mercredi 21 septembre 2016

Les inondations de 1873 sur le Saint-Maurice

En mai 1873, le journal Le Constitutionnel de Trois-Rivières faisait état d'une crue exceptionnelle des eaux de la rivière Saint-Maurice et de dommages causés aux infrastructures qui avaient été mises en place par le gouvernement fédéral dans les années 1850 : les estacades et la fameuse glissoire qui permettait aux billots de franchir les chutes de Shawinigan. Un moulin à scie avait aussi été emporté au poste des Grès, près du village de Saint-Étienne-des-Grès.

Le 28 mai 1873 :
« Les estacades de la rivière Jacques Cartier et de la rivière Ste-Anne ont été emportées; dans le St-Maurice, nous avons perdu environ 50 000 billots. Les travaux du gouvernement sont détruits ou endommagés : à Shawinigan, à Grand-Mère, aux Piles, à la Tuque de même qu’à l’embouchure du St-Maurice. Les estacades des deux chenaux ont été rompues près des ponts. Mais jusqu’à présent, la partie principale a tenu bon et il y a aujourd'hui environ 175 000 billots retenus dans les booms. Aux Grès, il n’y a qu’un moulin qui ait été emporté, l’autre est intact. L’eau est plus haute sur le St-Maurice qu’on ne l’avait vu depuis 1846; mais l’on s’attend qu’elle va se mettre à baisser sérieusement aujourd'hui, sinon nous pouvons nous attendre aux pires désastres. Dans la Batiscan, les travaux ont bien tenu jusqu'à ce jour. »
Des billots retenus par des estacades sur le Saint-Maurice.

Deux jours plus tard, soit le 30 mai,  Le Constitutionnel fait état de nouveaux dommages causés par la crue des eaux :
 « Maisons, granges, hangars, magasins, tout ce qu’il y avait sur la ferme de M. Hall, à la rivière Croche, a été emporté par l’eau. Les granges pleines de foin de MM. Ritchie et Cull à La Tuque, ont également été emportées, ainsi que les magasins et autres édifices construits par M. Stoddard. On rapporte aussi que la glissoire de Shawinigan a été emportée par le courant. »
En médaillon, la glissoire des chutes de Shawinigan.


Les fermes endommagées étaient situées sur les terres basses des affluents du Saint-Maurice. Elles servaient à produire le foin nécessaire à l'entretien des chevaux employés dans les camps forestiers. Les villages de la vallée du Saint-Maurice, situés sur des hauteurs, n'avaient pas été touchés. Les villes de Shawinigan, Grand-Mère et La Tuque n'existaient pas encore.

Les deux articles du journal Le Constitutionnel sont tirés des Bases de données en histoire de la Mauricie. La première carte postale a été publiée par The Valentine and Sons Publishing Co. et la seconde, par le photographe Pinsonneault de Trois-Rivières.



dimanche 28 août 2016

Le prix d'Anne-Marie : Le manoir de Villerai

J'ai acheté ce vieux bouquin, intitulé Le manoir de Villerai, pour la somme de 10 dollars chez un brocanteur de la région de Maskinongé. Le livre a été manipulé, une note griffonnée sur une page, mais la reliure presque centenaire est encore très solide. Il est daté de 1925 et a été publié dans La Bibliothèque canadienne de La Librairie Beauchemin. J'ai découvert que l'édition originale était beaucoup plus ancienne.

L'auteure madame Leprohon, est née Rosanna Eleanor Mullins à Montréal en 1829. Elle a épousé Jean-Lukin Leprohon, un médecin francophone en 1851. Son cinquième roman Le Manoir de Villerai a d'abord été publié en anglais en 1860, puis en français en 1861. Un exemplaire de la première édition française de 1861 est conservé à la bibliothèque de l'Assemblée nationale. L'excellente traduction est de E. L. de Bellefeuille, « avec la bienveillante permission de l'auteur ».


C'est un roman d'amour à la mode du XIXe siècle, teinté de morale chrétienne, comme il convient chez une auteure qui a été éduquée par les Dames de la Congrégation de Montréal. Madame Leprohon déplore « l'audacieuse immoralité de l'école de Sue et de Balzac » et préfère « les ouvrages d'hommes tels Fénélon, Racine, etc. qui ont employé leur génie à l'instruction de leurs semblables, et à la gloire de Celui qui le leur avait donné».

Un roman très moralisateur donc, mais non pas dénué d'intérêt. En le lisant, j'ai découvert trois bonne raisons de continuer jusqu'à la fin.

1) Parce que c'est vraiment bien écrit et que la lecture est agréable.

2) Parce que le roman présente un intérêt historique évident. L'action se déroule pendant les dernières années de la Nouvelle-France. Entre autres, la bataille de Carillon, la prise de Québec, la victoire de Lévis et sa capitulation sont pertinentes au récit, parce qu'elles expliquent les absences du héros Gaston de Montarville qui est capitaine dans le régiment du Roussillon.

Curieusement, à peine un siècle plus tard, la chute de la Nouvelle-France était déjà perçue comme un événement très ancien. On ne dirait pas aujourd'hui que la première guerre mondiale est un événement très ancien. Il s'est donc produit un changement, dans la perception du temps, depuis l'époque où madame Leprohon a écrit ce roman. L'augmentation de la longévité en est probablement la cause. Le dernier vétéran canadien de la première guerre mondiale est décédé en 2010.

3) Par curiosité, j'ai voulu découvrir quels nouveaux artifices l'auteure pouvait inventer pour empêcher la réunion des amoureux avant la fin du récit. Jusqu'au dénouement, la grande beauté de Rose Lauzon ne lui attire que des ennuis. Elle n'ose espérer revoir un jour celui qu'elle aime et se résigne à mener une vie de recluse. Je me suis amusé à compter le nombre de fois où le visage de Rose pouvait rougir ou bien pâlir, trahissant ses émotions. 

Jean-Louis Lessard a consacré un article à ce roman sur Laurentiana.

Les prix scolaires


Les lecteurs de romans canadiens était peu nombreux en 1925. Pour rentabiliser leurs opérations, les éditeurs cherchaient à placer leurs livres parmi les prix qui étaient remis aux élèves à la fin de l'année scolaire. L'accès à ce marché exigeait des auteurs qu'ils fassent preuve d'une morale chrétienne à toute épreuve. 

Les romans publiés par La Librairie Beauchemin dans la Bibliothèque canadienne étaient souvent distribués comme prix scolaires de fin d'année. Mon exemplaire du Manoir de Villerai a été remis à l'élève Anne-Marie Lemire, en récompense pour ses succès, par l'inspecteur d'école Alphonse Lemaître-Auger, le 10 mai 1928.





Les romans d'amour étaient remis aux filles et les romans d'action, aux garçons. Une Anne-Marie Lemire est née à Pierreville dans le comté de Yamaska en 1915. Lemaître-Auger, le patronyme de l'inspecteur, était commun dans ce comté de la rive sud du Saint-Laurent.

Un signet singulier


En feuilletant de vieux bouquins, j'ai déjà trouvé des images pieuses, des coupures de journaux et même une carte de membre de la Société de la Bonne Mort dont j'ai déjà parlé sur ce blogue. Dans mon exemplaire du roman Le manoir de Villerai, j'ai découvert un billet de correspondance du tramway de Montréal. Il a été inséré par une personne, peut-être bien par Anne Marie Lemire elle-même, qui a lu ce prix de fin d'année.


À Montréal, les dernières lignes de tramway ont été démantelées dans les année 1950.



mercredi 20 juillet 2016

Duplessis en guerre contre la margarine

Il n'y a pas si longtemps, jusqu'en 2008 en fait, le Québec était le seul endroit au monde où l'ajout d'une couleur jaune dans la margarine était interdit, une concession faite au lobby des producteurs laitiers. Marie-Lyse Paquin a raconté l'origine de cette réglementation loufoque dans un article intitulé La saga de la margarine. 

Source : La saga de la margarine.

En 1949, le gouvernement unioniste de Maurice Duplessis, très proche des milieux agricoles, avait complètement interdit la fabrication et la vente de la margarine au Québec. Un interdit qui a ensuite été levé au début des années 1960 par le gouvernement libéral de Jean Lesage.

Cet épineux dossier a suscité des débats passionnés au cours des années 1950. Le 6 avril 1951, dans La Voix de Shawinigan, le premier ministre Duplessis faisait un plaidoyer en faveur du maintien de l'interdiction de la margarine et menaçait les contrevenants : 
« La vente de la margarine est toujours formellement interdite au Québec. Il n'y a pas de tolérance et il n'y en aura pas Nous considérons que les cultivateurs doivent recevoir pleine et entière justice. C'est leur rendre justice que de contribuer au bien-être de la classe agricole et à la prospérité de l'industrie laitière, qui est un des principaux fondement de l'agriculture. Une loi, votée en 1949, prohibe la fabrication, la vente et la mise en vente de la margarine et autres succédanés du beurre. Je demande donc à tous de se soumettre à cette loi d'intérêt public et cela dans leur propre intérêt. Il ne saurait y avoir d'excuse pour qui que ce soit, et les transgresseurs en subiront les conséquences. Elles seront coûteuses pour eux, mais ils seront les responsables. »

mardi 19 juillet 2016

Roman d'un curé de campagne

L'auteur est un prêtre qui a écrit un roman de prêtre.

Le Roman d'un curé de campagne a été publié en 1963. Il n'a pas suscité beaucoup d'intérêt et le nom de son auteur Eugène Rivest (un pseudonyme ?) est demeuré pratiquement inconnu, sauf peut-être dans les milieux ecclésiastiques.

Son défaut le plus évident est qu'il rappelle beaucoup trop, par son sujet et par son titre, le Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos qui a reçu le Grand prix du roman de l'Académie française en 1936. Les similitudes entre les deux romans sont nombreuses.























Rivest aurait pu dissiper le doute en reconnaissant s'être inspiré de Bernanos et en expliquant qu'il avait voulu transposer son histoire de curé de campagne dans un contexte canadien. Mais il ne l'a pas fait. Au contraire, il a prétendu que seul un prêtre peu écrire un bon roman de prêtre : « C'est un domaine trop sacré et trop mystérieux. Impossible de traiter convenablement du prêtre, à moins d'être prêtre » (page 83). Bernanos était un laïc.


Résumé


Les paroissiens de Saint-Zéphirin, peu pratiquants et rongés par l'avarice, font la vie dure à leur curé. Cinq prêtres se sont succédés en quelques années. L'un d'entre eux est mort de pneumonie parce que les marguilliers refusaient de chauffer l'église sur semaine. Un autre a fait une dépression et un troisième s'est complètement désintéressé de son ministère.

En 1946, le jeune abbé Antoine Fortier, fraîchement sorti du séminaire et nouvellement nommé à Saint-Zéphirin, va tenter de raviver la ferveur religieuse de ses paroissiens.

Le chef des méchants est l'homme le plus riche de la paroisse, Major Gratton surnommé le gendarme, un personnage qui rappelle le Séraphin Poudrier de Claude-Henri Grignon. Il se permet d'insulter le prêtre devant témoin, le traitant de baveux. Même Séraphin n'aurait jamais osé dire baveux à son curé.

Parallèlement aux ennuis du prêtre, une intrigue romanesque très mineure se développe entre le sacristain Serge Labrie et la jeune Violette, une représentante du « sexe pieux » qui fréquente l'église à tous les matins. « Ce n'est pas dans les grills mais à l'église qu'on rencontre les meilleures filles ». Il y a de l'humour, peut-être involontaire, dans ce roman.

Le milieu


Le curé se sent étranger au milieu de ses paroissiens. Il affiche une attitude condescendante envers eux. L'auteur ne s'en est peut-être pas rendu compte tellement ce sentiment de supériorité était répandu autrefois dans le clergé catholique.

La description du milieu paroissial du début du XXe siècle m'a intéressé davantage que les intrigues religieuse et amoureuse. Voici des extraits de passages qui ont retenu mon attention.

- Le village

« ... cette affreuse agglomération de vieilles maisons qui se ressemblaient toutes et qui étaient liées, les unes aux autres, par un même relent de moisissure et d'ennui ... On n'était plus à la campagne ni, diraient les citadins, en province. On était au « village ». Quand ils jugeaient venue l'heure de « se donner » ou de vendre leur ferme, les habitants transportaient leurs pénates en ce suprême refuge. Le croque-mort aurait une distance moins longue à franchir, et exigerait moins, pour conduire leur dépouille dans le terrain de famille. Et ils songeaient à sanctifier leurs vieux jours en se rapprochant de l'église ... 

... Comme à n'importe quelle heure du jour, l'unique rue du village était déserte. Le calme morne d'un cimetière.

À peine pouvait-on apercevoir deux ou trois petits « rentiers », courbés ou boiteux, une main sur un vieux bâton noueux qui servait de canne, l'autre qui soutenait l'inséparable pipe. Ces fantômes de mort apparaissaient comme les derniers, les seuls témoins de la vie dans ce village de Saint-Zéphirin. Le matin, ils se dirigeaient vers l'église. Au cours de la journée, ils promenaient leur ennui chez le marchand ou chez le barbier. » (page 7) 

- Les commères

« Mais chaque maison constituait un observatoire. Personne n'échappait à l'oeil inquisiteur qui se dissimulait derrière les rideaux des fenêtres. Les commères savaient et répétaient qu'un « étrange » avait traversé leur village la veille. » (page 8)

- Une enfant donnée

« De constitution délicate, le visage mince et souriant, elle avait quitté sa famille qui habitait Saint-Exupère, pour servir de bâton de vieillesse à l'oncle et à la tante de sa mère, monsieur et madame Michel Lalime. Ce vieux couple n'avait jamais eu d'enfants, alors que les parents de Violette suffisaient à peine à la charge de leur nombreuse famille. » (page 10).

Pourquoi les héroïnes de roman étaient-elles toujours de constitution délicate ?

- Le presbytère

« L'immense presbytère de dix-huit pièces, bâti selon la conception du siècle précédent de façon à pouvoir accueillir tous les curés voisins pendant trois jours complets, à l'occasion des Quarante-Heures, et pendant toute une semaine, à l'occasion de la retraite paroissiale, avait l'apparence d'un club. Il lui semblait aussi triste, ce jour-là, qu'il avait pu être, jadis, le théâtre de réunions joyeuses et enrichissantes. » (page 19). 


- L'école du rang

« Mais en 1946, ces pauvres cabanes, dépourvues du confort et de l'hygiène les plus élémentaires, ne sont-elles pas les vestiges d'un âge révolu tout autant que les témoins de sacrifices héroïque.

La poignée de la porte tomba à terre, comme il la tournait. Dans une salle dont les murs n'avaient pas reçu de peinture depuis longtemps et qui dégageait une odeur âcre, quinze enfants, aux allures gauches et au regard fauve, répartis en sept divisions ... À mesure que le curé tentait de les apprivoiser, ils se regardaient les uns et les autres d'un air inquiet. » (page 32).

La commission scolaire locale refusait de transporter les enfants dans une école du village pour sauver de l'argent. 

- L'enchère des bancs d'église

« Le jeune Serge Labrie convoitait le banc de son père. Celui-ci avait quitté Saint-Zéphirin pour la paroisse voisine depuis bientôt un an. La loi des fabriques exige, en pareil cas, que le banc soit mis en vente, mais accorde à l'aîné des fils le droit de retraire le banc au prix de la dernière enchère. » (page 54).

Le verbe ancien retraire signifie retirer.

vendredi 8 juillet 2016

Les Chevaliers de Champlain et La Patente

L'ordre de Jacques-Cartier (OJC), surnommé La Patente, était une société secrète patriotique fondée en 1926 à Vanier et dissoute en 1965. Son crédo : « religion, fraternité, discrétion ». En 1956, l'Ordre a créé les Chevaliers de Champlain pour faire concurrence aux Chevaliers de Colomb, un mouvement catholique d'origine irlando-américaine qui s'implantait au Canada français.

Bâtir un peuple meilleur


Les Chevaliers de Champlain, issus de l'OJC, étaient donc une manifestation de l'ancien nationalisme canadien-français, celui d'avant la Révolution tranquille. Cette organisation a eu une existence éphémère, de 1956 jusqu'à la dissolution de l'Ordre en 1965. Certaines sections locales ont survécu un peu plus longtemps.

La mission des Chevaliers de Champlain était « d'augmenter le prestige des Canadiens catholiques d'expression française » et leur devise : « bâtir un peuple meilleur »


La terminologie du mouvement était empruntée à l'histoire de la Nouvelle-France. Chaque section locale portait le nom d'Abitation, selon l'orthographe utilisé par Samuel de Champlain pour désigner l'édifice qu'il a fait construire sur le site de Québec en 1608. Les Abitations étaient réparties en Intendances, structure régionale correspondant aux territoires des diocèses. Un Conseil souverain, dirigé par le Grand Intendant, chapeautait le mouvement.

À Trois-Rivières


La première Abitation a été fondée à Trois-Rivières en 1956 par des Chevaliers de Colomb dissidents, avec l'appui de l'OJC et de l'évêque Mgr Georges-Léon Pelletier. Le document suivant est une carte de convocation pour une réunion mensuelle de l'Abitation Laviolette de Trois-Rivières.


Le programme de l'assemblée du 17 décembre 1961 prévoyait une messe au Séminaire et un déjeuner au Château de Blois, l'endroit le plus chic de Trois-Rivières.


Les Chevaliers cherchaient à recruter des gens influents. La carte ci-haut est adressée à Joseph-Arthur Lemire qui a été maire de Saint-Étienne-des-Grès, un village situé près de Trois-Rivières.

Rayonnement


Le mouvement a connu un certain rayonnement dans les petites villes du Québec, mais il n'a pas réussi à s'implanter à Montréal. L'image élitiste que projetait l'OJC a pu nuire au recrutement des membres.

A l'apogée, au début des années soixante, il y aurait eu une cinquantaine d'Abitations, plus ou moins actives. En plus de celle de Trois-Rivières, j'ai trouvé des mentions des Chevaliers de Champlain à Alma, Chicoutimi, Joliette, L'Épiphanie, Longeuil, Pointe-Gatineau, Repentigny, Rivière-du-Loup, Sept-Îles et Tracy. La plus récente de ces mentions est à Tracy en 1975, dix ans après la disparition de l'OJC.

Des Dames aussi


Un pendant féminin a été créé : les Dames Hélène de Champlain, du nom de l'épouse du fondateur de Québec, Hélène Boulé. J'ai trouvé des mentions de ces Dames à Chicoutimi, Joliette, Pointe-Gatineau, Rimouski, Sept-Îles et Tracy. Elles se sont notamment impliquées dans la diffusion du livre québécois.

Exécutif des Dames de Champlain de Pointe-Gatineau en 1963

La photographie de l'exécutif des Dames de Champlain de Pointe-Gatineau provient de ce blog.


jeudi 23 juin 2016

Le bon voisinage

À Saint-Étienne-des-Grès, mon grand-père Félix St-Onge et Ferdinand Milette étaient des amis. On les voit sur cette photographie assis, mon grand-père à gauche et Ferdinand à droite. Elle a été prise chez le photographe Pinsonneault de Trois-Rivières vers 1908. Les trois autres jeunes gens debout, probablement de Saint-Étienne-des-Grès eux aussi, n'ont pas encore été identifiés.

Félix St-Onge, Ferdinand Milette et trois amis vers 1908.

Après leurs mariages, Félix et Ferdinand ont été voisins sur la rue Principale de Saint-Étienne-des-Grès. Leurs enfants sont aussi devenus des amis, par affinité bien sûr, mais aussi parce que ma grand-mère Alma Picard interdisait à ses enfants, mes oncles et mes tantes, de sortir de la cour arrière de la maison. Leur choix d'amis se résumait donc aux voisins immédiats sur la rue Principale. 

Ma grand-mère, qui était une ancienne maîtresse d'école, donnait à ses enfants une éducation bourgeoise très rigide, en décalage avec celle que recevaient la plupart des autres enfants du village. Très peu de familles du voisinage trouvaient grâce à ses yeux. 

La photo suivante a été prise vers 1939. On reconnait, sur la deuxième rangèe : Angèle Milette, ma tante Jacqueline St-Onge, Louis-Joseph Milette et ma tante Berthe St-Onge. Yolande St-Onge est au deuxième rang de la première rangée.

Enfants Milette er St-Onge vers 1939

Ma tante Berthe St-Onge, l'aînée de la famille, a fréquenté Louis-Joseph Milette, fils de Ferdinand, pendant plusieurs années. On les voit ici ensemble devant le barrage hydroélectrique de La Gabelle vers 1940. Finalement, Louis-Joseph, surnommé Titou, en a épousé une autre en 1942. Il a repris la maison de son père décédé en 1939.


Berthe St-Onge et Louis-Joseph (Titou) Milette vers 1940

Ma grand-mère Alma Picard a été alitée pendant plusieurs années avant son décès en 1976. Sa fille Jacqueline, qui en prenait soin, la transportait dans ses bras, de la chaise longue de la cuisine jusqu'à son lit dans la chambre voisine dont la fenêtre donnait chez les voisins Milette. Elle demandait à sa mère : « de quel côté voulez-vous vous coucher ? » Et ma grand-mère répondait :  « la cuisine » ou bien « chez Titou ».


dimanche 19 juin 2016

Azilda donnée en élève

Il semble que la valeur d'un enfant était moins grande autrefois, à l'époque où les femmes en avaient beaucoup.

C'est difficile à concevoir aujourd'hui, mais au 19e siècle, on pouvait donner son propre enfant à un couple de parents ou d'amis qui n'en avait pas. C'était même considéré comme un geste de générosité. L'enfant ainsi donné demeurait dans sa nouvelle famille jusqu'à l'âge adulte, sans papiers d'adoption ni aucune autre formalité.

La famille d'Adèle Gélinas


Mon arrière-arrière-grand-mère Adèle Gélinas, fille de Léon et de Marie Hébert, est née le 22 janvier 1848 à Saint-Barnabé dans le comté de Saint-Maurice. Elle a épousé Norbert-Alfred Leclerc le 24 février 1868 à Sainte-Flore dans le comté de Champlain.

Ils ont eu quatre enfants : Victoria (née en 1868), Mathias (1870), Azilda (1872) et Marie-Louise (1874). La photo suivante, sur métal, montre Adèle Gélinas avec sa fille Azilda Leclerc, mon arrière-grand-mère, en 1874 ou 1875.


Adéle Gélinas et Azilda Leclerc vers 1874-1875

Norbert-Alfred Leclerc est décédé le 21 avril 1874, trois semaines avant la naissance de Marie-Louise. Adèle Gélinas se retrouvait donc seule avec bientôt quatre enfants. Elle a gardé avec elle ses deux plus vieux, Victoria et Mathias, et donné en élève ses deux plus jeunes, Azilda et Marie-Louise.


Victoria et Mathias Leclerc vers 1880.

Je ne sais pas où est allé le bébé Marie-Louise, mais mon arrière-grand-mère Azilda a été prise en charge par Joseph Pothier et Caroline Biron, des amis d'Adèle Gélinas qui n'avaient pas d'enfant. Azilda a passé toute son enfance chez ce couple, tout en sachant qui était sa véritable mère. Sainte-Flore était un petit village.

Je crois que le placement d'Azilda chez Joseph Pothier et Caroline Biron a dû se faire peu après la prise de cette photographie vers 1875.

Mathias et Azilda Leclerc vers 1875

Au recensement de 1881 à Sainte-Flore. Adèle Gélinas vivait chez son père Léon, avec ses enfants Victoria et Mathias, tandis qu'Azilda, âgée de 8 ans habitait chez Joseph Pothier et Caroline Biron qui n'avaient pas d'autres enfants. J'ignore où se trouvait alors Marie-Louise la petite soeur d'Azilda.

Adèle Gélinas s'est remariée en 1881


Adèle Gélinas, veuve de Norbert-Alfred Leclerc s'est remariée avec Narcisse Benoît le 9 août 1881 à Sainte-Flore. Joseph Pothier lui a servi de témoin et on trouve la signature de Caroline Biron au bas de l'acte de mariage. Les parents suppléants d'Azilda étaient donc des amis proches de sa mère Adèle Gélinas.


Elle a eu six autres enfants de ce second mariage.

Du ressentiment ?


Azilda Leclerc a épousé Adélard Lavergne le 10 novembre 1891 à Sainte-Flore. Étant mineure, il lui a fallu demander la permission de sa vraie mère, Adèle Gélinas, pour se marier.

Malgré la tradition qui voulait que les grands-parents soient parrain et marraine des aînés d'une famille, Adèle Gélinas n'a été marraine d'aucun des 14 enfants d'Azilda Leclerc et d'Adélard Lavergne. Par contre, sa mère suppléante Caroline Biron a été marraine de l'aînée d'Azilda, prénommée Anna, tandis que son père suppléant Joseph Pothier a été parrain de sa deuxième fille, prénommée Albertine.

Les trois autres enfants Leclerc 


Les trois frère et soeurs d'Azilda ont émigré aux États-Unis.

Victoria Leclerc est allée travailler à Manchester dans le New Hampshire où elle a épousé Adélard René le 4 janvier 1889. La photo suivante, prise vers 1913, montre quatre générations de femmes : Victoria Leclerc debout à droite, sa mère Adèle Gélinas assise, sa fille Aurore René à gauche et sa petite-fille Irène Paradis. 

Quatre générations de femmes

Mathias Leclerc s'est marié avec Rose-Anna Martel le 24 juillet 1893 à Saint-Jacques-des-Piles. Ils sont allés vivre aux États-Unis. Leur passage à la frontière du Vermont a été enregistré par les autorité américaines le 2 avril 1919. Mathias revenait alors d'une visite chez sa mère Adèle Gélinas. Je perd ensuite sa trace.

Marie ou Marie-Louise Leclerc est aussi allée travailler aux États-Unis, probablement avec sa soeur Victoria. Elle a épousé Maurice Grenier le 15 février 1891 à Manchester dans le New Hampshire.

Leclerc ou Boisclair

 

Il y avait deux familles de Leclerc dans la région de Sainte-Flore à cette époque : des Leclerc dit Francoeur et des Leclerc dit Boisclair. Il en est résulté une certaine confusion dans les registres paroissiaux. Azilda était une Leclerc-Francoeur, mais plusieurs actes relatifs à sa famille ont été inscrits, de façon erronée, sous le surnom de Boisclair.




jeudi 21 avril 2016

Morte d'éclampsie

Le décès de Caroline Paquin à Lowell


Caroline Paquin, la première épouse de mon arrière-grand-oncle François Martineau-Saintonge est morte d'éclampsie le 14 août 1890 à Lowell. Elle avait 42 ans. Caroline a été inscrite sous le patronyme de St Onge dans le registre des décès de la ville.


La famille, originaire de Saint-Paulin dans le comté de Maskinongé, était à Lowell depuis moins d'un an au moment du décès. Caroline avait déjà mené à terme douze grossesses et il lui restait huit enfants vivants.

L'éclampsie


Les chercheurs qui parcourent les registres paroissiaux anciens rencontrent souvent des actes de sépultures de jeunes femmes mariées. Une des principales causes de ces décès était l'éclampsie chez la femme enceinte.

L'éclampsie est une crise convulsive généralisée due à l'hypertension. La malade atteinte peut mourir en quelques heures seulement. La seule façon de la traiter est d'interrompre la grossesse. Une première grossesse ou un âge maternel supérieur à 40 ans sont parmi les principaux facteurs de risque.

La mortalité due à l'éclampsie est maintenant plutôt rare dans les pays riches, mais demeure fréquente dans certains pays d'Afrique.

Chercher de l'aide 


Le décès de Caroline laissait François seul avec huit enfants. Puis Diana, la plus jeune de ses filles, est décédée deux mois après sa mère. La situation était devenue intenable pour lui.

Il est retourné à Saint-Paulin, sa paroisse d'origine du comté de Maskinongé, sans doute pour chercher de l'aide auprès de la famille. En 1891, il a été recensé au lieu-dit Hunterstown, un hameau situé un peu à l'ouest du village de Saint-Paulin sur la Rivière-du-Loup.

Ce n'était que partie remise. François Martineau-Saintonge était de retour à Lowell le 18 février 1892, jour de son second mariage avec Aurélie Bergeron.

dimanche 10 avril 2016

La pension St Onge à Lowell

À la fin du 19e siècle, la ville de Lowell dans le Massachusetts était le principal centre industriel en Amérique. Des boarding houses, ou pensions de famille, offraient le gîte et le couvert aux travailleurs étrangers des usines environnantes : des Canadiens français et des Irlandais surtout, mais aussi des Grecs, des Allemands, des Polonais. Sur Merrimack Street, un parc municipal porte aujourd'hui le nom de Boarding House Park en souvenir de ces anciennes pensions de famille. 

Les boarding houses de Lowell


Mon arrière-grand oncle François Martineau-Saintonge et sa seconde femme Aurélie Bergeron ont tenu une pension de famille au 615 Merrimack Street pendant une quinzaine d'années. En 1900, François tenait aussi une épicerie, mais la pension de famille, qui comptait une douzaine de chambres en location, est devenue par la suite son principal gagne-pain. 

Ce n'était pas un lieu de passage. Certains pensionnaires de 1900 étaient encore présents en 1910, deux couples d'âge mûr sans enfant : Joseph-Ephrem Bousquet et son épouse, de même qu'Azarie Comtois et sa femme Rose-Anna. Une servante nommée Victoria St Onge, sans lien de parenté avec François, a été recensée à la même adresse. Elle devait se charger de l'entretien des lieux.

L'établissement accueillait des francophones, soit des Canadiens français et des Belges. La pension voisine, au 601 Merrimack, était tenue par un Canadien anglais nommé George L. Pickering qui recevait des Canadiens français et des Allemands. Merrimack Street était une rue très cosmopolite.

J'ignore si la pension St Onge est demeurée ouverte après le décès de François en 1914. Le déclin économique de la ville était déjà bien amorcé à ce moment-là, avec la délocalisation des usines de textile, et les pensionnaires se faisaient sans doute plus rares.

En 1920, le 615 Merrimack appartenait à un nommé Arthur Pitre. Alexandra, une des filles de François St Onge, et son mari Ulderic Milette logeaient encore à cet endroit.

La même année, on retrouve Aurélie Bergeron, veuve St Onge, dans un autre quartier de Lowell, au 235 Mt Hope Street, où son gendre d'origine grecque George Gialousis tenait une boutique de tailleur et une teinturerie. Mais c'est une autre histoire.


mardi 5 avril 2016

Un document révélateur

J'ai des dizaines de documents de toutes sortes sur la famille de mon arrière-grand-père Félix Martineau-Saintonge (1850-1927), forgeron à Saint-Étienne-des-Grès, mais aucun n'est aussi révélateur que ce paragraphe paru dans le Lowell Sun du 9 novembre 1914.


Comme un recensement, ce paragraphe énumère les membres de la famille à un moment précis de l'année 1914. Mais mieux qu'un recensement, il situe chacun en Amérique du Nord : Lowell, New Bedford, le Michigan, Saint-Paulin et Saint-Étienne-des-Grès. Une carte géographique de la famille en quelque sorte.

Il contient de succulents détails que j'ignorais :
  1. Que François est décédé dans sa maison de 615 Merrimack Street à Lowell dans le Massachusetts pendant la nuit.
  2. Que sa soeur Denise, remariée avec un Lafrenière, habitait le Michigan cette année-là.
  3. Que les membres de la famille qui ne sont pas énumérés dans ce paragraphe sont vraisemblablement décédés avant le 8 novembre 1914.

Cette coupure de journal a été mise en ligne sur le site Ancestry par un cousin américain anonyme que je remercie.

vendredi 11 mars 2016

Le Québec ne sera pas une deuxième Corée !

En 1950, les manoeuvres de l'Union Soviétique en Corée laissaient craindre une troisième guerre mondiale. Au Québec, l'Union Nationale de Maurice Duplessis a exploité cette peur pour asseoir son pouvoir. 

L'hedomadaire La voix de Shawinigan était réputé très proche de l'Union Nationale. Son propriétaire-éditeur, M. Gilles Trudel, était le fils du Dr Marc Trudel, député unioniste du comté de Saint-Maurice de 1944 à 1952. À chaque semaine, une chronique intitulée La politique au Québec faisait l'éloge des réalisations de l'Union nationale et tournait en ridicule les interventions des libéraux.

Citant l'agence Brithish United Press, l'édition du 21 juillet 1950 rapportait que :

« Le gouvernement provincial du Québec a pris toutes les mesures pour mettre en état d'arrestation, en moins de quelques heures, tous les Communistes et leurs sympathisant, en cas d'urgence ... C'est grâce à la Loi du Cadenas, adoptée sous la première administration Duplessis, que les agents anti-subversifs ont pu découvrir les nids de traîtres qui n'attendent que le signal de Moscou pour agir contre leur propre patrie.

Selon un porte-parole du Procureur général, le gouvernement du Québec possède une liste complète et à date de tous les agitateurs et nous savons constamment où chacun se trouve afin de pouvoir les cueillir si nécessaire. Il semble que le gouvernement provincial ait entouré cette liste et son plan de campagne du plus grand secret afin de pouvoir entrer en action en quelques instants si la chose devenait nécessaire ... Les plans comprennent l'arrestation immédiate des communistes et de leurs amis, la protection des édifices publics, des entrepôts, des points stratégiques, des ponts et des services publics, en cas d'urgence, et jusqu'à ce que l'armée puisse relever les agents provinciaux ...

C'est pourquoi des agents spéciaux de la Sûreté provinciale travaillent sans relâche à se renseigner sur les agissements communistes et subversifs. Tout en insistant sur le fait que le gouvernement provincial n'anticipe pas d'avoir à mette ces plans en action, un porte-parole a insisté sur le fait que le Québec ne serait pas " une deuxième Corée ". »

Le plan secret dont il est question dans cet article ressemble beaucoup à celui qui a été mis en oeuvre vingt ans plus tard contre les activistes du Front de libération du Québec (FLQ). 

Voir aussi sur ce blogue : Des felquistes au Lac Martel

jeudi 21 janvier 2016

Un meurtre sordide dans la vieille prison des Trois-Rivières en 1852

Un cloaque


Ceux qui ont eu l'occasion de visiter l'ancienne prison des Trois-Rivières ont pu constater l'aspect malsain des lieux. Les prisonniers étaient enfermés dans des cellules sombres et étroites, sans chauffage, l'humidité suintait sur les murs. Les latrines étaient des trous percés dans le plancher en béton qui répandaient des odeurs dans l'édifice. Ces conditions de détention extrêmes étaient normales au XIXe siècle, mais seraient jugées inhumaines aujourd'hui.

Le « trou » où étaient isolés les prisonniers récalcitrants

Des exécutions par pendaison ont eu lieu dans la cour arrière qui était surplombée par un couvent de religieuses. Le couvent était le meilleur endroit pour profiter du spectacle (voir La pendaison comme spectacle sur ce blogue).

La population carcérale



On trouve dans le recensement de 1851 une page sur la vieille prison. Il y avait alors seulement quinze personnes qui vivaient à cet endroit : le gardien, sa femme qui avait le titre de matrone, leurs cinq enfants, une couturière, une servante, deux geôliers et quatre prisonniers, soit trois hommes et une femme.

Le prisonnier Thomas Therrien âgé de 45 ans, le personnage principal de cette histoire, est né en 1806, s'est marié et a eu plusieurs enfants. Il aurait été condamné pour tentative de meurtre sur sa femme. Therrien n'a pas été recensé avec sa famille en 1852 et n'a pas assisté au mariage de sa fille en 1850. Son acte de décès n'a pas été retrouvé. Je ne l'identifierai pas davantage par délicatesse envers les descendants de cette famille. 

Tué pour un morceau de viande


Le 20 février 1852, soit quelques mois après le recensement, deux nouveaux prisonniers sont arrivés, Charles Pépin et Adolphe Beaudoin, qui avaient été condamnés à une sentence d'une semaine pour une amende impayée de 25 shillings. Ils ont eu la malchance d'être confinés dans la même cellule que Therrien. De toute évidence, le personnel de la prison ne se souciait pas beaucoup de la sécurité des prisonniers.

Le soir du 25 février, Therrien a attaqué  Pépin et Beaudoin avec une hache qu'il avait réussi à cacher dans sa paillasse. Le premier a été tué d'un coup dans le dos et le deuxième a été blessé. Dans un délire paranoïaque, Therrien aurait crû que ses codétenus, qui lui avaient offert un morceau de viande, voulaient l'empoisonner.

L'affaire a été confiée au coroner Valère Guillet de Trois-Rivières, un homme très consciencieux qui a interrogé les témoins et remis un rapport détaillé. Les circonstances de ce meurtre ont été racontées en détail, d'après le rapport du coroner, sur le blogue Historiquement logique.

À l'asile des lunatiques


Au recensement de 1871, « Thomas Therin », un francophone catholique né vers 1804 au Québec, était interné au Rockwood Lunatic Asylum à Frontenac en Ontario. Il venait du pénitencier de Kingston, surnommé l'Alcatraz du Canada, qui est situé dans la même province. C'était là qu'on enfermait les criminels les plus dangereux.


mardi 19 janvier 2016

S'unir « à la façon du pays »

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les unions « à la façon du pays » entre un coureur des bois français ou canadien français et une Amérindienne n'ont jamais été officialisées. Y-avait-il des rites, un cérémonial ? Chose certaine, elles n'ont été inscrites dans aucun registre paroissial.

Ces unions étaient tolérées, par nécessité, parce qu'il n'y avait pas de prêtre sur place pour les célébrer, mais elles ne comptaient pas pour l'Église catholique. Plusieurs coureurs des bois ont pu se marier religieusement après avoir vécu et même avoir eu des enfants dans l'Ouest avec une Amérindienne « à la façon du pays». Elles ne comptaient pas non plus pour les Américains. Par exemple, le fameux Kit Carson a pu se marier religieusement avec une très jeune Espagnole après que son épouse cheyenne l'eût quitté pour retourner vivre parmi les siens. 

C'est ce qui rend la recherche généalogique si difficile pour les Métis. Dans l'Ouest canadien et dans le Midwest américain, des centaines, sinon des milliers d'enfants métis francophones sont nés de ces unions « à la façon du pays ». 

lundi 18 janvier 2016

Un pique-nique à Gentilly vers 1912

Mise à jour le 25 janvier 2016. J'ai progressé dans l'identification de cette photographie grâce à l'aide que j'ai reçue de quelques personnes que je remercie. Sept des vingt-deux personnes présentes ont maintenant un nom.

Il est écrit au verso de cette photographie champêtre : « alma picard en pique nique ». Je crois qu'elle a été prise soit chez Monsieur Nérée Fontaine, soit chez Monsieur Alphonse Picard, à Gentilly à l'été 1912. Les personnes qui ont été identifiées jusqu'à maintenant appartiennent aux familles Fontaine et Picard de Gentilly.



J'ai ajouté des agrandissements plus bas pour faciliter l'identification.

Première rangée


Ma grand-mère Alma Picard (1895-1977), fille d'Alphonse Destroismaisons-Picard et d'Aurore Marchand est la dernière personne à droite de la première rangée, marquée par un x. C'est certain.

Deuxième rangée


Au bout de la deuxième rangée à droite, les deux jeunes filles qui portent des robes d'un même tissu seraient les deux soeurs aînées d'Alma Picard : Léda Picard (1890-1959), qui mange une grappe de cerises sauvages et Berthe Picard (1893-1970), la jeune fille à l'air espiègle (agrandissement 4). Léda a épousé Lucien Fontaine en 1912, tandis que Berthe est devenue soeur Louis de Blois dans la communauté des soeurs de l'Assomption de Nicolet.

Troisième rangée


Au centre, la femme qui porte une robe à carreau serait Marie-Anne Trottier (1864-1943) épouse de Nérée Fontaine (agrandissement 5).

Quatrième rangée


L'homme à la chemise blanche au centre de la dernière rangée (voir l'agrandissement 6) est Lucien Fontaine (1888-1979), fils de Nérée et de Marie-Anne Trottier et futur époux de Léda Picard.

À sa gauche, la femme en robe blanche qui tient un petit sac est Aurore Marchand (1870-1932), épouse du tanneur Alphonse Destroismaisons-Picard et mère des trois soeurs Picard qui apparaissent sur la photo.

L'homme aux bretelles à côté d'Aurore Marchand est Nérée Fontaine (1863-1943) chez qui le pique-nique à peut-être eu lieu.


Quelques observations


Trois femmes tiennent une cigarette (agrandissement 2), mais aucune n'est allumée. C'était sans doute un jeu, les femmes ne fumaient pas à cette époque, surtout pas ma grand-mère. Celle qui se tient de profil à gauche de la première rangée (agrandissement 1) porte une couronne de feuilles. Trois des filles ont les yeux clairs.

Voici les agrandissements :

Agrandissement 1

Agrandissement 2

Agrandissement 3

Agrandissement 4
Agrandissement 5


Agrandissement 6

jeudi 14 janvier 2016

Baptême tardif de la fille du Sieur Laboucane

Le proverbe « A beau mentir qui vient de loin » s'appliquait parfaitement aux coureurs des bois dans leurs rapports avec les femmes autochtones.

Voici la transcription d'un acte de baptême inscrit au registre des Postes du Domaine du Roi (Tadoussac) en date du 9 juin 1785 :

« Le 9 de juin mil sept cents quatrevingts cinq (sic) par nous prêtre missionnaire du domaine du roy a été baptisée Catherine née il y a trois ans du Sieur La bouCanne. Le parrain a été michel mirabecit et la marraine cristine atutatan qui ont déclaré ne savoir signer de ce enquis suivant l'ordonnance. »
aubry prêtre

Le mot Sieur désignait un Blanc et je ne connais pas d'autre Sieur Laboucane que François Fournaise dit Laboucane (c1708-1772) et sa descendance de coureurs des bois qui ont porté le même surnom que lui.

Voici un résumé de leurs contrats d'engagement comme voyageurs dans les Pays-d'en-Haut :

François (père) Michilimakinack (1751 et 1752)
François (fils) Illinois (1751)

Poste de La Baie (1752)

Nippigon (1754)

Mer de l'Ouest (1757)
Joseph  Michilimakinack (1752)
Mathurin  Grand Portage (1778)

Michilimakinack (1803)

L'Isle-Saint-Joseph (1810 et 1812)
Jacques Dépendances du Sud (1803)
Louis Missouri (1810)

Les engagements de voyageurs n'ont pas tous été répertoriés. Cette liste ne représente donc qu'un échantillon de leurs voyages. Il ne serait pas étonnant qu'en 1782, trois ans avant le baptême de Catherine, un Fournaise dit Laboucane ait séjourné quelque temps dans le Domaine du roi pour la traite des fourrures.

Par ailleurs, Christine Atutan, la marraine de Catherine, a été mentionnée plusieurs fois dans le registre des Postes du Domaine du roi. Elle était la fille de Pierre-Joseph Ueshehin et de Geneviève Nututshesh. Elle a épousé Michel Nuatsheinu, fils du catechumène Miruabeuit et de Marie-Gabrielle Utarmabanukueu en 1775 au poste de Chicoutimi.

La mère de la petite Catherine, qui n'est pas nommée dans l'acte, était vraisemblablement une parente de Christine Atutan.

On voit bien ici la difficulté d'établir l'ascendance des Amérindiens. Qu'est devenue Catherine ? Qui était sa mère ? Quel nom a-t-elle porté ? A-t-elle eu une descendance ?

mardi 12 janvier 2016

Jeunes filles aux Grès

Dernière mise à jour le 17 janvier 2016.

J'ai cette photographie ancienne de jeunes filles non identifiées qui aurait été prise vers 1942. Il est écrit au verso : aux Grès chez M Edmond Lemire. 



J'en connais deux, c'est un début. Au deuxième rang, la jeune fille au foulard est Yolande St-Onge (1920-2002), fille de Félix et d'Alma Picard, et celle qui se tient à sa gauche (à sa droite sur la photo) est sa soeur Jacqueline St-Onge (1921- ). J'imagine qu'il y a aussi dans ce groupe une ou des filles d'Edmond Lemire et des amies.

Selon des renseignements que j'ai reçus après la publication, la jeune femme au premier rang derrière la valise est Louise-Hélène Pellerin, fille de Félix et d'Yvonne Auger, qui a fait l'École normale des Ursulines de Trois-Rivières avec Yolande St-Onge, sa grande amie. Celle qui est assise de profil à droite de la première rangée est Gilberte Plourde (1922-2001), fille d'Alphonse et de Marie-Anna St-Onge, une cousine de Yolande et de Jacqueline St-Onge. Gilberte enseignait à Saint-Étienne-des-Grès en 1944.

La quatrième du deuxième rang, en commençant par la gauche, pourrait être Annette Campbell (1922- ), fille d'Osias et d'Éveline Boucher, qui a fréquenté l'École normale des Ursulines de Trois-Rivières, avec Yolande St-Onge et Louise-Hélène Pellerin.

Les Grès


Le hameau des Grès, où la famille Lemire résidait, s'était formé sur le bord de la rivière Saint-Maurice, autour de l'ancien moulin à scie des Baptist. « A company town » comme disent les Anglais. Il n'en reste plus grand chose à présent. L'endroit fait partie de la municipalité de Saint-Étienne-des-Grès. 

Charles-Edmond Lemire, fils de Joseph-Edmond et de Marie Lincourt, est né à Saint-Étienne-des-Grès le 10 juillet 1880. Il a épousé Béatrice Riopelle le 12 août 1902 à Saint-Mathieu. Cette famille a habité « La grande maison » des Grès, ancienne résidence des Baptist, qui a été démolie en 1953.

L'École normale des Ursulines


La photographie des jeunes filles aux Grès pourrait représenter un groupe d'étudiantes de l'École normale des Ursulines à Trois-Rivières.

L'École normale a ouvert ses portes le 8 septembre 1908 sur la rue Sainte-Cécile, quelque semaines après le grand incendie de Trois-Rivières, et a été relocalisée au Monastère Christ-Roi en 1939. Elle formait des institutrices de niveau primaire, dont plusieurs ont travaillé comme « maîtresses » dans les écoles de rang de la région.

Le Monastère Christ-Roi devenu le Collège Laflèche à Trois-Rivières

Ma tante Yolande St-Onge, celle qui porte un foulard sur la photo, a enseigné à l'école du rang Petit Saint-Étienne de 1942 à 1945, avant d'entrer chez les Soeurs de l'Assomption, une communauté enseignante dont la maison-mère est à Nicolet. Elle a passé la majeure partie de sa carrière d'enseignante à Princeville, où une rue a été nommée en son honneur.