mercredi 1 décembre 2010

En attendant le train

En 1879, la construction du chemin de fer Quebec, Montreal, Ottawa & Occidental (acquis plus tard par le Canadien Pacifique) avait donné à Trois-Rivières un accès rapide à la capitale et à la métropole sur la rive Nord du Saint-Laurent. On commença,  la même année, la construction d'un nouveau tronçon pour relier Trois-Rivières aux Grandes-Piles, le pied de la navigation sur le Haut-Saint-Maurice.

Le Chemin de fer des Piles devait longer la rivière pour contourner les trois chutes qui faisaient obstacle à la navigation à La Gabelle, à Shawinigan et à Grand-Mère. Deux tracés étaient alors possibles en partant de Trois-Rivières : soit sur la rive Nord du Saint-Maurice  par les paroisses de Saint-Maurice, de Saint-Narcisse et le Lac-à-la Tortue, soit sur la rive Sud par les paroisses de Saint-Étienne-des-Grès, de Saint-Boniface et de Sainte-Flore. L'enjeu était majeur pour les villages situés des deux côtés de la rivière.

À Saint-Étienne-des-Grès, comme ailleurs sur la rive Sud du Sain-Maurice, la déception avait été grande  quand le tracé de la rive Nord avait été retenu.  Mais dix ans plus tard, une nouvelle occasion s'est présentée avec le projet de prolongement du Chemin de fer des Basses Laurentides (acquis plus tard par le Canadien National) des Piles jusqu'à Trois-Rivières sur la rive Sud de la rivière. Pour ne pas "manquer le train" une fois de plus, les habitants de Saint-Étienne-des-Grès ont pris l'initiative d'accorder gratuitement un droit de passage sur leurs propriétés. Ces droits ont été consignés par le notaire Uldéric Brunelle. En voici une exemple :

Le 11 avril 1890, le forgeron Félix St-Onge, mon arrière-grand-père, cédait à la Corporation de la paroisse de St-Étienne-des-Grès un droit de passage sur sa propriété (lot 196 du cadastre). Ce droit de passage, d'une lisière de 75 pieds de largeur,  devait servir uniquement "pour le chemin de fer des Basses-Laurentides, partant de la cité des Trois-Rivières et traversant les paroisses de St-Étienne, St-Boniface et Ste-Flore". Le greffe du notaire Brunelle contient une série d'actes de même nature signés par les habitants de la paroisse.

Le préambule de ce contrat montre bien l'intérêt que portaient les citoyens au projet de chemin de fer : "considérant les bénéfices considérables que retireraient les paroissiens et habitants de St-Étienne-des-Grès par suite de la construction d'un chemin de fer qui passerait sur le territoire de la dite paroisse, et voulant les favoriser et fournir à la Corporation de la dite paroisse les moyens d'obtenir et assurer la construction d'un chemin de fer ... "

Le prolongement souhaité du Chemin de fer des Basses Laurentides ne s'est pas réalisé. Il a fallu attendre en 1906, avec la construction du Chemin de fer de la Vallée du St-Maurice (acquis plus tard par le Canadien Pacifique), entre Shawinigan et Trois-Rivières, pour que le train arrive enfin à Saint-Étienne-des-Grès. La nouvelle voie traversait le Saint-Maurice par un pont construit sur le rocher des Grès.  J'ai lu sur le site internet de la municipalité qu'un centre de ski avec remonte-pente avait alors été aménagé aux Grès pour attirer les skieurs de Trois-Rivières qui arrivaient par le train.

Le transport des passagers sur cette ligne a été abandonné au printemps de 1960, faute de clientèle. L'autobus était alors plus rapide que le train.

Voir sur ce blog La vieille gare du CP

Sources :
- Greffe du notaire Uldéric Brunelle.
- Larochelle, Fabien. Shawinigan depuis 75 ans. Shawinigan, 1975, p 467-478.
- Verrette, René. Entre le rêve et la réalité : l'implantation du réseau ferroviaire mauricien. Cap-aux-Diamants, no 54, 1998, p 18-23.


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