mardi 17 avril 2012

Un curé architecte

Parfois, en examinant la vie de certains curés de campagne, je me demande s'ils n'auraient pas préféré exercer une autre profession ou étudier dans une autre discipline que la théologie. Quelques-uns ont poussé à l'extrême ce qui fut d'abord un hobby, pour en faire une activité quasiment professionnelle. Sainte-Geneviève de Batiscan a eu son curé médecin (voir L'eau divine de l'abbé Côté) et Yamachiche, son curé architecte.

Joseph-Hercule Dorion, curé de Yamachiche de 1853 à 1889, avait des talents d'ingénieur. En 1874, il a planifié et dirigé les travaux de détournement des eaux de la petite rivière Yamachiche qui traversait le village. Il voulait ainsi redresser la rue Principale et récupérer un terrain près de l'église pour construire un couvent et un hospice pour les Soeurs de la Providence. Ces travaux ont été réalisés grâce à une corvée des paroissiens, selon les plans et les directives de leur curé (La Concorde, 11 novembre 1874).

Mais sa véritable passion était l'architecture. On lui doit les plans et devis du couvent d'Yamachiche en 1874, ceux de la Salle publique en 1878 et ceux de la nouvelle église achevée en 1879. Cette église, inspirée de l'architecture italienne, richement décorée et dotée plus tard d'un grand orgue Casavant, était considérée comme un joyau avant sa destruction par le feu en 1959. Elle accueillait les pèlerinages à la « Bonne Sainte-Anne », la patronne du lieu (voir La Bonne Sainte-Anne).


À son décès en 1889, la bibliothèque personnelle de l'abbé Dorion contenait, parait-il, un millier d'ouvrages scientifiques et théologiques. L'inventaire de ses biens montre qu'il vivait très confortablement dans son immense presbytère : « un ameublement de salon, de salle à dîner, 13 chambres à coucher garnies, argenterie, vaisselle, verrerie, une bibliothèque contenant 1 000 livres (ouvrages scientifiques et théologiques), une peinture à l’huile de grand prix, un piano carré, quelques bêtes, voitures d’été et d’hiver » (La Concorde, 30 janvier 1890).

Voici ce que le journal La Concorde du 21 juin 1879 disait de ses talents d'architecte :
« Le marché des travaux de parachèvement de l’intérieur de l’église de la paroisse d’Yamachiche a été donné par contrat mardi dernier, à Messieurs Joseph Héroux et George F. Héroux, habiles architectes-entrepreneurs de cette paroisse. Le coût de ces travaux est de 16 100$, ce qui fait le complément de la somme de 50 000$ que devra coûter aux paroissiens d’Yamachiche leur belle église qui, finie, sera une des plus magnifiques du Canada. D’après les plans intérieurs, les murs et les piliers devront être terminés en stuc, imitation de marbre. La paroisse pourra à grand droit se féliciter de posséder un aussi beau temple et par là d’avoir fait preuve d’une foi et d’un esprit de christianisme dignes de louanges et d’admiration. Le révérend J. H. Dorion, le digne curé de cette paroisse qui a fait les plans, tant extérieurs qu’intérieurs, s’est par là acquis une reconnaissance que les générations actuelles et futures ne pourront jamais oublier. En effet, c’est Monsieur le curé Dorion qui a conçu ces magnifiques plans qui font l’admiration de tous les visiteurs, qui en a fait les devis et spécifications, avec une habileté digne des meilleurs architectes. Honneur donc et félicitations au révérend Monsieur Dorion et aux paroissiens d’Yamachiche. »
Outre les articles de La Concorde qui font état de ses réalisations à Yamachiche, on ne trouve pas beaucoup d'informations sur la vie de l'abbé Dorion qui serait né vers 1820. Il est entré au Collège de Nicolet en 1833. Il a plus tard enseigné le cours commercial et le dessin à cet endroit de 1840 à 1844. C'est probablement le dessin qui l'a amené à s'intéresser à l'architecture. Avant d'être nommé à la cure de Yamachiche en 1853, il était en poste à Drummondville où il a été président des commissaires d'école.

Les articles du journal La Concorde sont tirées des Bases de données en histoire de la Mauricie.

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