mardi 9 février 2010

Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre

L'historien Yves Roby a publié en 1990 "Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre", une étude très complète sur l'émigration des Canadiens-français dans cette région des États-Unis. Ça se lit comme un roman.

Il mentionne dans la présentation que "de 1840 à 1930, environ 900 000 personnes quittent le Québec pour les États-Unis. C'est considérable (...) en l'absence d'émigration, la population franco-québécoise, qui dépassait à peine un demi-million vers 1840, se serait chiffrée à environ 9 millions en 1980. Le déficit dû à l'émigration atteint donc 4 millions de personnes."

Albert Faucher - qui m'a enseigné l'histoire économique du Canada à l'Université Laval vers 1975 -voyait dans l'émigration vers les États-Unis "l'événement majeur de l'histoire canadienne-française au XIXe siècle".

C'est la poussée démographique - la population canadienne-française double ses effectifs à tous les 25 ou 28 ans - et conséquemment la rareté des terres agricoles qui provoque l'exode. Les gens partent en groupe et vont rejoindre des connaissances déjà établies en Nouvelle-Angleterre. "La migration en chaîne établit des jumelages entre des villes américaines et des paroisses québécoises et renforce les petites colonies où la chance et le hasard avaient conduit les premiers arrivants. Ainsi, en 1850, 70 % des Canadiens-Français de Southbridge au Massachusetts proviennent de Saint-Ours (... Quant à Salem, c'est de Rimouski et des environs que vient la population canadienne-française."

C'est durant les quatre dernières décennies du XIXe si`cle, soit de 1860 à 1900, que les Canadiens-Français du Québec arrivent en masse en Nouvelle-Angleterre pour y travailler dans le filatures de coton et de laine et dans les manufactures de chaussures. Dans son histoire des Franco-Américains publiée en 1958, Robert Rumilly décrivait ainsi l'exode : "Dans toute la province, l'exode était quotidien. Des familles vendaient leurs meubles à l'encan, fermaient leurs maisons, et s'en allaient. Tous les dimanches, aux portes des églises, les crieurs publics annonçaient ces ventes : les partants réalisaient ainsi l'argent de leur voyage. Des voisins suivaient cet exemple, puis d'autres : c'était une contagion, comme une épidémie. Dans les paroisses, des rangs entiers se dégarnissaient ainsi, et toutes les maisons étaient closes, et toutes les terres étaient à louer, à vendre, ou simplement abandonnées. De petits centres se dépeuplaient. Les gares étaient pleines. À Saint-Jean, on vendait plusieurs centaines de billets par jour. À Richmond, gare de raccordement, des émigrants couchaient, la nuit, sur les banquettes de la salle d'attente. On désertait le pays de Québec comme si une malédiction l'eut frappé."


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