lundi 22 mars 2010

Familysearch

(Mise à jour le 17 août 2011)

Le site de Familysearch offre un accès gratuit aux microfilms des recensements et des certificats de naissance et de décès des États-Unis (ici). C'est particulièrement intéressant pour ceux qui font des recherches sur les Franco-Américains.

J'ai noté les trouvailles que j'ai faites sur ce site pour 7 familles de la Mauricie :
  1. Désiré St-Onge et Zoé Milette à New Bedford Mass
  2. Onésime Lemire et Mathilda Milette à New Bedford Mass
  3. François St-Onge et Caroline Paquin à Lowell Mass
  4. Nazaire Robitaille et Azéline Rondeau à Lowell Mass
  5. Olivier Lampron et Marie Caron à Manchester NH
  6. Onésime Caron et Philomène Gélinas à Manchester NH
  7. Cyriac Caron et Anaphlète Lamy à Chicopee Mass

1. Désiré St-Onge et Zoé Milette à New Bedford

J'ai trouvé sur Familysearch beaucoup d'informations sur la famille de Désiré St-Onge et de Zoé Milette, un couple dont il a déjà été question sur ce blogue (Voir La jument est vendue). Cette famille avait quitté Saint-Étienne-des-Grès, où Désiré exerçait le métier de forgeron, pour aller s'établir à Oconto dans le Wisconsin vers 1868-1869. On perdait ensuite leur trace.

J'ai trouvé les certificats de décès de Zoé Milette et de trois de leurs fils. Ces décès sont survenus dans le Massachusetts en 1898, 1906, 1909 et 1915 :
  •  Zoé Milette est décédée le 16 février 1898 à New Bedford, Mass. Elle était âgée de 58 ans.
  • À Holyoke, Mass le 26 juin 1906, Georges St.Onge est décédé d'une péricardite à l'âge de 38 ans. L'acte de décès mentionne qu'il est né dans le Wisconsin. Il a été enterré le 28 juin 1906. Il était marié et résidait au 234 "Hamelin" Street. Mrs Georges St. Onge qui résidait à la même adresse a été insctite comme "informant". Georges St.Onge (né en 1871) a épousé Délia Hetu (née en 1873), fille de Edonard  et Angéle Ledue, le 21 mai 1899 à Woonsockett R.I. 
  • Henry St.Onge, qui était ouvrier, est mort d'une bronchopneumonie à New Bedfosd le 10 février 1909. Il était âgé de 35 ans. L'acte mentionne qu'il est né au Canada. Il a été enterré le 10 février au French Cemetary de New Bedford. Il était marié et résidait au 212 Second Street. Le nom de Joseph Milette est inscrit comme "informant"
  • À New Bedford, le 13 novembre 1915, Victor St.Onge, qui était ouvrier lui aussi, est mort écrasé (run over) par une voiture. Il est né le 2 février 1875 à Woonsocket, R.I. Il a été enterré le 16 novembre 1915 au Sacred Heart Cemetary. Il était marié et résidait au 735 Belleville Ave. à New Bedford. Le nom de Flora St.Onge est inscrif comme "informant" sur le certificat de décès. Elle résidait à la même adresse que le défunt. ---  On trouve le mariage de Victor (né en 1875) et d'Adélina Milette (née en 1877) à New Bedford le 13 avril 1896. Adélina Milette était la fille Joseph Milette et d'Ida Laframboise. --- Le recensement de 1900 à New Bedford nous apprend que Flora (née en juillet 1897) était la fille aînée de Victor, qu'il avait deux autres filles prénommées Irène (née en janvier 1899) et Bertha (née en avril 1900) et que son épouse Adélina est née en mai 1877. Ils étaient mariés depuis 4 ans. Victor travaillait dans une manufacture de fil (yarn mill). - On trouve aussi sur Familysearch le certificat de décès d'un fils de Victor, prénommé Hector-Raymond (né le 2 janvier 1913) qui est mort du choléra infantile le 19 juin 1913. La famille résidait alors au 31 Slocum Street à Acushnet, une municipalité situé au nord de New Bedford Mass. Un autre fils Edmond (né en novembre 1907) est mort d'une bronchpneumonie le 20 novembre 1908 à New Bedford. La famille habite alors au 4 Hillman Court.
Par ailleurs, on trouve aussi le certificat de naissance d'une fille de Désiré St.Onge et Zoé milette, prénommée Marie, née le 4 juillet 1877 à Woonsocket, Rhode Island. De plus, leur fille Clara se marie avec Boromé Bélanger, fils de Benjamin et de Marceline Grenier, le 6 avril 1899 à Holyoke Mass. Boromé Bélanger exerce alors le métier de "mill operative".

Ces documents nous donnent un aperçu du trajet compliqué qui a été accompli par la famille de Désiré St-Onge et de Zoé Milette:
  •  Ils ont quitté Saint-Étienne-des-Grès en 1868 pour aller à Oconto dans le Wisconsin où Georges est né en 1871.
  • Ils sont ensuite revenus au Canada où Clara est née en 1872 et Henri en 1874.
  • L'année suivante, on les retrouve à Woonsocket dans le Rhode Island où Victor et Marie sont nés en février 1875 et juillet 1877 respectivement. 
  • Ils reviennent ensuite au Canada, dans la paroisse de Sainte-Flore,  où Dora et Joseh-Henri-Désiré ont été baptisés en 1880 et 1883 respectivement. Le 22 février 1887, Joseph-Henri Désiré est inhumé à Saint-Jacques-des-Piles, une paroisse voisine de Sainte-Flore.
  • Ils retournent aux États-Unis, cette fois dans le Massachusett. Zoé Milette est décédée à New Bedford Mass en 1898. Désiré se remarie avec Dina Milette, la soeur aînée de Zoé, le 24 juin 1899 à New Bedford. Dina Milette était la veuve d'Évariste Lavoie qu'elle avait épousé le 30 juillet 1870 à Saint-Étienne-de-Grès.
En 1900, la famille de Désiré St-Onge a été recensée à New Bedford dans la Massachusets. Il était alors âgé de 61 ans et exerçait son métier de forgeron. Donia (Dina), la nouvelle épouse de Désiré, est née en mai 1848 au Canada. Ils sont mariés depuis 1 an seulement. Un fils de Désiré habite avec eux : Henry (27 ans) qui se dit journalier et son épouse Vinie âgée de 26 ans; ils sont mariés depuis cinq ans. Il y a aussi dans leur logement trois garçon du premier mariage de Donia : Victor Lajoie (25 ans), Arthur Lajoie (11 ans) et Joseph Lajoie (9 ans). Ils ont aussi des pensionnaires (boarders): John et Valida Grimes (née en janvier 1873 dans le Rhodes Island) et leur fille de 2 ans "Rear" Grimes, de même qu'une femme célibataire de 22 ans nommée Elizza Lapointe (née en juin 1874 dans le Rhodes Island). John Grimes était l'époux de Valida Lapointe, une fille du premier mariage de Dina Milette avec Évariste Lapointe.
Une fille de Désiré et Zoé Milette prénommée Valida (née en juin 1868) a aussi été recensée à New Bedford en 1900 avec son mari Henri Villemure (né en novembre 1863) et leurs deux filles Dora (née en janvier 1888) et Annie (née en mai 1890). Le couple est arrivé aux États-Unis en 1885. Valida déclare qu'elle a eu 6 enfants dont 2 sont vivants. Les deux filles se sont mariées dans le Massachusetts :
  • Dora a épousé Oliver Cormier, fils de Theophilus et de Domithilde Hébert, le 4 may 1908 à New Bedford. Dora est née à Holyoke, Mass.
  • Anna (Annie) a épousé Joseph P. Bourgeois, fils de Théodore et de Marie Fougère, le 2 janvier 1913 à Acushmet près de New Bedford. Elle travaille dans une usine. Anna est née à Holyoke, Mass.

2. Onésime Lemire et Mathilda Milette à New Bedford
    Par ailleurs, Mathilda Milette, la soeur de Zoé, et son mari Onésime Lemire charpentier étaient aussi présents à New Bedford au recensement de 1900. Mathilda déclare qu'elle a eu 4 enfants dont 1 seul est vivant. Ce couple a immigré aux États-Unis dès 1869, soit à la même époque que Désiré St-Onge et Zoé Milette. - Mathilda Milette est décédée le 6 février 1910 au New Bedford St.Luke's Hospital d'un "abdominal papillomatis". Elle était âgée de 72 ans et 6 mois. Elle a été enterrée au French Cemetary le 8 feb 1910. Mathilde résidait au 193 Arnold Street.

    3. François St-Onge et Caroline Paquin à Lowell
    François St-Onge était le frère de Désiré St-Onge, le forgeron dont il a été question plus haut. J'ai trouvé son acte de décès sur Familysearh. Il est décédé le 8 novembre 1914, à l'âge de 72 ans, d'une apoplexie cérébrale. Il était malade depuis 12 ans. Il a été inhumé le 10 novembre 1914 au St.Joseph Cemetary de Lowell. Son domicile était au 615 Morrinack Street à Lowell.

    La famille de François St-Onge (né en mars 1842) a été recensée à Lowell en 1900 à l'adresse 615 Merrimack Street. François était aux États-Unis depuis 1890. Il était alors marié depuis 9 ans à une femme prénommée Alice (née en mai 1861) qui était de 19 ans sa cadette. Sa première femme, Caroline Paquin, est donc décédée avant 1891. L'épouse Alice a déclaré avoir eu 7 enfants dont 4 étaient vivants. Ils avaient quatre filles : Emma (née en mai 1896), Éva (juillet 1897), Alexandra (septembre 1898) et Alice (décembre 1899) qui sont nées au Massachusetts. Il y avait une vingtaine de chambreurs dans leur logement dont une servante célibataire nommée Victorie St-Onge (née en janvier 1874). François St-Onge était "grocer" (épicier).

    Parmi la vingtaine de chambreurs qui habitaient le logement en 1900, il y avait une fille de François St-Onge, Valida (née en avril 1878) avec son mari Arthur Paillé écrit Payer (né au Massachusetts en 1876). Ils sont mariés depuis 4 ans. On retrouve ce couple au recensement de 1920 à Lowell avec leurs enfants : Anna, Arthur (né au Mass en 1902), Alfred, Blanche, Albert, Laura et Roland. - J'ai trouvé trois certificats de décès d'enfants de ce couple à Lowell en 1912 et 1914 :
    • Rene Payer (né le 10 mai 1910) est décédé le 11 may 1912 d'une bronchite (capillary bronchites). Il était âgé de deux ans et un jour. Il a été enterré au St.Joseph Cemetary le 13 may 1912. La famille habitait au 543 Moody Street.
    • Hortense Payer (née le 1er mai 1912) est décédée le 1er sep 1912 d'une bronchite (acute cap. bronchites). Elle était âgée de 6 mois et 2 jours. Elle a été enterrée au St.Joseph Cemetary le 2 septembre 1912. La famille habitait au 489 Moody Street.
    • Un garçon mort-né le 30 oct 1914. La famille habitait alors au 47 Exeter Street à Lowell.

    4. Nazaire Robitaille et Azéline Rondeau à Lowell

    J'ai aussi trouvé sur Familysearch le certificat de décès de Napoléon Robitaille, le 24 février 1906, à "Laval Place" dans la ville de Lowell Massachusetts. Il était le fils de Nazaire Robitaille et d'Azéline Rondeau dont il a déjà été question sur ce blog (De l'eau courante). Il est mort d'une rubéole (measles) compliquée d'une pneumonie, après quatre jours d'hospitalisation, à l'âge de 2 ans, 9 mois et 6 jours. Il a été enterré au St. Joseph Cemetary.

    Nazaire Robitaille, fils d'Augustin et de Sophia (Sophie), et Asiline (Azéline) Rondeau, fille de Pierre et de Philomene, se sont mariés le 8 juillet 1883 à Lowell. Il était alors âgé de 28 ans et travaillait comme "Brick maker".

    La famille de Nazaire Robitaille et d'Azéline Rondeau a été recensée à Lowell en 1900. Ils étaient mariés depuis 16 ans. Azéline Rondeau déclare avoir eu 8 enfants, tous vivants : Exina (juillet 1884), Ellenda (janvier 1886), Joseph (décembre 1887), Dorilda (février 1890), Zeilda (avril 1892), William (août 1894), Henri (février 1897) et Télesphore (mars 1899), tous nés au Canada. Ils déclarent être arrivés aux États-Unis en 1900. Nazaire Robitaille travaille comme "concrete laborer", tandis que les deux filles aînées, Exina et Ellenda, sont "hosiery mender".

    La soeur de Nazaire, Marie-Louise Robitaille (née en mai 1856), habite le logement voisin avec son mari Charles Ducharme (né en février 1840) et leurs enfants : Pierre (décembre 1881), Marie-L. (octobre 1883), Robia (juillet 1888), Thadule (juillet 1892) et Marie A. (juillet 1893). Ils sont mariés depuis 27 ans. Marie-Louise déclare avoir eu 12 enfants dont 7 sont vivants. Ils sont arrivés aux États-Unis en 1899. Ils hébergent aussi deux pensionnaires. Charles Ducharme et son fils aîné Pierre sont "laborer" (ouvrier).

    5. Olivier Lampron et Marie Caron à Manchester NH

    Un certificat de naissance d'un fils d'Olivier Lampron et de Marie Caron né le 25 novembre 1893 à Manchester dans le New Hampshire. Le nom de l'enfant a été omis. Le certificat précise que c'était le onzième enfant du couple. La profession du père est "Clerk".

    Il s'agit probablement d'un enfant qui est mort peu après sa naissance. Selon mes données, le onzième enfant du couple était une fille prénommée Rébecca qui est morte à l'âge d'un mois seulement le 3 juillet 1889 à Saint-Boniface-de-Shawinigan.


     6. Onésime Caron et Philomène Gélinas à Manchester

    Onésime Caron, le beau-frère d'Olivier Lampron, et son épouse Philomène Gélinas ont aussi été recensés à Manchester en 1900 avec leurs enfants Joseph (né en mars 1867), Maria (juillet 1878) et Marie-Louise (juin 1882). Onésime Caron est né en octobre 1837 et Philomène Gélinas en février 1841. Ils sont mariés depuis 41 ans. Philomène Gélinas déclare avoir eu 17 enfants dont 8 sont vivants. Ils ont immigré aux États-Unis en 1896, sauf Joseph qui y est depuis 15 ans (1885). Maria est "wool sertor" et Marie-Louise est "cotton spinner".

    Le fils d'Onésime Caron, Michel Caron (né en août 1862), est aussi recensé en 1900 à Manchester avec son épouse Caroline Dubé (née en novembre 1864) et leurs filles Marie-Louise (février 1887) et Dora (août 1888). Ils sont mariés depuis 14 ans. Caroline Dubé déclare avoir eu 5 enfants dont 2 sont vivants. Les deux filles sont nées au New Hampshire. Michel Caron est "cotton weaver". Il déclare avoir immigré en 1884. - Ils ont enregistré la naissance de leur premier enfant une fille anonyme le 18 février 1887 à Manchester. Michel Caron exerce alors le métier de weaver.

    7. Cyriac Caron (fils de Louis-Solyme) et Anaphlète Lamy à Chicopee Mass

    Un autre beau-frère d'Olivier Lampron, Cyriac Caron époux d'Anaphlète Lamy, était à Chcopee Falls près de Springfiels dans le Massachusetts. Leur fils Hermidas Caron est décédé dans cette ville le 17 juillet 1912 d'une tuberculose pulmonaire. Le garçon, âgé de 18 ans, était né le 6 juillet 1894. Il était malade depuis 1 an. Hermidas a été inhumé au Calvary Cemetary le 16 juillet. Il habitait au 14 West Street à Chicopee. Thomas Caron, qui logeait à la même adresse, a été désigné comme "Informant".


    Voir aussi sur ce blog : Familysearch (2)

    samedi 20 mars 2010

    Le Windigo

    Yvon Therriault, L'apostolat missionnaire en Mauricie, Trois-Rivières, Éditions du bien public, 1951.

    Dans L'apostolat missionnaire en Mauricie publié en 1951, le journaliste Yvon Therriault raconte la légende du Windigo le Méchant Manitou des Algonquins. Cette publication faisait partie de la collection "L'histoire régionale" des Éditions du Bien Public de Trois-Rivières, dirigée par l'abbé Albert Tessier. Elle se vendait un dollar et 50 cents. L'illustration de la couverture est d'Ozias Leduc.

    Au début du XXième siècle, la légende du Windigo, aussi appelé Witiko (le cannibale), demeurait très présente chez les Têtes-de-Boule du Haut-Saint-Maurice, malgré leur conversion au catholicisme. Souvent, les Amérindiens convertis se comportaient en fervents chrétiens quand ils retrouvaient leurs missionnaires l'été au poste de traite, mais ils renouaient ensuite avec certaines de leurs anciennes croyances quand ils s'enfonçaient dans la forêt pour passer l'hiver.

    Therriault a tiré la description qui suit des notes du Père Guignard, un missionaire Oblat qui a fréquenté les Amérindiens de la Baie de James et du Haut-Saint-Maurice pendant un demi-siècle :
    Dès sa plus tendre enfance, le jeune Tête-de-Boule apprend à redouter cet être car la maman Indienne endort son poupon en lui parlant à voix basse de ce Méchant Manitou. Pour "protéger" son enfant, elle l'enveloppe dans ses couvertures et le presse sur son coeur.
    Parvenu à l'adolescence, l'Indien saura que le Windigo est "possédé du démon". Toujours, le Windigo aura été un puissant jongleur, un sorcier terrible et féroce. Les Windigos n'ont jamais formé un groupe nombreux : on en connaît un ou deux dans tout le pays. Il arrive même que, durant plusieurs années, aucun Windigo n'a fréquenté la région. Des femmes Windigos, presque jamais.
    Un Windigo se promène sans vêtement par toute température. Il se mange les lèvres, ce qui lui fait une bouche affreuse. Sa respiration produit un sifflement aigu. Le Windigo mange du bois pourri et des champignons, la mousse des marais ou de la chair humaine en décomposition. Ses mains ressemblent aux pattes d'un ours. Sa force détruit tout, mais rien ne peut tuer un Windigo. En un instant, le Windigo allume mille feux qu'il éteint en deux secondes. D'un bond, il fiche un couteau à la cime d'un arbre. Dans sa course, il effleure la terre et disparaît dans les nuages. Il plonge sous l'eau avec la rapidité d'un huard, mais peut traverser un lac sans monter à la surface pour respirer. Parfois, il met le pied sur un copeau de pin, et traverse un lac en soulevant des vagues capables de chavirer un canot. Si un Windigo vous suit, il attendra les ténèbres pour vous manger.

    Source : L'apostolat missionnaire en Mauricie pp 103-104.
    La légende du Windigo semble très ancienne. On la retrouve chez différents peuples qui parlent des langues de la famille algonquienne. Ce mythe servait à renforcer le tabou à l'encontre du cannibalisme pendant les famines qui survenaient souvent en hiver. Celui qui transgressait le tabou en mangeant la chair de ses semblables était ainsi puni : il était changé en Windigo. L'illustration ci-contre est de Nerval Morrisseau de la réserve de Sand Point près de Thunder bay en Ontario, un artiste d'ascendance Ojibwée.

    mercredi 17 mars 2010

    Milette contre la Belgo

    Hormidas Milette de Saint-Boniface de Shawinigan, un jeune homme de 17 ans, a intenté avec succès une poursuite contre l'usine de papier de la Belgo de Shawinigan pour négligence inexcusable lors d'un accident du travail qui lui a mutilé la main droite. Les accidents du travail étaient fréquents à l'époque mais il était rare qu'une victime poursuive son employeur. La carte postale ci-contre montre le palais de justice de Trois-Rivières ou le procès a eu lieu (collection de Mme May Lemay). Le journal Le Bien public de Trois-Rivières a rendu compte du jugement dans son édition du 15 février 1917 :
    « Au palais de justice, jeudi le 8 février courant, dans une cause à la Cour supérieure, Hormisdas Milette, demandeur VS The Belgo Canadian Pulp & Paper Co. Ltd, défenderesse, sa Seigneurie le juge Désy a condamné la défenderesse à payer au demandeur un montant de 4 585,00$, avec intérêts et dépense. L’action était en réclamation de l’indemnité à laquelle ont droit les ouvriers victimes d’accident au cours de leur travail.

    Le demandeur, un jeune ouvrier âgé de 17 ans, a eu la main droite mutilée pendant qu’il travaillait dans les usines à papier de la défenderesse à Shawinigan Falls. L’indemnité prévue par la loi des accidents du travail qui est limitée à 2 000,00$ dans les cas ordinaires, peut être augmentée lorsque l’accident a été causé par la négligence inexcusable du patron. Sa Seigneurie, après une longue étude de la cause, en est venue à la conclusion qu’il y avait lieu, dans le présent cas, d’appliquer ce proviso de la loi au sujet de la négligence inexcusable et de porter l’indemnité ordinaire de 2 000,00$ à 4 585,00$. Monsieur Hormisdas Milette, le demandeur, est le fils de Monsieur Ferdinand Milette, cultivateur de Saint-Boniface de Shawinigan. Maître Bruno Marchand occupait pour le demandeur et Messieurs Bureau, Bigué et Lajoie, pour la défenderesse. »

    Référence : «Un jugement intéressant pour ouvriers et patrons», Le Bien Public (15 février 1917): 7, col. 1.

    Le juge Joseph-Alfred Désy est surtout connu pour avoir présidé, en avril 1920, le procès de Télesphore Gagnon pour le meurtre de sa fille Aurore, l'enfant martyre de Sainte-Philomène de Fortierville (ici). Le mélodrame "Aurore l'enfant martyre", qui a été produit en 1952, raconte cette histoire.
    Hormidas Milette
    Hormidas Milette était le fils de Ferdinand Milette et de Noëlla Laroche de Saint-Boniface. Il est né le 1er octobre 1899, probablement à Lowell dans le Massachusetts où sa famille a été recensée en 1900. Son père Ferdinand exerçait alors le métier de tisserand dans une usine de coton de cette ville (ici).
    Deux ans après le procès, Hormidas Milette a épousé Maria Diamond, fille de Valère Diamond et d'Anna Gauthier, le 25 janvier 1919 à Shawinigan-Sud. Il est décédé à l'âge de 88 ans, le 31 mars 1987. Ses funérailles ont eu lieu à Shawinigan-Sud dans la paroisse Saint-André.

    mardi 16 mars 2010

    Un inédit d'Alfred Desrochers

    Un court poème d'Alfred Desrochers, intitulé Liminaire, qui a paru dans la revue littéraire Le Mauricien de décembre 1938. Je ne sais pas s'il a été publié ailleurs par la suite. Desrochers était un ami de l'éditeur de la revue Clément Marchand de Trois-Rivières avec qui il a entretenu une correspondance pendant deux décennies. Voici le poème d'Alfred Desrochers :
    Croise tes doigts insomnieux sur ta poitrine.
    Clos tes yeux. Que ta chair contrefasse les morts
    Et feigne leur sommeil sans espoir ni remords.
    Permets à peine à l'air de gonfler ta narine.

    Tu n'étais rien. Ta vie est vaine. La farine
    Que tu tentas de moudre est réservée aux forts.
    Croise tes doigts et clos tes yeux. Donne à ton corps
    L'image de la paix argileuse et marine.

    Accepte le néant que figure la nuit.
    Fais le mort, puisque rien ne subsiste aujourd'hui
    De tes désirs, de ta fierté, de ta vaillance,

    Mais dans ton coeur pacifié, dresse un autel
    Et tends aux dieux secrets de ton adolescence
    Ce qui reste du rêve ou tu fus immortel.

    Voir aussi sur ce blog L'hymne au vent du nord d'Alfred Desrochers.

    Photos de Trois-Rivières

    M. Mario Groleau photographe a mis en ligne le site La Rephotographie de Trois-Rivières qui présente des photos de sa ville. On y trouve notamment des scans d'une importante collection de cartes postales anciennes de Trois-Rivières appartenant à Mme May Lemay.

    Pierre-Fortunat Pinsonneault

    J'ai déjà présenté sur ce blogue des cartes postales qui portaient la signature du photographe P-F Pinsonneault de Trois-Rivières (1864-1938). Ses photographies, celles qui ornent ses cartes postales en particulier, sont une des principales sources d'images des paroisses de la Mauricie au début du vingtième siècle.

    Fils de Camille Pinsonneault et d'Adéline Morin, Pierre-Fortunat Pinsonneault est né le 28 février 1864 à Saint-Jacques-le-Mineur en Montérégie. Initié à la photographie par son frère Joseph-Laurent, il poursuivit des études dans ce domaine aux États-Unis, chez W.J. Cady à Holyoke Mass. Il s'installa à Trois-Rivières en 1888 dans l'atelier du photographe Louis Grenier au 178 de la rue Notre-Dame. Il commença a publier ses photographies sur carte postale vers 1903. Tout comme ses frères Joseph-Laurent, Émile, Alfred-Zénon et sa soeur Fabiola, il aura marqué l'histoire de la carte postale au Québec.

    Il avait épousé Évelina Giroux le 14 mai 1895 dans la paroisse Saint-Jean, comté de Saint-Jean. Ils ont fait baptiser six enfants à Trois-Rivières entre 1896 et 1906. Pierre-Fortunat est décédé le 26 janvier 1938 à Trois-Rivières.

    Une exposition lui a été consacrée à Trois-Rivières en 1999. Voici l'hommage que lui rendait à cette occasion M. Gilles Roux photographe lui aussi (ici) :
    Quand Pierre-Fortunat Pinsonneault débarqua à Trois-Rivières en 1888, à l'âge de vingt-quatre ans, la ville ne comptait que 8500 "âmes"; c'est le mot qu'on utilisait pour nommer les individus à cette époque. Le séminaire Saint-Joseph marquait la limite des habitations. La rue Laviolette portait encore le nom de rue des Champs. Trois-Rivières était relié à Montréal et Québec par train depuis neuf ans. Le port était bourdonnant d'activités. Le fleuve était la porte d'entrée de la ville et les hôtels attendaient les visiteurs près des quais. La communauté était si petite que chacun demeurait à quelques minutes de ses proches.

    Pierre-Fortunat arrivait de Saint-Jean-sur-Richelieu après un stage d'études en Nouvelle-Angleterre. Descendu du train sur le quai de Saint-Angèle, il contemplait cette petite ville portuaire qui entassait ses maisons de pierres au bord du Saint-Laurent. Ses rêves étaient à la mesure du fleuve immense qu'il traversait.

    Ce jeune homme trapu et boiteux avait peu de choses dans ses valises. Sa volonté et sa force physique allait lui ouvrir le chemin. Il allait transporter des équipements lourds et encombrants, monter sur les toits pour avoir un meilleur angle et courir le pays pour nous le montrer. Son intelligence et sa curiosité lui permettraient de faire imprimer ses images en France.

    En posant le pied sur le quai, savait-il qu'il arrivait chez lui et que cette ville deviendrait sa patrie? Toute sa vie, il signerait "Pinsonneault/Trois-Rivières". Jamais "Three-Rivers" comme le voulait l'époque. Pierre-Fortunat Pinsonneault avait de la suite dans les idées.

    En montant pour la première fois la rue du Platon, il ne pouvait soupçonner que cent dix ans plus tard, on lui rendrait enfin un hommage mérité mais savait-il que les émotions de ses images toucheraient toujours nos cœurs? Qu'importe, sa vie commençait au coin des Forges et Notre-Dame et il croyait à son destin.

    Cet homme moderne a joué un rôle important au niveau artistique et commercial. Il a été le chroniqueur visuel de son époque. Son implication civique fut intense, notamment au Cercle Palamède qui constituait en 1900 une véritable "Maison de la culture" avec sa bibliothèque et ses activités de loisir. Pour eux, la culture était conviviale. Elle cimentait la société.

    Son rôle d'éditeur et de photographe auprès des associations de citoyens a contribué au développement et à la reconstruction de la ville. Nous sommes chanceux d'avoir été précédés par des gens comme lui.

    Quand Monsieur Pinsonneault est mort en 1938, cinquante ans après son arrivée, la ville comptait quarante mille habitants, presque cinq fois plus. Imaginez le changement. Il avait préservé pour nous, la senteur des bateaux de pommes, le vent sur le fleuve, la tranquillité des rues et la beauté des parcs. Il avait vu brûler sa ville et participé à sa reconstruction. Il avait vu l'implantation des usines et l'arrivée de milliers de familles à la recherche du bonheur. Il avait photographié leur jeunesse, leurs mariages et leurs enfants. Il nous a transmis leurs émotions.

    Jaquette-à-Simon

    Le Dictionnaire biographique du Canada a consacré un article à Pierre-Léon Ayotte qui était surnommé Jaquette-à-Simon (ici). ll est né le 17 avril 1845 à Saint-Stanislas-de-la-Rivière-des-Envies dans la comté de Champlain. Il était le fils de Pierre Ayotte dit Simon, cultivateur, et de Marguerite Lapointe dit Tousignant.

    Pierre-Léon avait une phobie : il avait en horreur le port des pantalons. Il portait toujours une sorte de jaquette boutonnée sur le devant comme un paletot qui tombait sur ses jambes. Quand on lui mettait un pantalon ou une culotte, il allait se cacher pour les déchirer. Il avait aussi la manie de cacher des objets.

    Sa maladie mentale était peut-être due à une forte fièvre qu'il avait eue enfant et qui lui aurait laissé une lésion au cerveau. Les habitants du village croyaient plutôt qu'il était possédé du Démon. Selon les ragots qu'ils colportaient à son endroit, son père aurait fait un pacte avec le Diable pour qu'il arrête les pleurs incessants de Pierre-Léon lorsqu'il était bébé. Certains affirmaient même avoir été témoins de manifestations surnaturelles autour de la maison des Ayotte. C'est ainsi que naquit la légende de Jaquette-à-Simon.

    Pierre-Léon Ayotte a toujours vécu en marge de la société. Il a gagné sa vie comme ouvrier. Il est décédé à l'âge de 61 ans le 27 février 1907 à Sainte-Geneviève-de-Batiscan.

    Je n'ai pas trouvé le mariage de ses parents. Il y avait beaucoup d'Ayotte aux XIXe siècle dans la région de la rivière Batiscan. Certains d'entre eux ont pris le surnom de Simon pour se distinguer des autres. Les Ayotte dit Simon étaient des descendants de François-Simon Ayotte et d'Élisabeth Thiffault dit Lasavane qui se sont mariés le 12 février 1747 à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Selon Jeanine Trépanier-Massicotte (ici page 117), ce couple compte parmi les pionniers de la paroisse de Saint-Stanislas.

    La carte postale ci-après présente une photo du village de Saint-Stanislas vers 1905-1910. Elle a été prise par le photographe Pinsonneault de Trois-Rivières. Remarquez le chemin en terre, le trottoir en bois et les poteaux de téléphone plantés dans la rue.






    mercredi 10 mars 2010

    Mortalité et renouveau

    La mortalité infantile était très élevée à la fin du XIXe siècle. La première semaine de vie d'un enfant était particulièrement critique; il n'était pas rare de voir des familles perdre trois ou quatre nouveaux-nés. Les maladies contagieuses et la consommation de lait cru contaminé par des bactéries pathogènes étaient les principales causes de mortalité chez les enfants.

    On remarque en fouillant dans les registres paroissiaux une pratique assez répandue qui consistait à redonner le prénom d'un enfant mort au nouveau-né suivant. Certains couples le faisaient de façon systématique. C'était le cas de Félix Martineau-Saintonge, forgeron à Saint-Étienne-des-Grès, et de sa femme Georgiana Paquet-Lavallée qui ont été durement touchés par les morts d'enfants.Le recensement de 1881 nous donne la liste des personnes qui vivaient dans leur maison au printemps de cette année-là. Ils avaient alors cinq enfants: Marie-Louise (née en 1874), Alfred (1875), Félix-Édouard (1877), Alvina (1878) et Édouardina (1880). Ils hébergeaient aussi un apprenti-forgeron de 13 ans nommé Philippe Dubé.
    L'année 1882 a été tragique pour cette famille. Les quatre plus jeunes de leurs cinq enfants sont décédés en l'espace de quelques mois seulement. Édouardina, alors âgée de 16 mois, est décédée la première le 28 janvier, suivie d'Alfred le 13 avril et de Félix et Alvina qui ont été enterrés ensemble le 16 mai 1882. Seule l'aînée Marie-Louise, qui était alors âgée de 8 ans, a survécu à cette tragédie. La photo ci-contre date de cette époque. On y voit le père assis sur une chaise avec sa femme debout derrière lui et leur unique enfant Marie-Louise debout à sa droite.
    Le 28 août de la même année, Georgiana a donné naissance à une fille qui sera baptisée Édouardina comme celle qui est décédée quelques mois plus tôt. Les trois enfants qui suivront porteront aussi les prénoms de ceux qui sont décédés pendant l'année 1882, soit Alfred en 1884, Alvina en 1886, et Félix en 1888. Puis, viendront Arthur en 1891, Albert en 1894 et Marie-Anna en 1895.

    Les actes de sépulture des enfants ne précisaient pas la cause de leur mort mais il s'agissait fort probablement d'une épidémie, du moins pour les trois plus vieux qui sont décédés en avril et mai 1882. On signalait ce printemps-là une épidémie de scarlatine à Trois-Rivières. Le Journal des Trois-Rivières rapportait le 25 mai 1882 : « Les fièvres scarlatines font de terribles ravages en cette ville et enlèvent un grand nombre d’enfants. » La scarlatine est une infection bactérienne qui se transmet par les voies respiratoires. L'infection survient surtout pendant la saison froide.

    mardi 9 mars 2010

    De l'importance d'un jubilé

    Un correspondant anonyme a fait parvenir la lettre qui suit au Journal des Trois-Rivières en juillet 1865. Il vante les mérites de travailleurs de La Gabelle qui ont sacrifié leur emploi pour pouvoir faire un jubilé à Saint-Étienne-des-Grès.

    Le jubilé était une période décrétée par l'Église catholique pendant laquelle les fidèles pouvaient obtenir des indulgences pour la rémission de leurs péchés. Cette période revenait à tous les 25 ans pour que chaque génération puisse en profiter. C'était donc un événement religieux important que les catholiques les plus fervents ne voulaient pas manquer.

    Le style de la lettre nous porte à croire que le correspondant anonyme était un membre du clergé qui voulait raconter une histoire édifiante aux lecteurs du journal. Voici le texte :
    « L’on m’a rapporté de la manière la plus positive qu’un grand nombre de travailleurs employés dans l’un des chantiers du St-Maurice, connu vulgairement sous le nom de Gabelle, ont fait en cette circonstance ce qu’on peut appeler un “coup d’état”. Ces braves gens se réunirent donc et résolurent de demander au bourgeois de vouloir bien suspendre leurs travaux pendant quelques heures pour qu’il leur fût loisible d’aller faire leur jubilé [à St-Etienne]; celui-ci ne partageant pas leur esprit de foi, refusa froidement la faveur qu’on lui demandait; alors transportés d’une louable indignation, ces bons travailleurs lui déclarent franc et net qu’ils n’entendent pas être gênés dans l’accomplissement de leurs devoirs de piété et qu’il est bien entendu que pour eux la religion a le pas sur les dollars. En conséquence, ils offrent à régler avec ce coupable maître du chantier (que sans doute on ne sera pas tenté de prendre pour la personnification de la liberté de conscience) s’appuyant sur ce que leur action de générosité serait pour eux la meilleure lettre de recommandation pour trouver ailleurs des situations aussi avantageuses. Celui-ci, blessé par la noble contenance de ces braves gens, les congédie tous sur le champ, leur faisant entendre qu’après comptes réglés, il n’a rien à faire avec eux. “C’est bien, répond l’un d’entre eux, croyez-vous que nous allons vendre nos âmes ici pour un vile salaire de quelques sous par jour?”

    J’ai eu le plaisir de voir ces excellents chrétiens s’approcher de la table sainte avec la plus grande ferveur, s’estimant heureux de souffrir cette perte temporelle qui aurait pu entraîner des résultats préjudiciables, à eux et à leur famille, pour profiter de ces dons précieux de la grâce que le vrai sage met bien au-dessus des richesses de ce monde. »

    L'article du Journal des Trois-Rivières est tiré des Bases de données en histoire de la Mauricie du Centre interuniversitaire d'études québécoises.

    Voir aussi sur ce blog Les Quarante heures.

    Répertoire des Lampron

    Fernand Lampron, Répertoire de généalogie des familles Lampron Lacharité, Sillery, Les éditions Excell, 1997.

    Monsieur Fernand Lampron a publié en 1997 le Répertoire de généalogie des familles Lampron-Lacharité. Il a reconstitué les dix premières générations des familles Lampron, Lampron-Lacharité et Lampron-Desfossés à partir de l'ancêtre commun Jean Laspron dit Lacharité. Son répertoire présente, pour chaque individu, les dates et lieux de baptême, de sépulture et de mariage, le cas échéant. Ce type de répertoire n'est jamais vraiment complet - il manquera toujours des informations sur certaines familles notamment sur celles qui ont émigré aux États-Unis ou dans une autre province du Canada - mais c'est un outil de recherche très précieux pour tous les amateurs de généalogie qui s'intéressent aux familles Lampron.

    lundi 8 mars 2010

    Des mitaines pas de pouces


    Une vieille chanson à répondre qui parle des conditions de vie difficiles dans les chantiers de bûcherons. Le chanteur folkloriste Ovila Légaré l'a enregistrée sur 78 tours en 1929 (écouter ici) mais la chanson est probablement plus ancienne.

    C'est la complainte d'un antihéros: l'apprenti bûcheron maladroit et mal chaussé qui gèle de froid dans la forêt et qui a peur du "foreman qui est un gros boulé".

    Le début du premier couplet : "Mon père n'avait d'garçon que moé" rappelle la phrase "Mon père n'avait fille que moi" que l'on retrouve au début de plusieurs chansons folkloriques. Voici les paroles :
    Des mitaines pas de pouces

    Mon père n'avait d'garçon que moé,
    Des mitaines pas d'pouces en hiver,
    Mais au chantier il m'a envoyé,

    REFRAIN
    En souliers d'boeuf, le nez morveux,
    Dans l'bois tout l'temps, beau temps, mauvais temps,
    Mon Dieu qu'c'est donc d'la misère,
    Pis des chaussons, pis des chaussettes,
    Pis des mitaines pas d'pouces en hiver. (bis)

    Mais au chantier il m'a envoyé,
    Des mitaines pas d'pouces en hiver,
    Là le foreman qu'est un gros boulé...REFRAIN

    Là le foreman qu'est un gros boulé,
    Des mitaines pas d'pouces en hiver,
    Y a ben manqué de m'estropier...REFRAIN

    Y a ben manqué de m'estropier,
    Des mitaines pas d'pouces en hiver,
    Parce que j'savais pas travailler...REFRAIN
    Parce que j'savais pas travailler,
    Des mitaines pas d'pouces en hiver
    Y m'dit pousse-toé je va t'étriper...REFRAIN

    Y m'dit pousse-toé je va t'étriper
    Des mitaines pas d'pouces en hiver
    Mais comme y était ben plus gros qu'moé...REFRAIN

    Mais comme y était ben plus gros qu'moé
    Des mitaines pas de pouces en hiver
    J'ai pas resté à l'astiner..REFRAIN

    dimanche 7 mars 2010

    Le Pin blanc

    En 1806, l'Empereur Napoléon a établi le Blocus Continental pour ruiner l'Angleterre en l'empêchant de commercer avec le reste de l'Europe. Ce blocus a forcé l'Angleterre à chercher du bois au Canada pour approvisionner ses chantiers maritimes. L'Outaouais et la Mauricie possédaient alors les plus belles forêts de pin de l'empire britannique.

    Le Pin blanc est le plus grand conifère de l'est du Canada. Au XIXe siècle, c'était une espèce particulièrement recherchée pour la construction maritime. En Mauricie, les Pins blancs étaient coupés en billots de douze pieds pour ensuite être flottés sur la rivière Saint-Maurice jusqu'à Trois-Rivières où ils étaient sciés avant d'être expédiés en Angleterre. Cette exploitation forestière à grande échelle a permis d'ouvrir à la la colonisation de nouveaux territoires. Elle a cependant entraîné la presque disparation d'une espèce qui dominait autrefois la forêt mauricienne. Les grandes pinèdes ont complètement disparu du paysage. Selon Parcs Canada, le Pin blanc représenterait aujourd'hui seulement 1 % des arbres que l'on trouve dans la Parc National de la Mauricie au nord de Shawinigan. Ceux qui ont survécu au XIXe siècle étaient trop petits ou inaccessibles pour l'exploitation forestière.

    Dans la Flore Laurentienne, Marie-Victorin écrivait en 1935 au sujet du Pin blanc (Pinus Strobus) :
    L'une de nos plus précieuses essences forestières. L'arbre croît rapidement et atteint parfois des dimensions extraordinaires (hauteur 90 m ; diamètre 250 cm). Ses grandes dimensions, sa résistance à la décomposition, la légèreté et l'homogénéité de son bois, la finesse de son grain, la facilité avec laquelle il se travaille, la qualité de ne pas gauchir et de ne pas se fendiller en séchant, le rendent propre à une infinité d'usages : construction de navires, charpenterie, menuiserie, tonnellerie, tournage, etc. - Le Pin blanc a joué un rôle de premier plan dans la vie économique du Canada français. Durant tout le XIXe siècle, l'abattage et le flottage de ce précieux bois ont occupé une véritable armée de bûcherons. Cette grande industrie forestière a donné naissance à nombre d'autres, en même temps qu'elle a rendu possible la colonisation. L'ère du Pin blanc est aujourd'hui passée; à l'exploitation intensive est venu s'ajouter une maladie parasitaire causée par le Cronartium ribicola, Rouille hétéroïque qui fait d'abord un stage sur les Groseillers sauvages.
    Voir aussi sur ce blog : Disparition du pin blanc au lac Wyagamac.

    vendredi 5 mars 2010

    Les hôpitaux de la Mauricie (1715-1950)

    J'ai rassemblé des matériaux épars sur les hôpitaux de la Mauricie pour essayer d'en tirer une vue d'ensemble ou, du moins, une chronologie des débuts jusqu'en 1950. J'espère que je n'ai rien oublié. Je complèterai si nécessaire. Voici le résultat :



    1715 : Ouverture par la communauté des Ursulines de l'Hôtel-Dieu des Trois-Rivières situé à l'intérieur du cloître de leur monastère à côté de la chapelle. Pendant longtemps, cet établissement a servi d'hôpital général pour toute la région de la Mauricie. La communauté l'a fermé en 1886 pour se consacrer à l'éducation des jeunes filles. Les Soeurs de la Providence qui venaient de construire le premier hôpital Saint-Joseph ont alors pris la relève. En 1982, le Musée des Ursulines a été aménagé dans les locaux de l'ancien hôpital.


    1886 : "Les Soeurs de la Providence se sont vu confier, par Mgr Louis-François Richer-Laflèche, évêque du diocèse de Trois-Rivières, le mandat de prendre la suite des Dames Ursulines et d'organiser dans leur maison l'Hôpital Saint-Joseph des Trois-Rivières. La construction de la première bâtisse se termina en 1889 et lors de l'ouverture de l'hôpital, dix-huit religieuses y travaillaient. Au nombre des médecins: les docteurs Émerie Gervais, Éphrem-François Panneton, Georges Bourgeois, Édouard Badeaux, E. Lacerte, Louis-Philippe Normand, chirurgien et Aimé Lanthier, dentiste. Aujourd'hui, cet établissement maintes fois transformé, agrandi et modernisé est connu sous le nom de Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, pavillon Saint-Joseph." (Source) Le nouvel hôpital intégrait l'Hospice Saint-Joseph que les Soeurs exploitait déjà. La photo ci-contre est antérieure à 1905. L'hôpital actuel à l'angle des rues Saint-Prosper et Sainte-Julie, a été construit en 1940.

    1896 : Achat du manoir Dumoulin, situé au coin des rues Hart et Laviolette, par le docteur Charles-Nuna De Blois. qui le transforme en hôtel-sanatorium. Cette maison de santé s'adressait aux personnes fortunées qui souffraient de toxicomanie, de maladies du système nerveux ou d'affections chroniques (voir ici et ). Graduellement, la vocation hôtelière de l'établissement prend le dessus. On l'appelle alors le Château de Blois.

    1905 : Aménagement, par le docteur Joseph-Henri Choquette, qui était le médecin attitré de la Belgo, du premier hôpital de Shawinigan situé au troisième étage de l'hôtel de ville. L'Hôpital Choquette était réservé aux chirurgies; les malades contagieux n'y étaient pas admis. Il a fermé ses portes en 1909 pour laisser la place à l'hôpital privé de la Shawinigan Water and Power nouvellement construit. Le docteur Choquette a quitté Shawinigan en 1920 pour aller travailler à l'Hôpital Saint-Joseph de Trois-Rivières.

    1908 : Construction d'un sanatorium au Lac-Édouard près de La Tuque en Haute-Mauricie. Il a été d'abord administré par une association protestante la Lake Edward Sanatorium Association avant d'être acquis par le Gouvernement du Canada qui y faisait soigner les soldats atteints de tuberculose. Le lieu a été choisi pour l'air pur de la montagne et aussi pour l'éloignement qui permettait d'isoler les tuberculeux pour réduire les risques de contagion. À la demande du Cardinal Bégin, les Soeurs de la Charité en ont pris charge en 1921. Le sanatorium a fermé ses portes en 1967. L'édifice a été converti d'abord en hôpital pour vétérans et ensuite en Institut pour malades mentaux avant de fermer définitivement en 1982.

    1909 : La Shawinigan Water and Power ouvre le Shawinigan Falls General Hospital, un établissement laïque destiné aux cadres et aux employés de l'entreprise. Il est d'abord situé dans une aile du Cascade Inn qui appartient aussi à la compagnie. Il déménage en 1916 dans la résidence de l'ancien maire Vivian Burrill sur la rue Maple (photo ci-contre). En 1930, le Shawinigan Falls General Hospital est agrandi et prend le nom de Joyce Memorial Hospital, pour rappeler le souvenir de l'un de ses bienfaiteurs, le financier John Joyce de Montréal. En 1964, la rumeur de sa fermeture avait été commentée dans le journal Shawinigan Standard (ici). Il a cessé de recevoir des malades en 1973.
    1912 : En froid avec la direction de l'hôpital Saint-Joseph, le docteur Georges Bourgeois fonde un petit hôpital général laïque sur la rue Laviolette à Trois-Rivières. Il s'associe à un médecin anglophone de religion protestante le docteur Ernest Cross qui était auparavant à l'emploi de la Shawinigan Water and Power. L'hôpital se spécialise dans soins offerts aux employés des compagnies privées, notamment les accidentés du travail. En 1919, Bourgeois vend ses parts au chirurgien Louis-Philippe Normand; l'établissement est alors rebaptisé Normand and Cross. Le docteur Normand est devenu actionnaire avec Ernest Cross à la demande de l'évêque des Trois-Rivières qui ne voulait pas d'un hôpital protestant dans sa ville. En 1946, le Normad and Cross devient l'Hôpital Privé de Trois-Rivières. Le Centre catholique diocésain a pris possession des lieux en 1959 (voir ici).

    1912 : Fondation de l'Hôpital Saint-Joseph de La Tuque en Haute-Mauricie, administré par le Soeurs Grises.

    1921 : Suivant l'exemple de la Shawinigan Water and Power, la Laurentide Paper ouvre un hôpital laïque à Grand-Mère, le Laurentide Hospital dont le nom a été changé en 1961 pour celui de Grand' Mere General Hospital (voir ici). D'abord une simple résidence d'infirmières visiteuses, (photo ci-contre) il a été agrandi à plusieurs reprises, la dernière fois en 1959. Il a été fermé en 1973 alors que les ressoures ont été concentrées à l'Hôpital Laflèche.

    1929 : Construction à Trois-Rivières de l'hôpital-sanatorium Cooke pour soigner les malades atteints de tuberculose. La Congrégation des Filles de Jésus en assure la gestion. Il est situé en dehors de l'agglomération, sur le Chemin Sainte-Marguerite, pour assurer l'isolement des tuberculeux. Après la découverte de l'antibiotique streptomycine, la tuberculose est devenue facile à soigner et il n'était plus nécessaire d'isoler les malades. L'hôpital Cooke a donc changé de vocation pour devenir à partir des années 1950, un centre spécialisé dans les soins de longue durées des malades chroniques.

    1931 : Construction par la ville de Shawinigan de l'Hôpital Sainte-Thérèse dont l'opération et l'administration ont été confiées à la Communauté des Soeurs grises de la Croix d'Ottawa. Une école d'infirmières s'y est ajoutée en 1945. L'hôpital situé sur la rue Georges est maintenant spécialisé en santé mentale.

    1948 : Inauguration de l'Hôpital Sainte-Marie dirigé par la communauté des Soeurs de la Miséricorde à Trois-Rivières-Ouest. À ses débuts, cet hôpital s'adresse à une clientèle particulière, les filles-mères. Il comprend une crèche où les enfants sont gardés jusqu'à l'âge de deux ans et demi, puis placés chez les Dominicaines à Sainte-Marthe-du-Cap (voir ici).

    1950 : Ouverture de l'Hôpital Laflèche sur la 6e Avenue à Grand-Mère, d'abord administré par la communauté des Filles de Jésus. Les architectes ont donné à ce bâtiment la forme d'une flèche vue des airs. C'est maintenant devenu un centre d'hébergement de longue durée.

    jeudi 4 mars 2010

    Un dépotoir à nourrissons

    Selon les recherches effectuées par monsieur François Guérard de l'UQTR, la mortalité infantile a connu une très forte augmentation à Trois-Rivières pendant la crise économique des années trente, beaucoup plus qu'ailleurs au Québec. Officiellement, cette hausse anormale de mortalité était surtout due à la "syphilis héréditaire" et aux naissances prématurées.

    La croissanc
    e du nombre de décès ne touchait pas la ville de Trois-Rivières dans son ensemble mais uniquement la Crèche Gamelin administrée par les Soeurs de la Providence à l'Hôpital Saint-Joseph (photo ci-contre). C'est là que sont rapportés tous les cas de syphilis héréditaire dans les certificats de décès rédigés par le médecin de la crèche. Or, la syphilis n'est pas une maladie héréditaire bien qu'elle puisse se transmettre de la mère au foetus à travers le placenta. C'était une conception médicale erronée qui était véhiculée à l'époque pour justifier les campagnes de moralité.

    Ces préjugés envers les enfants abandonnés étaient solidement ancrés dans l'institution. Déjà en 1882, le Journal des Trois-Rivières mentionnait à propos de la crèche des Soeurs de la Providence : « Parmi les enfants trouvés, il en est peu qui vivent longtemps, malgré les soins intelligents qu’on leur donne. Ils arrivent presque tous avec le germe de maladies que leurs malheureux parents leur ont transmises comme un funeste héritage, ou qu’ils leur ont fait contracter en les exposant sans pitié et sans soin. »

    En réalité, la mortalité infantile à Trois-Rivières était surtout due à des maladies entérogènes (diarrhées, gastro-entérites). Le Bureau de Santé de Trois-Rivières l'avait d'ailleurs écrit dans son rapport de 1927 : « La mortalité infantile reconnaît comme cause la plus importante la gastro-entérite des nourrissons. »

    Selon les données officielles publiées dans le rapport annuel du Bureau de Santé de Trois-Rivières (ici), le taux de mortalité à la crèche des Soeurs de la Providence était de 54 % en 1919, de 68 % en 1920, de 50 % en 1921, de 73 % en 1922, de 48 % en 1923 et de 55 % en 1924. On se demande comment les autorités civiles et religieuses, qui étaient au fait de la situation, ont pu tolérer si longtemps une pareille horreur.

    En 1930, le directeur du Service d'hygiène de la province de Québec écrivait : "Nous n'avons pas à nous plaindre des efforts accomplis aux crèches de Montréal et de Québec; ils sont louables et méritent d'être reconnus. La crèche des Trois-Rivières n'est pas dans ce cas et je ne suis pas loin de croire que celle-ci n'est, ni plus ni moins qu'un dépotoir où crèvent les nourrissons qui ont le malheur d'y être recueillis."

    En 1934, c'est l'hécatombe à la crèche des Soeurs de la Providence : selon les autorités sanitaires, 94 % des enfants admis (225 sur 240) sont décédés. La direction de la crèche conteste ces chiffres; elle évalue le taux de mortalité des enfants à 67 %.

    Les conditions de vie à la crèche, qui étaient déjà très mauvaises dans les années 1920, s'étaient détériorées davantage pendant la crise économique des années trente à cause de l’augmentation des abandons d’enfant. Les Sœurs devaient alors recueillir les bébés abandonnés non seulement à Trois-Rivières mais aussi à Shawinigan et à Grand-Mère, deux villes industrielles qui ont été durement touchées par la crise.
    Cette surpopulation de la crèche - on mettait plusieurs bébés dans chaque lit - de même que le non-respect de certaines règles d'hygiène élémentaires et l’utilisation du lait cru pour l’alimentation des bébés, étaient les causes de la mortalité infantile anormalement élevée observée dans cet établissement. Par souci d'économie sans doute, les religieuses s'entêtaient à nourrir les bébés avec du lait cru non réfrigéré qu'elles achetaient au marché, malgré les mises en garde des autorités sanitaires.

    La direction de l'hôpital, i.e. les Soeurs de la Providence, estimait, pour sa part, que la mortalité anormale à la crèche était due au piètre état des enfants au moment de leur admission. L'abbé Charles-Édouard Bourgeois, qui était responsable des admissions, dénonçait la dégradation des moeurs qui était, à son avis, responsable de tant de naissances illégitimes de même que des ravages de la syphilis congénitale identifiée comme la principale cause de décès à la crèche. Il réclamait la mise en place de mesures d'assainissement moral.

    De nombreuses démarches ont été faites par les services sanitaires pour corriger la situation, mais les Soeurs de la Providence étaient intraitables. Elles voulaient à tout prix empêcher les autorités laïques d'intervenir dans la gestion des oeuvres de leur communauté. Elles ont dû céder de leurs prérogatives en 1938-39 alors que le médecin de la crèche - le spécialiste de la syphilis héréditaire - est parti et que la responsabilité médicale a été transférée aux médecins de l'hôpital. Le lait cru a alors été remplacé par du lait pasteurisé. De plus, la Supérieure de l'établissement indiqua dans une lettre que l'unité sanitaire ne permettait plus d'entasser les bébés comme pendant les années 1934 à 1938. Après ces changements, la mortalité à la crèche a chuté rapidement pour atteindre 5 % seulement en 1941.


    Sources
    :

    - Guérard, François, L’hygiène publique et la mortalité infantile dans une petite ville : le cas de Trois-Rivières, 1895-1939. Cahier québécois de démographie vol. 30, no 2, automne 2001, p 231-259.

    - Guérard, François, Les principaux intervenants dans l'évolution du milieu hospitalier en Mauricie, 1889-1939. Revue d'histoire de l'Amérique française vol. 48, no 3, hiver 1995, p 375-401.
    - Centre inter-universitaire d'études québécoises, Base de données en histoire régionale de la Mauricie.

    mercredi 3 mars 2010

    400 victimes sur un vapeur

    Une lettre d'un lecteur de Pierreville publiée dans Le Journal des Trois-Rivières en mai 1866. Il s'inquiétait de l'émigration massive de ses compatriotes en Nouvelle-Angleterre. Il considérait ceux qui partaient comme des "victimes" de l'ambition et du désir de faire fortune.
    M. le rédacteur,
    «Le 25 du courant, il me fut donné de contempler un bien triste spectacle. L’arrivée du vapeur “mouche à feu” qui a coutume de réveiller tous les coeurs de la joie et l’allégresse, me fit cette année, une impression contraire. Mêlé à la foule des curieux accourus au rivage pour saluer son retour, je me préparais déjà à prendre part à la joie commune, lorsque je vis le pont couvert littéralement de jeunes gens; ils étaient au nombre de 400, recrutés dans trois ou quatre paroisses. Sur leurs fronts assombris, dans leurs regards inquiets, il me semblait lire quelque chose de sinistre. En effet, c’était des exilés qui disaient adieu à la patrie, quelques-uns pour toujours, d’autres pour un an ou deux. »
    « Où allaient-ils? Gagner quelques piastres aux Etats-Unis. »

    « Depuis quelques années, au retour du printemps, des bourgeois de chantiers de briques inondent nos campagnes pour engager nos jeunes Canadiens. Ne pouvant trouver chez eux assez d’hommes pour ces sortes de travaux, (car pour le “Yankee”, les travaux qu’exige la fabrication de la brique sont dignes des esclaves) ils ont recours aux Canadiens.»

    «Pendant le premier mois de la saison, grand nombre de jeunes Canadiens s’expatrient dans ce but. Pauvres jeunes gens me dis-je. Quand donc comprendront-ils les avantages que leurs offres le défrichement des terres de nos riches townships? Là, ils pourraient exercer leur courage et leur énergie plus noblement et en travaillant pour eux-mêmes, ils se créeraient un avenir. Tandis qu’aux Etats-Unis ils vont épuiser leur jeunesse et leur santé au service d’un peuple étranger et ce pour quelques “dollars” qu’ils dépensent au fur et à mesure. Alors, ils prennent le parti de revenir ou de passer leur vie à l’école de la démoralisation américaine. »

    S’ils reviennent, leur santé, leur âge avancé ne leur permettent plus d’ouvrir de nouvelles terres et ils sont condamnés à végéter toute leur vie dans la pauvreté et la misère. Tous les jours nous en avons des exemples. Mais n’est-il pas plus probable qu’au moins les trois quarts ne reverront plus leurs parents, leurs amis?»

    « J’en étais à me faire ces quelques réflexions, et à m’élever en imprécations contre les journaux annexionnistes qui ont tant contribué et qui tous les jours contribuent encore à établir ce courant de l’émigration aux États-Unis, leur paradis terrestre, lorsque le vapeur laissa le port, emportant avec lui ces 400 victimes de l’ambition et du désir de faire fortune ».

    Un spectateur
    Pierreville, 25 avril 1866

    Référence : «Emigration», Le Journal des Trois-Rivières (4 mai 1866): 3, col. 3-4.

    Source : Bases de données en histoire régionale de la Mauricie du Centre interuniversitaire d'études québécoises.

    mardi 2 mars 2010

    Mort par la visite de Dieu

    Trouvé sur le site Bases de données en histoire régionale de la Mauricie du Centre interuniversitaire d'études québécoises :

    « Cette semaine, le Coroner a fait une enquête à Ste-Flore sur le corps d’un nommé François Morin âgé d’environ 65 ans, mort subitement. Cet homme était atteint depuis assez longtemps d’aliénation mentale et comme il était dangereux, on avait construit dans la maison où il demeurait une cellule en grosses pièces de bois reliées les unes aux autres par de fortes chevilles, afin de l’y tenir enfermé. C’est là qu’il a été trouvé. Le verdict du jury a été : mort par la visite de Dieu. » Référence : Le Journal des Trois-Rivières (10 mars 1881): 2, col. 5.

    L'expression "mort par la visite de Dieu" (by the visitation of God) est une formule juridique ancienne pour dire qu'il n'y a pas eu de crime comme on l'avait d'abord soupçonné.

    lundi 1 mars 2010

    Le séisme de 1925

    Blanche Lavergne (1906-1997) se souvenait d'un tremblement de terre effrayant qui s'était produit à Shawinigan quand elle était encore fille. Elle s'est mariée le 26 avril 1925. Le tremblement de terre dont elle parlait correspond au séisme de Charlevoix-Kamouraska qui s'est produit deux mois avant son mariage soit le 28 février 1925.

    Le tremblement de terre de 1925 n'était pas comparable à ceux qui ont secoué Haïti, le Chili et le Japon dernièrement. Mais il était assez fort pour semer la crainte dans la population. Plusieurs secousses de moindre ampleur se sont produites pendant les jours suivants, ce qui a contribué à entretenir cette crainte.

    Plus de peur que de mal

    Dans Shawinigan depuis 75 ans (1976), l'auteur Fabien Larochelle raconte que «c'est dans la soirée du samedi, 28 février 1925, entre neuf heures quinze et neuf heures vingt qu'il secoua assez vigoureusement toute la région de la Mauricie. Shawinigan n'a pas été épargnée et les secousses se sont fait sentir avec plus d'intensité dans les parties élevées de la ville, au sommet de la colline Saint-Pierre et dans le quartier Saint-Marc».


    «Ce fut une affaire de quelques secondes mais suffisamment violente pour semer la crainte et la peur chez beaucoup de citoyens. Heureusement, aucune perte de vie n'en résulta et personne ne fut blessé gravement. Cependant, les secousses devaient être la cause de quelques dommages matériels ici et là. (...) Un citoyen de la 7e rue, assis confortablement dans sa baignoire au moment des secousses, eut durant quelques instants la sensation de voguer en plein océan dans le balancement des vagues. (...)

    Le Nouvelliste de Trois-Rivières, dans ses éditions des 2 et 3 mars, donne un comte-rendu détaillé des dommages enregistrés et des émotions ressenties dans toute la région.»


    À 250 km de l'épicentre

    On trouve des informations techniques sur ce tremblement de terre sur le site de Séisme Canada (ici). Les trois photos montrant des édifices de Shawinigan endommagés proviennent de ce site.

    À environ 250 km de l'épicentre, les villes de Trois-Rivières et Shawinigan furent touchées. Dans ces deux municipalités, les dommages sont reliés à la présence de dépôts meubles (sable, argile, remplissage).

    À Shawinigan, approximativement à 250 kilomètres de l'épicentre, quelques bâtiments ont subi des dommages. Puisqu'aucun dommage semblable ne fut rapporté entre Québec et Shawinigan, l'amplification due aux conditions géologiques locales doivent être responsables de ces dommages. Des dommages ont été essentiellement confinés aux effondrements hors-plans des murs de MNR. Plusieurs murs de briques ou de pierres pourtant bien construits furent craqués parce que les bâtisses étaient situées près des pentes ou sur des terrasses argileuses. La charpente en acier d'un bâtiment industriel agissant comme un bélier pendant le tremblement de terre a suffit pour endommager et déloger des parties des pignons de la structure. Des dommages à l'église Saint-Marc ont aussi été rapportés. La photo montre la chute hors-plan du mur de transept de MNR de l'église St-Marc à Shawinigan. Le clocher, la fenêtre et le parement extérieur de la partie inférieure de beaucoup de murs de maçonnerie se sont effondrés vers l'extérieur.

    Abbott (1926), qui a recencé les dommages à Trois-Rivière et à Shawinigan, a évalué le coût total associé au séisme à 17 000$ pour les deux villes.