samedi 20 mars 2010

Le Windigo

Yvon Therriault, L'apostolat missionnaire en Mauricie, Trois-Rivières, Éditions du bien public, 1951.

Dans L'apostolat missionnaire en Mauricie publié en 1951, le journaliste Yvon Therriault raconte la légende du Windigo le Méchant Manitou des Algonquins. Cette publication faisait partie de la collection "L'histoire régionale" des Éditions du Bien Public de Trois-Rivières, dirigée par l'abbé Albert Tessier. Elle se vendait un dollar et 50 cents. L'illustration de la couverture est d'Ozias Leduc.

Au début du XXième siècle, la légende du Windigo, aussi appelé Witiko (le cannibale), demeurait très présente chez les Têtes-de-Boule du Haut-Saint-Maurice, malgré leur conversion au catholicisme. Souvent, les Amérindiens convertis se comportaient en fervents chrétiens quand ils retrouvaient leurs missionnaires l'été au poste de traite, mais ils renouaient ensuite avec certaines de leurs anciennes croyances quand ils s'enfonçaient dans la forêt pour passer l'hiver.

Therriault a tiré la description qui suit des notes du Père Guignard, un missionaire Oblat qui a fréquenté les Amérindiens de la Baie de James et du Haut-Saint-Maurice pendant un demi-siècle :
Dès sa plus tendre enfance, le jeune Tête-de-Boule apprend à redouter cet être car la maman Indienne endort son poupon en lui parlant à voix basse de ce Méchant Manitou. Pour "protéger" son enfant, elle l'enveloppe dans ses couvertures et le presse sur son coeur.
Parvenu à l'adolescence, l'Indien saura que le Windigo est "possédé du démon". Toujours, le Windigo aura été un puissant jongleur, un sorcier terrible et féroce. Les Windigos n'ont jamais formé un groupe nombreux : on en connaît un ou deux dans tout le pays. Il arrive même que, durant plusieurs années, aucun Windigo n'a fréquenté la région. Des femmes Windigos, presque jamais.
Un Windigo se promène sans vêtement par toute température. Il se mange les lèvres, ce qui lui fait une bouche affreuse. Sa respiration produit un sifflement aigu. Le Windigo mange du bois pourri et des champignons, la mousse des marais ou de la chair humaine en décomposition. Ses mains ressemblent aux pattes d'un ours. Sa force détruit tout, mais rien ne peut tuer un Windigo. En un instant, le Windigo allume mille feux qu'il éteint en deux secondes. D'un bond, il fiche un couteau à la cime d'un arbre. Dans sa course, il effleure la terre et disparaît dans les nuages. Il plonge sous l'eau avec la rapidité d'un huard, mais peut traverser un lac sans monter à la surface pour respirer. Parfois, il met le pied sur un copeau de pin, et traverse un lac en soulevant des vagues capables de chavirer un canot. Si un Windigo vous suit, il attendra les ténèbres pour vous manger.

Source : L'apostolat missionnaire en Mauricie pp 103-104.
La légende du Windigo semble très ancienne. On la retrouve chez différents peuples qui parlent des langues de la famille algonquienne. Ce mythe servait à renforcer le tabou à l'encontre du cannibalisme pendant les famines qui survenaient souvent en hiver. Celui qui transgressait le tabou en mangeant la chair de ses semblables était ainsi puni : il était changé en Windigo. L'illustration ci-contre est de Nerval Morrisseau de la réserve de Sand Point près de Thunder bay en Ontario, un artiste d'ascendance Ojibwée.

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