lundi 22 juillet 2013

L'origine de La Bonne Chanson

Pour la plupart des gens, La Bonne Chanson est un petit recueil des 100 plus belles chansons de l'abbé Gadbois que l'on retrouvait autrefois dans toutes les bonnes familles canadiennes-françaises. Ce recueil a été réédité à maintes reprises depuis les années 1940. On en trouve encore dans les librairies une édition qui date de 1982.

Une édition récente (1982)


L'abbé Gadbois n'a pas inventé le concept de La Bonne Chanson qu'il a diffusé au Canada français à compter de 1937. Il existait déjà en France depuis 1900 une revue portant ce titre qui était publiée par le régionaliste breton Thédore Botrel.

En diffusant au Québec des chansons puisées essentiellement dans le répertoire français traditionnel, Gadbois poursuivait les mêmes objectifs que Botrel : promouvoir la chanson française face à l'invasion de la musique américaine et détourner les fidèles des oeuvres modernes jugées malsaines. Comme le soulignait si justement Jean-Nicolas de Surmont, l'on ne retrouve pas dans La Bonne Chanson la Valentine chantée par Maurice Chevalier dans les années folles :
Elle avait des tout petits petons, Valentine, Valentine
Elle avait des tout petits tétons
Que je tâtais à tâtons, Ton ton tontaine
Elle avait un tout petit menton, Valentine, Valentine
Outre ses petits petons ses petits tétons son petit menton
Elle était frisée comme un mouton

Gadbois voulait donc promouvoir la chanson française mais pas n'importe laquelle. Les considérations morales l'emportaient toujours sur la mission culturelle. Il pouvait aller jusqu'à altérer les paroles des chants traditionnels pour les rendre conformes à sa conception des bonnes moeurs. Le folkloriste québécois Marius Barbeau lui en a d'ailleurs fait le reproche.

Marius Barbeau en 1942 (Wikipédia)

La Bonne Chanson, sous forme de feuillets de musique, était d'abord destinée aux élèves du Séminaire de Saint-Hyacinthe où l'abbé Gadbois enseignait. Puis, il les a regroupés, en 1938, dans des cahiers de cinquante chansons chacun qui ont été vendus comme livres de l'élève dans les écoles du Québec, de l'Acadie et de la Nouvelle-Angleterre. C'est donc l'appui du réseau de l'éducation, alors contrôlé par le clergé catholique, qui a permis la première grande diffusion de La Bonne Chanson. À partir de là, l'oeuvre de Gadbois est devenue une véritable industrie avec des disques, une station de radio (CJMS pour Canada Je me souviens), des recueils de chansons de Noël et autres produits dérivés.

Voir à ce sujet :
-Jean-Nicolas De Surmont, Les conditions de production et de circulation de l'oeuvre de La Bonne Chanson de Charles-Émile Gadbois, Les cahiers de l'Association pour l'avancement de la recherche en musique au Québec, no 16, p65-78.
- La thèse de maîtrise d'Helégouarch Solenn intitulée De la Bretagne au Québec : le succès de Théodore Botrel (1868-1935), chansonnier breton. Université de Montréal, 2010.
- Une exposition virtuelle du Centre d'archive de Saint-Hyacinthe sur La Bonne Chanson.

Voir aussi sur ce blog : C'est l'aviron.

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