samedi 28 avril 2012

La vache espagnole

La vache espagnole serait parait-il polyglotte.

L'expression « parler français comme un Vasque espagnol » est devenue en France « parler français comme une vache espagnole » et au Québec « parler anglais comme une vache espagnole ».

C'est du moins l'explication donnée par Ernest Gagnon dans Choses d'Autrefois, publié en 1905. Vasques est l'ancien nom que l'on donnait aux Basques et non pas aux vaches.

Il existe d'autres théories sur l'origine de cette expression mais elles sont moins convaincantes. Quoi qu'on en dise, les vaches espagnoles ne parlent pas.

La vache ci-contre est de race Canadienne. Elle parle couramment les deux langues officielles.

vendredi 27 avril 2012

Clara Saucier

Madame Clara Saucier de Shawinigan a célébré hier son 109e anniversaire de naissance. C'est une longévité exceptionnelle. Elle entrera l'an prochain dans la catégorie des grands centenaires.

Elle vit seule dans son logement et dit ne prendre que deux  pilules par jour. Elle est déjà, à ma connaissance, la deuxième personne la plus âgée de l'histoire de la Mauricie. Avec une santé pareille, Madame Saucier pourrait bien dépasser le record de 112 ans qui appartient toujours à Julia Houde de Saint-Prosper (voir Les doyennes de la Mauricie).


Clara Saucier est né le 25 avril 1903 à Saint-Paulin dans le comté de Maskinongé. Ses parents étaient Arthur Saucier et Année Elliott. Elle a épousé Hormidas Bronsard le 13 juin 1928 dans la paroisse Saint-Bernard de Shawinigan. Ce dernier est décédé au même endroit le 14 juin 1972, à l'âge de 67 ans.

Année ou Anny Elliott, la mère de Clara Saucier, était une descendante du réfugié loyaliste Robert Elliott (voir Patronymes anglais en Mauricie sur ce blog).

Sanda Lacroix a publié un article sur Clara Saucier dans le jounal L'hebo du Saint-Maurice du 30 novenmbre 2011 :
Bien qu’aucune donnée n’ait été recensée à ce sujet dans les registres, Mme Saucier serait vraisemblablement la doyenne de Shawinigan. Rappelons qu’une autre dame est décédée il y a deux ans à Saint-Georges-de-Champlain, à l’âge de 107 ans et six mois. 
«Ça fait 72 ans que je demeure ici, dans le même appartement», souligne la dame, qui est née à Saint-Paulin mais demeure à Shawinigan depuis 1920. N’ayant aucun secret pour justifier sa longévité, elle affirme simplement profiter pleinement de chaque journée.
Depuis un an, Ginette Grenier, son «ange gardienne» comme elle la définit si bien, se rend chez elle tous les jours de la semaine. Travaillant au sein de la Coopérative de solidarité de Shawinigan, elle lui apporte des soins et une aide domestique, lui permettant ainsi de demeurer seule chez elle. 

«Je viens la voir cinq jours par semaine, deux heures le matin et deux heures l’après-midi, explique Mme Grenier. Je lui prépare son dîner, je fais son ménage, je l’aide à se préparer et je vois à ce qu’il ne lui manque rien», explique Mme Grenier. Soulignons que la mission de la Coopérative de solidarité de Shawinigan est de supporter les personnes âgées et leur permettre de rester autonome, chez elles le plus longtemps possible. 

Le fils de Mme Saucier, qui demeure tout près, vient également faire son tour pratiquement tous les jours, il fait son épicerie et s’occupe de sa mère. Malgré qu’elle demeure seule, elle est ainsi très bien entourée, avec sa famille, ses petits-enfants, ses neveux et nièces, etc. D’ailleurs, cet été, Clara Saucier a reçu à son domicile la visite du maire de Shawinigan, Michel Angers, qui a célébré la doyenne de la ville, centenaire et autonome. 

«J’ai eu une longue vie très active, raconte la centenaire. J’ai travaillé dans les cuisines de restaurants, j’ai chanté dans les chorales, les mariages, etc. Mon mari travaillait à l’Alcan et à la bibliothèque.» 

Outre les petits maux qui sont apparus avec l’âge, Mme Saucier est en excellente santé et a encore toute sa tête. D’ailleurs, elle ne prend que deux pilules par jour.
Mise à jour du 15 décembre 2012 : Clara Saucier est décédée au CSSS de l'Énergie de Shawinigan-Sud le 10 décembre 2012 à l'âge de 109 ans et 8 mois.

jeudi 26 avril 2012

Ti-Claude Samson

C'est un sujet difficile. Je voudrais en parler avec respect, mais sans non plus sombrer dans la rectitude politique.

Ti-Claude Samson est un personnage de mon enfance. C'était un mongolien qui vivait dans la paroisse Saint-Marc de Shawinigan. Je suis certain qu'il ne paraîtra jamais dans le Dictionnaire biographique du Canada. Il mérite pourtant qu'on laisse un témoignage de sa vie.

J'ai lu sur Facebook un message de quelqu'un qui l'a connu : « Tout le monde riaient de P'ti Claude Samson et ça me rendait triste.»

C'est très réducteurTi-Claude Samson n'était pas enfermé chez lui, contrairement à beaucoup de handicapés intellectuels de son époque. C'était le type même de l'idiot du village, le débrouillard, celui que l'on rencontrait dans la rue et que tout le monde connaissait.

Vers 1965, il devait bien avoir une trentaine d'années, sinon plus. Il aimait les hot-dogs et se tenait souvent près de la roulotte à patates frites du parc Saint-Marc, dans l'espoir de s'en faire offrir un par un client.

On entendait bien quelques rires mais, en général, les gens étaient plutôt gentils avec lui. Il les aidait à se sentir normaux.

Ti-Claude adorait le baseball. On l'avait intégré dans l'équipe du parc Saint-Marc. Il ramassait les balles échappées. C'était un peu la mascotte du club. Le problème, c'est qu'il prenait le sport trop à coeur. Il chicanait les enfants qui commettaient des erreurs et pleurait lorsque son équipe perdait un match. Finalement, les dirigeants ont décidé de l'éloigner du terrain, parce qu'il était trop émotif et devenait parfois agressif dans le feu de l'action. Il a continué d'assister aux matchs en restant sagement derrière la clôture.

Je crois qu'il avait atteint la limite de sa capacité d'intégration à la communauté.

dimanche 22 avril 2012

Grand chèque en piastres


« Le chèque est dans la malle » : un vieux mensonge pour faire attendre un créancier.

La Banque Nationale

Le grand chèque ci-après date d'une époque où, pour beaucoup de gens, en recevoir un était un événement rare. Il n'y avait pas d'impôt sur le revenu des particuliers (l'impôt fédéral a été créé en 1917) et la plupart des paiements se faisaient alors en liquide. Cette rareté se reflétait sur la grande dimension du chèque qui était de 21 X 11 cm. C'était un papier important.


Il est jauni par le temps, mais la numérisation rend mal sa couleur beige. On peut situer l'époque de ce chèque entre 1860, année de la fondation de la Banque Nationale, et 1924, année de sa fusion avec la Banque d'Hochelaga pour former la Banque Canadienne Nationale. Cette dernière a ensuite fusionné avec la Banque Provinciale en 1979 pour former la Banque Nationale que l'on connaît aujourd'hui.

Remarquez l'unité monétaire utilisée : les piastres au lieu des dollars. Ce détail me porte à croire que l'époque de ce chèque est beaucoup plus près de 1860 que de 1924.

Quatre 30 sous pour une piastre

On utilisait encore officiellement le mot piastre au Canada dans les années 1860-1870 alors que plusieurs unités monétaires différentes coexistaient : la livre anglaise, le dollar américain et le dollar canadien.

La piastre est une ancienne monnaie espagnole qui était en circulation en Nouvelle-France et aussi en Nouvelle-Angleterre. L'histoire de son utilisation en Nouvelle-France serait longue à raconter. J'y reviendrai dans un prochain message où il sera question de la politique commerciale de la France à l'égard de ses colonies.

Disons seulement que, lorsque le dollar canadien a été introduit en 1854, le mot piastre est devenu son synonyme, plus ou moins officiel, dans le Bas-Canada. Le mot piastre est même employé dans la Constitution canadienne de 1867 comme synonyme de dollar.

Pourquoi deux noms pour une même monnaie ? Je crois que c'était une concession faite aux francophones du Bas-Canada pour qu'ils acceptent le nouveau dollar. Ils étaient déjà familiers avec le mot piastre qui a une consonance plus française, même s'il est d'origine espagnole. Ce n'est qu'une hypothèse.

Le nouveau dollar canadien valait le quart d'une livre anglaise, soit 120 sous (halfpennies en cuivre). La pièce de 25 cents frappée par la Monnaie royale canadienne valait donc 30 sous en monnaie anglaise et c'est ainsi qu'on l'a surnommée.

L'expression courante « c'est comme changer quatre 30 sous pour une piastre », qui signifie « c'est du pareil au même », date donc de cette époque où coexistaient les monnaies canadienne et anglaise.

Une banque dans nos campagnes

Le siège social de la Banque Nationale était situé sur la rue Saint-Pierre à Québec. C'était une une des rares institutions financières qui était présente dans les campagnes, où elle concurrençait les Caisses Populaires Desjardins qui ont été créées en 1901. Le chèque ci-haut, plus ancien que les Caisse populaires, était à l'usage de la succursale de la Banque Nationale de Saint-Michel de Bellechasse.

Cette banque a été fondées par des hommes d'affaires francophones de la ville de Québec qui étaient mécontents des conditions de crédit offertes par les banques canadiennes-anglaises. Son emblème, que l'on aperçoit sur le côté gauche du chèque, était la feuille d'érable, un symbole du nationalisme canadien-français qui était aussi utilisé par la Société Saint-Jean-Baptiste. D'ailleurs, Guillaume-Eugène Chinic, un des principaux fondateurs de la banque, a aussi participé à la fondation de l'Institut canadien et de la Société Saint-Jean-Baptiste de la cité de Québec.

mardi 17 avril 2012

Un curé architecte

Parfois, en examinant la vie de certains curés de campagne, je me demande s'ils n'auraient pas préféré exercer une autre profession ou étudier dans une autre discipline que la théologie. Quelques-uns ont poussé à l'extrême ce qui fut d'abord un hobby, pour en faire une activité quasiment professionnelle. Sainte-Geneviève de Batiscan a eu son curé médecin (voir L'eau divine de l'abbé Côté) et Yamachiche, son curé architecte.

Joseph-Hercule Dorion, curé de Yamachiche de 1853 à 1889, avait des talents d'ingénieur. En 1874, il a planifié et dirigé les travaux de détournement des eaux de la petite rivière Yamachiche qui traversait le village. Il voulait ainsi redresser la rue Principale et récupérer un terrain près de l'église pour construire un couvent et un hospice pour les Soeurs de la Providence. Ces travaux ont été réalisés grâce à une corvée des paroissiens, selon les plans et les directives de leur curé (La Concorde, 11 novembre 1874).

Mais sa véritable passion était l'architecture. On lui doit les plans et devis du couvent d'Yamachiche en 1874, ceux de la Salle publique en 1878 et ceux de la nouvelle église achevée en 1879. Cette église, inspirée de l'architecture italienne, richement décorée et dotée plus tard d'un grand orgue Casavant, était considérée comme un joyau avant sa destruction par le feu en 1959. Elle accueillait les pèlerinages à la « Bonne Sainte-Anne », la patronne du lieu (voir La Bonne Sainte-Anne).


À son décès en 1889, la bibliothèque personnelle de l'abbé Dorion contenait, parait-il, un millier d'ouvrages scientifiques et théologiques. L'inventaire de ses biens montre qu'il vivait très confortablement dans son immense presbytère : « un ameublement de salon, de salle à dîner, 13 chambres à coucher garnies, argenterie, vaisselle, verrerie, une bibliothèque contenant 1 000 livres (ouvrages scientifiques et théologiques), une peinture à l’huile de grand prix, un piano carré, quelques bêtes, voitures d’été et d’hiver » (La Concorde, 30 janvier 1890).

Voici ce que le journal La Concorde du 21 juin 1879 disait de ses talents d'architecte :
« Le marché des travaux de parachèvement de l’intérieur de l’église de la paroisse d’Yamachiche a été donné par contrat mardi dernier, à Messieurs Joseph Héroux et George F. Héroux, habiles architectes-entrepreneurs de cette paroisse. Le coût de ces travaux est de 16 100$, ce qui fait le complément de la somme de 50 000$ que devra coûter aux paroissiens d’Yamachiche leur belle église qui, finie, sera une des plus magnifiques du Canada. D’après les plans intérieurs, les murs et les piliers devront être terminés en stuc, imitation de marbre. La paroisse pourra à grand droit se féliciter de posséder un aussi beau temple et par là d’avoir fait preuve d’une foi et d’un esprit de christianisme dignes de louanges et d’admiration. Le révérend J. H. Dorion, le digne curé de cette paroisse qui a fait les plans, tant extérieurs qu’intérieurs, s’est par là acquis une reconnaissance que les générations actuelles et futures ne pourront jamais oublier. En effet, c’est Monsieur le curé Dorion qui a conçu ces magnifiques plans qui font l’admiration de tous les visiteurs, qui en a fait les devis et spécifications, avec une habileté digne des meilleurs architectes. Honneur donc et félicitations au révérend Monsieur Dorion et aux paroissiens d’Yamachiche. »
Outre les articles de La Concorde qui font état de ses réalisations à Yamachiche, on ne trouve pas beaucoup d'informations sur la vie de l'abbé Dorion qui serait né vers 1820. Il est entré au Collège de Nicolet en 1833. Il a plus tard enseigné le cours commercial et le dessin à cet endroit de 1840 à 1844. C'est probablement le dessin qui l'a amené à s'intéresser à l'architecture. Avant d'être nommé à la cure de Yamachiche en 1853, il était en poste à Drummondville où il a été président des commissaires d'école.

Les articles du journal La Concorde sont tirées des Bases de données en histoire de la Mauricie.

lundi 9 avril 2012

Une petite Italie à Shawinigan en 1901

En 1901, peu avant l'incorporation de la ville, les premiers résidents de Shawinigan ont été recensés dans le district H-2 de Saint-Boniface. On voit apparaître dans les pages de recensement quelques centaines de pensionnaires (boarders) qui habitaient chez des familles du lieu. Je crois que ces pensionnaires étaient employés à la construction des installations de la Shawinigan Water and Power et des premières usines : la Pittsburg Reduction Co (Alcan) et la Belgo Pulp, notamment. C'étaient généralement des hommes seuls, parmi lesquels on trouve une forte proportion de noms anglophones. Certaines résidences plus importantes (des auberges?) logeaient  une quinzaine d'hommes pensionnaires, de même que des femmes qui avaient le statut de domestiques.

Les deux dernières pages du recensement sont couvertes d'une centaine de noms italiens : Lacovana, De Santis, Carlino, Pelegrini, etc. Aucun nom francophone ou anglophone parmi eux, ce qui signifie qu'ils résidaient ensemble à l'écart du reste de la population. Il est à noter que ces Italiens étaient locataires (lodgers) et non pas pensionnaires (boarders). Ils cohabitaient à plusieurs (entre quatre et neuf) dans des logements loués. Il n'y avait pas de femmes parmi eux, même si la plupart des Italiens se déclaraient mariés. Le colocataire le plus âgé était désigné chef du logis.

À cette époque, on employait des Italiens pour construire les chemins de fer. À Shawinigan, on terminait alors les voies ferrées qui allaient desservir les usines en construction. D'où venaient ces Italiens ? Peut-être de Montréal ou de New York, mais je crois plutôt que c'étaient des immigrants temporaires qui sont venus au Canada pour la durée des travaux de construction et sont ensuite retournés dans leur pays, comme le font de nos jours les travailleurs agricoles sud-américains. J'imagine qu'ils ont dû, dans un premier temps, construire leurs propres habitations car Shawinigan était alors un véritable boomtown où le logement était rare.

Travailleurs employés à la construction d'un chemin de fer au débu du XXe siècle

dimanche 8 avril 2012

Jean-Baptiste Boucher mauvais perdant

Jean-Baptiste Boucher, un métis qui a été Grand chef des Algonquins Tête-de-Boule du Haut-Saint-Maurice, est en passe de devenir une vedette sur ce blog (voir Deux portraits de Jean-Baptiste Boucher et Famine sur le Saint-Maurice). On parlait souvent de lui à la fin du XIXe siècle et pas toujours en bien. Voici un extrait de la préface de Deux voyages sur le Saint-Maurice de l'abbé Napoléon Caron où il est question de sa défaite à l'élection du Kitchi okima (Grand chef) en 1887 :

Jean Baribeau, dans Les missions sauvages du Haut-Saint-Maurice au XIXe siècle, raconte l'élection du Kitchi okima le dimanche 10 juillet 1887. S'affrontent Jean-Baptiste Boucher, le chef sortant, Joseph Rocheleau et Charles Rikatadi, tous deux de Manouane. Rikatadi l'emporte. Boucher a le commentaire suivant : « il serait mieux de payer ses dettes plutôt que de chercher des honneurs.  »

vendredi 6 avril 2012

Michel Chartrand à Shawinigan

Quand j'étais jeune à Shawinigan, on entendait souvent dire que Michel Chartrand était responsable du déclin économique de la ville. Je crois que c'était grandement exagéré. La nationalisation de la l'électricité en 1960 a été le facteur déterminant. La nationalisation de la Shawinigan Water and Power a eu pour effet d'égaliser le prix de l'électricité partout au Québec, ce qui privait la « ville de l'électricité » de son principal avantage en matière de localisation des industries consommatrices d'énergie.

On doit cependant reconnaître que l'activité débordante de Michel Chartrand lors de ses séjours dans la région, entre 1951 et 1956, a  profondément transformé le climat des relations de travail. Avec son style fougueux et son langage pour le moins coloré (Tabernacle, de Calice, de Saint-Crême, de Ciboire ...), il réussissait à convaincre les travailleurs d'usines qu'ils étaient exploités par le Grand Capital. Il a participé à des grèves dans au moins six usines de la ville : l'Alcan (aluminium), la Wabasso (coton), la Belgo (papier), la Canadian Resins (plastique), la Canadian Carborandum (abrasifs) et la Dupont (cellophane).

On trouve une chronologie de ses activités syndicales sur le site Québec un pays. En voici quelques extraits :

1951 : Il travaille dans la région de Victoriaville et de Shawinigan pour la Fédération nationale du vêtement de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC devenu plus tard la CSN) et devient agent d’affaires au Conseil central de Shawinigan. Il assume cette fonction jusqu’en février 1952. Il intervient dans la grève des travailleurs de l’Alcan de Shawinigan et est arrêté par la Police provinciale.

1952 : Responsable de la mobilisation des syndiqués de Shawinigan et de Grand-Mère pour les travailleurs et travailleuses de la Wabasso. Chroniques radiophoniques deux fois par semaine. Arrestations, procès et incarcération de février à juin. En septembre, il participe au congrès de la CTCC à Shawinigan. 
 
1953 : Engagé comme propagandiste temporaire à la CTCC. Congédié puis rétabli dans ses fonctions à la suite de la décision du tribunal d’arbitrage. Jean Marchand, alors secrétaire général de la CTCC, s’était opposé à sa réembauche, après quelques accrochages. De 1954 à 1957, il sera deux fois remercié par la CTCC et il gagnera ses deux arbitrages. 

1955 : Travaille au Conseil central de Shawinigan comme conseiller technique. Il participe à la grève des travailleurs de la Consolidated Paper (division Belgo), la Belgo. Sept arrestations, sept incarcérations, et trois condamnations.

1956 : Conseiller technique du Conseil central de Shawinigan - Grand - Mère pour les grévistes de Canadian Resins, Canadian Carborandum et Dupont. À la radio, il anime une série de tribunes téléphoniques dans la région de la Mauricie.

mardi 3 avril 2012

Pâques selon Fréchette

Louis Fréchette (1839-1908) a écrit vers 1890 un conte intitulé Les Cloches de Pâques. Ce conte est basé sur une légende bien connue selon laquelle les cloches des églises s'envolent vers Rome, pendant la nuit du Vendredi saint, et reviennent le Dimanche de Pâques pour sonner la résurrection du Christ. L'origine de cette légende serait l'interdiction faite aux églises de sonner les cloches du Vendredi saint au Dimanche de Pâques. En France et en Belgique, les cloches de Pâques rapportent de leur voyage à Rome des oeufs en chocolat pour les enfants. Voici donc le conte de Fréchette :

Les Cloches de Pâques

Une légende bien gentille, bien fraîche, bien poétique, et que je serais bien fâché de voir disparaître de l’Évangile des petits enfants, c’est celle des Cloches de Pâques.

Les cloches de Pâques s’évadant silencieusement de leurs cages aériennes, dans la nuit lugubre du Vendredi-Saint, et, ainsi, que de grands oiseaux mystérieux, filant à travers l’espace jusqu’à la Ville-Éternelle, pour s’en revenir toutes gaies, tout enrubannées, légères et sonores, nous annoncer, de leurs carillons joyeux, la suprême et consolante nouvelle : Resurrexit sicut dixit !

Quand j’étais tout petit, tout petit, c’était là pour moi une des illusions les plus dorées, une des croyances les plus chères qui aient jamais bercé mon enfance et hanté ma cervelle de moutard enthousiaste et avide de merveilleux.

Le soir du Jeudi-Saint, les deux coudes sur l’allège de ma fenêtre, les deux poings dans les cheveux, comme pour mieux aiguiser l’intensité de mon attention, je regardais longuement, longuement, les grands clochers de Québec s’effacer et s’évanouir par degrés dans les ors estompés du crépuscule, et finalement disparaître dans la teinte uniforme et brumeuse de la nuit.

Alors, je voyais – oui, vous pouvez m’en croire – je voyais les grands clochers de Québec s’éclairer tout à coup comme d’une vague et phosphorescente lueur de rêve.

Les auvents des vieilles tours s’ouvraient d’eux-mêmes, ou tout au moins cédaient sous l’effort de mains invisibles.

Et, comme une volée d’oiseaux de bronze s’échappant des cavités sombres, les cloches, muettes depuis le matin, prenaient ensemble leur vol pour s’en aller se perdre au loin, bien loin, dans les profondeurs enténébrées du ciel.

Je les voyais comme je vous vois : les grosses, à l’essor plus pesant, tenant l’arrière-garde, et, gravement, ayant l’air de commander la manoeuvre.

Les petites, plus alertes et plus légères, un peu folichonnes peut-être, voltigeant en avant, comme dans une envolée de jeunesse, toutes fières – je le devinais – de cette liberté d’un jour, avec l’immensité des airs pour domaine et pour limites.

Et quand la belle vision s’était éteinte dans les lointains nébuleux de la nuit tombée, je quittais ma chère fenêtre et j’allais me blottir frileusement sous mes couvertures, avec une émotion dont je sens encore le délicieux ébranlement.

Ô souvenirs d’enfance ! on a beau vieillir, comme vous nous tenez bien au coeur, à toutes les fibres du coeur !

Comme vous avez surtout de bons retours attendris !

À propos de retour, je n’ai jamais vu celui des cloches de Pâques. Elles revenaient trop tard pour qu’on me permît de rester debout à les attendre ; et trop tôt, le matin, pour que je pusse être témoin de leur rentrée triomphale dans les lanternes vides des grands clochers de Québec, dont les arêtes métalliques s’allumaient aux premiers feux du jour naissant.

Mais je sais qu’elles arrivaient de Rome, ointes et bénites par le pape, et mises comme des princesses, avec de longues écharpes de satin rose, des couronnes de diamants et de fleurs, et de belles robes d’or et d’azur flottant radieuses dans les airs irisés par les reflets de l’aurore.

Cette légende des Cloches de Pâques m’a toujours ravi ; mais je croyais sincèrement être le seul qui eût jamais assisté de visu au fantastique départ, lorsque hier matin, je vis venir à moi, toute souriante et battant des mains, ma petite Pauline.

Cinq ans ! juste assez d’âge pour converser avec une poupée, c’est-à-dire pour se laisser caresser par cette divine sylphide que les sages de ce monde ont surnommée la folle du logis ; mais, aussi, juste assez de connaissances pour, à un moment donné, se laisser entraîner par quelque parent de la sylphide jusque sur le terrain scabreux du mensonge.

– Papa, me dit-elle, devine ce que Pauline a vu cette nuit !

– Les cloches partir pour Rome, sans doute ! fis-je, dans l’intention d’intéresser la mignonne.

– Qui te l’a dit ?

– Mon petit doigt.

– Oh ! que c’était joli, papa ! s’écria-t-elle en tendant ses menottes dans un grand geste d’admiration.

– Où les as-tu vues, comme cela, les belles cloches ?

– Les ai vues sortir du clocher et des grandes tours, là-bas.

– Vraiment ?

– Oui, papa ; parties avec des ailes, dans le ciel.

– Ah !

– Oui, oui ! comme des oiseaux, c’était beau, beau !

– Il y a autre chose qui n’est pas beau du tout, et c’est ce que tu fais là, Pauline.

– Quoi ?

– Un mensonge.

– Un mensonge ? Non, papa, Pauline ne ment pas ; c’est la vérité.

– Pauline !

– Sûr, papa, sûr et certain !

– Écoute, ma fille, je ne puis pas te permettre de conter des histoires comme celle-là ; tu n’as pas vu les cloches partir pour Rome.

– Oui, papa, Pauline les a vues toutes, toutes ! fit l’enfant les larmes aux yeux et un sanglot sur les lèvres.

Devant cette insistance, et surtout cet air de sincérité, j’hésitais, désespéré, comme on le suppose bien, de voir mon enfant mentir avec un pareil aplomb.

Je tâchai de la faire revenir sur ses pas :

– Voyons, lui dis-je avec insinuation, écoute, ma chérie ; les cloches ne partent que la nuit, tu ne pouvais pas les voir sortir du clocher de Saint-Jacques et des tours de Notre-Dame. Il faisait trop sombre, et c’est trop loin...

– Ah ! mais, papa, Pauline les a pas vues comme ça, tiens, s’écria-t-elle en s’écarquillant les yeux avec ses petits doigts ; pas comme Pauline te regarde, toi !

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Que Pauline les a vues les yeux fermés comme ça, tiens !

Et la petite fermait les yeux bien serrés.

– Quand Pauline ouvrait les yeux, voyait tout noir ! ajouta-t-elle.

Et j’embrassai la chère petite, franchement ému de reconnaître si bien chez elle la fille de son père.

Voilà la preuve, mes amis, qu’on peut fort bien voir s’envoler les cloches de Pâques ; il n’y a qu’à le vouloir.

lundi 2 avril 2012

Les sucres

À lire sur le web un recherche de Raoul Carrier sur l'histoire du temps des sucres. Il y est question, entre autres, de la description qu'en faisait Antoine Gérin-Lajoie dans son roman Jean Rivard publié en 1862.

Par ailleurs, on trouve sur Laurentiana un article sur l'album des gravures d'Edmond-J. Massicotte intitulé Nos Canadiens d'Autrefois. Cet album a été publié en 1923. On peut le consulter en format PDF sur le site des BANQ.

Une des gravures de l'album de Massicotte s'intitule les sucres. On y voit des sucriers à l'oeuvre près d'un abri de fortune qui leur servait de cabane. On remarque qu'ils faisaient bouillir la sève d'érable à l'extérieur. 

L'entaille des érables est une pratique qui a été apprise des Amérindiens et la technique utilisée par les premiers colons était semblable à la leur. La sève était d'abord recueillie dans des contenants en écorce de bouleau. Dans les régions nordiques, comme en Haute-Mauricie, où il n'y a pas d'érables à sucre (acer saccharum), les Amérindiens buvaient l'eau du bouleau blanc (betula papyrifera) qui est moins sucrée que l'eau d'érable. Je ne crois pas qu'ils la faisaient bouillir. La fabrication du sirop nécessite des contenants en métal qui n'étaient pas disponibles avant l'arrivée des Blancs.

La cabane à sucre que nous connaissons, avec un toit qui s'ouvre pour laisser sortir la vapeur, est une invention moderne. Sans parler de ces cafétérias que l'on désigne aujourd'hui sous le nom de cabanes à sucre.

Line-Marie Awashish de la communauté de Wemotaci a effectué une recherche sur l'utilisation du bouleau par les Atikamegws de la Haute-Mauricie.