vendredi 28 février 2014

Collection L'histoire Régionale (1945-1959)

À l'initiative et sous la coordination d'Albert Tessier, Les Éditions du Bien Public de Trois-Rivières ont publié, au début des années 1950, une collection consacrée à l'histoire régionale de la Mauricie. À ma connaissance, aucune autre région du Québec n'a été aussi étudiée à cette époque.



J'ai compté vingt-un titres publiés entre 1945 et 1959. la plupart entre 1950 et 1955. La numérotation des titres de la collection est erratique : il y a eu deux numéros 11, deux numéros 12 et deux numéros 20. Ces erreurs sont peut-être dues à des changements dans la séquence de publication. J'ai remis les numéros en ordre dans la liste qui apparaît plus bas. 

L'intérêt de ces études est inégal. Certaines ont plutôt mal traversé le temps ; les discussions sur les mérites des instituts domestiques, surnommées écoles du bonheur, n'intéressent plus grand monde aujourd'hui. D'autres sont demeurées des références, notamment celle de Marcel Trudel sur le régime militaire dans le gouvernement des Trois-Rivières. On trouve dans L'Apostolat missionnaire en Mauricie et dans Anciens chantiers du Saint-Maurice, pour n'en nommer que deux, des témoignages précieux sur les Amérindiens et les bûcherons de la Haute-Mauricie. Enfin, quelques-unes de ces études ont été reprises par d'autres maison d'édition. Ainsi, Les Éditions du Boréal Express, dirigées par le trifluvien Denis Vaugeois, ont réédité Les forges Saint-Maurice d'Albert Tessier en 1974.

Certains titres ont déjà été présentés sur ce blog. Le cas échéant, j'ai ajouté un lien vers l'article en question.  Je prévois en présenter d'autres bientôt.

Voici la liste des titres parus aux Éditions du Bien Public dans la collection L'histoire Régionale

1 1945 Douville Raymond Les premiers seigneurs et colons de Sainte-Anne-de-la-Pérade
2 1947 Biron Hervé Grandeurs et misères de l'église trifluvienne
3 1950 Blanchard Raoul La Mauricie
4 1950 Houyoux Joseph Routes canadiennes '49
5 1950 Houyoux Joseph Écoles de bonheur
6 1950 Tessier Albert Le miracle du curé Chamberland
7 1951 Thériault Charles-Yvon L'apostolat missionnaire en Mauricie
8 1952 Trudel Marcel Le régime militaire dans le gouvernement des Trois-Rivières
9 1952 Houyoux Joseph Pour ou contre les Écoles de Bonheur
10 1952 Tessier Albert Les forges Saint-Maurice (1729-1883)
11 1952 Boucher Thomas Mauricie d'autrefois
12 1952 Houyoux Joseph Le vrai visage des Écoles de Bonheur
13 1953 Bernard Harry Portages et routes d'eau en Haute-Mauricie
14 1953 Dupin Pierre Anciens chantiers du Saint-Maurice
15 1954 Thériault Charles-Yvon Trois-Rivières, ville de reflets
16 1954 Boucher Thomas Contes et légendes des Vieilles Forges
17 1955 Panneton Georges Chronique mariales trifluvienne
18 1955 Douville Raymond Visages du vieux Trois-Rivières
19 1955 Durand Louis Delavoie Paresseux, ignorants, arriérés
20 1956 Tessier Albert Jean Crête et la Mauricie
21 1959 Durand Louis Delavoie Laborieux, diligents, débrouillards

vendredi 21 février 2014

La route des canots

La route des canots à l'est de la rivière Batiscan. Du canton Mékinac à l’île du Lac Édouard, rapport de E. Casgrain, 16 août 1870.

Au XIXe siècle, la colonisation de la Mauricie s'est faite en remontant les bassins des principales rivières, qui étaient les voies d'accès aux nouveaux territoires. Comme il n'y avait pas encore de route terrestre, le mode de transport utilisé était le canot. La route fluviale était relativement facile sur le Saint-Maurice, mais beaucoup plus compliquée sur la Batiscan qui n'est pas navigable sur une bonne partie de son parcours, même pour un canot. Il fallait donc la contourner vers l'Est en faisant des portages de lac en lac.

La carte qui suit montre le bassin de la rivière Batiscan. La route des canots décrite par E. Casgrain allait du canton de Mékinac au sud (vert foncé) jusqu'à l'île du Lac-Édouard à l'extrême nord du bassin.

Source : SAMBBA 2007.

La route des canots couvrait une centaine de kilomètres. Les mesures utilisées par Casgrain sont tantôt en milles (5280 pieds), tantôt en chaînes (100 pieds). J'ai calculé, d'après ces mesures, que la route des canots faisait en tout 68 milles, dont au moins 10 milles en portage. Voici la description de cette route :
« Quelques renseignements sur la partie du pays qui est connue sous le nom de Chemin du lac des Îles, ou route des Canots. La route des Canots, pour la décrire plus particulièrement, part du lac des Chicots à 5 milles de St-Tite et gagne le lac Long par 3 portages qui forment en tout 240 chaînes. Sur le lac, on fait 6 milles. On quitte le lac pour faire le portage de la montagne, de 160 chaînes, qui conduit par la course nord-est au lac Masketsi, long d’environ 6 milles. Vient ensuite le portage des 20 chaînes qui conduit au lac Roberge, à peu près de même grandeur que le précédent. Suit une chaîne de petits lacs reliés entre eux par une petite rivière et quelques portages, formant en tout une longueur de 376 chaînes. Vient ensuite le petit lac des Îles, qui reçoit l’eau du lac Traverse, formant tous deux une longueur totale de 300 chaînes. Suit un autre portage de 140 chaînes, qui conduit au petit lac de la Bostonnais. On quitte ce lac pour gagner, par une suite de petits lacs reliés entre eux, la petite rivière Bostonnais et 4 portages qui forment une longueur approximative de 295 chaînes. Le Grand Lac des Îles offre une longueur de 600 chaînes. De ce lac à la branche du sud-ouest de la rivière Batiscan, il y a 3 lacs et trois portages qui forment une longueur de 350 chaînes. Le point d’arrivée à la rivière Batiscan se trouve à peu près à 3 milles plus au sud de la ligne centrale, dans la 5ième section. »

Département des terres de la Couronne et Commission géologique du Canada, Description des cantons arpentés et des territoires explorés de la province de Québec: extraits des rapports officiels d’arpentages qui se trouvent au département des terres ainsi que de ceux de la commission géologique du Canada et autres sources officielles, Québec, Imprimeur de la Reine, 1889, 18 août: 98.

L'extrait est tiré des Bases de données en histoire de la Mauricie.

Au sujet du Lac-Édouard, voir aussi sur ce blog : Des îles dans le lac et des lacs dans l'île.

mercredi 19 février 2014

À travers le registre de Saint-Léon (1)

Dans À travers les registres publié en 1886 l'abbé Cyprien Tanguay présentait les notes qu'il avait recueillies en dépouillant les registres paroissiaux du Québec avant 1800. La première de ces notices, présentées selon l'ordre chronologique, se lisait comme suit : 
1545 : Jean de Nantes, venu avec M. de Roberval, convaincu de vol, est mis aux fers.
J'ai adopté la même démarche, à une échelle réduite, en dépouillant le registre des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de  Saint-Léon-le-Grand. 

Une pépinière d'ancêtres

Pour ma famille, Saint-Léon-le-Grand dans le comté de Maskinongé est une pépinière d'ancêtres. Onze couples d'ascendants de mes enfants ont vécu à cet endroit entre 1802 et 1830. C'est la raison pour laquelle j'ai passé beaucoup de temps à examiner ce registre en particulier. Voici la liste de ces couples d'ascendants avec la date et le lieu de leur mariage : 

Allard Charles Félicité Turcotte 1809 Saint-Cuthbert
Dubé Bernard Thérèse Chrétien 1781 Saint-Jean-Port-Joli
Gélinas Alexis Thérèse Dubé 1802 Saint-Léon
Lambert Gervais Cath. Desaulniers 1806 Louiseville
Lavergne Ambroise Madeleine Joyal 1761 Louiseville
Lavergne Louis Marguerite Leblanc 1797 Yamachiche
Leclerc François Archange Caron 1795 Saint-Jean-Port-Joli
Lemaître Pierre Madeleine Sylvain 1760 Louiseville
Rivard François Pélagie Villemure 1804 Yamachiche
Rivard François Ursule Ledroit 1763 Yamachiche
Saintonge François M-Charlotte Leclerc 1806 Louiseville

Et comme toujours en généalogie, quand on cherche une chose on en trouve une autre. Le plupart des actes que j'ai relevés, et qui sont présentés plus bas, concernent d'autres paroissiens de Saint-Léon qui ne me sont pas apparentés.

Les débuts de la paroisse

La paroisse de Saint-Léon-le-Grand a été détachée du territoire de Saint-Antoine-de-Padoue de la Rivière-du-Loup (Louiseville). Une première chapelle en bois a été construite à cet endroit par les habitants du lieu-dit de Chacouna en 1801. Le registre des baptêmes, mariages et sépultures a été ouvert le 15 février 1802.

Jusqu'en 1805, Saint-Léon était une mission desservie par le curé de Louiseville et ses vicaires. Un de ces vicaires était l'abbé Louis Delaunay (1761-1837) qui sera nommé curé de Saint-Léon en 1806. Comme vicaire d'abord, puis comme prêtre résidant et enfin comme curé, Delaunay aura été en charge du registre de Saint-Léon pendant 35 ans, soit du 16 octobre 1802 jusqu'à son décès en 1837.

L'église construite entre 1819 et 1824 et agrandie en 1914 (Le Nouvelliste 2 mars 2011).

Louis Delaunay était un modèle de rigueur et de précision dans sa tenue de registre, mais il écrivait souvent les noms de ses paroissiens de façon fantaisiste : Beloin pour Blouin, Brillière pour Brière, Cahier pour Cayer, Desonier pour Desaulniers, Ginas pour Gélinas, etc.

Éphéméride

20 mars 1802 :  Le quatrième acte inscrit dans le registre de la nouvelle paroisse est le baptême de Léon illégitime. Il y en aura plusieurs de ces baptêmes d'enfants illégitimes pendant les premières années de Saint-Léon, la plupart venaient de Louiseville et même de Yamachiche. Il était plus discret de les faire baptiser dans une paroisse où la famille de l'enfant était moins connue.



La formule employée était toujours la même : « né de parents inconnus ». Les noms du parrain et de la marraine sont des indices qui aident parfois à identifier la famille ou l'entourage de la mère, mais souvent ces rôles étaient tenus par des personnes étrangères à l'enfant qui étaient disponibles lors de la cérémonie. Ces parrains et marraines d'emprunt étaient présents pour les formalités et aussi pour les convenances.

17 février 1803 : Baptême de Jean Paterne Maillet. Le prénom de l'enfant est un adjectif qui vient du latin pater et signifie qui appartient à un père. Le père en question, Bénoni Maillet, était un agriculteur qui ne savait pas signer. Le parrain était Jean-Baptiste Ledroit qui a tenu ce rôle pour de nombreux enfants. Il signait jean Baptiste le Droitte d'une main assurée et prononçait donc son patronyme de cette façon.



24 novembre 1803 : Baptême d'Augustin Welfert, fil de Sébastien et de Marie Ferron. Le père était un mercenaire allemand qui s'est marié à Louiseville le 15 septembre 1788. La famille était établie sur une ferme à Saint-Léon. Marie Welfert, âgée d'une dizaine d'années et soeur de l'enfant, a été désignée marraine.

14 mai 1804 : Baptême de Marie Meunier, fille de Jean-Baptiste et de Marie-Louise Beloin (Blouin). Le père est dit sabotier dans cette paroisse. Le couple Meunier-Blouin s'est marié à la Pointe-du-Lac le 23 juillet 1799

Selon le site de la Maison Saint-Gabriel, l'usage des sabots en bois était alors répandu chez les paysans parce qu'ils étaient bon marché et aussi imperméables, contrairement aux fameux « souliers de boeuf » qui prenaient l'eau facilement. Les beaux souliers en cuir étaient réservés aux grandes occasions.

À suivre ...

samedi 8 février 2014

Un accident de steamboat

Le 30 juillet 1846, l'annaliste du couvent des Ursulines rapporte une collision de bateaux à vapeur dans le port de Trois-Rivières  :

« Hier soir, un terrible accident de steamboat a causé plusieurs pertes de vie. Le Québec qui était à la poursuite du Montréal, mouilla dans le port, au moment où le Rowland Hill laissait le quai. Il y eut collision. Le choc fut si fort que l'une des ailes du Rowland fut complètemeut emportée et que la coque de vaisseau a été submergée. Les passagers du Rowland se précipitèrent dans le fleuve. L'équipage du Québec leur vint en aide. On n'a pu constater, dans la confusion d'une nuit sombre, le nombre de pertes de vie. »


dimanche 2 février 2014

D'un camp de concentration à l'autre

Cette histoire m'a été racontée  il y a longtemps. Je ne suis pas bien sûr des dates et les lieux.

Ma grande-tante Cléona Robitaille, une soeur missionnaire de l'Immaculée-Conception, est allée enseigner au Japon dès son entrée en religion, vers 1925. Au départ, cette mission devait durer toute sa vie. Elle y est restée une quinzaine d'années, jusqu'à l'entrée en guerre du Japon.

Avant l'attaque de Pearl Harbor, en décembre 1941, le gouvernement japonais a enfermé tous les missionnaires occidentaux dans des camps de concentration où ils sont restés prisonniers pendant quelques mois. Le Japon a ensuite décidé d'expulser les religieuses. Un bateau les a amenées vers une colonie britannique, je crois que c'était en Birmanie. Mais peu après, cette colonie a été envahie par les troupes japonaises et les religieuses ont été, de nouveau, enfermées dans un camp.


Une scène de City of life and death de Lu Chuan

Après leur libération, soeur Cléona Robitaille et ses compagnes sont allées se reposer dans une « clinique pour missionnaires fatiguées » au siège de la communauté.

Ses deux séjours dans des camps de concentration lui avaient laissé une sainte horreur du Japon. Mais comme elle était une des rares religieuses à parler japonais, sa communauté l'a quand même renvoyée enseigner dans ce pays après la guerre. Durant les années 1950-1960, elle nous expédiait des cadeaux : des éventails en papier de riz, des baguettes en ivoire incrustées de caractères japonais, des poupées en kimono.

Cléona était la fille de Nazaire Robitaille et d'Azéline Rondeau originaires de Saint-Jean-de-Matha. Sa famille a fait plusieurs séjours à Lowell dans le Massachusetts, où le père a travaillé dans une usine de ciment. Ils se sont installés sur une ferme à Saint-Mathieu, près de Shawinigan, vers 1914. Deux enfants, y sont morts de la grippe espagnole en 1919.


Cléona Robitaille avec ses frères et soeurs.


Au sujet de la famille Robitaille-Rondeau, voir aussi sur ce blog : Pierre Rondeau s'est noyé et Une ligne de vie.