mardi 26 novembre 2013

Le temps qu'il fait

Le temps qu'il fait sur mon pays, j'aime à le dire à mes amis (Vigneault)

L'hiver 1845 est rigoureux, les denrées sont hors de prix et les rumeurs de guerre inquiètent la population. Le printemps 1846 est magnifique, on circule comme en été et il se fait du sucre en abondance.


1845

Décembre 19 — La saison est d'une rigueur extrême. Ces jours derniers le thermomètre a marqué jusqu'à 24 et 25° au-dessous de zéro. Avec cela, tout est d'une cherté excessive, sur nos marchés. Les pommes de terre sont à cinq chelins le minot ; le bois de chauffage de cinq à six piastres la corde.

1846

Janvier 30. — On parle beaucoup de guerre. Y croit-on ? On dit que des milices incorporées vont être formées. La guerre est un grand fléau, une punition de Dieu. Le marché est bien cher. Le lard est à 8 sous ; le bœuf 4 sous ; le beurre 15 et 16 sous. C'est un quart et même un tiers de plus que les autres années.

Avril 7. — Nous jouissons d'une belle température. Nous sommes d'un mois en avance sur l'année dernière. Il n'y a plus de neige dans les rues. Les voitures d'été circulent. Il se fait du sucre en abondance. Le plus beau se vend huit sous la livre, sur le marché.


(Source : Les Ursulines de Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu'à nos jours, tome quatrième, Québec, 1911.)

lundi 25 novembre 2013

La légende du Picoté

Le contexte

La légende du Picoté nous a été rapportée par l'annaliste du couvent des Ursuline des Trois-Rivières en 1911. Elle est basée sur un événement, réel ou imaginaire, qui se serait produit à Louiseville au tournant du XVIIIe siècle, à la fin des guerres franco-iroquoises. Louiseville, autrefois appelée Rivière-du-Loup, a été fondée en 1665 sur le bord du Lac-Saint-Pierre qui est formé par un élargissement du fleuve Saint-Laurent. À ses débuts, la bourgade était directement exposée aux attaques des Iroquois qui pénétraient dans le fleuve par la rivière Richelieu sur la rive Sud à la hauteur de Sorel.

Cette carte moderne de la Réserve mondiale de la biosphère du Lac Saint-Pierre situe les lieux où se déroule la légende du Picoté.

Source de la carte


Légende du Picoté

« Un ancien de Louiseville nous a raconté la légende du Picoté.  

M. le Chevalier de Lamirande, dont la terre confinait au lac St- Pierre, parti pour la chasse, avait laissé au logis sa jeune femme et un nouveau-né. Madame Lamirande voit venir une flottille d'Iroquois. « Je suis morte ! » se dit-elle ; et devant ses yeux étincellent les horreurs du scalpel, l'enlèvement, la mort sur le bûcher.

Mais tout à coup une lueur d'espoir brille dans son intelligence. Elle saisit son enfant, l'enveloppe de linges, le prend dans ses bras, et dans cette attitude, elle se met sur le seuil de la hutte. La fumée qui s'échappe de l'humble toit attire les sauvages. D'aussi loin qu'elle les aperçoit, elle leur fait signe, par les plus énergiques démonstrations, que son enfant a la picote. Elle met les doigts sur sa figure, indiquant qu'elle est picotée et elle les reporte sur le corps de l'enfant qu'elle présente comme criblé. 

A peine les sauvages eurent-ils saisi sa mimique que ces guerriers, si avides de sang et de carnage, rebroussent chemin et s'enfuient à toutes jambes. Madame Lamirande, grâce à cet ingénieux stratagème, avait sauvé sa vie et celle de son enfant. »
(source : Les Ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu'à nos jours, tome quatrième, Imprimerie de l'Action sociale, Québec, 1911, page 36).
  
Histoire réelle ou inventée ?

La légende est révélatrice de la terreur qu'inspiraient les Iroquois.

Elle tient de faits réels. Jean Dulignon, sieur de La Mirande, était le fils d'Élie, procureur au duché de LaRochefoucaud. Il a vécu à Montréal où il est arrivé vers 1670. Son fils Pierre, sergent de la Compagnie de Cabanac, s'est marié à Louiseville le 27 juillet 1703 et son premier enfant est né à cet endroit en 1705. 

Il y a un anachronisme. La Grande paix de Montréal a été signée en 1701. Elle mettait fin officiellement aux raids des Iroquois dans la colonie. Mais il est possible que des bandes d'Iroquois aient continué de fréquenter le Lac Saint-Pierre après la signature du traité, sans pour autant attaquer les colons. On comprend qu'une jeune femme laissée seule avec son bébé ait pu paniquer en les voyant arriver.

Par ailleurs, la varicelle ou picote était mortelle pour les Amérindiens qui ne possédaient pas d'anticorps contre cette maladie. Davantage que les guerres ou l'alcool, les maladies infectieuses apportées par les Blancs ont été la principale cause du déclin des populations autochtones en Amérique du Nord.

lundi 18 novembre 2013

Nous te plumerons

Où il est question de Martha la dernière tourte et de la récréation chez les Ursulines de Trois-Rivières.

Un oiseau grégaire

La tourte (Ectopistes migratorius) aimait la compagnie. C'est d'ailleurs ce qui a causé sa perte. À chaque année, à l'automne et au printemps, les tourtes se rassemblaient par millions, tellement que le ciel en était obscurci. Un chasseur pouvait facilement en tuer des centaines en tirant à l'aveugle dans les airs ou encore, en les frappant au sol avec un bâton. Une maladie est venue aggraver le tout, de sorte que le dernier spécimen de cet oiseau migrateur du Nord-Est de l'Amérique, cousin du pigeon, est mort au zoo de Cincinnati en 1914. Elle s'appelait Martha.

Photo de Martha, la dernière tourte morte en 1914.

Selon un document ancien, les Ursulines de Trois-Rivières auraient joué un rôle dans la disparition de la tourte.


Les pensionnaires s'amusent

En 1857, au pensionnat des Ursulines de Trois-Rivières, les distractions étaient rares. Les jeunes filles effectuaient de petits travaux pour se rendre utiles quand une récréation leur était accordée :
« De fois à autres, ce plaisir leur était accordé. Parfois la récréation avait lieu au réfectoire des religieuses, pour trier du blé d'hostie ; un autre jour, à la cuisine, pour plumer des tourtes que les serviteurs apportaient à pleines charrettes » (Annales des Ursulines de Trois-Rivières, tome IV, p 69).


dimanche 17 novembre 2013

Fred Shero à Shawinigan

Frederick Shero (1925-1990), surnommé "The Fog", a été l'entraîneur des Flyers de Philadelphie dans la Ligue Nationale de Hochey (LNH). Il a gagné deux coupes Stanley consécutives avec les Flyers, en 1974 et 1975. Son équipe, alors surnommée les Broad Street Bullies, jouait un style basé sur l'intimidation, avec des joueurs de talent entourés de gorilles comme Dave "The Hammer" Shultz, André "Moose" Dupont, Bob "Hound Dog" Kelly et Don "Big Bird" Saleski. Presque quarante ans plus tard, le matamore Dave Shultz détient encore le record du plus grand nombre de minutes de pénalité en une saison, avec 472, soit près de 6 minutes par match en moyenne.

Même le veston de Fred Shero faisait peur. Malgré tout, il a été intronisé comme bâtisseur au Temple de la renommée du Hockey le 11 novembre dernier.

Fred Shero derrière le banc des Broad Street Bullies


À sa dernière année comme hockeyeur, pendant la saison 1957-1958, Shero a porté les couleurs des Cataractes de Shawinigan dans la Ligue de hockey sénior du Québec. Il s'est marié dans cette ville le 26 juillet 1958 avec Mariette Gélinas, fille d'Albert Gélinas et de Gratia Bourassa originaires de Saint-Étienne-des-Grès. Les joueurs de hockey étaient très populaires auprès des jeunes filles. Incidemment, Claire Gélinas, la petite soeur de Mariette, a été élue Miss Shawinigan en 1951.

Ils ont eu deux fils nés à Saint-Paul dans le Minnesota où Shero a obtenu son premier poste d'entraîneur :  Jean-Paul et Réjean (1962).  Réjean "Ray" Shero est actuellement directeur général des Penguins de Pittsburgh dans la LNH. Son équipe a remporté la coupe Stanley en 2009. L'Hebdo du Saint-Maurice de Shawinigan lui a consacré cet article publié le 6 mai 2010 :




Une Shawiniganaise à l’origine du succès des Penguins

 

Fred Shero a défendu les couleurs des Cataractes de Shawinigan en 1957-1958. Même si son passage dans la ville de l’électricité fut bref, Shero y a rencontré la femme de sa vie. Mariette Gélinas, une Shawiniganaise pure laine, épousa celui qui allait gagner la Coupe Stanley à deux reprises avec les Flyers de Philadelphie. De cette union est né le 28 juillet 1962 à Saint-Paul au Minnesota l’actuel directeur général des Penguins de Pittsburgh, Ray Shero.

Ray Shero (Photo L’Hebdo – Jonathan Roberge)
Réjean «Ray» Shero, directeur général des Penguins de Pittsburgh demeure attaché à ses racines. Sa mère Mariette est originaire de Shawinigan. «Mon père était joueur-entraîneur pour les Cataractes senior. Ma mère travaillait à l’époque dans une pharmacie. Mon père avait l’habitude de s’y rendre parce qu’il trouvait que la fille qui y travaillait était bien jolie. C’est de cette manière que leur histoire a débuté», raconte-t-il en souriant.

Fred et Mariette se sont mariés, puis le défenseur originaire de Winnipeg a accepté une offre d’emploi pour diriger une équipe de Saint-Paul, au Minnesota. Réjean «Ray» Shero n’a donc jamais vécu dans la région, mais y demeure très attaché.

«Lorsque j’ai eu mon premier emploi de directeur général adjoint avec les Sénateurs d’Ottawa en 1994, l’un de mes premiers voyages a été à destination de Shawinigan. J’ai pu voir le vieil aréna Jacques-Plante. J’ai tellement entendu de belles histoires sur ce building. Ma mère y pratiquait le patin artistique après l’école, tandis que mon père y jouait au hockey. J’ai appelé ma mère pour lui raconter lorsque je suis arrivé là-bas.

Shawinigan a une importance particulière pour moi. J’y suis retourné il y a quatre ans quand mon oncle est décédé. C’était l’été, il faisait beau. C’était plaisant de revoir la ville, c’est très joli», a-t-il conclu. Véritable gentleman, Ray Shero s’est informé au cours de cet entretien exclusif sur la construction du Centre Bionest et l’avenir de l’aréna Jacques-Plante. 

En poste depuis 2006, il a offert des contrats (entre autres) à Mark Recchi et Petr Sykora, a renégocié le faramineux contrat de Sidney Crosby (43,5M$ pour cinq ans), mis la main sur Marian Hossa et l’ex-porte-couleur des Cataractes de Shawinigan, Pascal Dupuis.

Aujourd’hui âgée de 86 ans, Mariette Gélinas demeure chez fiston Réjean au domicile familial de Pittsburgh.


Voir aussi sur ce blog : Le courage de Jacques Plante.

jeudi 14 novembre 2013

Des conversions et des servantes : les Hill de Trois-Rivières

Modifié le 18 mars 2014

J'ai déjà abordé brièvement l'histoire des Hill de Trois-Rivières dans Patronyme anglais en Mauricie, juste assez pour constater que cette famille est passée un peu sous le radar des généalogistes. On connaît bien James Hill et sa descendance, mais on sait peu de choses de ses parents, Joseph Hill et Mary-Ann Charlton. Des découvertes récentes dans les registres anglicans permettent d'étoffer un peu l'histoire de cette famille.

Selon mes recherches, Joseph Hill et sa femme Mary-Ann Charlton sont nés en Angleterre de religion anglicane. Joseph Hill était sergent dans la septième compagnie du premier bataillon d'infanterie britannique. Ils sont arrivés à Québec vers 1831 en provenance d'Écosse vraisemblablement. On trouve l'acte de baptême de leur fils Joseph dans le registre anglican de la garnison de Québec en date du 2 octobre 1831 (voir Joseph Hill était sergent dans l'artillerie).

Leur fille Sarah, née en 1835, a été baptisée à l'église anglicane de Trois-Rivières le 16 avril 1837. Joseph Hill avait alors quitté l'armée. Il a ensuite travaillé comme journalier à Trois-Rivières.

Voici la liste des enfants de Joseph Hill et de Mary-Anne Charlton (née en 1802 en Angleterre) :
  1. Mary-Ann (n c1823 Nouveau-Brunswick) m 1856 François-Xavier Châteauneuf
  2. James (n c1829 Angletrerre) m 1856 Félicité Gélinas et m 1864 Constance Milette
  3. John (n c1831 Écosse) m 1851 Domithilde Zaste
  4. Joseph (n 1831 Québec) Bas-Canada) m 1851 Arline Ayotte et m 1858 Elise Sincaster
  5. Sarah (n 1835 et b 1837 Trois-Rivières). Célibataire.


Des conversions

Il y avait à cette époque une importante population anglicane à Trois-Rivières à laquelle les Hill se sont joints, mais au moins trois de leurs enfants se sont convertis à la religion catholique. J'ai retrouvé les baptêmes de conversion de Mary-Ann en 1847, Joseph fils en 1849 et Sarah en 1861. Ces documents nous donnent en prime l'année de leur naissance et leur ancienne religion. Ils nous indiquent aussi si leurs parents étaient vivants ou non. Dans celui de Joseph fils, le 5 mai 1849, il est écrit fils de feu Joseph Hill et Ann Charlton. Joseph père est donc décédé avant cette date.


Conversion de Josep Hill fils le 5 mai 1849 à Trois-Rivières (Immaculée-Conception).



Je n'ai pas retrouvé de baptême de conversion pour James et John, ni pour les parents qui sont probablement demeurés anglicans.

Des servantes

Après le décès de Joseph père, son épouse Mary Ann Charlton et sa fille Sarah ont gagné leurs vies comme servantes dans des familles bourgeoises de Trois-Rivières.

En 1852, Mary-Ann Charlton, âgée de 50 ans, a été recensée sous le nom de Ann Hill. Elle était servante dans la maison du Shériff Ogden. Ce recensement nous confirme qu'elle est bien née en Angleterre de religion anglicane.

Recensement de 1852 à Trois-Rivières


La même année, la jeune Sarah Hill, âgée de 15 ans, était servante dans la maison du marchand irlandais John Keenan. Elle a déclaré être née à Trois-Rivières de religion protestante. C'était avant sa conversion. En 1861, elle était servante dans une famille Wright d'origine américaine à Trois-Rivières.

Descendance

Mary-Ann (1823-1891) s'est mariée tard. Elle a épousé François-Xavier Châteauneuf, un journalier de dix ans son cadet, en 1856. Selon l'annuaire de 1879, ils habitaient au 132 rue Bonaventure à Trois-Rivières. Ils ont eu au moins deux enfants : Marie (1858) et Ormina (1861).

James (1829-1874) a été cultivateur à Saint-Boniface. Il a eu quatorze enfants de ses deux femmes, dont huit ont atteint l'âge adulte. Sa descendance est nombreuse dans la région de Shawinigan. Son fils William s'est marié quatre fois. La fameuse cabane à sucre Chez Hill de Saint-Mathieu appartenait autrefois à un descendant de cette famille.

John  (1831- ) était journalier et habitait sur la rue Plaisante à Trois-Rivières, selon l'annuaire de 1879. En 1891, il était commerçant ferblantier toujours à Trois-Rivières. Sa femme, Domithilde Zaste, était une petite-fille du mercenaire allemand Heinrich Szass qui s'est établi à Berthier après sa démobilisation en 1783. Lors des recensements, Domithilde se disait d'origine allemande. Ils ont eu au moins six enfants à Trois-Rivières auxquels ils ont donné des prénoms anglophones : Mary Ann (1852), William Henry (1856), Elmire (1861), Delia (c1862), Elizabeth (1865) et John Philippe (1869).

Joseph fils (1834-1864) a eu au moins cinq enfants de ses deux mariages : Marie-Anne (1852), Joseph (1855), James (1858), Sara et un autre Joseph. Sa deuxième femme, Elise Sincaster était l'arrière-petite-fille de William Sangster un autre immigrant anglophone d'origine inconnue.

Sara (1835- ) ne s'est pas mariée. Je n'ai rien trouvé sur elle après le recensement de 1861.

*****

Note : Il y avait à la même époque un Thomas Hill à Saint-Étienne-des-Grès. Il a épousé Adéline Isabelle le 10 mai 1858 à l'Église protestante de Trois-Rivières. Les noms des parents ne sont pas mentionnés dans l'acte. Il s'est converti en 1868. Je n'ai pas réussi à le relier à la famille de Joseph Hill et Mary Ann Charlton. Thomas Hill n'a pas été recensé au Québec en 1852, il pourrait donc être arrivé plus tard.

jeudi 7 novembre 2013

Un ancêtre bâtard

Avoir un ancêtre bâtard était autrefois une honte, c'est aujourd'hui un amusement, presque une fierté. Pour le généalogiste, ce peut être un obstacle insurmontable si l'identité du père n'est pas connue.

Un de mes ancêtres, Jacques Crevier dit Saint-Jean (Sosa 700) était un « enfant naturel », ce qui signifie que son père et sa mère n'étaient pas mariés ensemble au moment de sa conception. C'est le sens que l'on donnait autrefois au mot bâtard : un enfant conçu hors des normes sociales. Si l'un de ses parents avait été marié, on l'aurait qualifié d' « enfant adultérin » selon la terminologie du droit ancien. De nos jours, avec la baisse de taux de nuptialité, la moitié des enfants naissent hors-mariage et ces termes anciens ne sont plus guère utilisés.

Le baptême 

Jacques a été baptisé sous le nom de Bonin  le 8 octobre 1707 à Varennes. Il était le fils de Jacques Bonin et de Marie-Rose Prévost. Dans l'acte de baptême qui suit, le curé Claude Volant de Saint-Claude n'a pas fait mention de l'illégitimité de l'enfant, mais n'a pas écrit les mots habituels « du légitime mariage »  Par contre, l'officiant a inscrit le nom du père, ce qui signifie que son identité était de notoriété publique.



Le père Jacques Bonin

L'enfant a reçu non seulement le nom, mais aussi le prénom de son père biologique, ce qui me porte à croire que les parents étaient en bons termes. Rien n'indique que le père était présent lors du baptême, mais les convenances ne l'auraient peut-être pas permis. Jacques Bonin père n'a pas laissé d'autre trace en Nouvelle-France que ce fils. On ne trouve aucune autre mention de lui ni avant, ni après le baptême. Il est peut-être retourné en France.

Parmi les six autres Bonin qui ont immigré en Nouvelle-France, trois étaient originaires de La Rochelle et un de la Saintonge voisine. On sait que beaucoup de huguenots ont émigré de cette ville après la révocation de l'édit de Nantes en 1685. Si Jacques Bonin avait été protestant, s'il avait fui les persécutions religieuses en France, aurait-il pu épouser Rosalie Prévost sans abjurer sa foi ? Ou bien était-il déjà marié en France ? Ce ne sont que des hypothèses, bien sûr.

La mère Rosalie Prévost

Marie-Rose ou Rosalie était âgée de 19 ans à la naissance de son fils. Elle était la fille d'Eustache Prévost, un soldat du régiment de Carignan, et d'Élisabeth Guertin. Cette dernière a aussi eu un enfant naturel, ou plutôt adultérin, avec un dénommé Jacques Hubert marchand de fourrures, en 1678. C'était donc une tradition familiale. Je crois que le mari était alors voyageur dans les Pays-d'en-Haut. On en vient à douter de la validité de nos tableaux d'ascendance !

Rosalie Prévost épousera Jean Crevier dit Saint-Jean le 31 mai 1713 à Montréal. Ils auront douze enfants ensemble. Le petit Jacques adoptera alors le patronyme de son beau-père : Jacques Bonin deviendra Jacques Crevier. Il perdra ainsi sont étiquette de bâtard. Plus tard, à son mariage avec Thérèse Prud'homme le 23 octobre 1737 à Saint-Sulpice, Jacques est dit fils de Jean Crevier et de Rosalie Prévost habitants de la coste St-Michel. Son père adoptif et son demi-frère Jean-Baptiste sont présents au mariage.


Comment nommer un bâtard ?

Anciennement, certains généalogistes l'ont identifié sous le patronyme de Prévost, celui de sa mère, même s'il a été baptisé Bonin. Je suppose qu'ils ne pouvaient accepter, pour des raisons d'ordre moral, qu'un enfant reçoivent le nom d'un homme qui n'est pas l'époux de sa mère. D'ailleurs, le curé de Varennes a peut-être erré en 1707 en baptisant un enfant naturel sous le nom de son père biologique. L'usage était plutôt, je crois, de donner le patronyme de la mère ou pas de patronyme du tout.