jeudi 21 janvier 2010

La modestie féminine

Lors de son mariage avec Elzéar Bourassa le 16 mai 1876 à Saint-Boniface, Odélie Gélinas a déclaré ne pas savoir signer. Or, elle savait signer, même qu'elle écrivait très bien. Je crois qu'elle l'a fait par modestie, pour ne pas porter ombrage à son mari qui était analphabète. Peut-être aussi par timidité. Elle n'avait que 17 ans.

L'acte de mariage nous apprend aussi que le père d'Elzéar était gravement malade ou invalide puisque c'est son fils aîné Joseph qui tient lieu de père au marié; le père d'Elzéar était alors âgé de 71 ans. De son côté, Odélie Gélinas était orpheline de père et c'est son beau-père Raphaël Lamy qui est son témoin.

On remarque sur la photo que les deux mariés portent des décorations ou médailles en forme de croix, ce qui pouvait signifier leur appartenance à un mouvement religieux, peut-être une ligue de tempérance.

Le jour du mariage, les parents d'Elzéar lui ont donné, devant le notaire Biron de Saint-Boniface, un montant de 400 $, ce qui était une somme assez importante à l'époque. Bien que ce ne soit pas spécifié dans le contrat, cette somme pouvait être une compensation financière pour les dépenses encourues par le jeune couple pour l'entretien des parents d'Elzéar.

Les mariés ont ensuite cohabité pendant une dizaine d'années avec des membres de la famille d'Elzéar. Au recensement du Canada effectué au printemps 1881, soit 5 ans après leur mariage, le recenseur a dénombré 6 personnes dans la maison qu'ils habitaient à Saint-Boniface :
  • Elzéar Bourassa âgé de 28 ans
  • Odélie Gélinas son épouse âgée de 21 ans
  • leurs filles Almida (3 ans) et Diana (3 mois)
  • la mère d'Elzéar, Émilie Grenier qui était alors veuve et âgée de 68 ans
  • Majorique Bourassa, le jeune frère d'Elzéar, célibataire et âgé de 24 ans.

Le père d’Elzéar, Joseph Bourassa, est décédé quelques années avant ce recensement; il est mort le 3 avril 1878, deux semaines après la naissance d’Almida, le premier bébé d’Odélie. La mère d’Elzéar, Émilie Grenier, a vécu encore plusieurs années; elle est décédée le 12 janvier 1888 à l’âge de 75 ans. Majorique, le frère d’Elzéar, a dû quitter la maison vers 1884, année de son mariage avec Marie-Ange Lambert de Saint-Léon.


L'acte de mariage

« Le seize mai mil huit cent soixante-seize, après la publication d’un ban de mariage, faite sans opposition quelconque, au prône de notre messe paroissiale, dispense des deux autres bans ayant été accordée le douze courant par Sa Grandeur Monseigneur Louis-François Laflèche, Évêque des Trois-Rivières, ne s’étant découvert aucun empêchement au dit mariage, et du consentement de la mère de l’épouse, nous, curé soussigné, avons reçu le mutuel consentement de mariage de Elzéar Bourassa cultivateur, fils majeur de Joseph Bourassa, cultivateur, et de Émilie Grenier, de cette paroisse, d’une part; et de Odélie Gélinas, fille mineure de feu Antoine Gélinas, cultivateur, et de Odile Descôteaux, aussi de cette paroisse, d’autre part; et leur avons donné la bénédiction nuptiale en présence du côté de l’époux, de Joseph Bourassa fils soussigné, et du côté de l’épouse de Raphael Lamy beau-père qui ainsi que les époux a déclaré ne savoir signer. »

mercredi 20 janvier 2010

Le Lac du fugitif

On trouve au Saguenay, dans la Zec de l'Anse-Saint-Jean, le Lac du Fugitif ainsi nommé parce que des jeunes gens qui fuyaient la conscription allaient s'y cacher pendant la première guerre mondiale (1914-18). Il est situé au sud du Lac du Volontaire et du Lac des Conscrits. Ça ne s'invente pas!

Une dévote

Odélie Gélinas (1858-1930) de Saint-Boniface près de Shawinigan, était une femme très pieuse. On raconte dans la famille qu’elle s’était destinée depuis l’enfance à entrer en religion mais que sa vocation avait été remise en cause quand Elzéar Bourassa, son futur époux, l’avait demandée en mariage. Ils se sont mariés le 16 mai 1876 à Saint-Boniface. Odélie avait alors dix-sept ans seulement. Ils ont eu quatorze enfants. La photo suivante montre Odélie Gélinas assise devant deux de ses filles religieuses : Almida, soeur de la Providence, et Maria, adoratrice du Précieux-Sang.




Sa ferveur religieuse s’était accrue après la naissance de ses enfants, à un point tel que ses proches s’en inquiétaient. Sa fille Angélina (1890-1979), qui était carmélite, écrivait en 1939 : « Durant les quelques vingt dernières années à ma connaissance, elle menait une vie vraiment religieuse, ayant ses heures de silence, de lecture pieuse d’oraison. Si elle en était empêchée le jour, elle faisait ses pieux exercices la nuit… Sous son habit de femme du monde elle portait un rude cilice. Et cela avec tant de discrétion qu’il fallait être très perspicace pour le découvrir… Un jour, effrayée de ses pénitences, j’allai m’en plaindre à Mr. Le Curé J.E. Héroux, il me répondit : Ma petite fille, nous ne pouvons pas nous opposer aux desseins du Bon Dieu. Ta mère n’est pas une femme ordinaire, c’est clair que c’est le Saint-Esprit qui la dirige. »

Odélie Gélinas s’exprimait mieux que des gens plus instruits. Sa fille Angélina y voyait la preuve qu’elle était habitée par le Saint-Esprit. Elle écrivait en 1939 : « Oui je comprend aujourd’hui que c’était véritablement le Saint-Esprit qui était son Guide et son Maître. Elle n’avait pas d’instruction et pourtant avec quelle facilité elle me parlait des choses spirituelles auxquelles je ne comprenais rien alors. Et maintenant, quelle humilité : que de fois elle m’a demandé en pleurant de prier pour elle disant qu’elle n’aimait pas le Bon Dieu, qu’elle était lâche à son service. »

J'ai de la difficulté à croire qu'elle n'avait aucune instruction. Son projet était d'entrer en religion; elle avait donc dû étudier dans un couvent avant de se marier à l'âge de 17 ans. Si c'est le cas, elle pouvait avoir fait l'équivalent d'un secondaire 4 ou 5 aujourd'hui. Quant à son talent, j'y verrais davantage l'effet d'une intelligence exceptionnelle que l'intervention du Saint-Esprit. Mais c'est une question de foi. Qu'on en juge par la lettre qu'elle écrivait en mai 1918 à son fils Antoni qui s'était réfugié chez les Pères Oblats de Marie-Immaculée pour échapper à la conscription :


"Mon bien cher enfant,

C’est ta mère cher Antoine qui franchit le seuil du Monastère pour baiser son fils chéri. Cher enfant c’est donc bien vrai que tu nous a quittés pour suivre ton Jésus. Tu avais entendu son appel au fond de ton cœur, mais un peu lent pour correspondre à ta sublime vocation. Voilà qu’aujourd’hui, temps bien sombre pour la jeunesse, de nombreux obstacles se présentaient sur ta route, et qui semblaient se multiplier davantage à mesure que grandissait ton désir d’être tout à Jésus et à Marie. Fauchée par cette terrible guerre, ta vocation était perdue!… Mais grâce à tes prières, à tes rosaires peut-être? La Sainte Vierge arriva à temps te chercher, pour t’abriter sous le mante de son divin Fils. Oh oui, nous voyons en tout cela l’ouvrage de Marie. « Quiconque l’aime ne peut périr ». Tu l’as beaucoup aimée, mais comme tu es bien récompensé! Ton départ imprévu a broyé mon cœur de mère! Mais au milieu de mes larmes, je ne puis que bénir le Ciel de t’avoir choisi pour « fidèle serviteur de Marie-Immaculée ». Tu as, cher enfant, choisi la meilleure part. Le sacrifice de la séparation est déchirant pour des parents, mais ces sacrifices que le bon Maître nous impose sont bien doux comparé à ceux de tant d’autres de nos jours. Le bon Dieu ne m’en voudra pas je l’espère, pour pleurer le départ de mon cher enfant. N’est-ce pas Lui qui a fait des ses mains divines le cœur d’une mère et qui l’a rempli de tant d’amour et de tant de tendresse? N’a-t-il point pleuré lui-même la perte d’un ami? Il est vrai que tu n’es perdu pour moi, mon cher enfant, et que, du fond de ton Monastère, ton amour pour ta mère ne fera que s’accroître. Que de choses n’obtiendras-tu pas pour ta mère et ton père de ce Cœur blessé d’amour et de l’Immaculée Marie. Dans mes ennuis, quand la tristesse envahit mon âme, j’accours me réfugier dans le Sacré-Cœur. C’est au pied de la croix que nous déposons tout; c’est là que nous trouvons la force, la consolation; c’est là aussi que nous te retrouvons cher enfant. C’est aussi là que nous reconnaissons, non les sacrifices, mais les grands bienfaits du bon Dieu, l’honneur qu’Il nous fait en choisissant six de nos enfants pour les enrôler dans l’armée des vierges, des privilégiés de son Cœur. Ah! Comment pouvons-nous remercier ce Dieu si bon si libéral! Jamais nous ne pourrons nous acquitter de cette dette de reconnaissance. Nous prions sans cesse pour ta persévérance. Remercions Dieu de ta vocation et demandons-lui la même faveur pour ton petit frère. Il nous faut deux Oblats à tout prix!…

Ah! Cher enfant, qu’il nous tarde de te contempler sous le Saint Habit! Comme ce sera long sans doute?… Nous te remercions beaucoup de ta petite missive, laquelle nous apporta tant de consolations. Tu es vraiment à l’entrée du Paradis avec de si bons R. Pères.

Maintenant nous sommes tout à fait dans l’impossibilité de t’expédier ta valise pour le moment, par la raison que tu serais mis à découvert. Tu comprends, envoyer ta valise au « Canadien Nord » hein?… Il nous faudra la descendre aux Trois-Rivières la nuit… et les semailles ne sont pas encore terminées; et aussi, même, c’est très dangereux de se faire arrêter. De nos braves gens ont été saisis en pleine nuit. Si c’était en d’autres temps tu l’aurai eue immédiatement. Fais encore ce petit sacrifice, dans quelques temps peut-être tu l’auras.

Tu ne saurais croire comme tout le monde est inquiet de toi et d’Anna-Marie qui partit le lundi suivant de ton départ. Tout le monde sont là : où sont-ils? que font-ils? quand reviendront-ils? etc. C’est à ne plus finir! Mais le secret est bien gardé va!… Ma santé est assez bonne, ainsi en est-il de toute notre petite famille. Marie-Ange demeure à la maison pour vaquer aux soins du ménage. Josaphat travaille avec son père. Au revoir donc mon cher enfant, veuille saluer respectueusement tes supérieurs pour nous. Unions de prières et de sacrifices.

Nous t’embrassons bien tendrement,Ta mère Dame E. Bourassa"

On imagine facilement l'influence que pouvait exercer une telle mère sur les vocations religieuses de ses enfants. Six d'entre eux sont entrés en religion : trois soeurs de la Providence, une carmélite, une adoratrice du Précieux-Sang et un frère Oblat de Marie-Immaculée.

mardi 19 janvier 2010

La salicaire ne mérite pas sa réputation

Dans la revue Contact de l'Université Laval (Hiver 2010), le biologiste Claude Lavoie fait état de ses recherches sur l'impact de la salicaire sur l'environnement. Cette plante, introduite vers 1830, est réputée très dommageable pour les milieux naturels. Monsieur Lavoie a consulté 907 articles de journaux et 38 articles scientifiques consacrés aux impacts écologiques de cette espèce. Il conclut que "certaines espèces indigènes peuvent souffrir de sa présence, mais il est exagéré de dire qu'elle a causé la disparition d'autres espèces ou qu'elle a un impact négatif important sur les habitats humides". Elle s'installerait la plupart du temps dans des milieux qui ont déjà été perturbés par l'activité humaine.

Je suis content de l'apprendre parce que je me sentais un peu coupable d'en avoir planté une variété horticole (Lythrum salicaria "Robert") à mon chalet. La variété Robert a des fleurs rose vif plutôt que mauve.

lundi 18 janvier 2010

Saint-Étienne-des-Grès 1859-2009

Tout comme Saint-Boniface, Saint-Étienne-des-Grès fêtait ses 150 ans en 2009. Cependant, la municipalité n'a pas produit d'album souvenir mais seulement un diaporama de photographies anciennes présenté sur DVD. Ceux qui s'intéressent à l'histoire de cette municipalité peuvent essayer de trouver un exemplaire de l'album "Histoire du fief et de la paroisse de St-Étienne-des-Grès depuis 1673" qui a été produit par la Société d'histoire locale lors du 125e anniversaire en 1984. C'est un ouvrage très intéressant dont la reliure est malheureusement fragile.

L'année 1673 dans le titre du livre fait référence à la concession de la seigneurie de La Vérandrie, dite aussi La Gabelle. Le site de La Gabelle était alors un lieu de rendez-vous avec les Amérindiens pour le commerce de la fourrure. La seigneurie a été réunie au domaine des Forges du Saint-Maurice en 1737 sous le nom de fief Saint-Étienne. Ce territoire était interdit à la colonisation; il servait de réserve pour l'approvisionnement des Forges en minerai de fer, en charbon et en bois. Un premier établissement a été créé aux Grès sur le bord de la rivière Saint-Maurice vers 1851 (le document est imprécis sur les dates). Une centaine de familles y ont formé un village industriel autour des installations appartenant à l'entrepreneur Georges Baptist. Cet établissement a été fermé en 1883. Les premiers colons de Saint-Étienne-des-Grès sont arrivés au début des années 1850. En 1857, un presbytère et une sacristie ont été construits qui servaient aussi aux habitants des paroisses de Saint-Boniface et de Sainte-Flore situées plus au nord.

Mise à jour du 24 octobre 2011
Un album souvenir du 150ième anniversaire de Saint-Étienne-des-Grès a été publié. Voir les commentaires ci-dessous.

samedi 16 janvier 2010

Saint-Boniface 1859-2009

La municipalité de Saint-Boniface, autrefois nommée Saint-Boniface de Shawinigan, fêtait ses 150 ans en 2009. Un album souvenir a été publié à cette occasion. C'est une très beau livre, bien documenté, d'une présentation soignée, avec une reliure solide. Le responsable Monsieur André Houle et les membres du comité de l'album méritent des félicitations. Une mention spéciale pour les belles photos de Jean-Claude Racine.

Le territoire actuel de Saint-Boniface faisait partie du fief réservé aux Forges du Saint-Maurice. Vers 1825, l'exploitation forestière s'est intensifiée dans la région à la suite du blocus de Napoléon contre la Grande-Bretagne. Les pins de la Mauricie sont alors vendus pour la construction navale. En 1846, le Gouvernement abolit le privilège d'exploitation que détenaient les propriétaires des Forges du Saint-Maurice afin d'ouvrir le territoire à la colonisation; en 1849, il ordonne l'arpentage de la région, ce qui permet dès 1852 le prolongement de la route des Forges jusqu'au pied de la chute de Shawinigan, sur le côté de Saint-Boniface.

Justin Gélinas de Yamachiche a été le premier colon à s'établir à Saint-Boniface, alors appelé Canton Shawinigan, le 17 mars 1850. Il a été suivi par Solyme Caron, Gabriel Boulanger, Olivier Dugré, Pit Dubé et Jean Beaulieu. En plus de défricher la terre, les premiers colons travaillaient à la construction de la glissoire à billes aux chutes de Shawinigan en 1852.

Ce que l'on a fêté en 2009, c'est le 150e anniversaire de l'érection canonique de la paroisse et l'arrivée du premier curé résident. Le peuplement avait commencé bien avant cette date.

La municipalité avait déjà publié un album pour souligner ses 125 ans en 1984. Ce livre-là était différent mais aussi très bien fait. Comme quoi il est possible de reprendre l'exercice à tous les 25 ans sans trop se répéter.

jeudi 14 janvier 2010

Les incendies de Trois-Rivières en 1752 et 1908

La ville de Trois-Rivières a été dévastée par un gigantesque incendie en 1908. C'est la raison pour laquelle on ne trouve aujourd'hui que relativement peu d'édifices anciens dans cette ville qui est pourtant la deuxième plus vieille au Canada après Québec. La photographie ci-haut donne un aperçu des ruines de la ville après l'incendie. Elle a été prise en 1908 par le photographe J.F. Pinsonneault et a été reproduite sur une carte postale plus récente.

La ville a connu un autre incendie majeur en 1752. Des soldats de la garnison aurait allumé le feu qui a brûlé pendant 5 jours et détruit la palissade du bourg, 45 maisons et le couvent des Ursulines. Les suspects ont été soumis à la question par le supplice des brodequins mais n'ont pas été condamnés faute de preuves. Un article sur ce sujet se trouve dans le Fichier d'Accès Rapide à l'histoire de Trois-Rivières ici. Le supplice des brodequins consistait à enfoncer des coins dans les genoux du supplicié à grands coups de maillet. Si l'accusé subissait la torture sans rien avouer, il était déclaré innocent et remis en liberté (voir le Dictionnaire historique et anecdotique des bourreaux ici).

mercredi 13 janvier 2010

Petit lexique du parler ancien de la Mauricie

Une chose que je voulais faire depuis longtemps : un petit lexique du parler ancien de la Mauricie, sans prétention. Ce sont des mots ou des expressions que l'on entendait encore dans la région de Shawinigan il y a une quarantaine d'années mais je suis convaincu que la plupart sont beaucoup plus anciens. Je donne simplement le sens qu'on leur attribuait, sans faire d'hypothèses sur leur origine même si j'ai parfois ma petite idée là-dessus.

Amusez-vous! : restez encore un peu! s'adressant aux visiteurs
Aux Trois-Rivières : à Trois-Rivières
Bien patté : qui a de bonnes pattes ou de bonnes jambes
Bois coti : bois qui a commencé à pourrir
C'est ben donné : c'est à la mode en parlant d'un vêtement
Cossin : objet de peu de valeur, traînerie
Coulant : glissant en parlant d'un chemin en hiver
Déserter : défricher un boisé
Désert : terrain défriché
Faire du portage : livrer des provisions dans les chantiers en hiver
Habitant du fond des rangs : être inférieur
Ne pas avoir fini ses crêpes : ne pas être sorti du bois
Pain sur la sol : pain au lait crouté
Pelottes : boules de pâte qu'on mettait dans le ragoût de pattes
Quart de pain : pain
Souper à l'heure des spotes : souper tard
Sur un chaud temps : vite, beaucoup
Suspect : susceptible
Trimpe : ivrogne
Wabo de track : voyou, vagabond


Voir aussi sur ce blog : vocabulaire de la chasse à l'orignal en Mauricie

Laurentiana : un site à découvrir

J'ai trouvé par hasard sur le web un blog nommé Laurentiana qui s'adresse aux amateurs de vieux livres québécois. L'auteur Jean-Louis Lessard a déjà blogué environ 280 livres au cours des trois dernières années. Il s'intéresse aux ouvrages qui ont au moins cinquante ans. À découvrir.

mardi 12 janvier 2010

Vocabulaire de la chasse à l'orignal en Mauricie

Monsieur Serge Fournier, professeur au Cégep de Shawinigan, a publié en 1985 une étude sur le vocabulaire utilisé par les chasseurs d'orignaux de la Mauricie. L'étude est basée sur les témoignages de vingt chasseurs et trappeurs expérimentés qui ont passé la plus grande partie de leur existence en Mauricie. La plupart sont nés entre 1900 et 1930.

Il y a des anglicismes (ex : buck, swamp), des emprunts aux langues amérindiennes (moskeg, ouache), des termes qui viennent des anciens dialectes de France (étrette, forçures), de même que des innovations québécoises (portager, tondreux).

En voici quelques exemples :

Amourettes : testicules des animaux
Arrachis : arbres arrachés par le vent
Babiches : lèvres de l'orignal
Coureur des côtes : chasseur d'orignal
Dur : foie des animaux
Étrette : rétréci, passage étroit sur un lac
Forçures : gros viscères d'un animal
Frontière : courroie qui s'appuie sur le front pour porter la venaison
Gorgoton : gosier des animaux
Moskeg : marécage
Ouache : cache du chasseur
Portager : transporter à dos d'hommes
Reinquiers : bas du dos, épine dorsale des animaux
Renversis : arbres renversés par le vent
Repoussis : aire de la fôret en regénération
Savane : herbes longues en milieu marécageux
Tondreux : glandes du castor utilisées pour attirer le gibier

La prononciation ette dans étrette (étroit) est très ancienne. Selon l'auteur, elle viendrait du Moyen-Âge dans la région de Paris. On la retrouve aussi au Québec dans frette (froid) et drette (droit).

Les chasseurs disaient "baiser le cul de la vieille" quand ils revenaient bredouille de la chasse. La même expression était utilisée pour signifier qu'une personne avait perdu à un jeu de cartes sans faire une seule levée. Les chasseurs qui n'avaient pas tué disaient aussi "faire un voyage blanc" ou encore "manger du steak de pistes".

Beaucoup de ces mots ou expressions sont aujourd'hui rarement employés ou en voie de disparition; on ne les trouve pas dans les dictionnaires du parler québécois actuel. J'en ai retrouvé plusieurs dans le Glossaire du parler français au Canada qui a été publié en 1930 par la Société du parler français au Canada et qui a été mis en ligne par Monsieur Mario Lemoine (ici). Le même site héberge aussi deux dictionnaires encore plus anciens : le Glossaire franco-canadien et vocabulaire de locutions vicieuses utilisées au Canada d'Oscar Dunn qui a été publié en 1880, de même que le Dictionnaire canadien-français de Sylva Clapin qui date de 1894.

jeudi 7 janvier 2010

Les recettes de Monsieur 50

Un petit livre de cuisine traditionelle du Québec qui a été publié par la Brasserie Labatt. Le nom de l'auteur et l'année de la publication ne sont pas indiqués mais je crois que ça date de la fin des années soixante à cause du slogan "Lui y connait ça! " qui est écrit sur la première page. Ce slogan rappelle les publicités de la Labatt 50 qui mettaient en vedette Olivier Guimond et qui ont été télédiffusées à partir de 1966.

L'exemplaire que j'ai consulté appartenait à Madame Résina Vincent, épouse d'Obélard Gélinas, de Glenada (Shawinigan-Nord). Les nombreuses taches d'aliments sur la couverture montrent bien qu'il a servi.

On y trouve exactement 50 recettes :

Hors-d'oeuvre : graisse de rôti, foie gras, cretons, galantine de poulet, tête de fromage, gelée de porc frais.

Soupes : soupe à l'oignon, soupe aux légumes, soupe aux gourganes, soupe aux tomates vertes, soupe aux poireaux, crème d'oignons et de tomates, soupe aux pois, soupe au poisson de Gaspé.

Plats de résistance : bines (sic), ragoût de patte, filet de porc au chou, ragoût de boulettes, oeuf dans le purgatoire, poule au macaroni, petits poissons des chenaux, pâté de saumon, pâté chinois, ragoût d'agneau aux petits pois, rôti de porc aux patates brunes, gibelotte du nord, jambon à la bière, pot-au-feu, omelette au p'tit lard, tourtière, perdrix au chou, sang de mouton, vraie tourtière du Saguenay.

Desserts : bonbons aux patates, mousse au sirop d'érable, gâteau de blé d'inde, grosses crêpes, pouding au chômeur, pouding au pain, beignes canadiens, pain doré, sucre à la crème, tire à la mélasse, crème glacée d'autrefois, crêpes au pain, tarte à la farlouche.

Spécialités : pain canadien, chou-fleur gratiné, ketchup rouge, herbes salées, sirop de gadelles.

C'est une cuisine simple qui utilise les ingrédients bon marché qui étaient disponibles à la campagne autrefois : la cassonnade, la mélasse, la viande et le gras de porc sous toutes ses formes, le gibier, les légumes racines (patates, carottes, navets), le chou, les légumineuses et les épices de nos grand-mères. En France, on dirait que c'est une cuisine paysanne.


Voir aussi sur ce blog : La perdrix au chou et Beignes canadiens de Monsieur 50.

On trouve des scans des pages du livret sur ce site.