vendredi 12 juillet 2013

Les esclaves blancs

Marie-Louise Bonin, Débuts de la colonie franco-américaine de Woonsocket Rhode Island, Lakeview Press, Framingham Massachusetts, 1920, 342 page.

Dans cet ouvrage qui retrace les débuts de la ville de Woonsocket dans le Rhode Island,  Marie-Louise Bonier  décrit les conditions de travail pénibles des enfants qui étaient à l'emploi des premières manufactures de coton, au début du XIXe siècle. C'était avant l'arrivée des travailleurs Irlandais et Canadiens français, à une époque où les emplois dans ces premières usines étaient occupés par des Américains de la Nouvelle-Angleterre. 

Dans les années qui ont précédé la guerre de Sécession, les journaux de la Nouvelle-Angleterre déploraient les conditions de travail pénibles des esclaves noirs dans les plantations de coton du Sud des États-Unis. Les journaux du Sud rétorquaient que les conditions de vie des «esclaves blancs» qui travaillaient dans les manufactures de coton du Nord n'étaient guère meilleures.

Marie-Louise Bonin rapporte le témoigange d'un industriel de Woonsocket, Stephen A. Knight, à ce sujet. Ce dernier racontait dans le Providence Journal sa première expérience de travail dans une manufacture de coton alors qu'il était enfant :
«Au printemps de 1835, n'ayant pas encore sept ans, je fus embauché dans une manufacture de Coventry, R.I., comme bobbin boy ou back boy. Cet âge si tendre était l'âge moyen des débutants. La mentalité de l'époque n'y trouvait rien à redire... 

Mon salaire de bobbin boy était de quarante-deux sous par semaine pour une moyenne de quatre-vingt-quatre heures de travail, soit quatorze heures par jour. Je ne gagnais donc que qu'un demis-sou par heure.

La main-d'oeuvre n'était payée que quatre fois l'an. La manufacture ayant un magasin pour fournir les objets et vêtements nécessaires aux ouvriers, le montant des achats de chacun d'eux était retenu sur les gages au jour de la paye.

Voici quelles étaient les heures de travail : 5h15 du matin, entrée à la manufacture; 7h30, déjeuner; 8h, continuation du travail; 12h, dîner; 12h45, travail jusqu'à 7h30 du soir... il ne restait aucun temps pour l'école. La plupart des enfants apprenaient à lire aux écoles du dimanche (Sabbath school).

La cloche de la manufacture était la seule nécessaire dans le village. Elle dirigeait la vie de l'ouvrier du lever au coucher.»
Après avoir lu ce témoignage, on se demande pourquoi les gens acceptaient-ils de travailler dans ces conditions ? Peut-être bien parce que les conditions de vie des paysans étaient encore plus pénibles. Par ailleurs, la situation que Knight décrivait n'était pas vraiment différente de celles que l'on retrouvait dans les «company towns» de ce côté-ci de la frontière. Je pense aux hameaux dont la population étaient dépendante d'un moulin à scie à La Gabelle ou à Hunerstown en Mauricie.

Aucun commentaire: