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lundi 21 septembre 2015

L'exploitation du suicide d'une adolescente en 1916

J'ai grandi dans une société qui nageait à contre-courant dans l'eau bénite, alors la réaction plutôt brutale du clergé à l'arrivée du cinéma, un médium qu'il ne contrôlait pas, ne m'étonne pas du tout. Dans l'article de presse qui suit, qui n'est pas signé, un membre du clergé exploite un fait divers, le suicide d'une adolescente, pour mettre en garde le public contre les effets pernicieux du cinéma.

Le contexte


La première salle de cinéma permanente à Trois-Rivières, le Théâtre Bijou sur la rue des Forges, a ouvert ses portes en 1909, un an après le grand incendie qui a détruit le centre-ville. Plusieurs autres salles se sont ajoutées au cours des années suivantes dont Le Casino en 1910 et Le Gaieté en 1913. Elles présentaient des « vues animées », c'est ainsi que l'on nommait les films muets à cette époque.

Intolerance : film américain muet sorti en 1916.

Le 22 juin 1916, le journal Le Bien Public de Trois-Rivières consacrait deux colonnes de sa première page au suicide d'une adolescente qui allait au cinéma à l'insu de ses parents. Je reproduis in extenso cet article du Bien Public, un journal conservateur qui était contrôlé par le diocèse de Trois-Rivières.

L'article du journal Le Bien Public

La plupart de nos lecteurs ont appris le suicide de cette fillette trifluvienne qui, le 16 juin vers 5:30 heures du soir, allait se jeter dans le fleuve, près du quai Bureau, et ne réapparût point.
L'enfant appartenait à une excellente famille ouvrière. Elle n'avait que 13 ans et 9 mois. À cet âge où, règle générale, l'on ne songe qu'à s'amuser, où l'on ne connaît ni les noirs chagrins, ni les désillusions ni les amertumes de la vie, qui donc a pu mettre en ce cerveau enfantin l'horrible idée du suicide ? Qui donc a pu amener une fillette à une si affreuse détermination que celle de s'ôter la vie ? Telle est bien la question que tout le monde se posait à l'audition de la sinistre nouvelle. 
Une enquête faite sérieusement nous permet de donner aujourd'hui, avec l'autorisation de la famille si douloureusement éprouvée, les détails suivants. Ils éclairciront un peu le mystère, et la leçon qui s'en dégage devient, nous semble-t-il, fort instructive.
Notons d'abord qu'il ne saurait exister le moindre doute sur la réalité du suicide. Des pêcheurs ont vu la fillette s'avancer lentement sur le quai, reculer d'abord de quelques pas en arrivant au bord de l'abîme, déposer manteau et coiffure près de la voie ferrée, puis revenir plus résolument et se lancer dans les flots. Ils ont vainement tenté de lui porter secours.
Mais y a-t-il eu préméditation ? L'enquête révèle que oui, hélas ! C'est la mère de l'enfant, ce sont ses anciennes compagnes qui apportent sur ce point des témoignages se confirmant les uns par les autres.
Depuis cinq ou six mois, déclare en substance la mère désolée, R. était devenue sombre, jongleuse, revêche, incontrôlable, Il ne nous fut plus possible de l'empêcher de sortir même le soir. Or, nous ne tardâmes pas à nous rendre compte que c'était surtout pour aller aux vues qu'elle sortait si souvent. Et de jour en jour elle devenait plus maussade, plus insoumise, plus impolie, plus insupportable. Soupçonnant bien que la fréquentation des cinémas n'était pas étrangère à ce changement, je résolus un jour de les lui interdire absolument. 
- Et comment accueillit-elle votre défense ?
- La pauvre enfant répondit : si vous ne me laissez pas aller aux vues, vous ne me trouverez plus.
Deux amies de R. interrogées l'une après l'autre, déclarent l'avoir entendu proférer des menaces analogues à propos de la même défense, menaces de désertion ou de suicide.
- Je m'en irai à Montréal. Je me tuerai. Évidemment, elles crurent à un badinage, mais tel était le travail accompli en cette imagination enfantine que déjà (la suite des événements le prouve) elle était prête à faire n'importe quoi plutôt que d'abandonner les vues.
Les premières menaces de cette nature furent faites environ deux mois avant le jour fatal. Et la fillette irréductible continua ses descentes aux cinémas. Une fois, sa mère alla l'en faire sortir de force par le gérant. Employée dans une fabrique, elle demandait souvent congé dans l'après-midi et empruntait de l'argent à son patron pour aller aux théâtres. Détail intéressant et qui établi quelle profonde perturbation même physique peuvent produire en un cerveau juvénile ces fameux films : depuis environ deux mois affirme la mère, R. paraissait avoir des cauchemars ... elle dormait peu et mal ; elle rêvait tout haut. Une nuit qu'elle avait paru plus agitée, je lui demandai, le matin venu, à quoi elle avait rêvé. Je voyais répondit-elle deux filles poursuivies par un cavalier ; celui-ci tirait du revolver ... Une autre fois, c'était une jeune amoureuse qui se jetait à l'eau.
Dans la journée du 6 juin, en dépit de la défense renouvelée, il appert que la malheureuse fillette retourna à ses chères vues. Ce devait être pour la dernière fois. Vers 5 heures pm, après une courte visite chez une connaissance à laquelle R. parut surexcitée, elle réintégra le foyer triste et pensive. À ce moment, la mère lui reprocha à nouveau son insoumission mais ne la battit point contrairement à ce que d'aucuns ont prétendu.
Quelques instants plus tard, la malheureuse s'esquivait et allait mettre fin à ses jours.
Était-elle, à ce moment-là, absolument responsable de ses actes ? Il est à espérer que non et alors Dieu aura eu pitié de la pauvrette plutôt victime que coupable.
Mais la cause en ce cas, de ce déséquilibre mental, n'est-elle pas assez patente ? Et comment se fait-il qu'en dépit de la loi, tant de garçonnets et de fillettes en dessous de 15 ans pénètrent librement dans les salles de cinéma ? Comment expliquer qu'un si grand nombre de parents y conduisent ou y laisse aller leurs enfants qui n'ont pas encore seulement franchi le seuil de l'école.

jeudi 23 mai 2013

Mettre hache en bois

Mettre hache en bois est une expression ancienne et peu commune, peut-être un canadianisme. Toutes les mentions que j'ai trouvées datent du dix-neuvième siècle.

Elle signifiait commencer des travaux. L'expression était surtout utilisées par des religieux qui faisaient construire un couvent, une chapelle. On la trouve notamment dans les Annales des Ursulines de Trois-Rivières, en l'année 1843, en rapport avec les travaux d'agrandissement du pensionnat : « Nos mères de Québec écrivaient toute la satisfaction qu'elles éprouvaient en apprenant que nous allions mettre "hache en bois". »

lundi 20 mai 2013

Le Jeune et la fumée

La plus ancienne et peut-être la meilleure description du mode de vie ancestral des peuples Algonquiens est un récit du Père Le Jeune publié dans Les Relations des Jésuites de l'année 1636. Paul Le Jeune a participé à une expédition de chasse hivernale des Montagnais (Innus) pour apprendre leur langue et aussi tenter de les convertir. Ces Amérindiens, de la grande famille des Algonquiens, habitaient normalement la Côte-Nord et le Saguenay, mais faisaient parfois des expéditions de chasse sur la rive Sud du fleuve Saint-Laurent. Pendant l'hiver 1633-1634, Le Jeune a suivi dans cette région un groupe d'une quinzaine de Montagnais et partagé leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs.

Paul Le Jeune (1591-1664)

Pour un Européen habitué à un certain confort, Le Jeune s'accommode plutôt bien du mode de vie des Amérindiens, de leurs longs déplacements à pied, en raquettes ou en canoe, et même d'un épisode de famine quand le gibier est venu à manquer. Ce qui le dérange le plus, c'est la promiscuité et l'inconfort des habitations temporaires, mi-igloos, mi wigwams. que les Montagnais construisaient dans la neige à chaque étape du voyage.

Son récit est présenté comme un des premiers textes littéraires écrits au Canada dans l'Histoire de la littérature canadienne-française par les textes de Bessette, Geslin et Parent, publié en 1968.



Dans un passage du récit, intitulé Chez les Sauvages, Le Jeune raconte comment étaient construits les abris d'hiver des Montagnais. Il décrit aussi les conditions de vie difficiles dans ces wigwams enfouis dans la neige, le pire étant la fumée qui emplissait l'habitacle. On peut facilement imaginer les conséquences néfastes de l'inhalation continuelle de cette fumée sur l'état de santé des peuples algonquiens. Voici un extrait du passage en question :
« Figurez-vous donc un grand rond ou un carré dans la neige, haute de deux, de trois ou de quatre pieds, selon les temps ou les lieux où on cabane. Cette profondeur nous faisait une muraille blanche, qui nous environnait de tous côtés, excepté par l'endroit où on la fendait pour faire la porte. La charpente apportée, qui consiste en quelque vingt ou trente perches, plus ou moins selon la grandeur de la cabane, on la plante, non sur la terre, mais sur le haut de la neige; puis on jette, sur ces perches, qui s'approchent un petit par en haut, deux ou trois rouleaux d'écorce cousus ensemble, commençant par le bas; et voilà la maison faite. On couvre la terre, comme aussi cette muraille de neige qui règne tout à l'entour de la cabane, de petites branches de pin et, pour dernière perfection, on attache une méchante peau à deux perches pour servir de porte, dont les jambages sont la neige même.

Voyons maintenant en détail toutes les commodités de ce beau Louvre.

Vous ne sauriez demeurer debout dans cette maison, tant pour sa bassesse que pour la fumée qui suffoquerait, et par conséquent il faut toujours être couché ou assis sur la plate terre; c'est la posture ordinaire des sauvages. De sortir dehors, le froid, la neige, le danger de s'égarer dans ces grands bois, vous font rentrer plus vite que le vent et vous tiennent en prison dans un cachot qui n'a ni clef ni serrure.

Ce cachot, outre la posture fâcheuse qu'il faut tenir sur un lit de terre, a quatre grandes incommodités; le froid, le chaud, la fumée et les chiens.

... Or, je dirai néanmoins que ni le froid ni le chaud n'ont rien d'intolérable et qu'on trouve quelque remède à ces deux maux. Mais pour la fumée, je vous confesse que c'est un martyre. Elle me tuait, et me faisait pleurer incessamment sans que j'eusse ni douleur ni tristesse dans le coeur. Elle nous terrassait parfois tous tant que nous étions dans la cabane, c'est-à-dire qu'il fallait mettre la bouche contre terre pour respirer. Car, encore que les sauvages soient accoutumés à ce tourment, si est-ce que parfois il redoublait avec une telle violence qu'ils étaient contraints aussi bien que moi de se coucher sur le ventre, et de manger quasi la terre pour ne point boire la fumée. J'ai quelquefois demeuré plusieurs heures en cette situation. notamment dans les plus grands froids, et lorsqu'il neigeait. Car c'était en ces temps-là que la fumée nous assaillait avec le plus de fureur, nous saisissant à la gorge, aux naseaux et aux yeux : que ce breuvage est amer! que cette odeur est forte! que cette vapeur est nuisible à la vue! J'ai cru plusieurs fois que je m'en allais être aveugle, les yeux me cuisaient comme feu, ils me pleuraient ou distillaient comme un alambic, je ne voyais plus rien que confusément, à la façon de ce bonhomme qui disait : Video homines velut arbores ambulentes (je vois les gens comme des arbres qui marchent). Je disais les psaumes de mon bréviaire comme je le pouvais, les sachant à demi par coeur, j'attendais que la douleur me donnât un peu relâche pour réciter les leçons. Et quand je venais à les lire, elles me semblaient écrites en lettres de feu, ou d'écarlate. J'ai souvent fermé mon livre, n'y voyant rien que confusion qui me blessait la vue. Quelqu'un me dira que je devais sortir de ce trou enfumé et prendre l'air, et je lui répondrai que l'air était ordinairement en ce temps-là si froid, que les arbres qui ont la peau plus dure que celle de l'homme, et le corps plus solide, ne lui pouvaient résister, se fendant jusqu'au coeur faisant un bruit comme d'un mousquet en s'éclatant. »

Paul Le Jeune a rédigé au moins dix volumes des Relations des Jésuites de 1632 à 1641. Il a aussi écrit un catéchisme en langue montagnaise. C'est lui qui a célébré les funérailles de Samuel de Champlain en 1635.

jeudi 2 mai 2013

Deux cousins patriotes

Des cousins Kimber, tous les deux médecins et chefs du parti patriote, l'un à Trois-Rivières et l'autre à Chambly, ont adopté des positions diamétralement opposées pendant la révolte de 1837.

On oublie souvent de préciser que si l'insurrection à touché certains comtés de l'Ouest, le Richelieu principalement, elle ne s'est pas étendue au reste du Québec. Dans la plupart des districts, les membres du parti patriote ont refusé de prendre les armes. Le tome quatrième des Annales des Ursulines de Trois-Rivières, publié en 1911, nous offre un témoignage à ce sujet :
« Nous arrivons aux événements si graves de 1837 ; mais les agitations politiques s'arrêtent sur le seuil du cloître. L'annaliste n'en dit rien. D'ailleurs, on était modéré aux Trois-Rivières. Le Dr Kimber, homme prudent et éclairé, qui fut le chef des patriotes du district, en ces jours néfastes, ne voulait combattre que sur le terrain constitutionnel. » (page 11).
Les Kimber descendent de Joseph-Antoine Ickembert, un jardiner d'origine allemande, soldat des troupes de la marine, arrivé en Nouvelle-France vers 1750. Il a eu deux petits-fils médecins et patriotes : René-Joseph à Trois-Rivières et Timothée à Chambly. 

René-Joseph (1786-1843) était un chef patriote modéré qui s'est opposé à l'usage des armes. Il a été médecin des Ursulines, capitaine de milice et député de Trois-Rivières. Le site de l'Assemblée nationale présente une courte biographie de ce parlementaire.

Son cousin Timothée, un patriote radical, a pris part à la bataille de Saint-Denis et s'est ensuite enfui aux États-Unis où il a été arrêté. Il rêvait de prendre Montréal à la tête d'une armée de 50 000 hommes avant de marcher sur Québec. Il est entré dans le Dictionnaire biographique du Canada.

On peut imaginer l'ambiance qui régnait chez les Kimber lors des réunions de famille.







Ickembert, Jos.-Antoine

Allard, Geneviève

27 août 1753 Beauport



Kimber, Joseph
Kimber, René
Dabin, Josephte
Robitaille, Josette
27 juin 1780 Québec
19 mai 1785 Québec



Kimber, Timothée
Kimber, René-Joseph
Boileau, Émilie
Berthelot, Appoline
12 nov. 1822 Chambly
29 octobre 1811 Montréal






dimanche 21 avril 2013

La voix Nationale : la mission

J'ai trouvé dans mes vieux papiers deux numéros mensuels de la revue La voix Nationale : celui d'août 1952 et celui de février 1953. Le nom de l'abonné était Lucien Tétreau de Victoriaville.

La mission de cette revue était de resserrer les liens entre les Canadiens français partout en Amérique. Les couvertures montrent des photos de bébés sur un arrière-plan tapissé de feuilles d'érable et de fleurs-de-lys, symboles de l'identité nationale. Je crois que les photos de bébés symbolisaient l'avenir des Canadiens français.

Le format des deux exemplaires était de 35 cm par 25 cm, trop grand pour un classeur normal. Ils ont été imprimés par L'imprimerie de l'Écho de Saint-Justin, qui appartenait à la famille Gagné de Saint-Justin de Maskinongé.


Numéros d'août 1952 et de février 1953

La Voix Nationale a été publiée pendant quarante ans, de 1926 à 1966. Cette revue mensuelle était l'organe des missionnaire-colonisateurs qui recrutaient des colons francophones et catholiques pour peupler l'Ouest canadien. Ces missionnaires étaient envoyés par les évêques du Manitoba, de la Saskatchewn et des Territoires du Nord-Ouest. Ils cherchaient des agriculteurs au Québec, mais aussi en France, en Belgique et en Suisse. Quelques villages ont été fondés par des colons européens recrutés de cette façon, au début du vingtième siècle.

Quand il est devenu évident que la bataille pour un Ouest francophone et catholique était perdue, La Voix Nationale s'est recentrée sur la colonisation de l'Abitibi : « Incontestablement, l'Abitibi reste l'unique débouché d'importance pour le surplus des ruraux des vieilles paroisses désireux de s'établir sur une terre ». Elle est alors devenue l'organe des sociétés de colonisation du Québec, tout en continuant à s'intéresser aux francophones hors-Québec.

La fin de la revue a coïncidé avec la baisse de la pratique religieuse, mais aussi avec l'éclatement de l'identité nationale canadienne française. L'affirmation des identités nationales québécoise et acadienne laissait orphelines les autres communautés francophones d'Amérique, fortement minoritaires.

Finalement,  La Voix Nationale a été absorbée en 1966 par Actualité, la revue des Jésuites.

lundi 17 décembre 2012

Vivre pour survivre

Paul-Henri Lavoie agronome, Vivre pour survivre, L'Imprimerie Générale de Rimouski Limitée, Rimouski, 1946, 92 pages.

On croirait que c'est une erreur, un anachronisme. Mais non, cette brochure a vraiment été publiée en 1946. Elle préconise l'ouverture de nouvelles terres à la colonisation et nous apprend comment survivre, dans des conditions misérables, grâce à une agriculture de subsistance.

Paul-Henri Lavoie était agronome au Ministère de la colonisation du Québec. Pour l'essentiel, son manuel du parfait colon aurait pu être écrit au XIXe siècle. Fondé en 1888, le ministère de la Colonisation a survécu à la Révolution tranquille et n'a été aboli qu'en 1973. Son action était soutenue par les autorités religieuses.

On peut lire dans la préface :
« Le colon qui peine sur son lot, même qui mange de la misère, peu porter haut le front, s'enorgueillir de son rôle admirable et digne entre tous ! Il a le droit d'envisager fièrement l'avenir. Les générations futures n'auront certainement pas à rougir de lui ! Car quels que soient les tracas, les peines, les épreuves, les difficultés, les misères du moment présent, rien n'est plus héroïque, rien n'est plus glorieux que VIVRE POUR SURVIVRE. »
Le ministère de la Colonisation s'est illustré dans les années 1935, au sortir de la Grande Dépression, en envoyant des familles défricher des terres peu propices à l'agriculture en Abitibi et en Gaspésie. C'était le Plan Vautrin, du nom du ministre de la Colonisation de l'époque. Mes grands-parents maternels s'étaient établis à Landrienne en Abitibi. La plupart des paroisses qui ont été crées par ces colons du XXe siècle sont fermées aujourd'hui.

Vivre pour survivre contient des informations intéressantes sur l'histoire de la colonisation au Québec. On y apprend notamment que, de 1898 à 1944, neuf congrès de colonisation ont eu lieu dans différentes régions du Québec. Le denier a eu lieu à Montréal les 10 et 11 avril 1944. À cette occasion, le père jésuite Archambault, président des Semaines sociales du Canada, a prononcé un discours qui explique pourquoi l'Église catholique attachait une telle importance à la colonisation :
« Notre groupe ethnique ne résistera aux forces liguées contre lui que par sa propre vitalité, continue le R. P. Archambault. Il puisera sa vigueur en premier lieu dans une forte natalité. Or, notre accroissement numérique est lié à la terre, car la ville ne favorise pas le capital humain. Elle est une mangeuse d’hommes, destructrice à la fois des corps et des âmes. Pour que la famille puisse grandir et prospérer, il lui faut la saine atmosphère de la campagne, la nourriture substantielle et frugale de la ferme, le repos loin du bruit, des odeurs empoisonnantes et des amusements délétères des grands centres.

Les campagnes sont le réservoir, la pépinière de notre nationalité. Mais à mesure que les familles croissent, l’espace alentour d’elles diminue et il faut de toute nécessité s’éloigner du sol natal et aller s’établir ailleurs. La terre ne manque pas chez nous et un magnifique domaine encore inexploité n’attend que le travail des hommes pour se transformer en paroisses prospères et augmenter ainsi notre nombre et notre influence. Susciter ce travail, le faciliter, le soutenir, telle est l’œuvre de la colonisation. »

Voir aussi sur ce blog : Notre mère la terre.

jeudi 22 novembre 2012

Monastère et vie paroissiale

On trouve sur le site Nos Racines le numéro-souvenir du bulletin mensuel Le Foyer du Christ-Roi, consacré à l'ouverture du nouveau monastère des Pères du Saint-Sacrement à Shawinigan en 1947. On y présente notamment un historique avec photos des dix premières années de cette paroisse ouvrière de la haute-ville de Shawinigan qui s'est développée à côté de l'aluminerie Alcan. Une partie des terres sur lesquelles le Christ-Roi a été construit appartenaient à mon arrière-grand-père maternel Adélard Lavergne (voir La maison Adélard Lavergne sur ce blog).


C'est une source d'informations unique sur ce milieu de vie : écoles, caisse populaire, L.O.C, J.O.C., Ligue des citoyens, chorales, garde paroissiale, scouts, Cercle Lacordaire, etc. En 1947, à Shawinigan comme ailleurs au Québec, toutes les activités communautaires étaient structurées en fonction du territoire des paroisses religieuses, et plus ou moins supervisées par des religieux ou prêtres aumôniers. 

On ne manquait pas de prêtres au Christ-Roi. La paroisse était desservie par les Pères du Saint-Sacrement et leur monastère abritait six ou sept Pères et autant de Frères. Je crois qu'ils souhaitaient même en avoir davantage, comme le montrent les dimensions du monastère nouvellement construit. Mais la baisse de la pratique religieuse et le manque de vocations sont venus contrecarrer leurs projets. Aujourd'hui, la paroisse n'existe plus et l'église a été démolie, remplacée par un Jean-Coutu. Le monastère est devenu une résidence pour personnes âgées.

Le monastère, dont on voit l'arrière sur la photo suivante, était donc beaucoup trop vaste pour une communauté d'une quinzaine de religieux. Ses locaux pouvaient servir aux organismes communautaires. Il a aussi logé la Caisse populaire du Christ-Roi. À l'arrière, il y avait un immense balcon où les Pères se promenaient tout en lisant leur bréviaire. Ils avaient une vue imprenable sur les cheminées de l'aluminerie Alcan, située en face de l'autre côté du boulevard Saint-Sacrement.



Le milieu était particulièrement fertile. Jusqu'à la débandade de la fin des années 1960, la plupart des résidents du quartier étaient membres d'une ou de plusieurs organisations paroissiales. Ainsi, ma mère était bénévole à la Saint-Vincent-de-Paul et mon père chantait dans la chorale. Les deux étaient membres de la Ligue ouvrière catholique (L.O.C.). J'ai aussi été embrigadé dans cette nébuleuse paroissiale, au sein des enfants de choeur et du mouvement scout.


À la fin du bulletin, la liste des annonceurs donne un aperçu du secteur commercial en 1947. Ceux qui ont vécu dans le quartier reconnaîtront certains de ces commerces qui logeaient, pour la plupart, sur la rue Frigon, l'artère commerciale du Christ-Roi. On y trouvait, notamment, le 5-10-15 de Bruno Boisvert, un commerce de nouveautés à bon marché que l'on appelait communément le 15 cennes. Les 5-10-15 étaient les ancêtres des magasins à un dollar d'aujourd'hui, sauf que les produits étaient généralement Made in Canada ou bien in USA.

L'infatigable J-Armand Foucher, propriétaire du garage Foucher Auto "En face de l'Aluminium" avait la réputation de vendre l'essence la moins chère de la région. Il avait aussi une imprimerie qui produisait des journaux hebdomadaires, notamment Les Chute de Shawinigan dont j'ai déjà cité des articles sur ce blog. Ses journaux lui permettaient d'annoncer son garage et de faire un peu de politique. Il a aussi été maire de Shawinigan.

En 1947, Arthur Riquier avait déjà un entrepôt de fruits et légumes sur la rue Champlain. Je crois qu'il y est encore, 65 ans plus tard. Non loin de là, le magasin de Meubles Bernard Limoges (200 Frigon) est demeuré ouvert pendant plusieurs décennies.

Sauf exception, les commerces tenus par une femme mariée affichaient le nom du mari, tandis que les demoiselles pouvaient afficher leur propre nom. Leurs commerces ne s'adressaient qu'aux femmes : 
  • Madame J.B. Gingras, marchandises à la verge (403 Frigon).
  • Madame Victor Hamel, magasin de coupons (613 Frigon).
  • Salon Marguerite, chapeaux de choix (232 Frigon).
  • Madame Rose Carbonneau, experte corsetière (689 Saint-Marc).
J'ai trouvé quelques commerces tenus par des gens de ma parenté :
  • Elphège Boisvert, viande fumée et poisson frais (363a Giguère).
  • Dr L. Lavergne, chirurgien-dentiste (124 Champlain).
  • Pharmacie Lavergne (386 Frigon).

Voir aussi sur ce blog : Le Lac McLaren

samedi 17 novembre 2012

Retour dans le pays des noirs

Un article publié dans le journal hebdomadaire Les chutes de Shawinigan le 27 juin 1951 :

Le R.P. Hamel nous quittera sous peu pour les missions du Basutoland

Un jeune missionnaire de Shawinigan, le Rév. Père Louis-Georges Hamel o.m.i., qui a déjà passé treize ans dans les missions du Basutoland, en Afrique, nous quittera prochainement pour retourner dans le pays des noirs.

Vendredi soir dernier, en la salle du Centre paroissial St-Marc, de nombreux parents et amis ont assisté à un programme de vues animées appropriées pour se terminer par une fête d'adieu à ce jeune missionnaire de chez nous. Le Père Hamel nous fait part de son prochain départ dans le communiqué suivant : 
« Arrivé depuis un an, après treize ans d'évangélisation, j'ai profité de ce congé pour refaire une santé épuisée, subissant des traitements, faisant un stage à Montréal, et consacrant le reste de mon temps et de mes forces à faire certaines visites.

Je suis maintenant rappelé par les autorités, et refait pour le travail des missions, je m'embarquerai à Montréal à bord du Thorshal pour Le Cap, Afrique du Sud, d'où je regagnerai mes montagnes par train, un voyage de deux jours et de deux nuits.

Mais auparavant, je veux dire un dernier merci à tous ceux qui m'ont témoigné leur bonté, et aussi leur générosité. Les préparatifs du départ vont me prendre les quelques jours que je passerai encore ici, il me sera donc impossible de voir ou de revoir tous et chacun. D'où la raison d'une soirée de départ pour tous les intéressés au Centre paroissial Saint-Marc vendredi dernier. »
 *****

Basutoland est l'ancien nom donné au Lesotho, un territoire montagneux enclavé dans l'Afrique du Sud. La mission d'évangéliser les Basutos avait été confiée à la branche canadienne des Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée.


Louis-Georges Hamel (1909-1977) était le fils d'Ephrem Hamel et d'Azélie St-Onge de Sainte-Flore. La famille comptait aussi un autre prêtre et trois Soeurs de la Charité d'Ottawa. À la fin de sa vie, Louis-Georges Hamel résidait au Cap-de-la-Madeleine où les Oblats possèdent un monastère. Il a été inhumé à cet endroit, le 5 septembre 1977.

lundi 22 octobre 2012

Le Bolchévisme nous menace

Mgr S.G. Gauthier, Archevêque coadjuteur de Montréal, Le Communisme au Canada, L'Oeuvre des tracts, no 140, L'Action paroissiale, Montréal, 1931, 16 pages.

L'Église catholique avait peur du communisme qui a presque détruit l'Église orthodoxe de Russie. Une brochure mensuelle de l'Oeuvre des tracts de Montréal a été consacrée à ce mouvement pour mettre en garde la population contre ses méfaits.

Nous sommes en 1931, douze ans après la révolution d'octobre en Russie. Le parti communiste du Canada a été fondé à Toronto en 1922. Au début, c'était un parti d'anglophones de l'Ontario, mais il vient d'ouvrir des bureaux à Montréal sur les rues Nicolet,  Rachel et Fairmont. « Les discours qu'on y débite ne sont que des diatribes contre la religion. » Pire encore, un cercle pour enfants a été ouvert en plein quartier Hochelaga pour endoctriner les petits. Les Jeunesses communistes essaient maintenant de supplanter les scouts et les guides.



L'Église veut éviter que cette doctrine ne se répande parmi ses fidèles. Elle exagère un peu la menace : « Combien y a-t-il de communistes de langue française à Montréal ? Il est difficile de donner des chiffres exacts. Mais les nombreuses formules d'apostasie que les autorités religieuses ont reçues depuis quelques mois indiquent qu'un travail constant et méthodique se fait dans notre classe ouvrière. Inutile d'ajouter que les autres milieux de la ville, anglais et surtout cosmopolites, sont encore plus contaminés par ces doctrines subversives. »

« Ce que le Communisme a donné en Russie ?
  1. Une population affamée
  2. Un prolétariat asservi
  3. Une paix pire que la guerre. »
L'archevêque souhaite donc combattre activement le communisme par une activité de propagande : « Le dessin qui orne la couverture de cette brochure sera tiré en affiches de grand format. Il faut la répandre dans les usines, les tavernes, les chantiers, etc. »




Voir aussi sur ce blog un article portant sur le numéro 120 de l'Oeuvre des tracts sur les moniales carmélites : Contemplation et fiscalité.

jeudi 11 octobre 2012

Contemplation et fiscalité

Moniales Carmélites aux Trois-Rivières. L'oeuvre des tracts, no 120, L'Action Paroissiale, Montréal, circa 1928, 16 pages.


J'ai toujours éprouvé un certain malaise face aux ordres religieux contemplatifs comme celui des Carmélites. Consacrer toute sa vie à la prière et à l'adoration me semble un pari très risqué. Si Dieu n'existe pas, à quoi auront servi toutes ces vies cloîtrées et improductives d'un point de vue matériel ?

Le pari est moins risqué pour les membres des communautés qui se consacrent à la charité, à l'éducation ou à la santé. Que Dieu existe ou non, leurs vies demeureront matériellement et socialement utiles.

Le gouvernement du Manitoba avait aussi des réticences face aux ordres contemplatifs à qui il refusait l'exemption de taxes municipales qu'il accordait aux autres communautés religieuses, celles qui administrent des hôpitaux, des écoles ou des oeuvres de charité.

Selon le fascicule Moniales Carmélites aux Trois-Rivières, c'est pour cette raison que les Carmélites de Saint-Boniface du Manitoba ont déménagé à Trois-Rivières en 1929, dans un immense monastère construit sur un terrain de quatre arpents carrés, exempt de taxes municipales.

C'était là un paradoxe des ordres contemplatifs : vivre la mortification et la pauvreté dans un palais. Les Carmélites de Trois-Rivières étaient seulement 22 dans un édifice de deux étages d'une longueur de 360 pieds, en comptant les ailes. Mais leurs règles de vie (sommeil, prière, repas) étaient très strictes.

Pour conclure avec Pascal : « S'il ne fallait rien faire que pour le certain, on ne devrait rien faire pour la Religion ; car elle n'est pas certaine. » (Pensées, 1670)

mardi 15 mai 2012

La joyeuse pénitence

Le site Le patrimoine immatériel religieux du Québec présente des articles intéressants sur la vie des communautés religieuses.

Croix en broches portée dans le dos
J'y ai trouvé un article sur les anciennes pratiques de mortification des Adoratrices du Précieux-Sang qui avaient un monastère à Trois-Rivières. Le port d'objets blessants visait à favoriser un rapprochement avec le Christ qui a souffert sur la croix : sang pour sang, amour pour amour. Curieusement, ces pratiques  faisaient partie de ce qu'on appelait « la joyeuse pénitence ». Voici un extrait de cet article intitulé L'évolution de la pénitence chez les Adoratrices du Précieux-Sang :
« Les pratiques de mortification corporelle furent présente au sein de la communauté dès sa fondation, mais elles disparurent dans les années 1970. La mortification corporelle se pratiquait alors durant l'Heure réparatrice, une heure de prière communautaire se déroulant à minuit. À l'aide d'objets de pénitence, les religieuses s'astreignaient à une souffrance contrôlée, selon la capacité d'endurance de chacune, ce qui leur permettait de se rapprocher du Christ et de sa propre souffrance sur la croix. Ces objets de pénitence, fouet, bracelet, collier, jarretière, cilice, bandeau, étaient faits à partir de pointes de broche et portés sur la peau durant une courte période de temps. Toutefois, le port d'un seul de ces objets à la fois n'avait pas pour intention de faire couler le sang, même si on pouvait ressentir de la douleur.

De nos jours, la discipline et la pénitence se vivent dans les petites choses du quotidien, comme le simple fait de devoir cohabiter en tout temps avec des personnes fort différentes de soi ou dans le jeûne du vendredi et l'abstinence de viande ce jour là. »
Voir aussi sur ce blog : Des choristes et des converses

Cette idée de joie dans la pénitence et la mortification a vraiment de quoi surprendre aujourd'hui. En plus de porter des vêtements blessants comme le silice, les membres des communautés religieuses pouvaient (ou devaient ?) se « donner la discipline » en se flagellant. La souffrance dans la maladie était aussi valorisée, comme moyen de se rapprocher de Dieu.

mardi 17 avril 2012

Un curé architecte

Parfois, en examinant la vie de certains curés de campagne, je me demande s'ils n'auraient pas préféré exercer une autre profession ou étudier dans une autre discipline que la théologie. Quelques-uns ont poussé à l'extrême ce qui fut d'abord un hobby, pour en faire une activité quasiment professionnelle. Sainte-Geneviève de Batiscan a eu son curé médecin (voir L'eau divine de l'abbé Côté) et Yamachiche, son curé architecte.

Joseph-Hercule Dorion, curé de Yamachiche de 1853 à 1889, avait des talents d'ingénieur. En 1874, il a planifié et dirigé les travaux de détournement des eaux de la petite rivière Yamachiche qui traversait le village. Il voulait ainsi redresser la rue Principale et récupérer un terrain près de l'église pour construire un couvent et un hospice pour les Soeurs de la Providence. Ces travaux ont été réalisés grâce à une corvée des paroissiens, selon les plans et les directives de leur curé (La Concorde, 11 novembre 1874).

Mais sa véritable passion était l'architecture. On lui doit les plans et devis du couvent d'Yamachiche en 1874, ceux de la Salle publique en 1878 et ceux de la nouvelle église achevée en 1879. Cette église, inspirée de l'architecture italienne, richement décorée et dotée plus tard d'un grand orgue Casavant, était considérée comme un joyau avant sa destruction par le feu en 1959. Elle accueillait les pèlerinages à la « Bonne Sainte-Anne », la patronne du lieu (voir La Bonne Sainte-Anne).


À son décès en 1889, la bibliothèque personnelle de l'abbé Dorion contenait, parait-il, un millier d'ouvrages scientifiques et théologiques. L'inventaire de ses biens montre qu'il vivait très confortablement dans son immense presbytère : « un ameublement de salon, de salle à dîner, 13 chambres à coucher garnies, argenterie, vaisselle, verrerie, une bibliothèque contenant 1 000 livres (ouvrages scientifiques et théologiques), une peinture à l’huile de grand prix, un piano carré, quelques bêtes, voitures d’été et d’hiver » (La Concorde, 30 janvier 1890).

Voici ce que le journal La Concorde du 21 juin 1879 disait de ses talents d'architecte :
« Le marché des travaux de parachèvement de l’intérieur de l’église de la paroisse d’Yamachiche a été donné par contrat mardi dernier, à Messieurs Joseph Héroux et George F. Héroux, habiles architectes-entrepreneurs de cette paroisse. Le coût de ces travaux est de 16 100$, ce qui fait le complément de la somme de 50 000$ que devra coûter aux paroissiens d’Yamachiche leur belle église qui, finie, sera une des plus magnifiques du Canada. D’après les plans intérieurs, les murs et les piliers devront être terminés en stuc, imitation de marbre. La paroisse pourra à grand droit se féliciter de posséder un aussi beau temple et par là d’avoir fait preuve d’une foi et d’un esprit de christianisme dignes de louanges et d’admiration. Le révérend J. H. Dorion, le digne curé de cette paroisse qui a fait les plans, tant extérieurs qu’intérieurs, s’est par là acquis une reconnaissance que les générations actuelles et futures ne pourront jamais oublier. En effet, c’est Monsieur le curé Dorion qui a conçu ces magnifiques plans qui font l’admiration de tous les visiteurs, qui en a fait les devis et spécifications, avec une habileté digne des meilleurs architectes. Honneur donc et félicitations au révérend Monsieur Dorion et aux paroissiens d’Yamachiche. »
Outre les articles de La Concorde qui font état de ses réalisations à Yamachiche, on ne trouve pas beaucoup d'informations sur la vie de l'abbé Dorion qui serait né vers 1820. Il est entré au Collège de Nicolet en 1833. Il a plus tard enseigné le cours commercial et le dessin à cet endroit de 1840 à 1844. C'est probablement le dessin qui l'a amené à s'intéresser à l'architecture. Avant d'être nommé à la cure de Yamachiche en 1853, il était en poste à Drummondville où il a été président des commissaires d'école.

Les articles du journal La Concorde sont tirées des Bases de données en histoire de la Mauricie.

vendredi 23 décembre 2011

Le retour du prince

Récitez à haute voix en roulant les r : « Montréal, ô ma ville, tu as voulu te faire belle pour recevoir ton pasteur et ton prince! »

En janvier 1953, Paul-Émile Léger (1904-1991), archevêque de Montréal, a été nommé cardinal par le pape Pie XII. À son retour du Vatican, le 29 janvier 1953, il faisait une apparition triomphale à la gare Windsor de Montréal à bord d'un wagon réservé par le Canadien Pacique.  On trouve un reportage radiophonique de cet événement sur le site de Radio-Canada.

Les fidèles s'était massés à l'intérieur de la gare pour l'acclamer avec des banderoles. Le charme a été rompu quand il a prononcé ces paroles : « Montréal, ô ma ville, tu as voulu te faire belle pour recevoir ton pasteur et ton prince! » (à 23 minutes et 45 secondes du reportage). La foule découvrait la vanité de son héros. Le reste de son allocution était de la même eau : « Depuis que le Saint-Père a fait de moi votre cardinal vous ne savez pas comment m'exprimer ce que vous ressentez. »

Paul-Émile Léger dira plus tard qu'il regrettait beaucoup ces paroles. Il a démissionné de son poste d'archevêque le 20 avril 1968 pour travailler comme missionnaire en Afrique auprès des lépreux et des enfants handicapés. Il a réalisé d'importantes levées de fonds pour financer ses missions qu'on appelait « les oeuvres du cardinal ».

On entendait sa voix le soir à la radio de CKAC réciter les prières du chapelet en famille.

mardi 30 août 2011

Des choristes et des converses

Choriste : qui se consacre à la prière et à l'étude.
Converse : qui s'occupe des tâches domestiques.

Les communautés religieuses, surtout les ordres contemplatifs cloîtrés, étaient des milieux fermés qui obéissaient à des règles très anciennes. On disait d'une jeune fille qui entrait en religion qu'elle « quittait le siècle ».

Dans les communautés de femmes, il y avait deux catégories de religieuses : les converses et les choristes. Ces catégories ressemblaient beaucoup à des classes sociales. Les Sœurs converses étaient assignées aux tâches domestiques pour permettre aux Sœurs choristes, plus instruites et plus fortunées, de se consacrer à la prière. J'ajoute plus fortunées parce que les communautés religieuses exigeaient une contribution financière des parents pour permettre à leur fille d'accéder au statut de choriste. En plus des travaux nécessaires à l'entretien du couvent, les Soeurs converses pouvaient confectionner divers objets comme des cierges, des hosties ou des soutanes qui rapportaient un revenu à leur communauté. Il y avait aussi des Frères convers dans les communautés d'hommes.

Maria Bourassa le jour de sa profession religieuse.

Maria Bourassa (1894-1945), fille d'Elzéar Bourassa et d'Odélie Gélinas de Saint-Boniface de Shawinigan, était Soeur converse chez les Adoratrices du Précieux-Sang au couvent Gethsémani de Trois-Rivières. Elle était instruite mais ses parents étaient pauvres. Elle a tenu à se faire converse pour, disait-elle, « mener une vie de dévouement, de souffrance et d’immolation ». La notice nécrologique de Maria Bourassa mentionne :
« Notre chère Sœur possédait une très belle instruction, très intelligente, aimable en récréation … Elle aurait rendu de grands services à la Communauté. Cependant, avant sa profession religieuse, des parents lui offrirent encore de remplir les conditions exigées si elle désirait devenir Sœur choriste. Oh non merci, mon choix est fait. Le bon Dieu m’appelle dans ce genre de vie obscure, je veux Le servir dans l’humiliation et l’oubli de moi-même. Elle ne s’est jamais démentie la chère Victime, elle a pleinement réalisé sa devise, son dévouement allait jusqu’à l’héroïsme. »
La communauté des Adoratrices du Précieux Sang a été fondée à Saint-Hyacinthe en 1861 et s'est installée à Trois-Rivières en 1889. C’est un ordre contemplatif dont la mission est d’expier et de réparer « les outrages commis contre l’adorable Précieux Sang de Jésus qui a sauvé le monde ». Le monastère de Gethsémani est situé sur le boulevard Saint-Louis à Trois-Rivières. Construit sur le sommet d'un coteau, c'est un point de repère dans le paysage trifluvien que l'on distingue à des lieues à la ronde. Faute de relève, il a été fermé en 2008 et transformé en condominiums. Au moment de la fermeture, le monastère et son immense terrain étaient évalués à 1,7 million de dollars.

Le monastère de Précieux-Sang de Trois-Rivières.

Sources
- Notice nécrologique de notre chère Sœur Marie de Saint-Joseph (Maria Bourassa) religieuse converse de « Gethsémani » 1894-1945, par Sœur Marie des Séraphins infirmière, Monastère du Précieux Sang, Trois-Rivières, 15 décembre 1945, 6 pages.
- La confection de soutanes par les Adoratrices du Précieux-Sang, sur le site Le patrimoine religieux du Québec.

mardi 23 août 2011

Duplessis jeune


Maurice Duplessis et ses soeurs vers 1896
En 1909, Maurice Duplessis, alors âgé de 19 ans, était étudiant au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières. Il était déjà reconnu pour son talent d'orateur. En juin de cette année, on lui a demandé de prononcer le discours d'adieu à l'intention des finissants lors de la « séance de sortie » qui marquait la fin de l'année scolaire et le retour des pensionnaires dans leurs familles.

Déjà à cet âge, Duplessis affichait des opinions ultra-conservatrices typiques de l'idéologie de survivance du vieux nationalisme canadien-français, toujours sur la défensive. Il prônait la suprématie du clergé sur la société laïque et mettait ses camarades en garde contre les dangers des idées libérales. On peut lui reprocher bien des choses, mais pas d'avoir été incohérent dans sa pensée politique. Il a défendu les mêmes idées jusqu'à la fin de sa vie. Voici un extrait de ce discours du jeune Duplessis:
Certes, mesdames et messieurs, nous connaissons les dangers de l'époque actuelle, parce qu'on nous les a signalés, et ceux qui, tout-à-l'heure, seront arrivés au terme de leur carrière collégiale, en possèdent une connaissance plus complète encore : Aussi bien, pour ne pas faillir à la tâche, s'inspirant des mâles exemples et des salutaires préceptes des fondateurs, les Cooke, les Laflêche et les Richard, dont les noms chers à tous doivent réveiller dans cet auditoire de sympathiques échos, seront-ils avant tout catholiques de nom et d'action. Les succès et les honneurs ne seront jamais capables de diminuer chez eux l'ardeur à défendre les droits de l'Église et, « toujours jeunes, toujours ardents, ils passeront à côté des blasés et des indifférents comme des soldats qui vont au feu pour Dieu et la Patrie ». Aux hommes qui veulent confiner le prêtre dans la sacristie pour en faire un hibou suivant le désir de Voltaire et de Frédéric II de Prusse, ils rappelleront l'inlassable dévouement et les bienfaits inappréciables de notre clergé à l'endroit du peuple canadien-français, puis ils répondront avec Lacordaire que « le prêtre vient de Dieu qui est en tout et que rien ne lui est étranger, parce que rien n'est étranger à Dieu. »
L'extrait est tiré d'un article qui a été publié dans le journal Le Bien Public de Trois-Rivières le 29 juin 1909. On le trouve dans la collection numérique de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

mercredi 1 juin 2011

La famille de Majorique

Une photographie ancienne que j'aime beaucoup. Elle a été prise chez un photographe en 1909. Quelqu'un a écrit les noms des personnes dans un espace prévu à cet effet au bas de la photo. Elle montre Majorique Lavergne, fils de Louis Lavergne et de Marie Blais, de même que son épouse Albertine Deschesnes et leurs premiers enfants : Jeannette, Philippe, Laurette et Yvonne. La légende manuscrite nous apprend que les deux plus jeunes, Laurette et Yvonne sont devenues des religieuses de la Providence, une congrégation qui administrait l'hôpital Saint-Joseph de Trois-Rivières. Elle nous apprend aussi que Jeannette, debout à la gauche de son père, a épousé un dénommé Vivier, qui s'appelait en fait Hervé-Damase Viviers.


La composition est excellente et on distingue bien les "habits du dimanche", notamment les bottes de cuir à boutons, qui étaient en vogue à l'époque. Le garçon Philippe, assis sur une boîte, porte des jambières et des culottes courtes. Le papa a des mains d'ouvrier et un petit air hispanique à la Antonio Banderas. La mère, bien en chair, a l'air un peu fatigué. On ne souriait pas sur les photos en 1909.

Je ne sais pas grand chose sur eux, sinon qu'ils sont originaires de Sainte-Flore, se sont mariés le 29 janvier 1900 et ont déménagé au Cap-de-la Madeleine vers 1912. Ils ont eu en tout 12 enfants dont certains sont morts en bas âge.

Le garçon Philippe, qui était peut-être handicapé, est décédé à l'âge de 23 ans, le 23 décembre 1925. Par ailleurs, le troisième enfant du couple, Germaine qui est née en 1904, n'apparaît pas sur la photo. Cette dernière est décédée à l'âge de 14 ans le 26 juin 1919.

mardi 19 avril 2011

Le schisme de Maskinongé

Casaubon, Jacques, L'histoire de la paroisse Saint-Joseph de Maskinongé. Maskinongé, 1982, 548 pages.

Dans les paroisses naissantes, le choix de l'emplacement de l'église était un décision importante. Il y avait souvent des chicanes entre les habitants des différents rangs à ce sujet. L'enjeu était de taille, car c'était autour de l'église que se développait le village, ce qui augmentait la valeur des propriétés du rang choisi. Par exemple, à Saint-Boniface-de-Shawinigan en 1852, l'Évêque en personne avait dû intervenir pour trancher un différend entre les habitants des quatrième et sixième rangs. Quand il devait trancher, l'évêque allait planter une croix sur l'emplacement choisi  pour bien marquer sa décision et imposer son autorité aux paroissiens déçus.

En 1889, Maskinongé fondée en 1720 n'était plus une paroisse naissante, mais une nouvelle église, la quatrième, devait être construite plus près de la rivière où le village s'était développé après l'arrivée du chemin de fer. Jamais un chicane à propos de la construction d'une église n'est allée aussi loin. Déçues du choix de l'emplacement de la rive Sud-Ouest, une centaine de familles de la rive Nord-Est ont alors décidé de construire leur propre chapelle. Puis, comme l'évêque de Trois-Rivières leur refusait la visite d'un prêtre catholique, ils ont accueilli un ministre baptiste M. Burwash, envoyé par la mission de la Grande-Ligne dans le Richelieu, et se sont convertis à cette religion. Le pasteur baptiste William Stephen Bullock s'établit à Maskinongé en 1892 (voir Des loups dans la bergerie). Cette nouvelle paroisse protestante a ensuite servi de tremplin pour établir des missions à Sainte-Ursule et à Saint-Gabriel-de-Brandon en 1895.

Dans son Histoire de la paroisse, Jacques Casaubon nous présente une abondante correspondance échangée par les acteurs de ce drame paroissial. Je retiens deux éléments qui expliquent pourquoi ce conflit a dégénéré :
  • Le leadership des dissidents. Deux personnalités fortes étaient à la tête des habitants de la rive Nord-Est, le notaire Galipeau, président de la chambre des notaires, et M. Isaïe Marchand, qui pouvaient tenir tête au clergé local et même argumenter avec l'évêché.
  • Les maladresses du clergé. L'évêque de Trois-Rivières, Monseigneur Laflèche, avait d'abord tranché en faveur de la rive Nord-Est, et s'était même rendu y planter une croix, avant de se raviser après qu'une pétition ait été présentée par les habitants de la rive Sud-Ouest. Par la suite, un émissaire de l'évêque, le vicaire Hendricks, s'est permis de maudire la chapelle nouvellement construite, ce qui a provoqué la colère des dissidents. Enfin, le curé de la paroisse, qui a pris partie pour les habitants de la rive Sud-Ouest, était le neveu de l'évêque, ce qui a sans doute entaché la décision finale aux yeux des habitants de la rive Nord-Est.

samedi 2 avril 2011

L'eau divine de l'abbé Côté

« L'Eau divine » n'est pas qu'une marque de parfum. Depuis des siècles, ce terme désigne différentes potions ou lotions qui sont supposées guérir ceux qui ont la foi. Encore aujourd'hui, on peut attirer sur soi les « forces bénéfiques », en achetant de l'eau divine sur internet.


Dans Sainte-Geneviève de Batiscan, publié en 1936 aux Éditions du Bien Public, E.-Z. Massicotte raconte une anecdote au sujet du curé François-Xavier Côté (1788-1862) qui avait, parait-il, des talents de guérisseur. L'abbé Côté, qui aurait peut-être préféré devenir médecin ou apothicaire, confectionnait ses propres remèdes et les administrait aux malades, parfois contre l'avis du médecin traitant. Voici ce que Massicotte raconte à son sujet :

" Pour préparer ses médicaments, l'expert abbé Côté employait souvent des plantes, mais son remède par excellence, son « Eau divine » , que le peuple nommait « l'eau rouge», était d'une autre composition.  
Avec ce liquide et la profonde confiance qu'il inspirait à ses patients et la foi en Dieu qu'il savait admirablement développer chez ceux qui avaient recours à ses soins, il obtint des guérisons remarquables. Le lieutenant-colonel Massicotte citait, par exemple, le cas d'un nommé Casimir Sanscartier, employé aux scieries des chutes sur la rivière Batiscan. Ce malheureux, par une fausse manoeuvre, s'était fait entamer un bras et il avait perdu beaucoup de sang. On alla chercher un docteur ainsi que l'abbé Côté. Le chirurgien fut d'avis de pratiquer l'amputation et le blessé allait consentir, lorsque le bon vieux curé défendit à Sancartier de se laisser mutiler. Il avait examiné la blessure et assurait qu'avec l'aide du Souverain Maître et de son « eau rouge », il lui conserverait le membre endommagé.
Aussitôt, il fit une application de l'eau, puis banda le bras avec des éclisses et de la toile. Il continua le traitement, renouvela les applications, puis, un jour, Sancartier reprit l'usage de son bras. Cette « eau rouge » dont on ignora longtemps la composition, semble maintenant connue. Du moins, la « Matière médicale » des RR. SS. de la Providence en donne la formule, car voici ce qu'on lit aux mots « Peroxyde de fer », colcota, ou rouille de fer : « L'Eau divine de M. Côté, composée d'une grande cuillerée de colcotar pour une chopine d'eau bouillante forme une des meilleures lotions à employer pour la cure radicale des plaies et pour l'inflammation des yeux. Pour ce dernier cas, l'eau doit être affaiblie .... "

J'ai rassemblé quelques informations sur les personnages de cette histoire.

François-Xavier Côté ( 1788-1862)
Les talents de guérisseur de l'abbé François-Xavier Côté lui ont amené des patients venant de partout au Québec. Il est devenu, en quelque sorte, le Frère André de Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il a été curé de cette paroisse pendant 43 ans de 1818 à 1861.  Nommé archiprêtre, il s'est beaucoup impliqué dans les oeuvres d'aide aux pauvres. Il possédait une importante bibliothèque contenant, notamment, des ouvrages de médecine. Habile artisan, il a fabriqué lui-même une partie du mobilier de l'église. À ses funérailles, des fidèles qui défilaient devant sa tombe en profitèrent pour prélever des reliques en lui coupant une mèche de cheveu ou un morceau de vêtement.

Un dénommé Casimir Sanscartier a épousé Marie-Louise Massicotte en 1825 à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il pourrait s'agir du blessé du récit du lieutenant-colonel Massicotte.

Narcisse-Pierre Massicotte (1830-1897)
Le lieutenant-colonel Narcisse-Pierre Massicotte était propriétaire d'un pont à péage sur la rivière Batiscan, qu'il avait construit en 1872 avec les pierres de l'ancienne église de Sainte-Geneviève. Il en coûtait 2 cents pour le passer à pied et 2 dollars annuellement pour les voitures. C'était une entreprise très rentable. Narcisse-Pierre Massicotte était responsable des compagnies de milice dans le comté de Champlain, d'où son titre de lieutenant-colonel. Il a épousé Marie-Émerentienne Matte le 21 janvier 1856 à Sainte-Anne-de-la-Pérade.



Les deux portraits ci-dessus sont de l'illustrateur Joseph-Edmond Massicotte. Ils ont été publiés dans Le Monde illustré. On les trouve sur le site de BANQ.


mardi 8 mars 2011

La visite des chantiers (2)

Charles-Théodore Bellemare, issu d'une famille aisée de Yamachiche, a été curé de Shawenegan (Saint-Boniface) de 1875 à 1894. Il entretenait une correspondance suivie avec son homologue Vital Bellemare, prêtre desservant de  la paroisse de Chambray en Normandie (voir La Normandie et le Québec vus du presbytère).

Dans une lettre écrite en février 1888, le curé de Shawenegan décrivait de façon très négative la visite annuelle qu'il devait faire en hiver dans les chantiers (voir La visite des chantiers). Peut-être intimidé par la rudesse des bûcherons et incapable d'établir la communication avec eux, ils les décrivaient alors comme la lie de la société et leur reprochait leur malpropreté.

Source de la photo : florelaurentienne.com

Cinq ans plus tard, son opinion et son attitude envers les bûcherons ont complètement changé.  De hautain qu'il était à son arrivée dans la paroisse, il est devenu plus familier et plus amical avec les fidèles. La visite des chantier est maintenant pour lui une fête et les bûcherons sont devenus de bons lurons qui font leur toilette avant l'arrivée du curé.  Le 16 février 1893, il écrivait à son correspondant normand :
Il est bon de vous dire que nous avons, cet hiver, sur la paroisse deux établissements en pleine forêt pour la coupe du bois. Ce sont deux grandes maisons, basses, la couverture surbaissée, bâties en bois rond, calfeutrées avec de la mousse et des étoupes. L'intérieur est vaste, avec une table d'une quarantaine de pieds de longueur et une rangée de lits à deux étages. Une quarantaine d'hommes occupent chacun de ces chantiers. Un de mes paroissiens, M. Morel, en est le contre-maître et les travaillants sont, pour la plupart de Shawenegan et de Saint-Étienne, ce qui fait qu'en arrivant dans ces chantiers, nous arrivons en pays de connaissance, et nous sommes bien reçus. La journée choisie par le prêtre pour visiter le chantier est annoncée d'avance ; le travail cesse un peu plus tôt et quand nous arrivons, vers 6 heures et demie chaque homme a fait sa toilette et nous commençons de suite les amusements avec tous ces bons lurons. Des contes, des chansons, quelquefois des danses, du violon, nous aident à passer bien agréablement les quelques heures données par encouragement à ces hommes qui peinent toute la journée à travers les neiges et les froids. Ils sont pourtant contents de leur sort, ils sont robustes, nos jeunes Canadiens (ce sont, en partie des jeunes gens), et quand, au printemps vous les voyez revenir du chantier, ils se présentent à vous, gros, gras, le teint plein de feu. S'ils travaillent fort, ils sont en général bien nourris, bien traités. Le lard, le boeuf, les pois, les haricots, la farine de première qualité pour le pain et les pâtisseries sont fournis par le bourgeois et s'il veut avoir des hommes il faut que sa cuisine soit chargée.

... nous arrivons vers 6 heures et demie. Après les salutations d'usage, quelques mots d'entretien avec le bourgeois, M. Ritchie, présent ce soir-là, et avec le contremaître, nous entrons dans la chambre des hommes où les bons chanteurs nous régalent des meilleurs morceaux de leur répertoire. Après les chansons, j'avise un mien cousin qui , comme moi, s'appelle Charles Bellemare, de nous conter quelques contes. Vous dire l'aspect du chantier quand je leur annonçai que Charles allait nous conter un conte, c'est un peu difficile. Nos Canadiens aiment les contes et l'on écoute le contenu comme à l'église l'on écoute le prêcheur. La renommée de Charles est bien connue, aussi dès que je leur annonçai qu'il avait donné son consentement, chacun de quitter sa place et de venir entourer mon homme, les uns s'asseyant sur les tables, les autres par terre, tous se plaçant de manière à avoir le conteur en vue, et Charles de commencer, avec son grand sérieux et son air de brigand ; mais le sérieux ne dura pas longtemps : Charles est un farceur et le cours de ses histoires nous amena bien des incidents où le chantier n'était pas assez grand pour contenir les éclats de rire des auditeurs ...Je récitai le chapelet avec toutes ces bonnes gens, je fis la prière du soir et leur donnai en quelques mots les avis que me suggéraient leur état et les renseignements que j'avais reçus du contremaître et nous leur disons : au revoir mes bons amis ! À 10 heures et quart, nous étions de retour à la maison ; M. Milot passa avec nous l'avant-midi et tantôt il nous disait adieu pour s'en aller voir sa vieille mère.

Voir aussi : La visite des chantiers et L'alambic du curé Bellemare

lundi 31 janvier 2011

La Grande Noirceur

 

Voici la position de Maurice Duplessis sur le rôle du clergé dans le domaine de l'éducation. Ce discours a été prononcé à Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1959, peu de temps avant sa mort.