mercredi 27 mai 2009

Les trois carmélites

La chronique du 13 mai 2009 racontait l'histoire de Louisa Bourassa qui est morte de la grippe espagnole à l'automne 1918. Elle laissait son mari Ludger Dugré, boulanger à Saint-Boniface-de-Shawinigan, seul avec neuf enfants dont un bébé de cinq mois. Quelques années plus tard, Ludger et sa famille sont allés vivre à Manchester dans le Connecticut.

Trois des filles de Louisa sont devenues carmélites déchaussées, un ordre contemplatif issu d'une réforme des carmes. Elles ont passé leurs vies cloîtrées dans des monastères aux États-Unis. Avec le temps, et faute de pouvoir communiquer, la famille a un peu perdu le contact avec elles.

En novembre 2004, une cousine des trois religieuses, Mlle Anne-Marie Dugré de Saint-Boniface, m'a transmis leurs coordonnées. Elle avait obtenu ces renseignements de Mlle Gabrielle Séguin qui a été autrefois la ménagère de l'abbé Maurice Dugré, le frère des trois carmélites. Des trois soeurs, seule Thérèse, née en 1916, était encore vivante à cette époque. Voici leurs adresses ainsi que d'autres renseignements que j'ai trouvés sur le web :

- Thérèse Dugré était au Carmelite Monastry , 70 Monastry Road, Elysburg (Pennsylvanie). On aperçoit ce monastère et les champs qui l'entourent sur la photo ci-haut. La communauté carmélite d'Elysburg a déménagé à Danville (Pennsylvanie) en 2008. J'ignore si Thérèse est encore vivante; si oui, elle aurait 93 ans aujourd'hui. Une photo d'elle en chaise roulante apparait sur la page couverture du rapport annuel 2006 de l'organisme de charité "Support Our Aging Religious (SOAR)" qui collecte des fonds pour venir en aide aux religieux âgés aux États-Unis (www.usccb.org/nrro/annual_report_pdf/). Je crois bien qu'ils ont choisi sa photo parce qu'elle est jolie, comme sa mère l'était d'ailleurs.

- Bernadette Dugré est décédée en 2000. Elle vivait au Carmelite Monastry, Centre Drive, Latrobe (Pennsylvanie). C'est à Latrobe, petite ville de 6000 habitants, qu'aurait été inventé le fameux Banana Split en 1904, mais c'est une autre histoire. J'ai trouvé un avis de décès de Bernadette sur RootsWeb :

Sister Marie Bernadette of Our Lady of Lourdes (Dugre), O.C.D., of the Carmelite Monastery, Lawson Heights, Latrobe, died Friday, Dec. 8, 2000, at Caritas Christi of the Sisters of Charity, Greensburg. She was born Jan. 29, 1909, in St. Thecle, Quebec, Canada, a daughter of Ludger and Louisa (Bourassa) Dugre. She was educated in Canada and came to the United States in 1922, and became a citizen in 1959. She entered the Carmelite Monastery of St. Therese in Altoona, Dec. 3, 1927, and professed final vows June 24, 1932. Preceded in death by her parents; brothers, Jean, Philip, Germaine, Raymond and Father Maurice; and sisters, Marie Jeanne and Sister Marie of St. Joseph, O.C.D. (Georgette). She is survived by a sister, Sister Therese of the Child Jesus, O.C.D., of Elysburg; and numerous nieces and nephews. Viewing will be in the chapel of the Carmelite Monastery, Center Drive, Latrobe. Arrangements by the JOHN J. LOPATICH FUNERAL HOME INC., Latrobe

-Georgette Dugré est morte en 1960 à Columbus, Ohio. On ne trouve pas de trace d'une communauté carmélite dans cette ville, mais il y en a une depuis 1921 à Cleveland dans le même État.

lundi 25 mai 2009

Une vieille chanson scoute

Quelqu'un l'autre jour a prononcé le nom de Du Guesclin et un petit tiroir s'est ouvert qui contenait une vielle chanson scoute que j'ai chantée il y a très longtemps. L'air et chacune des paroles du refrain et du premier couplet me sont revenus comme si c'était hier. Je sais bien que c'est inutile mais maintenant que le petit tiroir est ouvert, autant la laisser sortir. Elle s'intitule Le cor :

Dans le soir d’or résonne, résonne,
Dans le soir d’or résonne le cor.
Résonne, résonne, résonne le cor. (bis)
Dans le soir d’or résonne, résonne,
Dans le soir d’or résonne le cor.

C’est le cor du grand Roland
Qui sonne affolant sous le ciel sanglant.
C’est le cor du roi Saint Louis
Sonnant l’hallali des païens maudits.
C’est le cor du gai Du Guesclin
Harcelant sans frein l’Anglais qui le craint.


Les paroles sont pompeuses mais l'air est très joli et ça se chantait bien le soir à trente autour d'un feu.

jeudi 21 mai 2009

Le recensement de 1901

Le recensement du Canada de 1901 est disponible en ligne sur le site de Bibliothèque et Archives Canada (http://www.collectionscanada.gc.ca/). Il s'agit de photographies des pages du questionnaire qui sont difficiles à consulter.

Des bénévoles ont retranscrit cette information dans une base de données qui est accessible, en anglais seulement, sur le site d'Automated Genealogy (http://automatedgenealogy.com%29./). C'est un travail colossal. Les erreurs sont nombreuses mais un processus de révision est en cours pour les corriger. À terme, le but d'Automated Genealogy est de coupler cette information avec celles des autres recensements et avec d'autres sources de données nominatives comme le Dictionnaire biographique du Canada et les articles de journaux. Les généalogistes auraient ainsi accès en ligne à une variété d'informations sur un même individu ou une même famille.

J'ai relevé dans la banque de données d'Automated Genealogy les informations sur quelques familles que je connais et ajouté des corrections entre parathèse lorsqu'il y avait des erreurs. Ces erreurs peuvent avoir été faites par les recenseurs qui ont visité les familles en 1901 (certains écrivaient vraiment comme des cochons) ou encore par les bénévoles d'Automated Genealogy qui ont retranscrit les données. Il se peut aussi que des familles aient mal répondu aux questions qui leur étaient posées en 1901, la mauvaise prononciation des prénoms étant une source d'erreur fréquente. Mais dans l'ensemble c'est un excellent travail qui sera très utile aux généalogistes.

Saint-Étienne-des-Grès dans le comté de Saint-Maurice, la famille no 22 : St Onge (St-Onge ou Saintonge) Filex (Félix), sa femme Georgina (Georgianna), leurs enfants Marilouse (Marie-Louise), Edouardina, Alfred, Alvina, Failex (Félix), Arthur, Albert, Mariana (Marie-Anna), de même que Lavallée Exina (Alexina).

Saint-Boniface-de-Shawinigan dans le comté de Saint-Maurice, la famille no 25 : Lampron Olivier, sa femme Marie, son fils George (Georges) et sa fille ? (Eulalie). Dans la même paroisse, la famille no 30 : Bourassa Elzéar, sa femme Osélie (Odélie), ses enfants Diana, Sarah, Louise (Louisa), Philippe, Adjutor, Angélina, Maria, Anna, Antoine , Joseph (Josaphat).

Saint-Mathieu dans le comté de Saint-Maurice, la famille no 74 : Decoteau (Descôteaux) Maxime, sa femme Méry (Marie), ses enfants Atanas (Athanase), Abert (Albert), Adam (Adelme), Eméder (Amédée), Clodia (Élodia). Dans la même paroisse, la famille no 82 : Decoteau (Descôteaux) Thelsphor (Télesphore), sa femme Eulalie et son fils Rogatien. Il y a vraiment beaucoup d'erreurs dans cette paroisse, non seulement dans les noms des personnes mais aussi dans leur date de naissance. Ces données n'ont pas encore été révisées.

Gentilly dans le comté de Nicolet, la famille no 57 : Picard Alphonse, sa femme Aurore, ses filles Léda, Bertha, Alma, Marie A (Marie-Ange) et Jeanne, de même que son frère Ludger.

Sainte-Flore dans le comté de Champlain, la famille no 99 : Lavergne Adelard (Adélard), sa femme Exilda (Azilda), ses enfants Anna, Albertine, Flore, Albert et Lucien.

Pour certaines paroisse, dont Sainte-Flore, des liens hypertextes ont déjà été établis avec le recensement de 1911. On peut ainsi comparer les informations sur une personne ou une famille à dix ans d'intervalle. C'est génial!

vendredi 15 mai 2009

La pieuvre selon Victor Hugo

Victor Hugo s'est exilé sur l'île de de Guernesey de 1855 à 1870 pour fuir le régime de l'empereur Napoléon III. C'est là qu'il a écrit en 1866 son roman "Les travailleurs de la mer" dont le héros Gilliat doit affronter une pieuvre.

"La pieuvre n'a pas de masse musculaire, pas de cri menaçant, pas de cuirasse, pas de corne, pas de dard, pas de pince, pas de queue prenante ou contondante, pas d'ailerons tranchants, pas d'ailerons onglés, pas d'épines, pas d'épée, pas de décharge électrique, pas de virus, pas de venin, pas de griffes, pas de bec, pas de dents. La pieuvre est de toutes les bêtes la plus formidablement armée. Qu'est-ce donc que la pieuvre ? C'est la ventouse.

Dans les écueils de pleine mer, là où l’eau étale et cache toutes ses splendeurs, dans les creux de roches non visités, dans les caves inconnues où abondent les végétations, les crustacés et les coquillages, sous les profonds portails de l’océan, le nageur qui s’y hasarde, entraîné par la beauté du lieu, court le risque d’une rencontre. Si vous faites cette rencontre, ne soyez pas curieux, évadez-vous. On entre ébloui, on sort terrifié. Voici ce que c’est que cette rencontre, toujours possible dans les roches du large. Une forme grisâtre oscille dans l'eau ; c'est gros comme le bras et long d'une demi-aune environ ; c'est un chiffon ; cette forme ressemble à un parapluie fermé qui n'aurait pas de manche. Cette loque avance vers vous peu à peu. Soudain, elle s'ouvre, huit rayons s'écartent brusquement autour d'une face qui a deux yeux ; ces rayons vivent ; il y a du flamboiement dans leur ondoiement ; c'est une sorte de roue ; déployée, elle a quatre ou cinq pieds de diamètre. Épanouissement effroyable. Cela se jette sur vous. L'hydre harponne l'homme. Cette bête s'applique sur sa proie, la recouvre, et la noue de ses longues bandes. En dessous elle est jaunâtre, en dessus elle est terreuse ; rien ne saurait rendre cette inexplicable nuance poussière ; on dirait une bête faite de cendre qui habite l'eau. Elle est arachnéide par la forme et caméléon par la coloration. Irritée, elle devient violette. Chose épouvantable, c'est mou. Ses nœuds garrottent ; son contact paralyse. Elle a un aspect de scorbut et de gangrène ; c'est de la maladie arrangée en monstruosité."

(Victor Hugo, Les travailleurs de la mer, deuxième partie, livre quatrième, chapitre 2)

mercredi 13 mai 2009

Une victime de la grippe espagnole

La grippe A(H1N1), aussi appelée grippe porcine ou mexicaine, a ramené dans l'actualité la crainte d'une pandémie semblable à celle de la grippe espagnole qui s'est répandue en quelques semaines à la fin de la première guerre mondiale.

Lorsque l'armistice a été signée à l’automne 1918, les soldats canadiens qui avaient combattu dans les tranchées en Europe ont ramené avec eux un fléau encore plus terrible que la guerre: un virus qui allait faire vingt millions de victimes dans le monde. Pour une raison inconnue, cette maladie tuait surtout les jeunes adultes.

Louisa Bourassa en est morte. D'après la photo de sa carte mortuaire, c'était une très jolie femme. Elle est décédée le 18 octobre 1918 au plus fort de l’épidémie. Par crainte de la contagion, on l'a enterrée le jour même. Elle avait alors 33 ans et laissait derrière elle son mari et neuf enfants dont un bébé de cinq mois.

Louisa Bourassa avait épousé Ludger Dugré à Saint-Boniface le 25 juillet 1904. Il boitait. Pendant les premières années de leur mariage, ils ont vécu à Saint-Justin dans le comté de Maskinongé où Ludger a exercé le métier de télégraphiste avec ses deux frères Arthem et Arthur qui étaient chefs de gare. Ils sont ensuite retournés vivre à Saint-Boniface où il a acheté une boulangerie sur le site actuel de l’auberge « La Boulangère ». Ils ont eu neuf enfants : Marie-Jeanne (née en 1907), Bernadette (1909), Jean-Marie, Philippe, Germain, Maurice (1913), Raymond (1914), Thérèse (1916) et Georgette (1918).

Ludger Dugré s’est remarié avec Annie Boisvert le 24 février 1920. Il a vendu sa boulangerie à un nommé Kirouac. Ce dernier l’a revendue plus tard à un nommé Therrien qui était réputé pour ses fèves au lard cuites dans le four à pain. En 1922, Ludger Dugré et sa famille sont allés s’établir à Manchester aux États-Unis où il a exercé le métier de garçon d’ascenseur dans un grand magasin.

Certains des petits enfants de Louisa Bourassa sont demeurés au Québec et ont été pris en charge par des parents. Thérèse, qui avait deux ans au décès de sa mère, a passé son enfance chez ses grands-parents Bourassa et chez sa tante Diana dans le Grand Quatre à Saint-Boniface. Diana Bourassa avait pris sa nièce « en élève », comme on disait autrefois.

Quatre des enfants de Louisa sont entrés en religion : un prêtre (Maurice) et trois carmélites (Bernadette, Thérèse et Georgette), qui ont passé leur vie cloîtrées dans des monastères aux États-Unis. Marie-Jeanne, l'aînée des enfants, a travaillé comme infirmière à Trois-Rivières et à Montréal. La photo suivante montre Marie-Jeanne et Bernadette Dugré en 1917, soit un an avant le décès de leur mère.