mercredi 12 mai 2010

L'école du quatrième rang

La dernière école du  quatrième rang de Saint-Boniface de Shawinigan  a été construite en 1935.  Elle était située du côté sud du chemin St-Onge après la voie ferrée, sur un terrain qui avait été prêté par  M. Adélard Boucher. La photo montre un petit édifice carré d'une vingtaine de pieds de façade  avec de grandes fenêtres. Il y avait deux pièces seulement : la classe des petits au rez-de-chaussée et celle des grands à l'étage. 

L'école du quatrième rang a été fermée en 1957 alors que les élèves du rang et ceux du boulevard Trudel ont été regroupés à l'école Saint-Pierre nouvellement construite.

La classe des petits en 1941. Première rangée, de gauche à droite : Liliane Lavergne, Lise Lampron, Gisèle Lavergne, Pierrette Lampron, Huguette Gélinas, Jacqueline Chainé, Jacqueline St-Onge et Marcel Flageol. Deuxième rangée : Solange Lampron, Irène Chainé, Colette Gélinas, Lucille Chainé, Clémence Gélinas, Gaétane St-Onge et Jean-Claude Lavergne. Troisième rangée : plusieurs enfants sont cachés. Les trois garçons habillés en blanc derrière à droite sont Bernard St-Onge, Robert Chainé et Fernand Gélinas.

La classe des grands en 1943. Première rangée : Irène Chainé, Solange Lampron et Pauline Gélinas. Deuxième rangée : Guy Lampron, Jean-Claude Lavergne, Marcel Flageol et Jean Gélinas. Troisième rangée : Lucille Lacerte, Françoise St-Onge, Cécile Gélinas, Thérèse Gélinas, Ange-Aimé St-Onge et Réal Lampron.

mardi 11 mai 2010

Vivre très longtemps

Julia Houde de Saint-Prosper dans le comté de Champlain a vécu 112 ans.  Elle avait 110 ans sur la photo ci-contre. Les gens qui vivent très longtemps m'ont toujours fasciné. Voici des témoignages de centenaires que j'ai recueillis au fil des ans dans des articles de journaux. Il parlent, parfois avec humour, du secret de leur longévité, de leurs habitudes de vie, beaucoup de leur santé, du monde qui change autour d'eux, des proches qui disparaissent et de leur propre mort qui approche.

Le secret de la longévité est de ne pas s'en faire : "L'important est de toujours vivre dans le présent". -  "Il faut prendre le temps comme il vient, qu’il soit bon ou mauvais. Il ne faut pas se casser la tête". -  "Je laisse ça venir comme ça vient ". - "Je n’ai jamais envié les autres et je suis optimiste : s’il pleut, pourquoi chialer? il va mouiller pareil !" -  "Elle n'a pas vécu de stress. Elle prenait la vie du bon côté".

Et de s'occuper : "Je n'ai rien fait de particulier, sauf peut-être toujours me tenir occupée. C'est encore le cas aujourd'hui où mes journées sont chargées". - " Le plus important est de ne pas s’ennuyer et d’accepter la vie comme elle est . Elle est belle mais elle passe vite. Les journées tu ne les vois pas se sauver". - "L'ouvrage dur ne tue personne". "Elle ne pouvait pas rester à ne rien faire".

Les habitudes de vie  : "Le secret est de manger ce qu’il faut uniquement. J’ai fait du sport, du vélo et du yoga, et je n’ai jamais fumé". - "Mon truc c’est de boire un verre d’eau tous les soirs" -  "Elle fume quotidiennement un paquet de cigarettes". - "J’ai toujours été une cuisinière santé, j’ai toujours fait attention à manger bon, pas en boîte". - "Il mangeait un oignon cru tous les matins". - "Elle ne faisait pas beaucoup d'exercice et ne s'alimentait pas nécessairement bien". - "Elle avait 100 ans lorsque, après un gros rhume et sur les conseils de son médecin, elle a consenti à renoncer aux cigarettes qu'elle roulait elle-même depuis plus d'un demi-siècle".  - "Jamais d'alcool, c'est diabolique ! Elle a toujours un chapelet à portée de la main".

On s'étonne de leur vitalité : "À 100 ans elle porte encore des talons hauts, son maquillage est impeccable, elle fréquente les boutiques et voyage à chaque année !" - "À 98 ans, elle aimait encore à disputer une partie de pêche avec ses fils". -  "À 104 ans, elle chantait et jouait du piano quotidiennement". - "Elle n’en finit plus d’étonner son entourage par son étonnante lucidité malgré une vue déficiente". - "Je fêterai mes cent ans en croisière à Hawaï ". - "Étonnamment, cette petite dame toute frêle se tient debout sans aide".

Une santé de fer  : "Plus jeune, j’ai eu la fièvre typhoïde et la grippe espagnole. J’ai passé près de mourir deux fois mais j’ai manqué mon coup". - "Elle n’avait pas vraiment été malade, sauf à neuf ans. Elle avait alors souffert d’une appendicite. Elle avait été opérée à la maison sur la table de la cuisine". - "Je suis malade depuis que je suis toute jeune et j’ai toujours eu besoin de médicaments. J’ai failli mourir plusieurs fois et j’ai toujours passé à travers".

Le monde qui change : "Elle était chapelière. Quand le port du chapeau a été interdit dans les églises, il n’y avait pratiquement plus de travail pour elle". - "C’est fini l’époque des chevaux et des charrues. Heureusement ! Moi, j’ai vieilli avec l’évolution et je suis pas mal contente. Je ne suis pas bonne devant un ordinateur, mais je suis capable de jouer aux cartes" . - "Elle passe quelques heures par jour devant son ordinateur à surfer sur internet". - "Elle préfère le temps d'avant où la vie était bien plus agréable".

La disparition des proches : "À la mort de son dernier frère, elle se retrouva seule et inquiète" . - "Je suis la dixième de 11 enfants. Ils sont tous partis avant moi. Il ne me reste aujourd’hui que des nièces". - "Malgré les années, elle semble encore attristée par la mort de son petit frère alors qu’elle avait dix ans. Elle se souvient de son petit cercueil de bois dans une voiture tirée par des chevaux".

L’attitude face à la mort : "J’aurais aimé mourir chez moi. Ma mère est morte chez elle dans sa chambre, j’aurais voulu faire pareil." - "Le Bon Dieu m’a oubliée". - "Partir dans mon sommeil ce serait l’idéal". -  "Elle désirait mourir sans causer de troubles". - "Il ne faut jamais oublier que nous sommes tous prêtés ici-bas".

vendredi 7 mai 2010

La visite des chantiers

Le 24 février 1888, le curé Charles Bellemare de Saint-Boniface de Shawinigan écrit à son correspondant le curé Vital Bellemare de Chambray en Normandie. Il lui raconte comment se déroule la visite paroissiale qu'il effectue à chaque année dans les chantiers de bûcherons :
"Vous saurez que ce n'est pas une mince besogne que celle de faire cette mission. On nomme chantier une cabane de bois rond bâtie en plein milieu de la forêt et pouvant abriter vingt, trente et même quarante travaillants. À côté du chantier et y attenant, il y a l'écurie pour les chevaux et de l'autre côté ce que les hommes appellent le "Fort pic" où se tiennent d'ordinaire le contremaître et le commis. On travaille à faire des billots depuis novembre jusqu'en mars ou avril, et ces hommes, la lie de la société, pour la plupart, n'ayant vu de prêtre depuis des mois et des mois, quelques-uns depuis des années, ayant passé leurs journées et surtout leurs soirées à blasphémer et à canailler de toutes les façons, ne sont pas toujours d'équerre à recevoir la visite du missionnaire qui arrive parmi eux absolument comme une brebis au milieu des loups. L'accueil parfois n'est pas enthousiaste, mais généralement assez respectueux. Il faut au missionnaire saluer chacun, lui donner la main, être toujours d'une grande gaieté malgré qu'il soit certaines fois accablé de fatigues après un long voyage à travers les bois. N'importe, il fait bonne contenance, il y a là des âmes à gagner, des consciences à écurer (quel besoin) et si le contre-maître donne l'exemple, il a la consolation, à son départ d'avoir confessé et communié tous ces garnements, fiers alors d'avoir fait leur devoir.

Le travail a duré une partie de la nuit, le missionnaire part et va recommencer la nuit suivante au chantier voisin. À part les fatigues du voyage et du travail de nuit, il y a aussi celle occasionnée par une compagnie absolument mauvaise et désagréable et dont se sauvent peu de personnes qui visitent les chantiers. Vous vous doutez certainement que ces habitations ne sont pas toujours des modèles de propreté. Or, imaginez trente ou quarante hommes qui vous passent une partie de l'hiver sans changer d'habits ; il vient un temps où chacun porte avec soi une multitude d'habitants plus ou moins insupportables et plus ou moins voraces. Comme ceux-ci aiment la viande fraîche, ils s'en donnent à coeur joie sur leur hôte des bois, et malheureusement aussi sur le missionnaire qui fait leur connaissance dès les premiers jours de la mission. C'est là un des plus grands supplices qu'il a à endurer. Un missionnaire demandait un jour à un de ces hommes à quoi il passait son temps le dimanche. - Je passe mon temps à me gratter, répondit celui-ci..."
Source : Nadine-Josette Chaline et al, La Normandie et le Québec vus du presbytère, Publications de l'Université de Rouen, 1987.

Voir aussi : La visite des chantiers (2) et L'alambic du curé Bellemare

Le Québec et la Normandie vus du presbytère

N.J. Chaline, R. Hardy et J. Roy, La Normandie et le Québec vus du presbytère : correspondance inédite, Publications de l'Université de Rouen, 1987, 211 pages.

On a découvert au séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières 8 volumes reliés renfermant la correspondance échangée par le curé Charles Bellemare de Saint-Boniface-de-Shawinigan et son homonyme le curé Vital Bellemare de Chambray-sur-Eure en Normandie. Amateur de généalogie, le curé de Saint-Boniface avait cherché dans un bottin du clergé français des prêtres qui portaient le même patronyme que lui. Il a écrit à Vital Bellemare pour s'enquérir de l'existence en  Normandie  d'un village nommé Belle-mare. 

Il n'y avait en réalité aucune parenté entre eux. Au Québec, Bellemare est un surnom de la famille Gélinas et non pas un patronyme venu de France. 

La correspondance ainsi amorcée allait durer 12 ans, de 1887 à 1899. En tout, 157 lettres ont été échangées, 79 de Charles et 78 de Vital, dont certaines comptent une vingtaine de pages. Dans leurs écrits, les deux "cousins" comparent leurs vies de prêtres, leurs paroisses, leurs familles, leurs loisirs.

Voir aussi : L'alambic du curé Bellemare ; La visite des chantiers ; La visite des chantiers (2)

mardi 4 mai 2010

L'envahissement des érablières


À Saint-Boniface-de-Shawinigan, dans le haut du quatrième rang, une érablière qui était autrefois exploitée par la famille Lampron pour la production de sirop d'érable est maintenant peuplée de hêtres à grandes feuilles (Fagus grandifolia), un bel arbre à l'écorce grise et lisse dont le tronc ressemble à la patte d'un éléphant. Le changement est apparent en automne quand la couleur brun cuivré des feuilles du hêtre domine le rouge vif de l'érable à sucre.

Selon une recherche qui a été effectuée par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (ici), l'envahissement des érablières par le hêtre serait une conséquence des pluies acides qui  rendent  le sol forestier moins fertile, ce qui  entraîne le dépérissement des érables à sucre (Acer saccharum). Le hêtre à grandes feuilles, beaucoup moins exigeant en matière de sol,  prend possession de l'espace qui est ainsi libéré. D'après Louis Duchesne, ingénieur forestier et chercheur au Ministère (ici), on compte présentement deux pousses d'érable pour une pousse de hêtre dans certaines régions du Québec. Ce ratio était de sept pour un dans les années 1960.

Il s'agit donc d'un phénomène relativement récent. Dans la Flore laurentienne publiée en 1930, le botaniste Marie-Victorin n'en fait pas mention. Il explique au contraire comment l'érable à sucre réussit à former des forêts pures :
"L'érable à sucre est l'arbre magnifique qui forme en tant d'endroits du pays laurentien les forêts pures (érablières) qui sont un de ses charmes. Il affectionne les terrains élevés mais frais et riches ; il occupe souvent les moraines bien drainées sur les rebords du Bouclier laurentien, mais il atteint chez nous son plus grand développement au sud de la province, sur les premiers contreforts des Appalaches, dans la belle région dite des Bois-Francs. Les jeunes pousses de l'érable à sucre tolérant parfaitement l'ombre des progéniteurs, il s'ensuit que les érablières sont des formations permanentes qui se régénèrent indéfiniment en supprimant automatiquement les autres espèces de haute futaie..."