dimanche 21 décembre 2014

Le petit-poisson de Noël

On pêche encore aujourd'hui en hiver, sur les glaces des rivières Sainte-Anne et Batiscan, le poulamon atlantique aussi appelé petit-poisson des chenaux. Son nom lui vient des chenaux qui sont formés par les îles à l'embouchure de la rivière Saint-Maurice, à Trois-Rivières. Au dix-neuvième siècle, on pêchait le poulamon atlantique à cet endroit pendant la période des fêtes, entre Noël et les Rois. On l'appelait alors le petit-poisson de Noël.

Le poulamon atlantique (Microgradus Tomcod)


En 1895, l'historien Benjamin Sulte nous a décrit cette pêche dans le volume 20 de ses Mélanges historiques :
" L'hiver, c'est un autre spectacle. La neige couvre les îles, les chenaux disparaissent sous une couche de glace. Dans ces lieux désolés, le lièvre et le renard tracent leurs pistes, que le chasseur suivra bientôt d'un oeil attentif. De temps à autre, une voiture passe sur le chemin de la traverse, balisé de petits sapins plantés dans le mol édredon qui recouvre les eaux durcies par l'action de l'hiver.
Mais, durant la semaine qui précède la fête de Noël, tout change, les îles s'animent en quelque sorte ; partout circule une population affairée ; on dresse des cabanages ; la tranche de fer et le godendard entament la glace sur une cinquantaine de points choisis à certaines distances les uns des autres ; le travail se continue jour et nuit jusqu'à ce que des ouvertures soient pratiquées au goût des pêcheurs, car il s'agit de pêcher le fameux petit-poisson de Trois-Rivières !
Chaque trou mesure de douze à quinze pieds de longueur sur cinq de largeur. On y enfonce un long coffre formé de quatre baguettes de bois de frêne revêtues de rêts ; l'un des bouts du coffre est ouvert et placé à l'encontre du poisson qui remonte le courant, et qui entre par masse dans ces appareils ; après quelques minutes d'attente, le pêcheur soulève la gueule du coffre, tire le tout hors de l'eau ; vous voyez alors frétiller sur la glace des centaines de petits êtres qui gèlent, en attendant la poêle à frire. On en prend plus de 40,000 boisseaux chaque hiver, en deux semaines seulement parce que, avant Noël, il n'est pas encore arrivé. et aux Rois, il achève sa course vers le rapide des Forges. Cette manne n'a qu'un temps. "

Pêche au poulamon, Trois-Rivières, Qc, 1890 (Musée McCord)

Déclin du petit-poisson des chenaux


Une dizaine d'années plus tard, Benjamin Sulte ajoutait une note en bas de page :
" Ces lignes étaient écrites en 1895. Depuis lors, les usines de Shawinigan Falls et de Grand-Mère ont pollué les eaux ; le petit-poisson venant de la mer, s'arrête pour frayer à la rivière Champlain et aux battures de Batiscan. Et il ne tardera pas à disparaître tout à fait."
Heureusement, sa prédiction ne s'est pas avérée. S'il a disparu des chenaux de Trois-Rivières, à cause de la pollution de la rivière Saint-Maurice, le petit-poisson de Noël remonte toujours à chaque année les rivières Sainte-Anne et Batiscan. 


dimanche 7 décembre 2014

À propos de Victoire Dorer

On trouve au registre de la paroisse de Saint-Charles-des-Grondines, dans le comté de Portneuf,  deux actes de baptême qui pourraient être celui de Victoire Dorer.

Parents omis


Victoire Dorer a épousé Jean Hamelin le 23 janvier 1832 aux Grondines.  Ils ont eu dix enfants. Malheureusement, les noms des parents de Victoire ne sont pas mentionnés dans l'acte de mariage :



Cette omission est embêtante pour ses descendants qui sont nombreux. Un pan de leur tableau d'ascendance s'en trouve bloqué. Les noms des témoins au mariage ne nous aident pas non plus : ils ne son pas apparentés à des Dorer.

Un détail révélateur : le célébrant inscrit que Victoire est mineure mais, contrairement à la règle, ne mentionne pas le consentement de ses parents. Il aurait dû exiger leur consentement ou celui d'un tuteur. Ce détail m'amène à croire que le curé Charles Hot ne pouvait pas, ou encore ne voulait pas, révéler l'identité des parents de Victoire.

Victoire Dorer a été citée 13 fois au registre des Grondines entre 1832 et 1855, sous les identités suivantes :
  • Victoire St-Jean (8 fois)
  • Victoire Dorer (3 fois)
  • Victoire (2 fois)
Par ailleurs, j'ai vérifié les noms des parrains et marraines de ses dix enfants et il n'y a aucun Dorer dit Saint-Jean parmi eux, ni aucun conjoint de Dorer.

Voilà pour le mariage de Victoire Dorer. Pour ce qui est de sa naissance, deux actes du registre de Saint-Charles-des-Grondines nous offrent des pistes de recherche  : celle d'une naissance illégitime et celle d'un changement de prénom.

Naissance illégitime ?


L'absence des noms des parents d'un conjoint dans un acte de mariage peut être purement accidentelle, mais une telle omission peut aussi signifier que la naissance de cette personne était illégitime aux yeux de l'Église catholique. Si les parents d'un enfant n'avaient pas été nommés lors de son baptême, on ne voulait pas révéler leur identité lors de son mariage. C'était un stigmate que l'enfant portait toute sa vie.

Victoire avait 47 ans au recensement de 1861 à Grondines, ce qui situe l'année de sa naissance en 1813 ou 1814. Or, on trouve l'acte de baptême suivant dans le registre de Saint-Charles-des-Grondines en date du 13 octobre 1813 :



Cet acte de baptême sous condition de Marie Victoire illégitime, née de parents inconnus, ne nous donne aucun indice qui nous permette de poursuivre les recherches. Les noms du parrain et de la marraine ne nous apprennent rien sur l'identité de l'enfant.

Par ailleurs, j'ai remarqué que deux autres fois, lors des baptêmes de ses enfants, le curé avait omis le nom de famille de Victoire, en 1839 et 1841.

Mais pourquoi Victoire aurait-elle porté le nom de Dorer si ses parents étaient « inconnus » du célébrant lors de son baptême ? Je vois quatre possibilités théoriques :
  1. Son père s'appelait Dorer
  2. Sa mère s'appelait Dorer
  3. Sa mère a épousé un Dorer
  4. Victoire a été adoptée par des Dorer
À ma connaissance, une seule famille de Dorer vivait aux Grondines à cette époque. Joseph Doraire dit Saint-Jean a épousé Marie-Joseph Sauvageau le 3 mars 1794 à Deschambault, paroisse voisine des Grondines. Ils ont eu onze enfants aux Grondines, dont seulement cinq étaient encore vivants en 1813, année de la naissance de Victoire : une fille de 18 ans prénommée Marie-Joseph et quatre jeunes enfants.

Cette famille a quitté la région. On la retrouve à Saint-Pierre-les-Becquets en 1817 au mariage de leur fille Marie-Joseph Doraire dite Saint-Jean avec Augustin Dupuis.

Changement de prénom ?


Il existe une deuxième piste de recherche, celle du changement de prénom.

Joseph Doraire dit Saint-Jean et Marie-Joseph Sauvageau ont eu une fille prénommée Marie le 28 décembre 1812 aux Grondines. On perd ensuite sa trace.  Est-ce que cette Marie serait devenue la Victoire qui a épousé Jean Hamelin en 1832 ?



Conclusion


Les deux scénarios sont possibles. Malheureusement, dans les deux cas, on ne peut pas prouver que l'enfant baptisé est la Victoire Dorer qui s'est mariée en 1832.

À mon avis, la naissance illégitime est plus probable que le changement de prénom. Trois raisons me portent à privilégier ce scénario :

  • l'omission du nom des parents lors du mariage me semble volontaire : le célébrant aurait dû exiger et faire part d'un consentement pour une fille mineure mais il  ne l'a pas fait ; 
  • Victoire n'a pas conservé de liens avec les Dorer, aucun n'a été parrain ou marraine de ses dix enfants ;
  • dans une paroisse aussi petite que Grondines, le baptême d'une Victoire illégitime, l'année même de la naissance de Victoire Dorer, me semble trop improbable pour n'être qu'une coïncidence.

Mis à jour le 8 décembre 2014

mercredi 3 décembre 2014

Joseph Carufel mort pour la Nouvelle-France


Un court texte, inséré dans le registre de la paroisse de Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup (Louiseville), fait état du décès de Joseph Carufel tué sur le champ de bataille le 28 avril 1760. Cette date correspond à la bataille de Sainte-Foy qui a été gagnée par les troupes du chevalier de Lévis, en route pour reprendre la ville de Québec aux Anglais.

"Le 28 avril 1760 a été tué sur le champ de bataille et enterré à ...  joseph Carufel âgé d'environ 28 ans."  signé P Audrau j



Ce n'est pas vraiment un acte de sépulture. Le jésuite Pierre Audrau, missionnaire à Maskinongé, ignorait où avait été enterré le corps de Joseph Carufel, peut-être dans une fosse commune après la bataille. Il a donc laissé un espace en blanc pour éventuellement ajouter le nom du lieu de sépulture s'il venait à le connaître.

La bataille de Sainte-Foy


Je crois que des troupes du régiment du Languedoc étaient stationnées près de Maskinongé en 1759-1760. En effet, plusieurs soldats de ce régiment ont été cités dans le registre de la Rivière-du-Loup, dans des actes relatifs à des habitants de Maskinongé : le capitaine Honoré-Louis de Cléricy (cité le 15 janvier et le 13 décembre 1759), le lieutenant Emmanuel de Cléricy (15 janvier 1759), le grenadier Olivier (28 janvier1760) et le capitaine des grenadiers D'Aiquebille (13 mars 1760). À l'époque, les soldats logeaient chez l'habitant.

Joseph De Carufel s'est-il engagé dans ce régiment ? Chose certaine, il faisait partie des 6000 hommes qui ont convergé vers Québec après la défaite des Plaines d'Abraham. Le chevalier François-Gaston de Lévis, qui avait pour mission de reprendre la capitale de la Nouvelle-France aux Anglais, commandait une armée composée de 2400 soldats réguliers, 2600 miliciens et 1000 alliés amérindiens.



La victoire de Sainte-Foy, que Joseph de Carufel a payée de sa vie le 28 avril 1760, allait permettre à l'armée de Lévis d'assiéger la ville de Québec. Mais le siège a dû être levé après deux semaines, à l'arrivée des renforts britanniques. Lorsqu'il aperçut la flotte anglaise remonter le fleuve Saint-Laurent, Lévis se serait écrié : La France nous a abandonnés ! Du moins, c'est ce qu'on nous a appris dans les manuels scolaires.

Les Sicard de Carufel


Le défunt Joseph Carufel (1732-1760), fils de Joseph Sicard de Caufel et d'Ursule Foucault, était marié à Louise Vanasse dite Vertefeuille, mais n'avait pas d'enfant. Un fils est mort en bas âge. Sa jeune veuve s'est remariée avec Jacques Dupuis onze mois plus tard, le 30 mars 1761. Elle a eu plusieurs enfants de ce second mariage.

Carufel appartenait à une famille de militaires issue de la petite noblesse française. Son grand-père, le seigneur Jean Sicard de Carufel (1664-1763), un ancêtre de ma conjointe, était un officier des troupes de la Marine, enseigne de la compagnie des Meloizes. Il a été capitaine de milice après sa retraite de l'armée. Je crois que tous les hommes de cette famille, fils et petits-fils du seigneur de Carufel, ont servi dans la milice canadienne, dont quelques-uns comme officiers.

Le grand-père Jean Sicard était originaire de Saint-Jacques de Castres dans le Haut-Languedoc, fils de Pierre Sicard De Carufel, avocat en parlement, et de Marie De Fargues. La seigneurie de Carufel que possédait sa famille se situait près de Fauch au nord de Castres.

En 1705, l'officier Jean Sicard s'est fait concéder une seigneurie en Nouvelle-France et lui a donné le nom de Carufel en souvenir de celle qui appartenait à sa famille en France. La nouvelle seigneurie de Carufel était située au nord de celle de Maskinongé et couvrait le territoire actuel de la paroisse de Saint-Justin.


mercredi 12 novembre 2014

Conçue par voie de fornication

Le prêtre récollet Bertin Mullet ne mâchait pas ses mots. En 1711, il était missionnaire à la Rivière Maskinongé, située à l'ouest de Trois-Rivières. Le 12 février de cette année, il a consigné l'acte suivant dans le registre de Trois-Rivières :



Qui était le père ? Le seul suspect possible est le fils de Pierre Blais et d'Anne Perrault, né en 1685 sur l'Île-d'Orléans.  Ce Jean Blais a passé un contrat de mariage avec Geneviève Martin le 25 octobre 1709 devant le notaire Chambalon de Berthier. Il était donc nouvellement marié au moment des faits. Je dois avouer que ce fornicateur compte parmi mes ancêtres, par son fils légitime Jean-Baptiste qui s'est marié à Trois-Rivières en 1742.

La mère, Marie Faye dite Sansquartier s'est mariée avec un autre homme, tout juste un mois avant la naissance de l'enfant. Elle a épousé François Banliac dit Lamontagne le 12 janvier 1711 à Trois-Rivières. La petite Marie a ensuite porté le nom de son beau-père Banliac. C'est sous le nom de Marie Banliac qu'elle a épousé Pierre Piet en 1739.

Il est rare que les actes de baptême des enfants illégitimes mentionnent le nom du père. La franchise du récollet Mullet allait avoir des conséquences juridiques. En 1749, l'héritage de Marie Banliac a été contesté devant les tribunaux, son beau-frère Michel Rabouin, époux de Geneviève Banliac, arguant que Marie n'y avait pas droit parce qu'elle était la fille naturelle de Jean Blais et non pas l'enfant de François Banliac. Il faisait valoir comme preuve l'acte de baptême rédigé en 1711 par le récollet Mullet. Je ne connais pas l'issue du procès.

Le document faisant état de cette contestation se trouve dans la biographie de Pierre Piet sur le site Nos Origines.

samedi 18 octobre 2014

Omissions, erreurs et fausses déclarations dans les actes de baptême

Avec l'acte de mariage de ses parents, l'acte de baptême d'un enfant est la référence normale pour établir sa filiation. Lorsque ces actes sont introuvables ou omettent des informations essentielles, le chercheur doit établir une preuve indirecte de filiation, un exercice qui s'avère souvent difficile. J'ai mis des mois à établir des preuves de filiation parce qu'un acte de baptême ou de mariage était manquant ou mal rédigé.

L'acte de baptême complet


Au XIXe siècle, l'acte de baptême complet devait contenir les informations suivantes :
  1. La date de la cérémonie
  2. La fonction de l'officiant (curé, vicaire, missionnaire, etc)
  3. Le prénom de l'enfant
  4. Le sexe de l'enfant
  5. Le jour de sa naissance (né ce jour, née hier, etc)
  6. Le statut matrimonial des parents (né du légitime mariage de ...)
  7. Le nom du père
  8. La profession du père  
  9. Le nom de la mère
  10. Le lieu de résidence des parents (de cette paroisse ou nom d'une autre paroisse)
  11. Le nom du parrain 
  12. Le nom de la marraine
  13. Leur lieu de résidence 
  14. La signature du père (ou la mention de son incapacité à signer)
  15. La signature du parrain (ou la mention de son incapacité à signer)
  16. La signature de la marraine (ou la mention de son incapacité à signer)
  17. La signature de l'officiant
Les actes du baptême du XIXe siècle ne contiennent pas toujours tous ces éléments, mais s'en approchent la plupart du temps. D'autres informations s'ajoutaient le cas échéant :
  1. L'ondoiement de l'enfant (certains bébés survivaient malgré tout)
  2. Le nom de la personne qui l'a ondoyé
  3. Le baptême sous condition 
  4. Le décès du père (feu, défunt)
  5. Un titre du père (seigneur, écuyer, officier de milice, etc)
  6. Le décès de la mère 
  7. La nationalité des parents (Anglais, Écossais, Sauvage)
  8. Le lien de parenté entre le parrain et l'enfant
  9. Le lien de parenté entre la marraine et l'enfant
  10. Le lien matrimonial entre le parrain et la marraine
  11. La mention de l'absence du père lors de la cérémonie

Omissions, erreurs et fausses déclarations


Par négligence ou par paresse, certains officiants omettaient de façon systématique beaucoup d'informations utiles. Les omissions les plus frustrantes pour un généalogiste : les noms des parents et les liens de parenté du parrain et de la marraine avec l'enfant. 

Mais il y a pire que les omissions : les informations inexactes qui  nous entraînent sur de fausses pistes. Un exemple d'erreur vraiment embêtante que j'ai déjà rencontrée: l'inversion des noms de la mère et de la marraine.

Des erreurs de bonne foi pouvaient se glisser dans les registres, mais certains officiants en faisaient beaucoup plus que d'autres. Malheureusement, dans certains cas, l'étude des registres nous amène à conclure que ces « erreurs » étaient volontaires.

J'ai consulté récemment deux registres paroissiaux qui ont été particulièrement mal tenus. Dans ces paroisses, les officiants omettaient beaucoup d'informations importantes et ne se donnaient pas la peine de faire signer les personnes présentes lors des cérémonies. Lors des baptêmes, ils écrivaient de façon systématique que le père, le parrain et la marraine ont déclaré ne savoir signer, sans égard à leur capacité de le faire. Ainsi, une même personne pouvait signer lors d'un mariage mais ne pas savoir le faire plus tard lors d'un baptême. Ces fausses déclarations répétées jettent un doute sur la validité des autres informations contenues dans leurs registres.

  • À Saint-Étienne-des-Grès en Mauricie, le taux de signature du registre, c'est-à-dire le pourcentage des témoins qui ont signé au bas des actes, est passé de 11 % à moins de 2 % après l'entrée en fonction du curé Joseph-Damase Sicard de Carufel en 1866.
  • À Sainte-Flore en Mauricie, le taux de signature du registre est passé de 28 % à 3 % seulement après l'entrée en fonction du curé Ferdinand Verville en 1890.

Or, l'alphabétisation a fortement progressé à la fin du XIXe siècle et on observe une augmentation importante du taux de signature dans les autres paroisses de la région. J'y reviendrai dans un autre article.


jeudi 16 octobre 2014

Alphonse Picard, tanneur

Alphonse Destroismaisons dit Picard exerçait le métier de tanneur à Gentilly, dans le comté de Nicolet. Il est né le 10 septembre 1861 à Saint-Pierre-les-Becquets, un village situé à l'est de Gentilly.

Alphonse Destroismaisons dit Picard vers 1930


Il a appris son métier de son père Joseph Destroismaisons dit Picard (1809-1876) qui a été tanneur à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, à Lauzon, puis à Saint-Pierre-les-Becquets, avant de s'installer à Gentilly quelque mois après la naissance d'Alphonse.

Le surnom Picard


Le surnom Picard vient de la province d'origine de l'ancêtre Philippe Destroismaisons, cordonnier, qui est né en 1638 dans le hameau des Trois Maisons près d'Amiens en Picardie. Plusieurs autres immigrants en Nouvelle-France ont porté ce surnom qui est associé aux patronymes Bourgeois, Caillé, Collet, Dubois, Lemaître, Olivier et  Philippon, notamment.

Les Destroismaisons ne sont pas apparentés aux Picard que l'on trouve dans certaines communautés autochtones du Québec. On a affirmé que la mère d'Alphonse, Marie-Carmelle Paradis, était une métisse adoptée. Je n'ai rien trouvé qui supporte cette affirmation. Son acte de baptême est au registre de Saint-Pierre-les-Becquets en date du 19 août 1828.

Des artisans


Les tanneurs appartenaient à la classe des artisans que l'on retrouvaient au XIXe siècle dans les villes et dans les principaux villages du Bas-Canada. Ils transformaient en cuir les peaux des animaux d'élevage : le boeuf, le mouton et le porc. Ils s'établissaient habituellement un peu à l'écart des agglomérations à cause des odeurs fortes que dégageait le trempage des peaux dans des produits chimiques.



Les principaux clients des tanneurs étaient les cordonniers qui utilisaient leurs cuirs pour en faire des souliers. Alphonse Picard a d'ailleurs épousé la fille d'un cordonnier, sa voisine Aurore Marchand, le 13 février 1888 à Gentilly. Les deux conjoints savaient lire et écrire, une compétence indispensable pour tenir un commerce. Ils ont d'ailleurs signé au bas de l'acte de mariage.



Aurore Marchand était aussi une artisane. Elle exerçait le métier de modiste, c'est-à-dire qu'elle fabriquait des chapeaux sur commande pour les dames. Elle a poursuivi cette activité après son mariage, aidée par ses filles.



La famille n'était pas riche, mais vivait bien. Les artisans avaient des revenus supérieurs à ceux des cultivateurs qui constituaient la majorité de la population. Au recensement de 1901, Alphonse Picard déclarait un revenu annuel de 400 $ auquel s'ajoutaient les 300 $ gagnés par sa femme modiste. Ils habitaient une grande maison en bois de huit pièces. Selon leur petite-fille Berthe Saintonge (1916-2011) qui les a visités dans les années 1920, le terrain qui entourait leur maison était un peu négligé : les mauvaises herbes y poussaient librement.

Alphonse et Aurore ont eu dix enfants, mais seulement six filles ont atteint l'âge adulte : Léda (1890), Marie-Berthe (1893), Alma (1895), Marie-Ange (1898), Marie-Jeanne (1900) et Lucille (1902). Elles ont été instruites par les Soeurs de l'Assomption qui tenaient un école primaire et un pensionnat pour jeunes filles à Gentilly. L'une d'entre elles, Marie-Berthe, est entrée dans cette communauté religieuse ; les cinq autres se sont mariées.

Aurore Marchand et sa fille Lucille vers 1918


Après la mort de sa femme en 1932, Alphonse Picard a vécu chez ses filles qui le recevaient à tour de rôle. À une époque, il passait ses hivers chez Léda (épouse de Lucien Fontaine) à Montréal et ses étés chez Alma (épouse de Félix Saintonge) à Saint-Étienne-des-Grès en Mauricie où il s'occupait du potager.

Il est décédé à Montréal en 1956, à l'âge de 95 ans. Le secret de sa longévité : le lait caillé qu'il laissait vieillir sur le bord d'une fenêtre.


lundi 22 septembre 2014

Mes ancêtres du Limousin étaient soldats

Dernière mise à jour le 17 août 2015

Mes cinq ancêtres mâles originaires du Limousin étaient tous soldats : trois du régiment de Carignan-Salières et deux des troupes de la Marine.

Nom Prénom Naissance Lieu Parents Arrivée Régiment Sosa
Blet (Blais) Jean c1640 Sarrazac Pierre et Françoise Jardinier 1665 Carignan 2596a
Coupy (Goupil) Antoine c1673 Cornil Jean et Marie Chasseing c1698 Marine 1882g
Dubord Guillien c1636 Thiviers Louis et Catherine de la Brugière 1665 Carignan 1074a
Émery Antoine 1643 Sarrazac Mégny et Marguerite Pasquau 1665 Carignan 5210a
Tessier (Éringué) Mathieu c1660 Cognac-le-Froid Jacques et Laurence Boigeou c1687 Marine 1062a








Ce n'est pas un hasard. Je crois que le Limousin a fourni à la Nouvelle-France davantage de soldats que de civils. Les soldats étaient recrutés dans toutes les régions de France, tandis que les engagés (36 mois) provenaient surtout des régions proches des ports d'embarquement. Le Limousin est une région du centre de la France relativement éloignée des ports de mer. 



Le Limousin est le pays des noms de lieu en « ac » : Allasac, Ambazac, Bellac, Boussac, Canillac, Cosnac, Donzenac, Juillac, Lubersac, Magnac, Meymac, Rilhac, Sarrazac, Sornac, Ussac, etc. Ce suffixe est répandu en France dans les régions de langues d'oc où il marque l'emplacement ancien d'une villa gallo-romaine (Wikipédia). Son équivalent dans les régions de langues d'oil, plus au nord, est le suffixe « ay » ou « y » comme dans Mézeray, Champigny ou Sévigny.

Les soldats de Carignan


Les trois soldats du régiment de Carignan-Salières (Jean Blet, Guilien Dubord et Antoine Émery) sont arrivés en Nouvelle-France à l'été 1665 pour combattre les Iroquois. Ils appartenaient à des compagnies différentes, mais venaient du même coin du Limousin au Nord-Ouest de Périgueux : Jean Blet et Antoine Émery étaient du village de Sarrazac (300 h), tandis que Guillien Dubord était de Thiviers, petite ville voisine de Sarrazac. Il se connaissaient donc vraisemblablement.

En France, les découpages territoriaux sont multiples et changeants. J'hésite à utiliser le découpage administratif actuel (département de Dordogne) qui n'a pas grand chose à voir avec la réalité de 1665, année du départ du régiment de Carignan. Thiviers et Sarrazac se situaient au nord de l'ancien comté du Périgord, région aujourd'hui nommée Périgord vert. Les deux localités relevaient alors de l'évêché de Périgueux. C'est encore le cas aujourd'hui, Thiziers et Sarrazac font partie de la paroisse de Notre-Dame Des Hauts De L'Isle dans le diocèse de Périgueux.

Les paroisses actuelles  du diocèse de Périgueux.

Selon mes recherches, au moins quatre autres soldats de Carignan sont venus de cette paroisse : Pierre Barbary (Thiviers), Sicaire De Guire (Thiviers), Pierre Dextras (Sarrazac) et Jean Gazaille (Sarrazac). Un recruteur efficace est passé à cet endroit.

Jean Blet (ou Blais) dit Gazaille (c1640-1722) originaire de Sarrazac, est arrivé à Québec le 14 septembre 1665 à bord du navire Le Justice. Il appartenait à la compagnie de Saint-Ours qui a été stationnée dans la région de Montréal.

Guillien Dubord dit Lafontaine (c1636-1705), originaire de Thiviers, est arrivé à Québec le 12 septembre 1665 à bord du navire Saint-Sébastien. Il appartenait à la compagnie de La Fouille qui a été stationnée à l'embouchure de la Rivière du Loup sur la rive Nord du Lac Saint-Pierre, à l'ouest de Trois-Rivières. Après sa démobilisation, il a épousé une fille du roi, Catherine Guérard, et s'est établi à Champlain à l'est de Trois-Rivières. (Voir La compagnie de La Fouille à Louiseville sur ce blog).

Antoine Émery dit Coderre (1643-c1715), originaire de Sarrazac, est arrivé à Québec le 19 août 1665 à bord du navire La Paix. Il appartenait à la compagnie de Contrecoeur qui a été stationnée dans la région de Montréal.

Les troupes de la marine


Les troupes de la marine sont arrivées plus tard en Nouvelle-France pour continuer la guerre contre les Iroquois menée d'abord par le régiment de Carignan. Trente-cinq compagnies de la marine se sont embarquées pour la Nouvelle-France à Rochefort entre 1683 et 1688, mais d'autres soldats sont arrivés plus tard pour compléter les effectifs.

Mes deux ancêtres limousins, soldats de la marine, étaient originaires de deux communes du diocèse de Limoges : Cornil (Corrèze) et Cognac-le-Froid (Haute-Vienne) :

Antoine Goupil ou Coupy dit Laviolette (c1673-1715), originaire de Cornil près de Tulle au sud de Limoges. La première mention de sa présence en Nouvelle-France date du 3 novembre 1698, jour de son mariage avec Marie Gaboury à La Durantaye.

Mathieu Tessier ou Éringué (c1660-1745), originaire de Cognac-le-Froid, tout près de Limoges en Haute-Vienne, aujourd'hui Cognac-la-Forêt. Il appartenait à la compagnie de Bouraillan arrivée en Nouvelle-France en 1687. Il a épousé Marguerite Carreau  le 25 novembre de la même année à Beauport.

Des dizaines de soldats de la marine ont fait souche en Nouvelle-France. Voici six autres noms qui comptent parmi mes ancêtres : Jean-Baptiste Leclerc dit Francoeur (cie de Cloches, originaire de Bretagne), Pierre Sylvain (cie de Périgny, originaire de Saintonge), Thomas Duhamel dit Sansfaçon (cie de Cabanac, originaire de Normandie), Robert Houy (cie de Bergères, originaire de l'Orléanais), François Duval (cie de Louvigny, originaire de Bretagne), Jean Crevier dit Saint-Jean (cie de Bégon, originaire du Quercy).

Sources :

jeudi 4 septembre 2014

Baptême et décès des prématurés

La mortalité périnatale était un phénomène encore fréquent au début du vingtième siècle. Les naissances prématurées en étaient la cause principale. Les femmes accouchaient à la maison et les familles n'avaient pas les connaissances ni l'aide médicale requises pour prendre soin d'un enfant de petit poids. Aujourd'hui, on les garde en incubateur pendant des semaines, sinon des mois.

On couchait le petit bébé derrière le poêle à bois pour qu'il ait bien chaud, mais on l'amenait à l'église par temps froid pour le faire baptiser le plus rapidement possible. Selon les préceptes de l'Église catholique, les enfants morts sans baptême étaient privés du Paradis et restaient à jamais prisonniers des Limbes. Il fallait donc se dépêcher de les faire baptiser.

On constate en parcourant les registres paroissiaux que certaines femmes perdaient leurs bébés à répétition, non pas à l'accouchement, mais dans les jours suivant la naissance, et souvent après le baptême de l'enfant. La répétition de ces naissances prématurées pouvait être causée par une malformation de l'utérus que l'on ne savait pas diagnostiquer.

Odélide Lampron, épouse d'Adélard Boucher, a accouché cinq fois, mais aucun de ses quatre premiers bébés n'a vécu plus de 48 heures. Ils ont tous été baptisés à l'église de la paroisse Saint-Pierre de Shawinigan, et non pas ondoyés à la maison, la veille de leur décès. Soulignons que ces baptêmes ont eu lieu à la fin d'octobre, en mars et en avril (ne te découvre pas d'un fil).










Prénom Jour Mois Année


Naissance Baptême Décès Sépulture










Georges 21 22 23 24 oct. 1904

Jeannette 12 12 13 14 mars 1906

Adélard 12 12 13 14 avril 1908

Adélard 19 19 20 21 avril 1909









Source : Registre de la paroisse Saint-Pierre de Shawinigan


Odélide Lampron est décédée le 10 janvier 1911 à Shawinigan, à l'âge de 25 ans, des suites de son cinquième accouchement. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce cinquième enfant qui a été baptisé Adélard-Oscar-Omer le 8 janvier 1911 dans la paroisse Saint-Pierre. Je n'ai pas trouvé son acte de sépulture. 

Adélard Boucher s'est remarié avec Sara Pellerin le 29 juin 1914 à Saint-Boniface de Shawinigan. 

mardi 2 septembre 2014

La réincarnation d'Isaïe Lampron


Né le jour du décès de son frère homonyme


Il était d'usage courant au Canada français, où les naissances étaient nombreuses, que l'on redonne au nouveau-né le prénom d'un enfant décédé. Cette tradition a perduré jusqu'au début du vingtième siècle. J'ai déjà vu des familles qui ont donné le même prénom une troisième fois. C'est d'ailleurs une source de confusion pour les généalogistes.

Le cas d'Isaïe Lampron est unique parce que son frère homonyme est décédé le jour même de sa naissance. Les deux actes se suivent dans le registre de la paroisse de Saint-Boniface de Shawinigan en date du 18 mai 1877. La probabilité d'une telle coïncidence est infime.


Le premier Isaïe


Isaïe Lampron, fils d'Olivier et de Marie Caron, est décédé le 16 mai 1877 à l'âge de 15 mois. Voici son acte de sépulture :





Le deuxième Isaïe


Isaïe Lampron est né le 16 mai 1877 à Saint-Boniface, fils d'Olivier et de Marie Caron.  Voici son acte de baptême :



Ce deuxième Isaïe n'a pas vécu longtemps non plus. Il a été inhumé dans le cimetière de Saint-Boniface de Shawinigan le 13 septembre 1898, mort à l'âge de 21 ans.

Un an plus tôt, il avait épousé Virginie Lampron, fille de Benjamin et de Dina Melançon, le 23 juin 1897 à Manchester dans le New Hampshire. Les mariés étaient petits cousins. Virginie s'est remariée deux fois : avec Élisée Cantin en 1901 à Manchester, puis avec Joseph Girardin en 1912 à Grand-Mère, près de Shawinigan. Elle est décédée à Grand-Mère le 5 mai 1964 à l'âge de 85 ans.


Voir aussu sur ce blog : Les prénoms bibliques.

jeudi 28 août 2014

De choses et d'autres (11)

Chérie, on déshérite les enfants. Le 18 février 1878, devant le notaire Joseph-Hilaire Biron de Saint-Boniface de Shawinigan, Louis-Solyme Caron « lègue tous ses biens à Marie Lacerte son épouse, excluant de sa succession tous ses héritiers légitimes pour des raisons à lui connues ». Le même jour, Marie Lacerte fait un testament, en faveur de son mari, qui contient les mêmes dispositions. 

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Dirty jobs. Dans « Histoire des Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre », publiée en 1991 aux Éditions du Septentrion, Armand Chartier écrit qu'il « n'est pas rare de trouver des Canadiens-Français parmi les maçons, les briquetiers et les charpentiers de Manchester ou de Cambridge » (page 22).

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God is an American. Dans The Franco-American Heritage in Manchester N.H., publié en 1979, Thadeus Pietrowski écrit : Infortunately ... for the French ... Ste-Anne Church was founded by and for Irish catholics of Manchester and the sermon was always in english

Sainte-Anne a été fondée en 1843. Les choses allaient changer avec l'augmentation de l'immigration canadienne-française. À compter de 1849, des missionnaires de passage ont célébré des messe en français. Saint-Augustin, la première paroisse entièrement francophone de Manchester, a été fondée en 1871, puis Sainte-Marie en 1891. Il y eût jusqu'à huit paroisses francophones dans cette ville au tournant du siècle.

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Vers 1850-1900, les gens qui allaient travailler en Nouvelle-Angleterre laissaient des procurations à des parents ou à des amis qui devaient s'occuper de leurs affaires en leur absence. On trouve de nombreuses mentions de telles procurations dans les greffes de notaires de cette époque. Souvent, il s'agissait de liquider les biens d'un expatrié, signe qu'il ne prévoyait pas revenir « en Canada ».

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Le 19 février 1876 devant le notaire Joseph-Hilaire Biron, Hyacinthe Grondin, ci-devant de la paroisse de Saint-Thomas et habitant actuellement dans le Michigan, achète les droits de mine de plusieurs terres du 7e rang de Saint-Boniface de Shawinigan. Il compte exploiter le minerai de fer qui se trouve sur ces terrains. Grondin concède la moitié des bénéfices sur certains de ces terrains à Thomas Beaulieu cultivateur de Saint-Boniface « en retour des troubles qu'il s'est donné pour lui faire obtenir les droits de mine ».

samedi 2 août 2014

Les noms de guerre

L'historien Luc Lépine a étudié l'impact des noms de guerre des militaires français sur la patronymie québébécoise. Ces noms de guerre (Lafleur, Lafontaine, Laliberté, Laviolette, Sansfaçon, etc) sont devenus les surnoms et plus tard les patronymes de nombreuses familles du Québec. Je rapporte ici sa conclusion :

  • Les soldats français reçoivent un surnom lors de leur entrée dans l’armée. 
  • Ces surnoms sont idividuels. En France, ils ne se transmettent pas de père en fils.
  • Sous le régime francais, près de 30,000 soldats ont foulé le sol de la Nouvelle-France.
  • Les autorités ont tout fait pour inciter ces militaires à s’intégrer dans la société.
  • Nous estimons que plus de 70% de tous nos ancêtres francais étaient militaires à leur arrivée au pays.
  • La Nouvelle-France constitue une société quasi militaire. Les anciens militaires, devenus miliciens, servent sous leurs anciens officiers, devenus seigneurs.
  • Ces mêmes seigneurs continuent d’appeller leur censitaires par leurs noms de guerre.
  • Les noms de guerre se transmettent de père en fils, les fils ne servant pas dans l’armée mais dans la milice.
  • D’après nous, les noms de guerre des militaires français venus en Nouvelle-France constituent la grande majorité de tous les sobriquets que l’on retrouve dans la province de Québec.

jeudi 31 juillet 2014

Vue aérienne de Shawingan

Cette photographie aérienne d'une partie de la basse-ville de Shawinigan a été prise vers 1950. À gauche, sur la colline, l'église Saint-Pierre et l'auberge Cascades. À droite, trois rues : la cinquième et la quatrième rues à la verticale et la rue de la Station à l'horizontale. 



Voici deux repères qui permettent de dater cette carte postale : 1) on aperçoit en arrière-plan, au bout de la cinquième rue, le deuxième hôtel-de-ville qui a été bâti en 1947 ; 2) le supermarché Steinberg construit en novembre 1954 n'apparaît pas encore à gauche au pied de la colline Saint-Pierre.

Cette autre carte postale de la division Carbide de la Shawinigan Chemicals date de la même époque.


On voit bien que les cartes appartiennent à une même série d'après l'écriture du mot Shawinigan. Elles sont numérotées 40 et 35. J'en ai deux autres semblables montrant l'auberge Cascades (numéro 2) et les chutes de Shawinigan (numéro illisible). Il n'y pas de nom d'éditeur.

Une carte du même type (numéro 31), dont je n'ai qu'une photo, porte la signature de L.P. Gagné. Selon Fabien Larochelle dans Shawinigan depuis 75 ans, le photographe Léo-Paul Gagné était le fils de J.F. Gagné qui avait son studio sur la rue de la Station entre 1944 et 1957, année de son décès. Gagné (père) était le photographe attitré du quotidien Le Nouvelliste à Shawinigan.


Voir aussi sur ce blog : Les livrets de Loranger et Rousseau

mercredi 30 juillet 2014

De choses et d'autres (10)


Sixte Lereau était le sixième enfant de Simon et Jeanne Larousseau mariés à Québec en 1655.


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À l'été 1665, le soldat Paul Inard dit Provençal (c1647- ) de Saint-Rémi en Provence, débarque en Nouvelle-France. Un des rares immigrants provençaux.


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Comment peupler une colonie : Charles Godin, de Dieppe en Normandie, et Marie Boucher, mariés en 1656 à Québec ont eu 17 enfants dont 16 se sont mariés.


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J'ai mis à jour l'article sur les faux centenaires pour ajouter le cas de Charles Cadieux dit Courville (c1728-1815). J'écrivais dans cet article que je connais pas de centenaire avéré avant 1950, ce qui ne signifie pas qu'il n'y en pas eu. Lucie Delarosbil m'a signalé le cas de Théophile Chapados (1820-1918) qui est venu bien près.

mercredi 23 juillet 2014

Les tenanciers

Dans les documents anciens (registres paroissiaux, actes notariés, recensements, textes de lois, etc), le mot tenancier peut prendre deux significations différentes, selon le contexte et l'époque.

Dans le régime seigneurial


Le tenancier était celui qui exploitait une concession dans une seigneurie. À Yamachiche, entre 1788 et 1801, le curé Thomas Kimber utilisait couramment ce terme comme synonyme de cultivateur ou d'agriculteur : « épouse de Louis Rivard dit Loranger, tenancier de cette paroisse » (Registre de Yamachiche, 9 octobre 1797). Le territoire de la paroisse de Yamachiche couvrait la seigneurie de Grosbois concédée à Pierre Boucher en 1672.

On trouve aussi parfois franc-tenancier pour désigner les propriétaires non soumis aux règles du régime seigneurial : « Et qu'il soit de plus statué par l'autorité susdite que trois habitants francs-tenanciers dans la Ville des Trois-Rivières ... » (The Provincial Satutes of Lower Canada, 1836, page 379).

L'équivalent anglais de franc-tenancier est yeoman : « daughter of David Armstrong yeoman of Maskinonge ... » (Registre de la Protestant church of St. Antoine River du Loup, 9 janvier 1822). Les immigrants anglophones étaient réfractaires au régime seigneurial et s'établissaient le plus souvent en dehors des limites des seigneuries. L'administration britannique a d'ailleurs créé les townships ou cantons, des subdivisions carrées de 10 milles par 10 milles, à leur intention.

La carte suivante montre les limites des seigneuries de la vallée du Saint-Laurent vers 1745.



Le régime seigneurial  a été aboli dans le Bas-Canada en 1854. 

Le tenancier d'un établissement


Le mot tenancier peut aussi désigner celui qui tient un établissement. Il s'agit généralement d'un établissement soumis à une réglementation quelconque, mais pas toujours. Le sens est évident si le type d'établissement est mentionné dans le texte : moulin, auberge, etc.

Dans le cas du moulin banal, les deux significations se rejoignent puisque la responsabilité du tenancier du moulin était de moudre le grain que lui apportaient les tenanciers de la seigneurie.

Le moulin banal de Grondines (photo de Jean Sauvageau)


Aujourd'hui, dans l'usage courant, le mot tenancier désigne le propriétaire d'un bar, d'une taverne ou d'un bordel. C'est d'ailleurs la première signification qui me vient à l'esprit en lisant ce mot dans un document ancien.

mercredi 9 juillet 2014

Les Sébastien de Trois-Rivières

La famille Sébastien ou Bastien de Trois-Rivières a des origines huronnes. Les Sébastien faisaient partie d'un groupe de la Jeune Lorette (Sébastien, Laveau, Romain, Sioui, etc) qui ont travaillé à Trois-Rivières dans l'industrie du cuir, comme mégissiers notamment. Ces métis d'ascendance huronne se sont intégrés à la population trifluvienne par des mariages mixtes avec des Canadiens-français ou avec d'autres métis. Ils se disaient eux-mêmes Canadiens-français, et non pas Hurons, lors des recensements.

L'ancêtre de cette famille à Trois-Rivières est Jean-Baptiste Sébastien (fils du Huron Sébastien et de la Canadienne Marie Hotte) né à la Jeune Lorette vers 1786. Il s'est marié deux fois : avec Agathe Thomas le 13 février 1809 à Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette puis avec Louise Savard le 8 septembre 1823 au même endroit. Il a été inhumé le 19 juin 1848 dans la paroisse de l'Immaculée-Conception de Trois-Rivières. Sa deuxième femme, Louise Savard, a été inhumée dans la même paroisse le 9 décembre 1876.

Jean-Baptiste Sébastien s'est installé à Trois-Rivières avec Louise Savard vers 1840. Il eu une douzaine d'enfants de ses deux femmes. Plusieurs sont morts en bas âge. Je ne présente ici que les sept dont j'ai trouvé la trace à Trois-Rivières ou qui ont laissé une descendance dans cette ville :

D'Agathe Thomas
  1. Françoise Sébastien a épousé Basile Picard, fils de Laurent et de Charlotte Koska, le 25 septembre 1826 à Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette. Je n'ai pas trouvé trace d'elle à Trois-Rivières, mais trois enfants de sa fille Delphine, épouse de Siméon Romain, se sont mariés dans cette ville : Octave Romain (1886 Marie-Louise Collins), Arthémise Romain (1897 Joseph Abraham) et Arthur Romain (1898 Marie-Louise Hamel).
  2. Judith Sébastien a épousé Charles Picard, fils de Charles et de Marguerite Julien, le 26 novembre 1839 à Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette. Au moins deux de ses enfants se sont mariés à Trois-Rivières : Judith Picard avec Jacques Robitaille en 1866 et Luc Picard avec sa cousine Louise Sébastien en 1876.
De Louise Savard
  1. Abraham Sébastien né vers 1827 et décédé le 1 mars 1871 à Trois-Rivières. Peut-être handicapé. Il est demeuré chez sa mère et on ne lui attribue pas de profession dans les recensements.
  2. Joseph Sébastien né vers 1828. Il a épousé Caroline Blais de Yamachiche, fille de Jacques et d'Appoline Gélinas, le 7 février 1853 à Trois-Rivières. Quatre de ses enfants se sont mariés à Trois-Rivières : Louise (1876 Luc Picard), Édouard (1877 Étudienne Panneton), Georgiana (1884 Louis Racette), Églephire (1884 Edmond Lamothe et 1897 Pierre Soucy). Joseph Sébastien a été voyageur dans les Pays-d'en-Haut et journalier à Trois-Rivières.
  3. Marie-Anne (Henriette) Sébastien née vers 1828. Elle a épousé Antoine Noël, fils d'Antoine et d'Anasthasie Perrault, le 18 septembre 1848 à Trois-Rivières. Son mari était journalier dans cette ville. Leur fille Philomène Noël a épouse Alexandre Alarie en 1881 à Trois-Rivières.
  4. Philomène Sébastien née vers 1839. Elle a épousé Prudent Ouellet, fils de Cyrille et de Lucie Sirois, le 25 juillet 1858 à Trois-Rivières. Prudent Ouellet était un bourgeois de Trois-Rivières selon le recensement de 1861. Au moment de ce recensement, la veuve Louise Savard, mère de Philomène, ses frères Abraham et Joseph Sébastien et sa soeur Louise Sébastien habitaient avec eux dans une maison en bois à un étage.
  5. Marie-Louise Sébastien née vers 1837. Elle a épousé Alexandre Laveau, veuf de Caroline Montagnais,  le 10 novembre 1869 à Trois-Rivières. Elle a été inhumée le 16 décembre 1876 au même endroit. Son mari Alexandre Laveau et son fils Henri sont retournés vivre à la Jeune-Lorette (recensement de 1891), puis à Embrun en Ontario (recensement de 1901).
Tous les mariages de Trois-Rivières mentionnés plus haut ont été célébrés dans la paroisse de l'Immaculée-Conception.

vendredi 4 juillet 2014

De choses et d'autres (9)

Lu dans le journal Les Chutes de Shawinigan du 3 janvier 1951 :
« Un coup d'épée blesse et avec de bons soins, cette blessure se referme et guérit; mais rien ne peut guérir la blessure faite par un coup de langue. »
Dans la même veine, le proverbe :
« Un coup de langue est pire qu'un coup de lance. » 
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Il est important de signaler les erreurs que l'on trouve dans les banques de données accessibles en ligne comme BMS2000  pour améliorer le produit.

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Deux ouvrages sur la fin de la Nouvelle-France ici

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Réflexions d'une adolescente sur Twitter. Souvent drôle, parfois un peu vulgaire.

One More Joke 

- Parents spend 2 years teaching their child to walk and talk and then spend the next 16 years telling them to sit down and shut up
- "Clean your room, guests are coming over." Oh, I’m sorry. I didn’t realize the gathering would be held in my bedroom.


- Why do some couples make their status "single" every time they fight? I don't put "orphan" when I get into fights with my parents.

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On appelait garde-moteur les conducteurs de tramway et les conducteurs de train.

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jeudi 26 juin 2014

Qui était l'épouse de Robert Sinclair ?

Le mariage


Les actes du registre de l'église anglicane de Trois-Rivières sont souvent laconiques, parfois même sibyllins : une date et des noms, pas de patronymes pour les femmes. Mais celui du mariage de Robert Sinclair et de Mary Loranger occupe toute une page. On sent que le célébrant a pris des précautions inhabituelles pour établir le consentement du côté de la fille mineure. Quelque chose clochait. Il avait devant lui un homme seul d'origine inconnue et une fille orpheline de mère et visiblement enceinte. Le père de la mariée était présent, mais incapable de signer l'acte pour attester de son consentement.

« In the twenty third of october one thousand eigth hundred and fifteen was married by banns Robert Sinclair of the parish of Machiche miller who is of age and has no parents in the country and Mary Loranger of the same parish Spinster who is not of age and has the consent of his father his only surviving parent who decared himself unable to sign his name as the said Mary. In the presence of Louis Loranger his father and Encas Vincens uncle by marriage of the said Mary who declared himself unable to sign his name. By me ... ». 

Au bas de l'acte, on trouve la formule « This marriage was solemnized between » à droite de laquelle Robert Sinclair a signé. Le révérend a pris la peine de répéter que la mariée, son père et son oncle par alliance ne savaient pas signer et apposé ses initiales à côté de chacun des trois noms.



Le premier enfant du couple Sinclair-Loranger, prénommé Guillaume, a reçu un baptême catholique à Yamachiche le 3 décembre 1815, six semaines après le mariage de ses parents. Sept autres enfants suivront.

Qui était Mary Loranger ?


On cherche ici une fille de moins de 21 ans de Yamachiche dont le père se nommait Louis Loranger et dont la mère était décédée. Marie-Louise Rivard-Loranger, fille de Louis tenancier et d'Antoinette (Toinette) Delisle correspond parfaitement à cette description. Fille naturelle, elle a été baptisée à Yamachiche le 21 mars 1795, trois mois avant le mariage de ses parents. La mère, comme la fille, était donc enceinte avant de se marier. 

Antoinette Delisle est décédée le 8 octobre 1797, probablement des suites de son deuxième accouchement ; un fils prénommé Louis-Laurent est né le 8 août précédent. Marie-Louise était donc orpheline de mère à son mariage en 1815. Son père s'est remarié avec Marguerite Vaillancourt le 4 novembre 1799 à Yamachiche. 

Marie-Louise Rivard-Loranger, alias Mary Loranger, a été inhumée le 23 avril 1877 à La Baie-du-Febvre, à l'âge 85 ans selon l'acte. Elle en avait en réalité 82. 

mercredi 25 juin 2014

Received into the Protestant Church

Ceux qui font des recherches sur les Loyalistes américains, réfugiés dans le Bas-Canada à compter de 1781, ont pu constater la difficulté de suivre les déplacements de ces familles d'une paroisse à l'autre et d'une confession chrétienne à l'autre.

J'ai retracé dans le registre de la Protestant Episcopal Congregation de Louiseville, dans le comté de Maskinongé, 30 cérémonies d'accueil de descendants de Loyalistes et d'autres anglophones qui avaient auparavant reçu un baptême catholique. Ces actes, datés du 21 décembre 1821 au 16 juillet 1823, portent tous la mention « received into the Protestant Church ».

Le révérend William, ministre de la Protestant Episcopal Congregation de Louiseville (appelons-la la PEC pour faire court), était un homme très consciencieux et son registre contient de succulents détails sur ses paroissiens.  J'ai déjà trouvé dans ce registre la sépulture de John Ross identifié par le révérend William comme vétéran de la bataille de Québec (voir Sépulture d'un vétéran de la bataille de Québec sur ce blog). Comble de précision, William nous donnait aussi son grade et le nom de son régiment. Seule lacune, les registres protestants ne mentionnent jamais le patronyme de la mère, identifiée seulement par son prénom. On trouve encore cet usage de nos jours dans les familles anglo-saxonnes.

Le registre protestant de Louiseville commence en 1821. Les baptêmes catholiques des personnes reçues dans la foi protestante ont eu lieu entre 1782 et 1823 à Saint-Joseph de Maskinongé ou à Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup (Louiseville) pour la plupart. Parmi ces personnes, on compte 6 adultes et 24 enfants répartis dans 15 familles. J'ai ajouté entre parenthèses le patronyme de la mère qui n'est pas mentionné dans le registre. Voici donc les noms des parents des personnes « received into the Protestant Church » à Louiseville entre le 21 décembre 1821 et le 16 juillet 1823 : 
  1. Charles Armstrong et Mary (Marie Béland
  2. David Armstrong et Isabella (Dunn)
  3. Joseph Armstrong et Mary (Marie-Anne Brisset)
  4. Samuel Armstrong et Agatha (Agathe Brisset)
  5. Charles Dunn et Mary (Hebbard)
  6. Charles Dunn et Rebecca (Logie)
  7. William Dunn et Elizabeth (Armstrong)
  8. Robert Elliott et Elizabeth (Élisabeth Savoie)
  9. John England et Margaret (Turner)
  10. John Hebbard et Mary (Armstrong)
  11. Benjamin Page et Elizabeth (Hebbard)
  12. Robert Sinclair et Mary (Marie Rivard-Loranger)
  13. John Sullivan et Margaret (?)
  14. Dennis Sweeney et Mary (restés en Irlande)
  15. Robert Turner et Margaret (Dunn)

Un clan familial


Les patronymes des parents suggèrent des liens de parenté entre eux. Au moins 9 des 15 couples étaient apparentés aux Armstrong, aux Dunn, ou aux deux familles. Les « patriarches » de ce clan étaient les Loyalistes Charles Dunn, époux de Rebecca Loggie, et Jesse Armstrong, époux d'Alda Van Wormer et d'Hannah Crocker.

La fréquence inhabituelle de jumeaux parmi les personnes reçues est sans doute une conséquence de cette parenté. Parmi les 24 enfants, il y avait 3 couples de jumeaux, soit un taux de 25 %, alors que l'incidence des naissances gémellaires est normalement d'environ 2 %. Les parents de ces jumeaux étaient :
  • Robert Turner et Margaret (Dunn)
  • Joseph Armstrong et Mary (Brisset)
  • David Armstrong et Isabella (Dunn)
On trouve d'autres couples de jumeaux dans les familles Armstrong et Dunn.

D'une confession chrétienne à l'autre


L'analyse de ces actes (received into the Protestant Church) m'a permis d'en apprendre davantage sur leurs comportements en matière de pratique religieuse.

La PEC reconnaissait la validité du baptême catholique. Les actes recensés ne sont pas des baptêmes, mais plutôt des cérémonies d'accueil pour des gens qui ont déjà été baptisés. En comparaison, l'Église catholique était beaucoup plus rigide. Elle refusait de marier des couples baptisés dans des religions chrétiennes différentes et refusait aussi la sépulture aux chrétiens d'autres confessions.

Ces descendants de Loyalistes n'attachaient pas beaucoup d'importance à la dénomination de l'Église, pourvu qu'elle soit chrétienne. Ils pouvaient se marier à l'église anglicane de Trois-Rivières, faire baptiser leurs enfants à l'église catholique de Maskinongé et fréquenter ensuite l'église épiscopale de Louiseville. La proximité du lieu de culte et l'accueil qu'on leur faisait étaient semble-t-il plus importants que la confession. Après avoir fait baptiser leurs enfants dans la foi catholique, certains sont revenus à la foi protestante quand une église épiscopale s'est ouverte près de chez eux à Louiseville en 1821.

La consonance des prénoms


Certains des fidèles qui ont fréquenté la PEC étaient plus intégrés à la population canadienne-française qu'il n'y paraît.

Il faut se méfier de la consonance des prénoms. Des enfants ont reçu des prénoms français lors de leur baptême catholique, à Maskinongé ou ailleurs, et ensuite des prénoms anglais lors de leur entrée à la PEC. Quels étaient leurs véritables prénoms d'usage ?

Même remarque pour les conjointes. Marie Rivard-Loranger, Élisabeth Savoie, Marie Béland, Marie Brisset et Agatne Brisset étaient des Canadiennes-françaises dont les prénoms ont été anglicisés par le révérend William. Je crois que ces épouses francophones n'ont pas vraiment fréquenté la PEC, laissant y aller leurs maris protestants. Elles ont reçu une sépulture catholique.

William Hogg, un vétéran du 25th Foot Soldiers, qui a fréquenté la PEC à la fin de sa vie (1825) était connu dans son village de Saint-Léon-le-Grand sous l'identité de Guillaume Hogue. Lui aussi avait épousé une Canadienne-française, Marie-Louise Pépin, à l'église anglicane St.James de Trois-Rivières. 

dimanche 22 juin 2014

Inauguration du local des guides de Shawinigan

Quelqu'un devra un jour prendre le temps d'écrire l'histoire du mouvement scout en Mauricie ou, comme on disait autrefois, dans le diocèse de Trois-Rivières. En attendant, pour mémoire, je retranscris cet article paru dans le journal Les Chutes de Shawinigan du 17 janvier 1951 :
Le local des guides sera béni sous peu.  Depuis environ trois ans, les Guides Catholiques de Shawinigan ont leur propre local sur la rue Lévis. Elles sont les propriétaires d'une bâtisse dont seul le second étage était occupé par leur mouvement. Or, vu l'expansion toujours grandissante des effectifs du guidisme en notre ville, l'étage du rez-de-chaussée vient d'être aménagé pour servir lui aussi de local régulier et permanent. On projette donc de faire bénir de façon solennelle ce double local des Guides. L'étage supérieur sera utilisé par les Guides Aînées qui sont au nombre d'une quarantaine, tandis que le bas servira aux Guides Cadette et aux Jeannettes qui forment un total de quelque 125 membres.

samedi 21 juin 2014

La cie de La Fouille à Louiseville

Source : Wikipédia
L'année 2015 marquera le 350e anniversaire de l'arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France. Si on a prétendu, en exagérant un peu, que les filles du roi furent les mères de la colonie, on pourrait affirmer, en exagérant aussi, que les soldats de Carignan en furent les pères.

En Mauricie, les pères en question furent, entre autres, les soldats de la compagnie de La Fouille qui ont colonisé la région de Louiseville.

Dans son Histoire de Louiseville publiée en 1961, une des meilleures monographies de paroisse qu'il m'ait été donné de lire, Germain Lesage racontait l'établissement sur la rivière du Loup (en-haut) de la compagnie du régiment de Carignan-Salières commandée par le Capitaine Jean-Maurice Philippe de Vernon, Sieur de La Fouille.

Le régiment de Carignan-Salières est arrivé en Nouvelle-France à l'été 1665 pour défendre la colonie contre les attaques des Iroquois. Les compagnies formant ce régiment ont été réparties sur le territoire. Je cite l'auteur : « Avant la prise des glaces, Talon se hâte de distribuer les différentes compagnies dans les forts du Richelieu et dans les districts de Québec, de Trois-Rivières et de Montréal ». 

En octobre 1665, la compagnie de La Fouille a été envoyée à l'embouchure de la rivière du Loup, dans le district de Trois-Rivières, pour veiller sur le Lac Saint-Pierre par lequel s'infiltraient les Iroquois. Sa première mission a été de construire un fort à cet endroit avant l'hiver. Elle comprenait 4 officiers, dont l'enseigne Charles de Goudon de Jeu (ou Dujay), Vicomte de Manereuil, et 32 soldats.

Selon Germain Lesage, l'Intendant Jean Talon avait promis au Vicomte de Manereuil de lui concéder ces terres en seigneurie s'il s'établissait à demeure à la rivière du Loup. Fort de cette promesse, l'enseigne a commencé à distribuer des lots aux soldats de sa compagnie qui acceptaient de demeurer à cet endroit avec lui après leur engagement. Ainsi, chacun pouvait commencer à défricher son propre coin de forêt, tout en travaillant à la construction du fort.

Au terme de leur engagement, plusieurs des soldats de La Fouille ont préféré vivre ailleurs en Nouvelle-France, comme Jean Laspron dit Lacharité qui a reçu une concession à la Baie-du-Febvre de l'autre côté du Lac Saint-Pierre. Selon Lesage, aucun n'est retourné en France.

Au moins 12 des soldats de La Fouille ont reçu des concessions à la Rivière-du-Loup (aujourd'hui Louiseville) dans la seigneurie de Manereuil. Les noms donnés par l'auteur Germain Lesage, tels qu'il les a lus sur les listes de censitaires de Manereuil, sont déformés. Je les ai corrigés d'après le Dictionnaire Jetté. J'ai aussi ajouté à cette liste quelques informations sur les familles :

Banliac (Bansillard) dit Lamontagne, François ( -1717), Angoumois d'origine. Il a épousé Marie-Madeleine Doyon, fille de Jean et de Marthe Gagnon, vers 1677. Un fils. Banliac s'est remarié avec Marie-Angélique Pelletier, fille de François et de Marie-Madeleine Morisseau vers 1680. Neuf enfants. Descendance Banliac, Lamontagne,  Milette, Latour, Dupuis et Gignard, notamment.

Brard ou Bérard dit La Réverdra, Jean, originaire de l'Orne en France. Il a épousé Charlotte Coy, une fille du roi originaire de Paris, vers 1669. Trois enfants. Descendance Bertrand dans la région de Montréal.

Brunion (Brugnon) dit la Pierre, Pierre (-1687), d'origine inconnue. Il a épousé Charlotte Coy, veuve de Jean Brard (voir plus haut), le 24 avril 1678 à Sorel. Six enfants. Descendance Bertrand, Mandeville, Papineau, dans la région de Montréal.

Gerlaise (de) dit Saint-Amant, Jean-Jacques (-1722), Belge d'origine. Il a épousé Jeanne Trudel, fille de Jean et de Marguerite Thomas, après le contrat de mariage du 12 septembre 1667 (Aubert). Jeanne Trudel, née en 1656, n'avait qu'onze ans lors de ce contrat. Neuf enfants. Descendance Benoît, Desjarlais, Lamirande, Lesage, notamment.

Germaneau, Joachim, originaire du Limousin en France. Trafiquant de fourrures. Il a épousé la métisse Élisabeth Couc, fille de Pierre Couc et de Marie Miteouamigoukoué, le 30 avril 1684 à Sorel. Deux enfants. Sa fille Marie-Jeanne Germaneau a eu des enfants de père inconnu à Montréal.

Guyon dit Latremblade, Paul ( -1694), originaire de l'Aunis en France. Célibataire décédé à l'Hôtel-Dieu de Québec le 11 décembre 1694.

Huitonneau (ou Vintonneau) dit Laforêt, Jean. Célibataire. Recensé en 1681 à Bécancour.

Letellier (ou Tellier) dit Lafortune, Jean ( -1704), Normand d'origine. Il a éposé Marie Gratiot née à Trois-Rivières en 1662, fille de Jacques et de Madeleine Michelande, le 28 avril 1677 à Boucherville. Quatre enfants de ce premier lit. Il s'est marié deux autres fois : avec Anne Chénier en 1688 et avec Renée Lorion en 1691. Cinq enfants de son troisième mariage. Il s'est établi à Repentigny.

Marais dit Labarre, Marin, Normand d'origine. Il a épousé Marie Deschamps vers 1672 à Louiseville. Deux filles. Descendance Rondeau à Contrecoeur.

Mageau (Maseau) dit Maisonseule, Louis ( -1700). Originaire du Poitou. Il a épousé Marguerite Jourdain, veuve de Bernard Delpèche, le 8 janvier 1689 à Repentigny. Descendance dans la région de Montréal.

Paviot dit la Pensée, Jacques d'origine inconnue. Il a épousé Anne Michel, d'origine inconnue elle aussi, vers 1668 à Contrecoeur. (Une erreur de Germain Lesage : Paviot appartenait à la compagnie de Contrecoeur et non pas à celle de La Fouille).

Villefroy dit Manseau, Didier. Célibataire d'origine inconnue. Il a été recensé au Cap-de-la-Madeleine en 1681.

À ma connaissance, de ces douze soldats censitaires de la seigneurie de Manereuil, seulement deux ont fait souche dans la région de la Mauricie : François Banliac et Jean-Jacques Gerlaise.


Sources :
- Ma base de données généalogiques
- Lesage, Germain, Histoire de Louiseville 1665-1960 ; Presbytère de Louiseville, 1961, 450 pages.
- Jetté, René, Dictionnaire généalogique des familles du Québec des origines à 1730 ; Les Presse de l'Université de Montréal, 1983, 1176 pages.
- Dumas, Sylvio, Les filles du roi en Nouvelle-France ; La Société historique de Québec, Cahiers d'Histoire no 24, 1972, 381 pages.
- Migrations