Pendant les années 1940, les Éditions Fides ont publié une série de fascicules destinés aux jeunes. C'étaient des ouvrages de propagande qui visaient à contrer l'influence des mauvaises lectures sur la jeunesse canadienne française. Les Beaux Albums Tavi abordaient les thèmes privilégiés par le clergé de l'époque : la famille traditionnelle, le terroir, le patriotisme, la religion.
Six albums ont été publiés entre 1942 et 1946. Au total, les six albums ont été tirés à plus de 100 000 exemplaires, une diffusion considérable pour une population qui comptait, selon le recensement de 1941, 900 000 familles. Les quatre premiers ont été écrits par le régionaliste mauricien Albert Tessier (1895-1976) et les deux derniers, par la poétesse Jeanne L'Archevêque-Duguay (1901-1998), épouse du peintre Rodolphe Duguay. Voici les titres :
- Femmes de maison dépareillées (1942)
- Notre mère la Terre (1942)
- La Patrie, c'est ça ! (1942)
- C'est l'aviron qui nous mène (1945)
- Fleurs vivantes (1945)
- Pleine floraison (1946)
Tavi est le pseudonyme qu'utilisait l'abbé Tessier pour publier ses photos du terroir. Chaque album Tavi était illustré d'une vingtaine de photographies prises par Tessier lors de ses visites des paroisses rurales de la Mauricie. Je dois avouer que ces images m'intéressent davantage que le texte des albums. Malheureusement, les sujets des photographies ne sont pas identifiés.
L'album numéro 2 Notre Mère la Terre contient notamment deux photos prises à Saint-Boniface de Shawinigan à la ferme de Claudio Lampron. J'ai ajouté les légendes.
Alice Descôteaux et ses filles |
Alice Descôteaux et Claudio Lampron |
Ces deux photos illustrent des passages consacrés au rôle de la femme dans la société traditionnelle. En voici un extrait qui donne un aperçu du style et du contenu de l'ouvrage :
« Qu'il y ait huit, dix ou douze enfants à la maison, cela ne gène aucunement. Bien au contraire. Plus la famille est nombreuse, plus la vie est variée et distrayante. L'espace ne manque pas, ni dans la maison ni au dehors. Les enfants peuvent jouer, courir, crier, sans déranger les voisins. Et la besogne de la maman est allégée par la part de travail que les aînés fournissent joyeusement. Quand chacun y met du sien, tout marche !Nos campagnes demeurent le grand réservoir humain de la race. C'est encore à nos familles paysannes que l'Église et l'État peuvent demander le plus sûrement les chefs nécessaires à la vie ordonnée d'un nation. C'est aussi, hélas, dans nos familles rurales que les villes viennent puiser sans retenue ! »
Remarquez, dans cet extrait, la vision idéalisée de la campagne et de la famille nombreuse, de même que la méfiance envers la ville, des valeurs qui correspondent à l'idéologie du terroir qui était véhiculée par le clergé et par les milieux conservateurs.
L'idéologie du terroir faisait abstraction du progrès technique, de l'urbanisation et de l'industrialisation qui transformaient la société québécoise. Dans Notre mère la Terre, Tessier incite les jeunes à choisir une vie de colon : défricher une nouvelle terre, construire une cabane en bois rond, organiser des corvées, etc. Il préconise le retour à des techniques anciennes, comme l'utilisation de la force motrice des boeufs pour les travaux de la ferme :
L'idéologie du terroir faisait abstraction du progrès technique, de l'urbanisation et de l'industrialisation qui transformaient la société québécoise. Dans Notre mère la Terre, Tessier incite les jeunes à choisir une vie de colon : défricher une nouvelle terre, construire une cabane en bois rond, organiser des corvées, etc. Il préconise le retour à des techniques anciennes, comme l'utilisation de la force motrice des boeufs pour les travaux de la ferme :
« Nous aurions tort d'avoir honte de nos attelages de boeufs. Ils sont moins modernes que les chevaux ou les tracteurs, mais cela ne leur enlève aucunement leurs mérites ... Le boeuf est économique. Il n'est pas exigeant pour sa nourriture. Il sert son maître avec patience ... »