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mercredi 3 décembre 2014

Joseph Carufel mort pour la Nouvelle-France


Un court texte, inséré dans le registre de la paroisse de Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup (Louiseville), fait état du décès de Joseph Carufel tué sur le champ de bataille le 28 avril 1760. Cette date correspond à la bataille de Sainte-Foy qui a été gagnée par les troupes du chevalier de Lévis, en route pour reprendre la ville de Québec aux Anglais.

"Le 28 avril 1760 a été tué sur le champ de bataille et enterré à ...  joseph Carufel âgé d'environ 28 ans."  signé P Audrau j



Ce n'est pas vraiment un acte de sépulture. Le jésuite Pierre Audrau, missionnaire à Maskinongé, ignorait où avait été enterré le corps de Joseph Carufel, peut-être dans une fosse commune après la bataille. Il a donc laissé un espace en blanc pour éventuellement ajouter le nom du lieu de sépulture s'il venait à le connaître.

La bataille de Sainte-Foy


Je crois que des troupes du régiment du Languedoc étaient stationnées près de Maskinongé en 1759-1760. En effet, plusieurs soldats de ce régiment ont été cités dans le registre de la Rivière-du-Loup, dans des actes relatifs à des habitants de Maskinongé : le capitaine Honoré-Louis de Cléricy (cité le 15 janvier et le 13 décembre 1759), le lieutenant Emmanuel de Cléricy (15 janvier 1759), le grenadier Olivier (28 janvier1760) et le capitaine des grenadiers D'Aiquebille (13 mars 1760). À l'époque, les soldats logeaient chez l'habitant.

Joseph De Carufel s'est-il engagé dans ce régiment ? Chose certaine, il faisait partie des 6000 hommes qui ont convergé vers Québec après la défaite des Plaines d'Abraham. Le chevalier François-Gaston de Lévis, qui avait pour mission de reprendre la capitale de la Nouvelle-France aux Anglais, commandait une armée composée de 2400 soldats réguliers, 2600 miliciens et 1000 alliés amérindiens.



La victoire de Sainte-Foy, que Joseph de Carufel a payée de sa vie le 28 avril 1760, allait permettre à l'armée de Lévis d'assiéger la ville de Québec. Mais le siège a dû être levé après deux semaines, à l'arrivée des renforts britanniques. Lorsqu'il aperçut la flotte anglaise remonter le fleuve Saint-Laurent, Lévis se serait écrié : La France nous a abandonnés ! Du moins, c'est ce qu'on nous a appris dans les manuels scolaires.

Les Sicard de Carufel


Le défunt Joseph Carufel (1732-1760), fils de Joseph Sicard de Caufel et d'Ursule Foucault, était marié à Louise Vanasse dite Vertefeuille, mais n'avait pas d'enfant. Un fils est mort en bas âge. Sa jeune veuve s'est remariée avec Jacques Dupuis onze mois plus tard, le 30 mars 1761. Elle a eu plusieurs enfants de ce second mariage.

Carufel appartenait à une famille de militaires issue de la petite noblesse française. Son grand-père, le seigneur Jean Sicard de Carufel (1664-1763), un ancêtre de ma conjointe, était un officier des troupes de la Marine, enseigne de la compagnie des Meloizes. Il a été capitaine de milice après sa retraite de l'armée. Je crois que tous les hommes de cette famille, fils et petits-fils du seigneur de Carufel, ont servi dans la milice canadienne, dont quelques-uns comme officiers.

Le grand-père Jean Sicard était originaire de Saint-Jacques de Castres dans le Haut-Languedoc, fils de Pierre Sicard De Carufel, avocat en parlement, et de Marie De Fargues. La seigneurie de Carufel que possédait sa famille se situait près de Fauch au nord de Castres.

En 1705, l'officier Jean Sicard s'est fait concéder une seigneurie en Nouvelle-France et lui a donné le nom de Carufel en souvenir de celle qui appartenait à sa famille en France. La nouvelle seigneurie de Carufel était située au nord de celle de Maskinongé et couvrait le territoire actuel de la paroisse de Saint-Justin.


samedi 21 juin 2014

La cie de La Fouille à Louiseville

Source : Wikipédia
L'année 2015 marquera le 350e anniversaire de l'arrivée du régiment de Carignan-Salières en Nouvelle-France. Si on a prétendu, en exagérant un peu, que les filles du roi furent les mères de la colonie, on pourrait affirmer, en exagérant aussi, que les soldats de Carignan en furent les pères.

En Mauricie, les pères en question furent, entre autres, les soldats de la compagnie de La Fouille qui ont colonisé la région de Louiseville.

Dans son Histoire de Louiseville publiée en 1961, une des meilleures monographies de paroisse qu'il m'ait été donné de lire, Germain Lesage racontait l'établissement sur la rivière du Loup (en-haut) de la compagnie du régiment de Carignan-Salières commandée par le Capitaine Jean-Maurice Philippe de Vernon, Sieur de La Fouille.

Le régiment de Carignan-Salières est arrivé en Nouvelle-France à l'été 1665 pour défendre la colonie contre les attaques des Iroquois. Les compagnies formant ce régiment ont été réparties sur le territoire. Je cite l'auteur : « Avant la prise des glaces, Talon se hâte de distribuer les différentes compagnies dans les forts du Richelieu et dans les districts de Québec, de Trois-Rivières et de Montréal ». 

En octobre 1665, la compagnie de La Fouille a été envoyée à l'embouchure de la rivière du Loup, dans le district de Trois-Rivières, pour veiller sur le Lac Saint-Pierre par lequel s'infiltraient les Iroquois. Sa première mission a été de construire un fort à cet endroit avant l'hiver. Elle comprenait 4 officiers, dont l'enseigne Charles de Goudon de Jeu (ou Dujay), Vicomte de Manereuil, et 32 soldats.

Selon Germain Lesage, l'Intendant Jean Talon avait promis au Vicomte de Manereuil de lui concéder ces terres en seigneurie s'il s'établissait à demeure à la rivière du Loup. Fort de cette promesse, l'enseigne a commencé à distribuer des lots aux soldats de sa compagnie qui acceptaient de demeurer à cet endroit avec lui après leur engagement. Ainsi, chacun pouvait commencer à défricher son propre coin de forêt, tout en travaillant à la construction du fort.

Au terme de leur engagement, plusieurs des soldats de La Fouille ont préféré vivre ailleurs en Nouvelle-France, comme Jean Laspron dit Lacharité qui a reçu une concession à la Baie-du-Febvre de l'autre côté du Lac Saint-Pierre. Selon Lesage, aucun n'est retourné en France.

Au moins 12 des soldats de La Fouille ont reçu des concessions à la Rivière-du-Loup (aujourd'hui Louiseville) dans la seigneurie de Manereuil. Les noms donnés par l'auteur Germain Lesage, tels qu'il les a lus sur les listes de censitaires de Manereuil, sont déformés. Je les ai corrigés d'après le Dictionnaire Jetté. J'ai aussi ajouté à cette liste quelques informations sur les familles :

Banliac (Bansillard) dit Lamontagne, François ( -1717), Angoumois d'origine. Il a épousé Marie-Madeleine Doyon, fille de Jean et de Marthe Gagnon, vers 1677. Un fils. Banliac s'est remarié avec Marie-Angélique Pelletier, fille de François et de Marie-Madeleine Morisseau vers 1680. Neuf enfants. Descendance Banliac, Lamontagne,  Milette, Latour, Dupuis et Gignard, notamment.

Brard ou Bérard dit La Réverdra, Jean, originaire de l'Orne en France. Il a épousé Charlotte Coy, une fille du roi originaire de Paris, vers 1669. Trois enfants. Descendance Bertrand dans la région de Montréal.

Brunion (Brugnon) dit la Pierre, Pierre (-1687), d'origine inconnue. Il a épousé Charlotte Coy, veuve de Jean Brard (voir plus haut), le 24 avril 1678 à Sorel. Six enfants. Descendance Bertrand, Mandeville, Papineau, dans la région de Montréal.

Gerlaise (de) dit Saint-Amant, Jean-Jacques (-1722), Belge d'origine. Il a épousé Jeanne Trudel, fille de Jean et de Marguerite Thomas, après le contrat de mariage du 12 septembre 1667 (Aubert). Jeanne Trudel, née en 1656, n'avait qu'onze ans lors de ce contrat. Neuf enfants. Descendance Benoît, Desjarlais, Lamirande, Lesage, notamment.

Germaneau, Joachim, originaire du Limousin en France. Trafiquant de fourrures. Il a épousé la métisse Élisabeth Couc, fille de Pierre Couc et de Marie Miteouamigoukoué, le 30 avril 1684 à Sorel. Deux enfants. Sa fille Marie-Jeanne Germaneau a eu des enfants de père inconnu à Montréal.

Guyon dit Latremblade, Paul ( -1694), originaire de l'Aunis en France. Célibataire décédé à l'Hôtel-Dieu de Québec le 11 décembre 1694.

Huitonneau (ou Vintonneau) dit Laforêt, Jean. Célibataire. Recensé en 1681 à Bécancour.

Letellier (ou Tellier) dit Lafortune, Jean ( -1704), Normand d'origine. Il a éposé Marie Gratiot née à Trois-Rivières en 1662, fille de Jacques et de Madeleine Michelande, le 28 avril 1677 à Boucherville. Quatre enfants de ce premier lit. Il s'est marié deux autres fois : avec Anne Chénier en 1688 et avec Renée Lorion en 1691. Cinq enfants de son troisième mariage. Il s'est établi à Repentigny.

Marais dit Labarre, Marin, Normand d'origine. Il a épousé Marie Deschamps vers 1672 à Louiseville. Deux filles. Descendance Rondeau à Contrecoeur.

Mageau (Maseau) dit Maisonseule, Louis ( -1700). Originaire du Poitou. Il a épousé Marguerite Jourdain, veuve de Bernard Delpèche, le 8 janvier 1689 à Repentigny. Descendance dans la région de Montréal.

Paviot dit la Pensée, Jacques d'origine inconnue. Il a épousé Anne Michel, d'origine inconnue elle aussi, vers 1668 à Contrecoeur. (Une erreur de Germain Lesage : Paviot appartenait à la compagnie de Contrecoeur et non pas à celle de La Fouille).

Villefroy dit Manseau, Didier. Célibataire d'origine inconnue. Il a été recensé au Cap-de-la-Madeleine en 1681.

À ma connaissance, de ces douze soldats censitaires de la seigneurie de Manereuil, seulement deux ont fait souche dans la région de la Mauricie : François Banliac et Jean-Jacques Gerlaise.


Sources :
- Ma base de données généalogiques
- Lesage, Germain, Histoire de Louiseville 1665-1960 ; Presbytère de Louiseville, 1961, 450 pages.
- Jetté, René, Dictionnaire généalogique des familles du Québec des origines à 1730 ; Les Presse de l'Université de Montréal, 1983, 1176 pages.
- Dumas, Sylvio, Les filles du roi en Nouvelle-France ; La Société historique de Québec, Cahiers d'Histoire no 24, 1972, 381 pages.
- Migrations




jeudi 3 avril 2014

La conscription de 1917 vue de Shawinigan

La crise de la conscription de 1917 a été un des événements marquants de l'histoire du Québec. Encouragée par ses élites politiques et religieuses, la population canadienne française et catholique était massivement contre l'enrôlement obligatoire pour la défense de l'Europe. Cette crise a provoqué des émeutes dans la ville de Québec et aussi en région, notamment à Shawinigan en Mauricie où des manifestations violentes se sont produites les 4 et 5 septembre 1917.

Le Royal 22e régiment, défilant devant le Parlement d'Ottawa.

Ces événements n'ont pas été spontanés. La lecture des journaux de l'époque révèle que des groupes d'activistes parcouraient le Québec pour organiser la résistance à la conscription. Voici quatre extraits de journaux de la Mauricie qui illustrent les réactions des habitants de la ville de Shawinigan. Le premier extrait est tiré de L'Écho du Saint-Maurice de Shawinigan et les trois autres, du journal Le Bien Public de Trois-Rivières.

Le premier article nous parle d'un assemblée anti-conscription qui a été organisée le 7 juin 1917 par un groupe venu de Montréal.   
7 juin 1917 :  « Shawinigan Falls est contre la Conscription. Une assemblée enthousiaste. «Grande assemblée anti-conscription convoquée par les membres de la Ligue des Amis de la Liberté, de Montréal. » 
Deux mois plus tard, la ville est couverte d'affiches qui dénoncent la conscription de façon plutôt agressive. Des partisans de la conscription sont intimidés.
28 août 1917 : « Chutes Shawinigan. Dans la nuit de samedi à dimanche, des affiches contre la conscription ont été posées partout sur les trottoirs, sur les magasins, sur les poteaux, etc. On lisait sur ces affiches: “À bas la conscription. À bas Borden et ses Trusts. À bas les traîtres Blondin et Sévingy”. Nos bons bleus, qui continuent de professer une admiration béate pour le gouvernement, il en est même qui ont la témérité de parler en faveur de la conscription, [ils] ont reçu une attention toute spéciale de la part des poseurs d’affiches. »
Le mercredi 5 septembre, une manifestation dégénère en émeute. La boutique du bijoutier Flamand, partisan de la conscription, est saccagée.
6 septembre 1917 : « Manifestations Anticonscriptionistes. Mercredi soir, à Shawinigan Falls, des manifestations violentes ont eu lieu contre la conscription. Une foule de douze à quinze cents personnes ont paradé par les rues et ont manifesté devant la demeure de Monsieur Flamand: des discours violents ont été prononcés; les vitres de la maison ont été brisées et les meubles déménagés dans la rue. On dit même qu’un soldat a été fort malmené par la foule. »
L'été suivant c'est la chasse aux conscrits qui sont pourchassés par la police militaire :
18 juillet 1918 : « La chasse aux conscrits. Les autorités militaires ont commencé dans notre district la recherche des insoumis. Des contingents assez nombreux de soldats et de policiers sont déjà rendus aux Chutes de Shawinigan et à Grand-Mère où ils ont commencé leurs investigations. Ces jours-ci, une escouade opérait dans les environs de Ste-Anne de la Pérade, et un peu partout, on s’attend à leur visite. Certains même se demandent si l’on ira jusqu’à faire des recherches à domicile de nuit. Dans l’état d’énervement et de tension causé par la recherche des insoumis, un pareil procédé, s’il devient nécessaire, demandera infiniment de tact et de prudence, et il est à souhaiter qu’on ait recours à d’autres moyens. »

Les extraits sont tirés des Bases de données en histoire de la Mauricie.

dimanche 23 mars 2014

Sépulture d'un vétéran de la bataille de Québec

Selon l'officiant qui a rédigé son acte de sépulture, le 23 janvier 1822, John Ross de Maskinongé a participé à la bataille de Québec. Il faisait probablement référence à la bataille des Plaines d'Abraham qui s'est déroulée à Québec le 13 septembre 1759. Le cas échéant, Ross avait donc près de 90 ans au moment de son décès.

J'ai trouvé cet acte dans le registre de la Protestant Episcopal Congregation of Saint Antoine of the River du Loup (aujourd'hui Louiseville). Le défunt John Ross était un fermier né en Grande-Bretagne, habitant de la paroisse de Maskinongé depuis quarante ans, et autrefois sergent major du 78th régiment à la bataille de Québec.




Le 78th Fraser Highlanders, un régiment formé de soldats provenant des Highlands en Écosse, a participé à la prise de Louisbourg en 1758 et à celle de Québec en 1759. Ce régiment a été dissous en 1763 et plusieurs soldats sont demeurés dans la vallée du Saint-Laurent, se mêlant à la population locale. C'est d'ailleurs le seul régiment britannique à avoir été dissous en dehors de la Grande-Bretagne, parce que les Anglais craignaient que des Écossais entraînés au maniement des armes reviennent dans leur pays. Ils leur ont donc offert des terres dans leur nouvelle colonie du Canada, notamment à Maskinongé où quelques-uns d'entre eux se sont établis.

Reconstitution du 78th Hignlanders au Musée McCord à Montréal

John (William) Ross, qui se faisait parfois appeler Jean-Baptiste Ross, est l'ancêtre des Ross de la Mauricie. Il a épousé Marie-Louise Délpé-Sincerny le 7 juillet 1764 à Québec. Marie-Louise avait un huitième de sang algonquin par son arrière-grand-mère maternelle Marie Miteouamigoukoué, épouse de Pierre Couc. Ils ont eu au moins dix enfants à Maskinongé entre 1766 et 1795. Tous leurs enfants ont reçu des prénoms français et des baptêmes catholiques.

On trouve deux erreurs dans l'acte de sépulture présenté plus haut. Premièrement, John Ross était habitant de Maskinongé depuis près de 57 ans et non pas 40. Deuxièmement, selon les sources que j'ai consultées, il avait le grade de caporal dans le 78th Highlander et non celui de sergent major.

William Ross et James Ross qui ont marqué d'une croix l'acte de sépulture étaient les fils du défunt : Guillaume Ross né en 1768 et marié à Théotiste Dupuis, et Jacques Ross né vers 1774 et marié à Geneviève Grégoire.

dimanche 2 février 2014

D'un camp de concentration à l'autre

Cette histoire m'a été racontée  il y a longtemps. Je ne suis pas bien sûr des dates et les lieux.

Ma grande-tante Cléona Robitaille, une soeur missionnaire de l'Immaculée-Conception, est allée enseigner au Japon dès son entrée en religion, vers 1925. Au départ, cette mission devait durer toute sa vie. Elle y est restée une quinzaine d'années, jusqu'à l'entrée en guerre du Japon.

Avant l'attaque de Pearl Harbor, en décembre 1941, le gouvernement japonais a enfermé tous les missionnaires occidentaux dans des camps de concentration où ils sont restés prisonniers pendant quelques mois. Le Japon a ensuite décidé d'expulser les religieuses. Un bateau les a amenées vers une colonie britannique, je crois que c'était en Birmanie. Mais peu après, cette colonie a été envahie par les troupes japonaises et les religieuses ont été, de nouveau, enfermées dans un camp.


Une scène de City of life and death de Lu Chuan

Après leur libération, soeur Cléona Robitaille et ses compagnes sont allées se reposer dans une « clinique pour missionnaires fatiguées » au siège de la communauté.

Ses deux séjours dans des camps de concentration lui avaient laissé une sainte horreur du Japon. Mais comme elle était une des rares religieuses à parler japonais, sa communauté l'a quand même renvoyée enseigner dans ce pays après la guerre. Durant les années 1950-1960, elle nous expédiait des cadeaux : des éventails en papier de riz, des baguettes en ivoire incrustées de caractères japonais, des poupées en kimono.

Cléona était la fille de Nazaire Robitaille et d'Azéline Rondeau originaires de Saint-Jean-de-Matha. Sa famille a fait plusieurs séjours à Lowell dans le Massachusetts, où le père a travaillé dans une usine de ciment. Ils se sont installés sur une ferme à Saint-Mathieu, près de Shawinigan, vers 1914. Deux enfants, y sont morts de la grippe espagnole en 1919.


Cléona Robitaille avec ses frères et soeurs.


Au sujet de la famille Robitaille-Rondeau, voir aussi sur ce blog : Pierre Rondeau s'est noyé et Une ligne de vie.

vendredi 17 janvier 2014

Le salaire des bûcherons pendant la guerre 14-18



Au début du vingtième siècle, les bûcherons de la Batiscan, comme ceux des autre régions j'imagine, n'avaient pas de pouvoir de négociation parce que l'offre de main-d'oeuvre était trop abondante. Sauf pendant la guerre 14-18 alors que leurs salaires mensuels ont presque doublé. Voici ce qu'écrivait à ce sujet Roland St-Amand dans un mémoire de licence publié en 1966 :
« Généralement, vers la fin du XIXe siècle, on montait au chantier avec les premières neiges et on descendait avec la drave, donc un séjour de 7 mois. Un bon « engagé » pouvait « sortir du bois » avec une somme de 100,00$. Beaucoup d’ouvriers ne touchaient que de 7 à 10 dollars par mois. On comprend mieux l’exode de nos bûcherons vers les chantiers du Michigan dans ces années-là. Vers 1910, un maître-bûcheur sur la Batiscan pouvait toucher 40.00$ par mois de 26 jours de travail; le second-bûcheur selon son habileté et son allant gagnait de 20 à 30 dollars. Le charretier recevait environ 35,00$ par mois. Habituellement le « petit jobber » qui avait frappé un bon chantier réalisait 350.00$ dans son hiver; mais la moyenne ne faisait que de 150 à 175 dollars. Il n’était pas encore question de salaires minimums. Au cours de la Première Guerre mondiale, quand beaucoup de bûcherons se firent soldats ou qu’ils se cachèrent dans les bois comme « proscrits », le manque de main-d’oeuvre porta les salaires à 50 ou 55 dollars par mois; en 1917, la pénurie était telle que le salaire approchait 150 dollars par mois. Mais la guerre ne dura pas toujours; déjà vers 1921, on en était revenu à la piastre par jour de travail. Le travail à forfait débuta dans la Batiscan vers les années 1920-25 avec l’introduction du sciotte à cadre de fer (frame). Alors un maître-bûcheur pouvait « renfler ses gages » jusqu’à 2 dollars par jour. »


Référence :

Roland St-Amand, La Géographie historique et l’exploitation forestière du bassin de la Batiscan, Mémoire de licence (géographie), Québec, Université Laval, 1966: 86-87.

jeudi 12 septembre 2013

La fureur des Abénakises

Dans nos anciens manuels d'histoire du Canada, les méchants étaient toujours les Iroquois, ces «cruels et perfides» alliés des Anglais. On aimait les détester pour les raids qu'ils effectuaient dans la vallée du Saint-Laurent au cours desquels de nombreux colons ont été tués, mais c'était la guerre et il y a eu des morts des deux côtés.

Pour les Anglais de la Nouvelle-Angleterre, les méchants étaient plutôt les Hurons et les peuples de la famille algonquienne alliés aux Français. Les Anglais détestaient particulièrement, semble-t-il, les Abénakis dont le territoire chevauchait la frontière entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. L'Abénakis était l'Iroquois de l'Anglais - on est toujours l'Iroquois de quelqu'un chantait Sylvain Lelièvre.

Dans Apostolat missionnaire en Mauricie, publié aux Éditions du Bien public en 1952, l'auteur Yvon Therriault raconte l'attaque de la mission abénakise de Saint-François-du-Lac par un détachement américain lors de la guerre de conquête.


Le 13 septembre 1759, le général anglais Amherst donnait ses instructions au major Rogers qui commandait ce détachement de 200 Américains. Il lui ordonnait de tuer tous les guerriers abénakis, mais d'épargner les femmes et les enfants. Yvon Therriault présente une traduction de cette lettre de Amherst à Rogers (page 155) :


Suivant les instructions, le détachement du major Rogers a brûlé le village et tué une trentaine d'hommes. La plupart des guerriers abénakis étaient alors absents, engagés dans les rangs de  l'armée française.

Selon Therriault, qui cite un document des archives coloniales de l'État de New York, les hommes de Rogers ont ensuite été rattrapés par les Abénakis et les soldats français lancés à leurs trousses : « Une quarantaine furent mis à mort, dont une dizaine au camp même de Saint-François-du-Lac. On affirme que la fureur des femmes abénakises ne connut aucune pitié pour les dix prisonniers qu'on leur livra. »

mercredi 17 avril 2013

Messages du Maréchal Pétain

Maréchal Pétain, Messages, L'Oeuvre des tracts, no 259,  Imprimerie du Messager, Montréal, janvier 1941.

Est-ce que le clergé catholique appuyait le gouvernement de Vichy pendant la deuxième guerre mondiale ? On pourrait le croire en lisant cet opuscule publié à Montréal par L'oeuvre des tracts.

L'Oeuvre des tracts était un éditeur catholique montréalais contrôlé par les Jésuites. Elle a publié en janvier 1941 une brochure regroupant les principaux discours du Maréchal Pétain. Ces discours sont livrés sans commentaires, sinon une préface signée par l'Évêque de Lyon. 

Doit-on en conclure que l'Église catholique canadienne sympathisait avec le  fascisme ? Je crois plutôt que c'est la peur du communisme, ennemi juré de l'Église, qui a motivé cette publication. La propagande anticommuniste était la raison d'être de L'oeuvre des tracts (voir Le Bolchévisme nous menace sur ce blog).

Le vieux Maréchal appartenait à la vieille droite catholique française. Il avait mis en place un régime autoritaire et collaborait avec l'Allemagne pour, disait-il, assurer la survie de la « France éternelle ». Il croyait au caractère définitif de la victoire allemande.

La France était alors divisée en deux parties : Paris et le Nord occupés par les Allemands et la France dite « libre », au sud, dirigée par le gouvernement du Maréchal Pétain. Les Communistes français dominaient la résistance, tandis que De Gaulle s'était réfugié à Londres. Pour le clergé, l'alternative au gouvernement de Vichy était la prise du pouvoir par les Communistes.

L'oeuvre des tracts était une brochure mensuelle à caractère religieux publiée par l'École sociale populaire, une société de propagandistes sociaux dirigée par les Jésuites.

dimanche 14 avril 2013

Habitant ou soldat ?

Joseph-Elzéar Bellemare, Histoire de Baie-Saint-Antoine dite Baie-du-Febvre 1683-1911 avec annotations de M. B. Sulte, Imprimerie La Patrie, Montréal, 1911.

Benjamin Sulte (1841-1923)
Dans l'Histoire de Baie-du-Febvre publiée en 1911, Benjamin Sulte a annoté le texte écrit par l'abbé J.E. Bellemare, curé de la paroisse. Il en a profité pour faire valoir ses opinions sur les soldats et les coureurs des bois. Sulte, qui avait alors 70 ans, était lui-même un ancien militaire, fils de marin.

On lit parfois que nos ancêtres étaient des soldats du Régiment de Carignan-Salières qui ont épousé des filles du roi. C'est une exagération, une généralisation abusive, à laquelle Benjamin Sulte s'est attaqué, en exagérant lui aussi. Il faut dire qu'il avait l'habitude des jugements lapidaires, mais son commentaire n'est pas dépourvu de fondement :
On a dit que nos ancêtres étaient soldats ou fils de soldats. Il faudrait s'entendre sur le mot "soldat". Nos colons étaient tous cultivateurs. L'incurie du gouvernement français les a obligés à prendre les armes pour se défendre. Avec des soldats, on ne fait pas de cultivateurs, mais avec des cultivateurs, on fait des soldats. Nous ne sommes fils de soldats que parce que nos ancêtres ont été obligés de se battre. Aucun d'eux n'était venu ici les armes à la main, sauf à peu près 400 soldats de Carignan qui, tous, ont formé la classe des coureurs de bois la plus réprouvable, et non pas des habitants. (page 8)
Sulte avait raison de dénoncer l'incurie de la France face à l'insécurité qui régnait dans la colonie pendant les guerres franco-iroquoises, mais son opinion des soldats de Carignan était injuste. Je suppose qu'il avait en tête des exemples de soldats coureurs des bois particulièrement "réprouvables", selon son expression.

Trois classes de coureurs des bois

Sulte persiste, un peu plus loin (page 17), en distinguant trois classes de coureurs des bois :
  1. Les gens de sac et de corde qui avaient de bonnes raisons pour ne pas rentrer dans le Bas-Canada. Le régiment de Carignan parait en avoir fourni le plus grand nombre.
  2. Ceux qui y allaient par pur esprit d'aventure et qui y restaient.
  3. Nos habitants qui faisaient ces campagnes pour le bon motif et finissaient par fonder des familles.
Le mot habitant désignait les colons qui fondaient des familles et prenaient racine au pays, pour les distinguer des aventuriers et des gens qui étaient de passage, les soldats notamment. C'est de là que viennent le surnom du Canadien de Montréal et une marque de soupe en conserve bien connue. Plus tard, avec l'urbanisation, le terme a pris un sens péjoratif.

Nous verrons dans un prochain message comment Benjamin Sulte s'est contredit lui-même en faisant l'éloge du premier colon de Baie-du-Febvre, un soldat de Carignan, coureur des bois à ses heures.

mercredi 19 septembre 2012

Le prix du scalp


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C'était une tradition ancienne chez les Iroquois de scalper les vaincus pour conserver des trophées de guerre. Ils exhibaient les scalps sur des perches à l'entrée des villages.

Pendant les guerres coloniales, un marché du scalp s'est développé en Amérique du Nord. Les Anglais payaient les Iroquois pour des scalps de Hurons ou d'Algonquins, tandis que les Français payaient leurs alliés pour des scalps d'Iroquois.

En 1703,  le gouverneur de Québec, Monsieur de Callières, payait 30 livres en marchandises pour chaque scalp de guerrier iroquois qu'on lui apportait. Cette année-là, selon Tanguay, le métis Dubosq en aurait rapporté huit à lui seul (À travers les registres p. 91-95).

jeudi 19 mai 2011

La France éternelle


Une carte postale de propagande de la France de Vichy, sous l'occupation allemande. Elle montre le maréchal Philippe Pétain (1856-1951), alors chef auto-proclamé de l'État français, ainsi que son slogan : Suivez-moi, gardez votre confiance en la France éternelle. Cette phrase est extraite d'un message diffusé le 30 octobre 1940, dans lequel le vieux maréchal annonçait une politique de collaboration avec l'Allemagne nazie qui visait à assurer la survie de la France en tant que pays (la France éternelle). Pétain était convaincu du caractère définitif de la victoire allemande, mais l'Histoire lui a donné tort.

Voir aussi sur ce blog : Duplessis admirait-il Hitler ?

jeudi 10 février 2011

L'odeur de l'ennemi

On trouve sur le Blog de l'histoire une recension d'un livre intitulé L'odeur de l'ennemi, 1914-1918. Il traite du jugement négatif porté par les Français sur l’odeur des Allemands pendant la Première Guerre mondiale, une façon de déshumaniser l'ennemi. L’occupation allemande du Nord de la France, dès le début de la guerre, a ainsi pu être perçue par les témoins comme une occupation par l’odeur (celle d’une armée en opération), une « invasion olfactive ».

L'auteure Juliette Courmont présente les explications savantes du docteur  Edgar Bérillon qui était une autorité médicale et scientifique reconnue en 1914. Selon ce bon docteur :
l’odeur allemande » ne diffère pas selon qu’on est un homme ou une femme, un civil ou un militaire ; tout au plus peut-on percevoir, selon lui, une odeur de boudin plus marquée chez les bruns, et de « graisse rance » chez les blonds ! Comment explique-t-il alors cette odeur ? Par une maladie qui touche les Allemands, la « bromidrose plantaire » ! Cette maladie pourrait provenir de facteurs physiologiques (« un travail intestinal plus lent » dû à une longueur extrême des intestins, supérieurs de 3 mètres à ceux des Français), mentaux (« l’orgueil, la peur, la vanité »), héréditaires (accumulation des « tares prussiennes »). La maladie serait même aggravée par certains facteurs comme le port de bottes ou d’un casque à pointe imperméable ! 

On en rit aujourd'hui mais c'était très sérieux à l'époque. En 1915, Edgar Bérillon a soutenu cette thèse d'une différence d'odeur corporelle entre les Français et les Allemands devant l'Académie de Médecine de Paris . Il prétendait alors que : 
« l’Allemand, qui n’a pas développé le contrôle de ses impulsions instinctives, n’a pas cultivé davantage la maîtrise de ses réactions vasomotrices. Par là il se rapprocherait de certaines espèces animales chez lesquelles la peur ou la colère ont pour effet de provoquer l’activité exagérée de glandes à sécrétions malodorantes. »

Ces mêmes préjugés étaient véhiculés dans des caricatures, des cartes postales et différentes illustrations de l'époque :




Sur le même sujet, on trouve sur le site de la revue Quasimodo un article intitulé «Bouffer du Boche» : «Animalisation, scatologie et cannibalisme dans la caricature française de la Grande Guerre».

mercredi 20 janvier 2010

Le Lac du fugitif

On trouve au Saguenay, dans la Zec de l'Anse-Saint-Jean, le Lac du Fugitif ainsi nommé parce que des jeunes gens qui fuyaient la conscription allaient s'y cacher pendant la première guerre mondiale (1914-18). Il est situé au sud du Lac du Volontaire et du Lac des Conscrits. Ça ne s'invente pas!