Chiniquy.

Le mouvement de tempérance catholique au Québec a débuté en 1840, suivant celui des Églises protestantes du Bas-Canada qui s'est amorcé douze ans plus tôt. Selon Arès, les protestants ont orienté leur réforme "vers un discours moraliste visant l'efficacité dans le travail et la prospérité économique, les Sociétés catholiques se distingueront par un propos spécifiquement religieux, dirigé vers le renouveau national." On reconnaît bien les deux solitudes : l'économie d'un côté et la question nationale de l'autre.

Arès mentionne qu'avant ce mouvement, pendant les années 1820 et 1830, on assistait à un certain détachement dans le Bas-Canada pour les valeurs religieuses. La pratique religieuse était à son plus bas et le recrutement du clergé était difficile.

Le mouvement  de tempérance a donc permis au clergé catholique non seulement de lutter contre l'alcoolisme mais aussi d'étendre son emprise sur la société canadienne française. Rappelons que ce mouvement au Québec commence juste après l'échec de la révolte des Patriotes, échec qui avait discrédité les leaders laïcs. Le clergé a donc pu occuper l'espace laissé libre en faisant la promotion d'une idéologie de survivance nationale et religieuse.

Par ailleurs, le texte d'Arès présente une image plutôt positive de l'abbé Chiniquy (1809-1899) qui a été le principal apôtre du mouvement de tempérance au Québec avant d'être excommunié par l'Église catholique pour désobéissance, entre autres motifs. Chiniquy était un prédicateur de très grand talent mais les auteurs francophones sont généralement plutôt critiques à son égard à cause de sa personnalité et de son comportement. On sait que les autorités religieuses l'ont muté à plusieurs reprises d'une paroisse à l'autre pour couvrir des agressions sexuelles et ne l'ont finalement dénoncé qu'après son excommunication dans le but de le discéditer. Voir à ce sujet L'alcool à Yamachiche en 1851 sur ce blog.

lundi 6 décembre 2010

Un Canadien errant

Antoine Gérin-Lajoie
Antoine Gérin-Lajoie (1824-1882), avocat, poète et romancier, est né à Yamachiche, fils d'Antoine et de Marie-Amable Gélinas. Il avait dix-huit ans quand il a écrit les paroles d'Un Canadien errant sur l'air d'une vieille chanson folklorique intitulée J'ai fait une maîtresse. Il était alors étudiant en rhétorique et pensionnaire au Séminaire de Nicolet. Selon la légende, il aurait écrit ces paroles après avoir vu passer sur le Saint-Laurent un bateau qui amenait les Patriotes en exil. En réalité, il répondait  simplement à la demande d'un autre étudiant.

Il  était le frère aîné d'Elzéar Gérin (1843-1886) qui a écrit "Le St-Maurice : notes de voyage" ( voir Aux Grandes-Piles en voiture sur ce blog). Il était aussi l'arrière-grand-père de Paul Gérin-Lajoie, (1920- ) ministre de l'Éducation dans le cabinet de Jean Lesage et un des principaux artisans de la Révolution tranquille. Il y aurait beaucoup à dire sur Antoine Gérin-Lajoie et sur sa famille. J'y reviendrai dans une autre article. Voici les paroles de sa chanson Un Canadien errant :


Un Canadien errant,
Banni des ses foyers,
Parcourait en pleurant
Des pays etrangers.
Parcourait en pleurant
Des pays etrangers.

Un jour, triste et pensif,
Assis au bord des flots,
Au courant fugitif
Il adressa ces mots:
Au courant fugitif
Il adressa ces mots:

"Si tu vois mon pays,
Mon pays malheureux,
Va dire a mes amis
Que je me souviens d'eux.
Va, dis à mes amis
Que je me souviens d'eux.

O jours si pleins d'appas,
Vous êtes disparus...
Et ma patrie, helas!
Je ne la verrai plus!
Et ma patrie, helas!
Je ne la verrai plus!"

Ajout du 2 février 2011 : Leonard Cohen l'a interprétée avec des arrangements mexicains! Voici cette version pour le moins bizarre (ici) et une interprétation plus classique par Nana Mouskouri (ici).

samedi 4 décembre 2010

Jeunes filles au coton

L'usine de la Shawinigan Cotton Co, une filature de coton devenue plus tard la Wabasso, a été construite en 1910 sur la rue de la Station juste en face de la vieille gare du Canadien Pacifique (voir La vieille gare du CP sur ce blog).  Des exemptions de taxe foncière avaient été accordées à l'entreprise pour la construction de cette usine que les habitants de Shawinigan  appelaient "le coton".

Notez l'évolution : les mêmes industries qui avaient attiré les Canadiens français en Nouvelle-Angleterre cinquante ans  plus tôt venaient maintenant s'installer de ce côté-ci de la frontière pour profiter des salaires moins élevés. C'était le début de la mondialisation, en quelque sorte. Plus tard, dans les années 1960-1970, on qualifiera ces industries de "secteurs mous" de l'économie québécoise alors que la production se déplaçait en Asie.

La Shawinigan Cotton Co employait une main-d'oeuvre féminine qui provenait des paroisses environnantes, ce qui soulevait des considérations d'ordre moral : comment surveiller ces jeunes filles de la campagne qui se retrouvaient seules en ville ? Dans Shawinigan depuis 75 ans, Fabien Larochelle nous raconte l'inquiétude du clergé et la solution qui a été trouvée pour encadrer les jeunes filles employées au coton :

"L'abbé F. Boulay, curé de Saint-Pierre, voulait assurer une protection aux jeunes filles sans surveillance et toujours trop éloignées de leurs familles qui étaient venues à Shawinigan pour s'y trouver un emploi, plus particulièrement à la filature de la Compagnie de coton. Un foyer de protection pour la jeune fille était la formule toute désignée pour réaliser ses objectifs. Il acheta l'ancienne résidence de M. Beaudry Leman située sur la rue Hemlock, en face du presbytère, et il demanda à la Communauté des Soeurs Dominicaines de venir prendre la direction de la jeune institution. Avec l'autorisation de l'évêque de Trois-Rivières, Mgr Cloutier, quatre religieuses arrivaient à Shawinigan le 21 septembre 1912.
Les débuts s'avérèrent difficiles et la maison fut bien souvent dans un état voisin de la misère. La résidence n'était pas confortable et, en hiver, on y gelait comme dans une glacière. Il en résulta que les jeunes filles, l'une après l'autre, délaissèrent le "Foyer" pour se loger plus confortablement ailleurs."
L'établissement de la rue Hemlock a ensuite été transformé en "jardin de l'enfance", une école primaire  pour garçons. Raymond Lavergne, un cousin de ma mère, y a été pensionnaire de 1945 à 1949.  Bien que la maison soit devenue une école, on continuait à l'appeler le Foyer comme à l'époque où elle recevait des jeunes filles.  Madeleine Robitaille (1928-1950), fille de Roméo et de Blanche Lavergne, a été à l'emploi des Domincaines au Foyer vers la fin des années quarante.

La carte postale représentant la Shawinigan Cotton Co a été postée en 1911, un an après sa construction. On aperçoit la rue Hemlock où se situait le "foyer de protection" sur la colline Saint-Pierre à l'arrière de l'usine.

Voir aussi sur ce blog : Où est l'église ?

(mise à jour le 15 août 2011)

vendredi 3 décembre 2010

Honoré Beaugrand libre-penseur

Honoré Beaugrand (1848-1906) était un personnage hors-norme. Grand voyageur, il a été soldat dans les troupes de l'empereur Maximilien au Mexique, fondateur de journaux aux États-Unis et au Canada dont La Patrie, maire de Montréal, récipiendaire de la Légion d'honneur, conteur et romancier. C'était un franc-maçon, anti-clérical et républicain, un libre-penseur à une époque où le discours patriotique et religieux dominait complètement la société canadienne française. Il a même poussé l'audace jusqu'à épouser une Américaine de confession méthodiste.

On peut le découvrir sur les sites suivants :

- Sur Patrimoine, Histoire et multimédia, Vicky Lapointe présente un article intitulé Honoré Beaugrand, maître de la chasse-galerie .
- Sur Laurentiana, Jean-Louis Lessard analyse son roman Jeanne la fileuse.
- Son conte le plus connu La Chasse-Galerie est sur sur Feeclochette.
- Le Dictionnaire biographique du Canada lui a consacré un article.

jeudi 2 décembre 2010

Une carte postale chauvine

Les cartes postales illustrées produites par la société française Bergeret, et distribuées au Canada par le photographe Pinsonneault de Trois-Rivières, comportaient souvent des textes écrits en rouge qui nous  révèlent la mentalité de l'époque. Ces textes offraient parfois des leçons de vie (voir Commandements de la jeune épousée sur ce blog). Mais il y avait aussi des messages d'un genre différent qui affirmaient la supériorité des Français sur les autres peuples européens, sur les Allemands et les Anglais en particulier.  Ces messages souvent un peu bêtes flattaient l'orgueil de l'acheteur de la carte. Les gens aiment bien se sentir supérieurs.



La carte ci-dessus, qui a été postée en 1905, appartient à cette catégorie. Elle nous apprend que les Français écoutent la musique alors que les Allemands l'entendent (seulement) et que les Anglais y assistent. On est plus indulgent envers les Italiens qui vivent la musique. Est-ce à dire que Bach, Beethoven, Mozart et tous les autres grands compositeurs et interprètes allemands n'écoutaient pas la musique ?


mercredi 1 décembre 2010

En attendant le train

En 1879, la construction du chemin de fer Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental (acquis plus tard par le Canadien Pacifique) avait donné à Trois-Rivières un accès rapide à la capitale et à la métropole sur la rive Nord du Saint-Laurent. On commença,  la même année, la construction d'un nouveau tronçon pour relier Trois-Rivières aux Grandes-Piles, le pied de la navigation sur le Haut-Saint-Maurice.

Le Chemin de fer des Piles devait longer la rivière pour contourner les trois chutes qui faisaient obstacle à la navigation à La Gabelle, à Shawinigan et à Grand-Mère. Deux tracés étaient alors possibles en partant de Trois-Rivières : soit sur la rive Nord du Saint-Maurice  par les paroisses de Saint-Maurice, de Saint-Narcisse et le Lac-à-la Tortue, soit sur la rive Sud par les paroisses de Saint-Étienne-des-Grès, de Saint-Boniface et de Sainte-Flore. L'enjeu était majeur pour les villages situés des deux côtés de la rivière.

À Saint-Étienne-des-Grès, comme ailleurs sur la rive Sud du Sain-Maurice, la déception avait été grande  quand le tracé de la rive Nord avait été retenu.  Mais dix ans plus tard, une nouvelle occasion s'est présentée avec le projet de prolongement du Chemin de fer des Basses Laurentides (acquis plus tard par le Canadien National) des Piles jusqu'à Trois-Rivières sur la rive Sud de la rivière. Pour ne pas "manquer le train" une fois de plus, les habitants de Saint-Étienne-des-Grès ont pris l'initiative d'accorder gratuitement un droit de passage sur leurs propriétés. Ces droits ont été consignés par le notaire Uldéric Brunelle. En voici une exemple :

Le 11 avril 1890, le forgeron Félix St-Onge, mon arrière-grand-père, cédait à la Corporation de la paroisse de St-Étienne-des-Grès un droit de passage sur sa propriété (lot 196 du cadastre). Ce droit de passage, d'une lisière de 75 pieds de largeur,  devait servir uniquement "pour le chemin de fer des Basses-Laurentides, partant de la cité des Trois-Rivières et traversant les paroisses de St-Étienne, St-Boniface et Ste-Flore". Le greffe du notaire Brunelle contient une série d'actes de même nature signés par les habitants de la paroisse.

Le préambule de ce contrat montre bien l'intérêt que portaient les citoyens au projet de chemin de fer : "considérant les bénéfices considérables que retireraient les paroissiens et habitants de St-Étienne-des-Grès par suite de la construction d'un chemin de fer qui passerait sur le territoire de la dite paroisse, et voulant les favoriser et fournir à la Corporation de la dite paroisse les moyens d'obtenir et assurer la construction d'un chemin de fer ... "

Le prolongement souhaité du Chemin de fer des Basses Laurentides ne s'est pas réalisé. Il a fallu attendre en 1906, avec la construction du Chemin de fer de la Vallée du St-Maurice (acquis plus tard par le Canadien Pacifique), entre Shawinigan et Trois-Rivières, pour que le train arrive enfin à Saint-Étienne-des-Grès. La nouvelle voie traversait le Saint-Maurice par un pont construit sur le rocher des Grès.  J'ai lu sur le site internet de la municipalité qu'un centre de ski avec remonte-pente avait alors été aménagé aux Grès pour attirer les skieurs de Trois-Rivières qui arrivaient par le train.

Le transport des passagers sur cette ligne a été abandonné au printemps de 1960, faute de clientèle. L'autobus était alors plus rapide que le train.

Voir sur ce blog La vieille gare du CP

Sources :
- Greffe du notaire Uldéric Brunelle.
- Larochelle, Fabien. Shawinigan depuis 75 ans. Shawinigan, 1975, p 467-478.
- Verrette, René. Entre le rêve et la réalité : l'implantation du réseau ferroviaire mauricien. Cap-aux-Diamants, no 54, 1998, p 18-23.


jeudi 25 novembre 2010

Aux Grandes-Piles en voiture

Elzéar Gérin (1843-1886), frère de l'auteur Antoine Gérin-Lajoie, est né à Yamachiche. Il a été avocat, journaliste, député conservateur du comté de St-Maurice à la Législature de Québec et conseiller législatif à Ottawa. C'était un apôtre du progrès économique, reconnu pour ses discours en faveur de l'industrie forestière et pour la construction de chemins de fer.

Gérin a publié en janvier 1872, dans la Revue Canadienne, un article intitulé "Le St-Maurice : notes de voyage". Son récit nous donne un portrait de la vallée du Saint-Maurice vingt ans après l'ouverture de cette région à la colonisation.  Le voyage commence le 1er août 1871. Un premier segment s'effectue en voiture de Trois-Rivières jusqu'aux Grandes-Piles et un second, sur une barge des Piles jusqu'à La Tuque. Voici quelques extraits du premier segment de son voyage :
(...) St-Étienne! joli village, avec haute-ville et basse-ville, belle église en pierre toute flambant neuve. Un peu plus haut que le village on voit à droite la route qui conduit aux Grès. Là encore, il y a un poste considérable de travailleurs. Le moulin est bâti sur un des plus beaux pouvoirs d'eau qu'on puisse désirer. (...) Les terres ne sont pas bien bonnes à St-Étienne. le sable est généralement sec et peu fertile. À Shawinigan, le sable est plus frais et la moisson est meilleure. Il y a un joli village à St-Boniface aussi. L'église est construite sur le versant méridional d'une chaîne des Laurentides.

Plus haut que Shawinigan il y a encore une paroisse qui sera fondée dans un an. La place de l'église est marquée et le clocher de St-Mathieu s'élèvera bientôt au sein de la forêt. Au-dessus de St-Paulin, surgit en même temps la paroisse de St-Alexis. Quelques jeunes gens de Montréal ont pris des terres entre St-Mathieu et St-Alexis, sur le bord du lac des Souris, et ils s'accordent à dire que la terre est excellente pour la colonisation. Dans le lac ils prennent du poisson autant qu'ils veulent. Voilà jusqu'où la colonisation a pénétré. Et dire qu'il y a vingt ans, il fallait un guide pour aller de Trois-Rivières à Shawinigan. Qui peut prévoir les développements que prendra le territoire du St-Maurice dans les vingt ans à venir ?

Ste-Flore vient à peine de naître et déjà c'est une belle paroisse.  Presque toute la paroisse est formée d'une vallée qui se trouve entre deux chaînes des Laurentides. Le sol est excellent. Il y a des côtes cependant, qui sont rudes à traverser, mais n'importe, nous sommes aux Grandes-Piles avant six heures du soir.

(...) Les Piles! Saluons les Piles, c'est le siège d'une ville future et d'une ville qui deviendra grande. Que le chemin de fer des Piles passe d'un côté du St-Maurice ou de l'autre, cette place n'en restera pas moins le pied de la navigation.

Source : Pierre Dupin, Anciens chantiers du Saint-Maurice, Éditions du Bien Public, Trois-Rivières, 1953
Quand Gérin parle de Shawinigan, c'est du canton qu'il s'agit puisque la ville n'a été fondée que trente ans après son voyage. Il ne mentionne pas la chute qui était une attraction touristique à l'époque. Si je comprend bien son itinéraire, la voiture a emprunté l'ancienne route de Saint-Mathieu qui traversait les montagnes au bout du quatrième rang de Saint-Boniface pour atteindre ensuite le village de Sainte-Flore.

Le Rapide Blanc (chanson)

Oscar Thiffault (1912-1998) a écrit la chanson Le Rapide Blanc en 1935 alors qu'il travaillait à la construction du barrage du même nom sur la rivière Saint-Maurice. Il l'a enregistrée en 1954. On pourrait qualifier Le Rapide Blanc de chanson de chantiers au même titre que Des mitaines pas de pouces en hiver (ici). Cette chanson traite, à mots couverts, d'un sujet tabou : la sexualité. Remarquez l'usage du verbe fortiller, une fusion de frétiller et tortiller, qui signifiait se trémousser ou remuer en parlant de la queue d'un chien.

La chanson a été reprise par plusieurs interprètes, parfois en supprimant le fameux "la wingnan-en-en" qui pourrait venir d'une langue amérindienne. Denise Filiatrault en a fait une version yéyé en 1962. Le groupe Beau Dommage l'a enregistrée en spectacle au Forum de Montréal en 1984. Voici les paroles :

LE RAPIDE BLANC

Le bonhomme est à la porte
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui demande
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait
Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais bien entrer

Ah ben ! a dit : Entre donc ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui entrent, qui entrent
Y a des hommes de rien qui entrent et qui n'font rien-en.

Après qu'il fut entré
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui a d'mandé
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait
Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais ben m'chauffer

Ah ben ! a dit : Chauffe-toi donc ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui s'chauffent, qui s'chauffent,
Y a des hommes de rien qui s'chauffent et qui n'font rien-en.

Après qu'il se fut chauffé
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui a d'mandé
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait
Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais ben manger

Ah ben ! a dit : Mange-donc ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui mangent, qui mangent
Y a des hommes de rien qui mangent et qui n'font rien-en.

Après qu'il eut mangé
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui a d'mandé
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait
Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais ben m'coucher

Ah ben ! a dit : Couche-toi donc ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui s'couchent, qui s'couchent,
Y a des hommes de rien qui s'couchent et qui n'font rien-en.

Après qu'il fut couché
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui a d'mandé
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait
Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais ben vous embrasser

Ah ben ! a dit : Embrasse-moi donc ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui m'embrassent, qui m'embrassent,
Y a des hommes de rien qui m'embrassent et qui n'font rien-en.

Après qu'il l'eut embrassée
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui a d'mandé
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait

Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais ben fortiller
Ah ben ! a dit : Fortille-donc ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui fortillent, qui fortillent,
Y a des hommes de rien qui fortillent et qui n'font rien-en.

Après qu'il eut fortillé
La wingnan-en-en (bis)
La bonne femme lui a d'mandé
Ce qu'il voulait-ait
Ce qu'il souhaitait-ait

Ah ! Je voudrais madame
J'voudrais ben m'en aller
Ah ben ! a dit : Sacre ton camp ben hardiment
Mon mari est au Rapide Blanc
Y a des hommes de rien qui s'en vont, qui s'en vont,
Y a des hommes de rien qui s'en vont et qui n'font rien-en.


jeudi 18 novembre 2010

Le destin de Jean Cloutier

"La tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin." (André Malraux, La condition humaine)

Jean Cloutier, maire de Saint-Prosper dans le comté de Champlain, est mort de façon tragique et tout à fait improbable. Le premier jour du mois de mai 1877, un glissement de terrain a soulevé une énorme vague sur la Rivière-à-Veillet qui l'a emporté alors qu'il discutait sur la chaussée du moulin  Massicotte (voir sur ce blog Un affreux malheur).


F-X Cloutier (1848-1934)
 Son destin aura été d'engendrer le plus grand nombre de membres du clergé qu'on ait vus dans une même famille. Avec sa deuxième femme Olive Rivard-Lacoursière, il a eu quinze enfants dont quatorze ont atteint l'âge adulte. Onze de leurs enfants sont entrés en religion, soit trois prêtres et huit religieuses. Un des prêtres, François-Xavier Cloutier, a été nommé Évêque de Trois-Rivières, tandis qu'une des religieuses, Georgiana Cloutier, a été la supérieure provinciale de la Congrégation de Notre-Dame.

Voici ce que j'ai trouvé sur les enfants de cette famille :
  1. Ferdinand (Jean) né le 14 septembre 1847, baptisé à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il est décédé le 21 juillet 1855 à l'âge de 8 ans.
  2. François-Xavier né le 2 novembre 1848, baptisé à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il a été nommé Évêque de Trois-Rivières en 1899. Il est décédé le 18 septembre 1934, à 85 ans et 10 mois selon l'acte de sépulture.
  3. Théophile en 1849. Il a épousé Aurélie Jacob, fille de François-Xavier et de Clarina Rivard le 25 juillet 1871 à Saint-Prosper. Il est décédé le 1er février 1933, à l'âge de 86 ans selon l'acte de sépulture. Je n'ai pas retrouvé son acte de baptême.
  4. Malvina (Elvina) née et baptisée le 27 mai 1850 à Saint-Prosper. Soeur du Sacré-Coeur de la Congrégation de Notre-Dame. Elle est décédée le 11 mars 1933.
  5. Ernest né et baptisé le 5 mars 1852 à Saint-Prosper. Il s'est marié deux fois : avec Clara Frigon, fille de Hilaire et de Marie-Ange Grant, le 11 novembre 1873, puis avec Alphonsine Périgny, fille de François et d'Esther Leduc, le 3 février 1885. Il est décédé le 16 octobre 1924 à l'âge de 72 ans et a été inhumé à Saint-Tite de Champlain.
  6. Prosper né et baptisé le 27 juin 1853 à Saint-Prosper. Il a été curé de Saint-Étienne-des-Grès, de Saint-Narcisse et de Champlain. Il est décédé le 18 octobre 1938 à Trois-Rivières.
  7. Eugénie née le 19 et baptisée le 22 mars 1855 à Saint-Prosper. Soeur Saint-Jean-de-Dieu de la Congrégation de Notre-Dame. Elle est décédée le 13 décembre 1906.
  8. Sara née et baptisée le19 juin 1856 à Saint-Prosper. Soeur Sainte-Jeanne-de-Valois de la Congrégation de Notre-Dame. Elle est décédée le 3 mars 1932 à Montréal.
  9. Jean (Jean-Baptiste) né le 30 et baptisé le 31 janvier 1858 à Saint-Prosper.  Il s'est marié deux fois : avec Sarah Lefebvre, fille de Pierre-Louis et de Henriette Massicotte, le 8 janvier 1884, puis avec Olive Jacob, fille de Laurent et de Judith Rivard, le 10 mars 1898.
  10. Aurélie née et baptisée le 4 février 1860 à Saint-Prosper. Soeur Sainte-Émerence de la Gongrégation de Notre-Dame. Elle est décédée de tuberculose le 24 décembre 1902.
  11. Georgina née le 22 et baptisée le 23 octobre 1861 à Saint-Prosper. Mère Félicité qui fut supérieure provinciale de la communauté des Soeurs de la Providence. Elle est décédée le 15 janvier 1941 à Montréal à l'Institution des Sourdes-Muettes.
  12. Joseph né le 15 et baptisé le 16 octobre 1863 à Saint-Prosper. Il a été vicaire à Saint-Barnabé. Il est décédé le 6 avril 1909.
  13. Amanda née le 8 et baptisée le 9 avril 1865 à Saint-Prosper. Soeur Félicienne de la communauté des Soeurs de la Providence. Elle est décédée en février 1942.
  14. Emma née et baptisée le 26 décembre 1866 à Saint-Prosper. Soeur Sainte-Claire de la Croix chez les Adoratrices du Précieux-Sang. Elle est décédé à Trois-Rivières le 20 mai 1927, à l'âge de 60 ans et 4 mois selon l'acte de sépulture.
  15. Annie née le 22 et baptisée le 23 mai 1869 à Saint-Prosper. Soeur du Saint-Coeur de Marie de la Congrégation de Notre-Dame.

Voir aussi le Fonds de la famille de Jean Cloutier aux Archives du Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, de même que le Fonds Émile Cloutier et le Fonds François-Xavier Cloutier qui sont conservés au même endroit.

mercredi 10 novembre 2010

Le Florence Griswold Museum

La maison  Griswold
Florence Griswold est née le 25 décembre 1850 à Old Lyme dans le Connecticut, un important centre de construction navale. Elle était la fille du capitaine de vaisseau Robert Harper Griswold.
La famille habitait une très grande maison de style georgien sur la rue principale d'Old Lyme. À la mort de ses parents, Florence Griswold hérita de cette propriété. Comme elle n'avait pas les ressources financières pour l'entretenir, elle dut se résoudre à prendre des pensionnaires.

En 1899, Henry Ward Ranger, un peintre paysagiste, frappa à sa porte. Il cherchait une maison dans la région pour établir une école de peinture et la maison Griswold convenait parfaitement pour son projet. D'autres artistes se sont joint à lui pour former la Lyme Art Colony dont Florence Griswold est devenue l'animatrice. Avec l'arrivée de Childe Hassam en 1903, la maison Griswold a été le centre du mouvement impressioniste aux États-Unis. Elle a été fréquentée notamment par Willard Metcalf, Mathilda Browne et William Chadwick. Les peintres y séjournaient durant l'été et donnaient parfois des toiles pour payer leur pension.

Florence Griswold est décédée en 1937. Sa maison a été  transformée en musée, le Florence Griswold Museum. On peut y voir des oeuvres des pensionnaires du Lyme Art Colony dont certaines sont peintes sur les portes des pièces de la maison. On y trouve aussi une grande fresque sur un mur de la cuisine qui représente les artistes eux-mêmes.

mardi 9 novembre 2010

Commandements de la jeune épousée

Cette carte postale, produite par les Éditions Bergeret, a été postée à Sorel le 31 janvier 1906. Antoine Bergeret (1859-1932) a introduit la carte postale illustrée en France après un voyage en Allemagne au cours duquel il avait découvert ce nouveau mode de communication. La production a débuté en 1898.  Ses ateliers de Nancy auraient imprimé jusqu'à 300000 cartes par jour. Le photographe Pinsonneault de Trois-Rivières a été son agent général au Canada.

Les textes imprimés en rouge sur les cartes de Bergeret sont souvent des leçons de vie dans lesquelles les gens se reconnaissaient, et qui nous font découvrir la mentalité de l'époque. Les Commandements de la jeune épousée (que l'on peut lire en cliquant sur la photo) sont particulièrement révélateurs à cet égard. Le monde a changé !

lundi 8 novembre 2010

On n'a pas attendu le corps

Georges Lampron (1889-1959)
Marie Caron était l'épouse d'Olivier Lampron fils. Elle est décédée le 11 décembre 1921 quelque mois après l'incendie qui a détruit l'église de Saint-Boniface de Shawinigan. Il fallait donc amener le corps dans une chapelle temporaire pour les funérailles. Le cortège funèbre formé dans le quatrième rang est arrivé en retard au village alors que le service était déjà commencé. Pour donner une leçon de ponctualité à ses paroissiens, le curé Joseph-Euchariste Héroux avait décidé de célébrer les funérailles en l'absence du corps.  Georges Lampron lui en a voulu pour ce manque de respect envers sa mère.

Ce n'était pas la première fois qu'on n'attendait pas l'arrivée du corps pour chanter un service. Charles Bellemare, curé de Saint-Boniface de Shawinigan, écrivait à ce sujet le 24 février 1888 :
"Nous faisons la levée du corps sur le perron de l’église ou au plus sur le terrain en face de l’église. (Elles sont rares maintenant les paroisses qui ont conservé l’ancienne coutume d’aller à domicile, faire la levée du corps) et aussitôt le Miserere et le Subvenite chantés, nous commençons immédiatement la messe de requiem, suivie de l’absoute et de l’inhumation au cimetière qui presque partout, dans nos campagnes, environne l’église, et tout est fini, excepté le paiement qui parfois se laisse attendre assez longtemps.

… l’hiver, l’heure réglementaire est huit heures et en été sept heures et, généralement, les plus éloignés de l’église sont les plus exacts. On partira de la maison à 5 et 6 heures du matin, pour arriver à l’église à l’heure juste. Nos gens sont fiers de cette ponctualité. Bien entendu, s’il arrive quelquefois que pour une raison ou pour une autre, on retarde d’arriver à l’église, on attend pour commencer la cérémonie que le corps soit arrivé. Quelques curés ont chanté le service avant l’arrivée du corps quand il y avait un retard notable, mais les gens ont crié et l’autorité a parlé."
(Source : La Normandie et  le Québec vus du presbytère, 1987)
L'anecdote à propos des funérailles de Marie Caron a été racontée par M. Alide A. Desaulniers  (1910-1996) qui était le gendre de Georges Lampron.

samedi 6 novembre 2010

Moïsette Olier

Moïsette Olier était le pseudonyme de Corrine Beauchemin (1885-1972). Elle a épousé en 1929 le docteur Joseph Garceau qui a été le premier médecin de la ville de Shawinigan. Elle est l'auteure de trois romans : L'Homme à la physionomie macabre (1927), Mademoiselle Sérénité (1936), Étincelles (1936) et d'un long poème en prose intitulé Cha8inigane (1934). Elle a été  la première femme écrivain de l'histoire de la ville, du moins la première dont l'oeuvre a été publiée. Sa poésie et ses romans s'inscrivaient dans le contexte du mouvement régionaliste mauricien des années trente qui encourageait la publication d'oeuvres littéraires.

Le poème Cha8inigane est constitué de 14 tableaux dont le suivant qui décrit la ville la nuit. Pour ceux qui connaissent le secteur de la Pointe-à-Bernard, ce passage est particulièrement évocateur : "Deux bras clairs, arrondis en une attitude d'humaine étreinte, les deux bras du Saint-Maurice, entourent la cité et lui font une ceinture en anneaux d'argent". Voici le tableau :
Shawinigan : clair de lune de la Mauricie.

Paysage de lumière et de clochers, sous la balustrade bleue d'un horizon circulaire qu'ouvragent des montagnes.

C'est elle qui allume les lampes de son pays, du même geste secret dont la nuit allume les étoiles du firmament.

Jaillie d'une étincelle électrique, elle s'est épanouie brusquement, comme la radieuse gerbe d'un feu d'artifice.

Axe de l'énergie électrique.

Essor de collines... Le cortège allègre des maisons suit d'un coeur léger toutes les pentes.

On la découvre des hauteurs, et le soir, au fond de sa vallée de silence, elle rutile comme un ciel d'Orient prodigieusement éclairé.

Deux bras clairs, arrondis en une attitude d'humaine étreinte, les deux bras du Saint-Maurice, entourent la cité et lui font une ceinture en anneaux d'argent.

Age quod agis. Fais bien ce que tu fais.

Mot d'ordre qui coalise les gestes futurs en actes de fierté.

(Tiré de Fabien Larochelle, Shawinigan depuis 75 ans).

La Société d'histoire et de généalogie de Shawinigan lui a consacré un texte (ici) dont est tirée la photo présentée plus haut. Notez sur la photo de Corrine Beauchemin le grand collier de perles qui était en vogue dans "les années folles".

Voir aussi sur ce blog : Régionalisme et littérature.

mardi 2 novembre 2010

Des larmes au Paradis

Une religieuse de La Providence de Trois-Rivières supportait mal la vie en communauté. Sa famille lui manquait. Le  jour de Pâques 1935, elle écrivait à sa soeur qui était aussi religieuse mais dans un autre couvent: 
« Comment ais-je bien pu me décider à te quitter pour toujours? Ah! Il n’y a que l’amour du Bon Dieu qui puisse rendre possible un tel sacrifice? Et si j’allais être loin de toi au ciel, loin des chers miens, je crois que pour la première fois il y aurait des larmes au Paradis.»
D'où vient cette idée de "larmes au Paradis" ? On pense tout de suite à la chanson "Tears in Heaven" que le guitariste Eric Clapton a écrite à la mort de son fils. Il y a aussi un téléfilm allemand qui porte ce titre (Tränen im Paradies). Mais tout ce que j'ai pu trouver est beaucoup plus récent que la lettre de la religieuse.

lundi 1 novembre 2010

Les portageux

Dupin, Pierre, Anciens chantiers du Saint-Maurice, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, Collection L'histoire régionale no 13, 1953, 224 pages.

Dix-sept articles qui ont paru dans le journal Le Bien public en 1926 ont été rassemblés dans ce volume publié en 1935 et réédité en 1953. L'ouvrage est illustré de dessins de Gaston Boisvert. L'édition de 1953 présente en appendice d'autres documents traitant du même sujet dont un récit intitulé Notes de voyage d'un avocat trifluvien qui décrit l'itinéraire d'un voyage sur le Saint-Maurice des Grandes Piles jusqu'à La Tuque.

Pierre Dupin était le pseudonyme de Télesphore Giroux, professeur au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières. Il tenait sa connaissance des chantiers de récits que lui avait faits d'anciens travailleurs forestiers. Il nous parle des chantiers tels qu'il existaient entre 1870 et 1890, soit à l'époque où l'on abattait les grandes forêts de pin blanc de la vallée du Saint-Maurice.

On trouve une description du travail des canotiers portageux dans le chapitre intitulé Bourgeois et Portageux qui traite du transport des marchandises en canots d'écorce et des portages qu'il fallait faire à dos d'homme pour franchir les rapides et les chutes. L'auteur y décrit des portages que l'on faisait encore vers 1850-1860, soit avant la construction  de la route qui a relié Shawinigan aux Grandes Piles, la porte d'entrée des chantiers  de la Mauricie. La description du travail des portageux commence à la page 38  :
Aussi, cette nécessité de transporter les marchandises à dos d'homme avait-elle créé une spécialité parmi les canotiers des rivières du Nord : c'était celle de portageux. Pas de place pour les gringalets parmi ces hommes choisis, robustes, habiles à manier la perche et les canots et capables de porter de lourds fardeaux; il fallait des gars bien musclés et d'une endurance peu commune. 

Les canots d'écorce eux-mêmes, appelés rabaska, n'étaient pas les joujoux qu'on emploie dans le monde des sports; c'étaient de grandes embarcations, capables de contenir de quinze à vingt barils de farine avec cinq ou six hommes en plus pour les diriger. Les canots suivaient le bord de la rivière. les hommes armés de longues perches ferrées à un bout, poussaient le canot tout en le maintenant à une distance respectueuse de la rive, pour l'empêcher de crever sur les roches son fond mince et fragile. Il fallait connaître le lit de la rivière, les passes dangereuses et tenir compte des eaux basses. Quand l'embarcation s'arrêtait au pied d'un portage, les canotiers déposaient les perches pour prendre le collier.
Peut-être n'avez-vous jamais vu le collier d'un portageux? Imaginez cet attelage bien connu, qu'on appelle bricolle, formé d'une large bande de cuir appliquée sur le poitrail du cheval et qui se termine, de chaque côté, par des traits dont les extrémités se fixent au palonnier d'une voiture; vous avez là le collier du portageux, avec cette différence que la bande de cuir s'applique sur le front du porteur, tandis que les traits servent à ficeler le bagage porté sur le dos. Ce n'est pas sans raison qu'on l'appelle collier, car celui qui revêt ce harnachement fait un véritable travail de bête de somme.
 Chargé comme un mulet, tête nue ou à peu près, les muscles du visage tendus dans un effort violent, le pauvre forçat marche ployé presqu'en deux, écrasé par le fardeau de cent-cinquante à deux cents livres qui repose sur ses reins et tend à rejeter sa tête en arrière.
... les chemins de portage sont toujours des sentiers rudes, semés de pierres, barrés de racines d'arbres, toujours en montant, puisqu'il s'agit d'atteindre la tête du rapide ou de la chute qui interrompt la navigation. Aussi, quand les portages atteignent les proportions de ceux de Shawinigan et de la Tuque, on peut juger de la dépense de force musculaire fournie par ces rudes tâcherons.

Le fardeau s'alourdit avec la montée qui devient plus raide, la sueur perle sur le visage et la respiration s'accélère. Une racine traîtresse, tendue dans le chemin comme une embuscade, accroche le pied du marcheur qui relève la tête et le corps pour s'empêcher de tomber, dans ce mouvement sauveur, la charge est descendue plus bas entraînant la tête avec elle. Pour soulager les muscles du cou, soumis à une rude tension, les mains saisissent les traits du collier cherchant, mais sans succès, à reprendre la première position. Maintenant, gare aux distractions car la tête est rendue à son dernier cran!
Les gens des chantiers admiraient la force physique. Dupin rapporte les exploits de certains portageux, comme P'tit Louis Descôteaux qui ne prenait jamais moins de trois pièces (300 livres) pour sa charge et qui aurait déjà fait, en une nuit, dix montées successives sur le portage de la chute Shawinigan. Ce même Louis Descôteaux aurait monté une charge de six pièces sur le portage des Hêtres pour battre celle de cinq pièces transportée par Thomas Lahache, un Amérindien de Saint-François-du-lac qui travaillait avec lui. 

vendredi 29 octobre 2010

La perdrix au chou

Je n'ai pas l'intention de faire un blog de cuisine mais un étudiant en Gestion et pratiques socioculturelles de la gastronomie de l'UQUAM m'a demandé la recette de "Perdrix au chou" que l'on trouve dans Les recettes de Monsieur 50, un petit livre de cuisine traditionnelle qui est devenu presque introuvable. Je ne suis pas sûr que ce soit de la gastronomie, mais bon. On trouve sur le même scan "La tourtière" et "Le sang de mouton à la sauce blanche". Bon appétit !

Le cousin Gratien déclamait

Le dramaturge Gratien Gélinas (1909-1999) était apparenté aux Lampron de Saint-Boniface-de-Shawinigan par sa grand-mère paternelle Dina Lampron qui était la fille d'Olivier et d'Anasthasie Gélinas (voir L'arrivée d'Olivier Lampron à Saint-Boniface).

Dina Lampron a épousé Joseph "Jos" Gélinas le 21 avril 1879 à Saint-Boniface. Ils sont allés vivre dans la paroisse voisine de Sainte-Flore dans le secteur de Glenada (aujourd'hui Shawinigan-Nord). Jos Gélinas et sa femme aimaient recevoir la parenté dans le temps des Fêtes. Ils organisaient des veillées dans la tradition au cours desquelles chacun faisait son numéro. Béatrice Lampron (1904-1985) racontait que son  jeune cousin Gratien déclamait (du théâtre ?) comme d'autres jouaient d'un instrument ou interprétaient une chanson à répondre. C'était l'Ovide Plouffe du roman de Roger Lemelin.

mercredi 27 octobre 2010

Des courses folles dans nos rues !

 Un article paru le 14 mai 1914 dans le journal Le Bien Public sous le titre "Chose intolérable" :
« Il n’y a qu’aux Trois-Rivières où la vitesse des automobiles soit de 20 à 25 milles à l’heure dans nos principales rues. Vraiment l’on dirait que ceux qui sont chargés de faire observer nos règlements ne s’en occupent pas. Attendons qu’il se soit produit de graves accidents pour mettre un frein à ces courses folles dans nos rues. »

Tiré de : Bases de données en histoire régionale de la Mauricie du Centre interuniversitaire d'études québécoises.

mardi 26 octobre 2010

L'auberge Grand-Mère a été démolie

 L'Auberge Grand-Mère a été démolie pour faire place à des condos avec vue sur la rivière Sain-Maurice. Je reproduis un article qui est paru aujourd'hui sur le site de Canoe.ca sous le titre "L'auberge Grand-Mère tombe sous le pic des démolisseurs:
 
"Une pelle mécanique a entrepris, lundi, la démolition du dernier bâtiment qui avait été conservé après l’incendie de 2004 pour lequel son ancien propriétaire, Yvon Duhaime, avait été accusé puis acquitté.

Ce bâtiment, le plus vieux de l’ancienne ville de Grand-Mère, avait été cité monument historique en 2008 par le conseil municipal de Shawinigan, qui espérait qu’il soit restauré par les acheteurs. Mais, les travaux entrepris par Habitations Fortex s’avérèrent trop coûteux et furent abandonnés.

Laissé à l’abandon pendant deux ans, l’hôtel centenaire s’est dégradé au point de devenir une honte aux yeux du nouveau maire Michel Angers. Au début de l’été, le conseil municipal a donc entrepris les démarches pour retirer la citation historique, laissant le feu vert au promoteur qui veut bâtir un immeuble à condominiums sur ce site convoité avec vue sur la rivière Saint-Maurice.

À la fin des années 90, l’Auberge Grand-Mère et Yvon Duhaime sont devenus célèbres d’un océan à l’autre. Le scandale du « Shawinigate » éclata lorsque les médias dévoilèrent que le premier ministre Jean Chrétien aurait fait pression auprès du président de la Banque de développement du Canada (BDC) pour qu’elle approuve une demande de prêt pour l’agrandissement de l’hôtel, situé dans son comté, Saint-Maurice"

Ajout du 7 novembre 2010 : L'Auberge Grand-Mère a été construite en 1898 par la compagnie Laurentide qui exploitait l'usine de pâte et papier située tout près. Elle contenait des meubles ayant appartenu à l'ancien propriétaire de l'île d'Anticosti, le chocolatier français Henri Menier. L'édifice et les meubles auraient dû être conservés par la ville de Shawinigan plutôt que d'être laissés au bon vouloir d'un promoteur privé.