Dix-sept articles qui ont paru dans le journal Le Bien public
en 1926 ont été rassemblés dans ce volume publié en 1935 et réédité en
1953. L'ouvrage est illustré de dessins de Gaston Boisvert. L'édition de
1953 présente en appendice d'autres documents traitant du même sujet
dont un récit intitulé Notes de voyage d'un avocat trifluvien qui décrit l'itinéraire d'un voyage sur le Saint-Maurice des Grandes Piles jusqu'à La Tuque.
Pierre Dupin était le pseudonyme de Télesphore Giroux, professeur au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières. Il tenait sa connaissance des chantiers de récits que lui avait faits d'anciens travailleurs forestiers. Il nous parle des chantiers tels qu'il existaient entre 1870 et 1890, soit à l'époque où l'on abattait les grandes forêts de pin blanc de la vallée du Saint-Maurice.
On trouve une description du travail des canotiers portageux dans le chapitre intitulé Bourgeois et Portageux
qui traite du transport des marchandises en canots d'écorce et des
portages qu'il fallait faire à dos d'homme pour franchir les rapides et
les chutes. L'auteur y décrit des portages que l'on faisait encore vers
1850-1860, soit avant la construction de la route qui a
relié Shawinigan aux Grandes Piles, la porte d'entrée des chantiers de
la Mauricie. La description du travail des portageux commence à la page
38 :
Pierre Dupin était le pseudonyme de Télesphore Giroux, professeur au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières. Il tenait sa connaissance des chantiers de récits que lui avait faits d'anciens travailleurs forestiers. Il nous parle des chantiers tels qu'il existaient entre 1870 et 1890, soit à l'époque où l'on abattait les grandes forêts de pin blanc de la vallée du Saint-Maurice.
Aussi, cette nécessité de transporter les marchandises à dos d'homme avait-elle créé une spécialité parmi les canotiers des rivières du Nord : c'était celle de portageux. Pas de place pour les gringalets parmi ces hommes choisis, robustes, habiles à manier la perche et les canots et capables de porter de lourds fardeaux; il fallait des gars bien musclés et d'une endurance peu commune.
Les canots d'écorce eux-mêmes, appelés rabaska, n'étaient pas les joujoux qu'on emploie dans le monde des sports; c'étaient de grandes embarcations, capables de contenir de quinze à vingt barils de farine avec cinq ou six hommes en plus pour les diriger. Les canots suivaient le bord de la rivière. les hommes armés de longues perches ferrées à un bout, poussaient le canot tout en le maintenant à une distance respectueuse de la rive, pour l'empêcher de crever sur les roches son fond mince et fragile. Il fallait connaître le lit de la rivière, les passes dangereuses et tenir compte des eaux basses. Quand l'embarcation s'arrêtait au pied d'un portage, les canotiers déposaient les perches pour prendre le collier.
Peut-être n'avez-vous jamais vu le collier d'un portageux? Imaginez cet attelage bien connu, qu'on appelle bricolle, formé d'une large bande de cuir appliquée sur le poitrail du cheval et qui se termine, de chaque côté, par des traits dont les extrémités se fixent au palonnier d'une voiture; vous avez là le collier du portageux, avec cette différence que la bande de cuir s'applique sur le front du porteur, tandis que les traits servent à ficeler le bagage porté sur le dos. Ce n'est pas sans raison qu'on l'appelle collier, car celui qui revêt ce harnachement fait un véritable travail de bête de somme.
Chargé comme un mulet, tête nue ou à peu près, les muscles du visage tendus dans un effort violent, le pauvre forçat marche ployé presqu'en deux, écrasé par le fardeau de cent-cinquante à deux cents livres qui repose sur ses reins et tend à rejeter sa tête en arrière.
... les chemins de portage sont toujours des sentiers rudes, semés de pierres, barrés de racines d'arbres, toujours en montant, puisqu'il s'agit d'atteindre la tête du rapide ou de la chute qui interrompt la navigation. Aussi, quand les portages atteignent les proportions de ceux de Shawinigan et de la Tuque, on peut juger de la dépense de force musculaire fournie par ces rudes tâcherons.Le fardeau s'alourdit avec la montée qui devient plus raide, la sueur perle sur le visage et la respiration s'accélère. Une racine traîtresse, tendue dans le chemin comme une embuscade, accroche le pied du marcheur qui relève la tête et le corps pour s'empêcher de tomber, dans ce mouvement sauveur, la charge est descendue plus bas entraînant la tête avec elle. Pour soulager les muscles du cou, soumis à une rude tension, les mains saisissent les traits du collier cherchant, mais sans succès, à reprendre la première position. Maintenant, gare aux distractions car la tête est rendue à son dernier cran!
Les gens des chantiers admiraient la force physique. Dupin rapporte les exploits de certains portageux,
comme P'tit Louis Descôteaux qui ne prenait jamais moins de trois
pièces (300 livres) pour sa charge et qui aurait déjà fait, en une nuit,
dix montées successives sur le portage de la chute Shawinigan. Ce même
Louis Descôteaux aurait monté une charge de six pièces sur le portage
des Hêtres pour battre celle de cinq pièces transportée par Thomas
Lahache, un Amérindien de Saint-François-du-lac qui travaillait avec
lui.
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