On pêche encore aujourd'hui en hiver, sur les glaces des rivières Sainte-Anne et Batiscan, le poulamon atlantique aussi appelé petit-poisson des chenaux. Son nom lui vient des chenaux qui sont formés par les îles à l'embouchure de la rivière Saint-Maurice, à Trois-Rivières. Au dix-neuvième siècle, on pêchait le poulamon atlantique à cet endroit pendant la période des fêtes, entre Noël et les Rois. On l'appelait alors le petit-poisson de Noël.
En 1895, l'historien Benjamin Sulte nous a décrit cette pêche dans le volume 20 de ses Mélanges historiques :
Le poulamon atlantique (Microgradus Tomcod) |
En 1895, l'historien Benjamin Sulte nous a décrit cette pêche dans le volume 20 de ses Mélanges historiques :
" L'hiver, c'est un autre spectacle. La neige couvre les îles, les chenaux disparaissent sous une couche de glace. Dans ces lieux désolés, le lièvre et le renard tracent leurs pistes, que le chasseur suivra bientôt d'un oeil attentif. De temps à autre, une voiture passe sur le chemin de la traverse, balisé de petits sapins plantés dans le mol édredon qui recouvre les eaux durcies par l'action de l'hiver.
Mais, durant la semaine qui précède la fête de Noël, tout change, les îles s'animent en quelque sorte ; partout circule une population affairée ; on dresse des cabanages ; la tranche de fer et le godendard entament la glace sur une cinquantaine de points choisis à certaines distances les uns des autres ; le travail se continue jour et nuit jusqu'à ce que des ouvertures soient pratiquées au goût des pêcheurs, car il s'agit de pêcher le fameux petit-poisson de Trois-Rivières !
Chaque trou mesure de douze à quinze pieds de longueur sur cinq de largeur. On y enfonce un long coffre formé de quatre baguettes de bois de frêne revêtues de rêts ; l'un des bouts du coffre est ouvert et placé à l'encontre du poisson qui remonte le courant, et qui entre par masse dans ces appareils ; après quelques minutes d'attente, le pêcheur soulève la gueule du coffre, tire le tout hors de l'eau ; vous voyez alors frétiller sur la glace des centaines de petits êtres qui gèlent, en attendant la poêle à frire. On en prend plus de 40,000 boisseaux chaque hiver, en deux semaines seulement parce que, avant Noël, il n'est pas encore arrivé. et aux Rois, il achève sa course vers le rapide des Forges. Cette manne n'a qu'un temps. "
Pêche au poulamon, Trois-Rivières, Qc, 1890 (Musée McCord) |
Déclin du petit-poisson des chenaux
Une dizaine d'années plus tard, Benjamin Sulte ajoutait une note en bas de page :
" Ces lignes étaient écrites en 1895. Depuis lors, les usines de Shawinigan Falls et de Grand-Mère ont pollué les eaux ; le petit-poisson venant de la mer, s'arrête pour frayer à la rivière Champlain et aux battures de Batiscan. Et il ne tardera pas à disparaître tout à fait."
Heureusement, sa prédiction ne s'est pas avérée. S'il a disparu des chenaux de Trois-Rivières, à cause de la pollution de la rivière Saint-Maurice, le petit-poisson de Noël remonte toujours à chaque année les rivières Sainte-Anne et Batiscan.