jeudi 18 septembre 2008

Les passantes

La chanson "Les passantes" a été enregistrées par Georges Brassens en 1972 et reprise par Francis Cabrel en 1996 sur l'album "Ils chantent Brassens". C'est un des plus beaux textes de la chanson française.

Le poème est d'Antoine Pol, un militaire français né en 1888 et décédé en 1971. Il a été publié en 1918, à compte d'auteur, dans un recueil intitulé "Émotions poétiques". Brassens est tombé dessus par hasard dans un marché aux puces. Il a essayé d'en retrouver l'auteur mais celui-ci était mort quelques mois plus tôt. Pol n'a donc jamais su que le poème qu'il avait composé dans sa jeunesse et publié à quelques centaines d'exemplaires allait devenir une chanson populaire.


Le poème original de Pol comportait neuf strophes mais Brassens n'en a retenu que sept dans sa chanson. Voici la version qui a été chantée par Brassens :



Les passantes


Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais

A celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main

A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant

Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux coeurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus

Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir



Les deux strophes qui ont été écartées par Brassens étaient les quatrième et sixième du poème de Pol. Elles n'ajoutaient pas grand chose au texte sinon une certaine longueur. Les voici :




A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n'est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal

A ces timides amoureuses
Qui restèrent silencieuses
Et portent encor votre deuil
A celles qui s'en sont allées
Loin de vous, tristes esseulées
Victimes d'un stupide orgueil.


http://www.youtube.com/watch?v=l4Q7urIVYAE

lundi 26 mai 2008

La croix du Grand Quatre

La croix de chemin du Grand Quatre à Saint-Boniface de Shawinigan a été enlevée. Le propriétaire m'a fait remettre la plaque de cuivre qui était fixée à son montant parce qu'il m'avait déjà vu en noter les inscriptions.

Cette croix avait été érigée en 1941 par onze fermiers des alentours, les grands-pères et les arrière-grands-pères des familles qui habitent encore le rang aujourd'hui. Leurs noms sont gravés sur la plaque : Léo Matteau, Rosaire Chainé, Alphonse E. Gélinas, Camille A. Gélinas, Adélard Chainé, Alphonse Chainé, Adélard Lacerte, Amédée Chainé, Georges Lampron, Claudio Lampron, Elzéar Chainé.

C'était une de ces croix de chemin en bois plantées directement dans la terre et que l'on remplaçait pieusement, à tous les vingt ou trente ans, lorsque la base était pourrie. À ma connaissance, celle du Grand Quatre avait été restaurée par des voisins vers la fin des année soixante-dix. Elle était sûrement faite en cèdre pour durer aussi longtemps.

Elle marquait l'intersection du Rang Quatre avec l'ancienne route qui reliait le village de Saint-Boniface à la ville de Shawinigan. En 1949, cette route a été déplacée de quelques centaines de mètres vers l'est. Il n'y avait donc plus d'intersection à marquer depuis très longtemps. La croix du Grand Quatre était ainsi devenue une croix sans chemin, une orpheline en quelque sorte.


samedi 24 mai 2008

L'enfant est partie

À ma belle Gabrielle qui est partie découvrir le monde avec l'enthousiasme et l'insouciance de ses dix-neuf ans, ce poème d'Hector Saint-Denis-Garneau intitulé Portrait. Tiré du recueil "Regards et jeux dans l'espace" publié à Montréal en 1937, il traite de l'absence et peut-être bien aussi de l'enfant qui dit-on est en chacun de nous.




PORTRAIT


C'est un drôle d'enfant
C'est un oiseau
Il n'est plus là
Il s'agit de le trouver
De le chercher
Quand il est là
Il s'agit de ne pas lui faire peur
C'est un oiseau
C'est un colimaçon.
Il ne regarde que pour vous embrasser
Autrement il ne sait pas quoi faire avec ses yeux
Où les poser
Il les tracasse comme un paysan sa casquette
Il lui faut aller vers vous
Et quand il s'arrête
Et s'il arrive
Il n'est plus là
Alors il faut le voir venir
Et l'aimer durant son voyage.



En passant, on peut trouver les poèmes de Saint-Denis-Garneau sur un très beau site consacré à la poésie francophone à l'adresse suivante : http://lapoesiequejaime.net/


Voir aussi sur ce blog : Cage d'oiseau, un autre poème de Saint-Denis-Garneau