Des détails inhabituels
J'aime trouver des détails inhabituels dans les registres paroissiaux. Certains officiants étaient plus généreux que d'autres en cette matière. Ainsi, dans la paroisse Saint-Pierre de Shawinigan, le curé Boulay et ses vicaires Meunier et Ladouceur ajoutaient de façon systématique des précisions que l'on ne trouve habituellement pas dans les registres.
L'acte de sépulture rédigé le 9 janvier 1911 par le vicaire Meunier, pour le décès d'un enfant anonyme d'Harmel Gauthier, contient deux détails inhabituels. Il nous dit que :
- l'enfant a été « ondoyé à la maison par le Dr Garceau », ce qui nous donne l'identité du médecin de la famille ;
- son corps a été « déposé dans le charnier de cette paroisse ».
L'usage du charnier
C'était l'usage, en hiver, de déposer les corps des défunts dans un petit bâtiment, appelé charnier, construit derrière l'église ou dans le cimetière de la paroisse, mais il est rare qu'on le mentionne dans les actes de sépulture.
Habituellement, l'officiant se contentait d'écrire la formule habituelle «
avons inhumé dans le cimetière de cette paroisse » même si, en réalité, l'inhumation devait attendre jusqu'au printemps pour que le sol dégèle.
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Le charnier de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine à Trois-Rivières. |
Le transport des corps
Tout l'hiver 1911, les officiants de Shawinigan ont consigné que les corps des défunts - j'en ai compté 106 - ont été « déposés dans le charnier de cette paroisse ». Puis, le 25 avril, on trouve la première mention de l'année d'un corps « inhumé dans le cimetière de cette paroisse ». La terre du cimetière était devenue suffisamment meuble pour que l'on puisse la creuser. Deux jours plus tôt, on utilisait encore le charnier.
Il fallait maintenant disposer de la centaine de corps déposés dans le charnier pendant les mois d'hiver, avant qu'ils ne dégèlent. À chaque année, les officiants de la paroisse Saint-Pierre rédigeaient un acte pour consigner le transport des corps du charnier au cimetière. En 1911, cet acte a été rédigé le 2 mai ; il mentionne que les corps ont été déposés au charnier depuis le 17 novembre jusqu'au 23 avril.
Un indicateur des changements climatiques
La période d'utilisation du charnier variait d'une année à l'autre en fonction des conditions climatiques. En 1910, le transport des corps déposés dans le charnier avait été effectué une dizaine de jours plus tôt, soit le 20 avril et l'acte mentionne que les corps ont été déposés du 26 novembre au 9 avril. À Shawinigan, la période de gel aurait donc été plus courte d'environ 3 semaines en 1910 qu'en 1911.
La photo du charnier provient du Répertoire du patrimoine culturel du Québec.