dimanche 23 mars 2014

Portages et routes d'eau en Mauricie

Harry Bernard, Portages et routes d'eau en Haute-Mauricie, Collection "L'Histoire Régionale" no 12 ou 13, Éditions du Bien Public, Les Trois-Rivières, 1953, 237 pages.

Portage et routes d'eau est un recueil de textes écrits par le journaliste, romancier et naturaliste Harry Bernard (1897-1979). Ces vignettes, qui datent de différentes époques et avaient déjà été publiés dans des revues, ont été rassemblées à la demande d'Albert Tessier qui dirigeait la collection L'Histoire Régionale aux Éditions du Bien Public.

La préface du livre commence ainsi : « Il y a en l'homme d'aujourd'hui un primitif qui sommeille. Il lui faut avoir été séparé de la nature pour qu'il l'apprécie


1. Un livre d'occasion un peu défraîchi ...

Je dois dire que ce livre fut d'abord une déception pour moi. J'avais cru, d'après le titre, qu'il traitait des anciennes routes d'eau empruntées par les Amérindiens et les coureurs des bois en Haute-Mauricie. Or, il s'agit plutôt de récits d'excursions effectuées par l'auteur dans la région à la fin des années 1940. Mais ces récits ne manquent pas d'intérêt.

Le travail en forêt

Harry Bernard ne précise pas l'époque de son expérience du travail en forêt, mais certains indices permettent de la situer avant la deuxième guerre mondiale. Dans son texte, on bûche du sapin et de l'épinette que l'on découpe en pitounes (billots de quatre pieds) pour ensuite les acheminer par voie d'eau jusqu'aux usines de pâte et papier de Shawinigan et de Trois-Rivières. Il y a des camions et des automobiles dans les chantiers, mais le cheval est encore utilisé pour sortir les troncs d'arbre de la forêt. Le principal outil du bûcheron est la sciotte  :
« L'outil par excellence est une scie légère, le bucksaw des Anglais, qu'un homme manie d'un bras. Elle affecte la forme d'un arc grossier, dont le manche serait la poignée et la lame, la corde. Les Canadiens-français ont trouvé un nom à cette scie nouvelle. C'est la sciote, et le substantif forme le verbe scioter. Les hommes sciotent du matin au soir à travers le bois. Chaque arbre se coupe à douze pouces du sol. À la hache, le bûcheron entaille le tronc, du côté où il tombera, et la sciote achève la besogne meurtrière. »
Le début de la mécanisation du travail en forêt date des années 1940-1950, ce qui situerait l'expérience de Bernard dans les années 1930 ou au début des années 1940.

Il est intéressant de faire un parallèle avec l'ouvrage de Pierre Dupin intitulé Anciens chantiers du Saint-Maurice et publié dans la même collection L'Histoire régionale (voir La diète des bûcherons et Les portageux sur ce blog). Dupin racontait la vie de chantier vers 1875. Les méthodes de travail et les conditions de vie étaient alors très différentes :
  • Vers 1875, le principal outil du bûcheron était la hache de cognée. Le godendard, une grande scie maniée par deux hommes, servait ensuite à découper le tronc en billots de douze pieds. L'essence recherchée était le pin blanc pour la construction navale.
  • Aussi, on constate que les conditions de vie des bûcherons décrites par Bernard - le logement, l'hygiène et la nourriture - étaient devenues bien meilleures que celles observées quelque soixante ans plus tôt.
En ce qui concerne l'origine sociale et géographique des bûcherons, Bernard mentionne qu'il en vient de partout, mais que les meilleurs sont les cultivateurs et leurs fils qui, « leurs travaux d'automne terminés, montent dans le bois pour gagner l'argent qui permettra de boucler le budget familial. »

 2. Qui se vendait deux dollars en 1953 ... 

Être naturaliste en 1950

L'auteur a effectué plusieurs expéditions en canot d'aluminium sur les routes d'eau de la Haute-Mauricie entre 1948 et 1950 . Lors d'un de ces voyages, le naturaliste déplore la destruction de la faune autour du village amérindien de Weymontachingue : « Ils ont tout détruit, tout tué. Tout se mange et tout se vend et ils n'ont rien épargné. Il n'y a nulle part une piste d'ours, ni une frayure d'orignal, ni une rongure de castor. On ne voit pas une trace de vison, ni de loutre, ni une crotte de rat musqué. »

Le soir, pour se protéger des maringouins et autres moustiques, Bernard et ses compagnons aspergent les parois de leur tente de DDT, un insecticide qui sera plus tard reconnu cancérigène et retiré du commerce : « Nous n'avions pas pris la précaution, ce soir-là, de parfumer au DDT l'entrée et les parois de notre logis, trop rendus à bout que nous étions, ne sachant d'ailleurs à quel endroit précis reposait le vaporisateur. »

Jamais personne ne vit autant de guêpes qu'à l'été 1950 dans les hauts mauriciens : « Vu la rareté de la nourriture normale, amenée par leur multitude ou d'autres raisons, les guêpes étaient carnassières à l'égal des oiseaux rapaces ou des grands fauves. Elles se gorgeaient de sang, de viande, de poisson, selon le cas. C'était un problème que d'apprêter un poisson pour le dîner. On n'avait pas le temps de lever la moitié d'un filet que des douzaines d'insectes se précipitaient sur la chair mise à nu. Elles en détachaient une parcelle et s'envolaient, la tenant entre leurs mandibules

Harry Bernard et ses compagnons avaient la gâchette facile pour des naturalistes. Ils tenaient les ours responsables du déclin de la population d'orignal et les abattaient à vue : « Comme il arrivait au terme de son trajet, il aperçut soudain devant lui, à cinquante pieds, un ours qui furetait ça et là, cherchant à manger et qui ne l'avaient ni vu ni entendu, le vent soufflant dans la direction de l'homme. Pierre ne réfléchit pas longtemps. Il se libéra de son fardeau, mis l'animal en joue et lui logea une balle en plein crâne. »

Comment se débarrasser d'une souris importune : « Une autre, découverte dans une armoire, fut tuée d'une balle qui mit fin à ses déprédations. Caractéristique de l'espèce, elle avait le ventre blanc-crème, des yeux trop grands et de larges oreilles. »

La pêche sportive quand on est pressé : « L'appât toucha l'eau deux fois sans résultats. À la troisième, un brochet se ferra, qui déroula cent-cinquante pieds de corde dans le temps d'un clin d'oeil. Il se fit prier d'abord, pour accepter de nager en direction du canot ... Puis Campeau l'approcha et Scott lui coupa l'enthousiasme batailleur de deux balles de 22. »

Comment faire du feu quand il pleut : « Nous cherchons de vieilles racines, diamètre d'un pouce ou deux, que la pluie ne pénètre qu'en surface. On enlève la partie mouillée et le bois est prêt. C'est là un truc d'Indien. »

3. Un cadeau de Pauline "votre petit rayon de soleil".


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