Modifié le 17 mars 2014
C'est le troisième article que je consacre aux circonstances de la noyade de John Head, le fils du gouverneur général du Canada, en 1859. Celui-ci porte sur Toussaint Bellemare qui a plongé dans l'eau froide de la rivière pour ramener le noyé sur la rive. Il est devenu une célébrité sur le Saint-Maurice. Grand chasseur, nageur et guide de canots, un personnage que l'on ne devine pas en consultant les registres et les recensements.
Le récit de Gérin
Dans Deux voyages sur le Saint-Maurice, publié en 1889, Napoléon Caron racontait que M. Toussaint Bellemare avait repêché le corps du fils du gouverneur général Lord Edmund Head, noyé dans la rivière Saint-Maurice près de la chute de Grand-Mère. Il tenait cette information d'un autre récit de voyage sur le Saint-Maurice publié en 1872 par E. Gérin dans La Revue Canadienne :
C'est le troisième article que je consacre aux circonstances de la noyade de John Head, le fils du gouverneur général du Canada, en 1859. Celui-ci porte sur Toussaint Bellemare qui a plongé dans l'eau froide de la rivière pour ramener le noyé sur la rive. Il est devenu une célébrité sur le Saint-Maurice. Grand chasseur, nageur et guide de canots, un personnage que l'on ne devine pas en consultant les registres et les recensements.
Le récit de Gérin
Dans Deux voyages sur le Saint-Maurice, publié en 1889, Napoléon Caron racontait que M. Toussaint Bellemare avait repêché le corps du fils du gouverneur général Lord Edmund Head, noyé dans la rivière Saint-Maurice près de la chute de Grand-Mère. Il tenait cette information d'un autre récit de voyage sur le Saint-Maurice publié en 1872 par E. Gérin dans La Revue Canadienne :
« À deux lieues au-dessus des Piles nous souhaitons le bonjour, en passant, à Toussaint Bellemare. Toussaint Bellemare est une des célébrités du St. Maurice. Il n'a pas de supérieur comme chasseur, comme nageur ou comme guide de canots. C'est lui qui retira de l'eau le corps du fils du Gouverneur Head lorsque cet infortuné jeune homme se noya à la Grand-Mère. Un sauvage était parvenu à trouver du bout d'une perche l'endroit où il gisait au fond de la rivière, mais c'est Bellemare qui, plongeant hardiment, rapporta sur le rivage le fils du représentant de notre souveraine.
Cette famille de Bellemare est presque toute employée dans le St. Maurice. On en retrouve quelques-uns à la Rivière-au-Rat ; d'autres sont employés de la Compagnie de la Baie d'Hudson. »
La nuit tous les chats sont gris
Ce cas illustre bien les limites de la recherche généalogique basée sur l'examen des registres paroissiaux et des recensements. Ces sources ne nous disent rien sur la personnalité des gens. Il faut trouver d'autres documents pour mettre un peu de chair autour de l'os, mais ces autres sources sont rarement disponibles.
Ce que l'on sait de Toussaint Bellemare
Toussaint Bellemare est né à Trois-Rivières en 1813. Il n'était donc plus un jeune homme lorsqu'il a plongé dans le Saint-Maurice pour repêcher le corps de John Walker Head en 1859. Il a épousé Françoise Saint-Laurent le 17 janvier 1839 à Trois-Rivières. À son mariage, il était dit journalier, fils de René Bellemare journalier et de Marguerite Doucet.
Toussaint Bellemare et sa famille ont remonté la rivière Saint-Maurice en suivant les progrès de la colonisation. Au recensement de 1852, le couple et ses cinq enfants résidaient au fief Saint-Étienne situé au nord de Trois-Rivières. Ils y étaient encore en avril 1860.
Au recensement de 1861, on les retrouve dans le sous-district « chantiers » au nord du comté de Champlain (cherchez Belleman dans le recensement). Ce territoire comprenait vraisemblablement les établissements sur le Saint-Maurice au nord de la paroisse de Sainte-Flore. Toussaint est dit cultivateur et la population qui l'entoure est constituée d'hommes de passage : des «foremen», des «labourer» dont la résidence est située en dehors du sous-district, probablement des bûcherons. L'endroit était donc relativement isolé.
Il y avait des cultivateurs parmi les bûcherons pour produire le foin nécessaire à l'alimentation des chevaux utilisés pour sortir les billots de la forêt. Le foin valait une fortune dans les chantiers du Saint-Maurice à cause des coûts de transport élevés. Il était donc rentable de produire localement les graminées fourragères peu exigeantes en matière de sol et de climat.
En 1871, la famille a été recensée, sous le nom de Belmar cette fois-ci, dans un sous-distict du comté de Champlain nommé Mékinac, toujours sur une ferme. Je crois que le « Mékinac » de 1871 correspond grosso modo au sous-district « Chantiers » de 1861. René Bellemare, le père de Toussaint âgé de 90 ans habite avec eux. Il y a deux autres couples mariés sous ce toit : leurs fils Pierre et René ont des épouses mais pas d'enfants. Trois filles célibataires : Marie (29 ans), Élise (19 ans) et Augustine (12 ans). Françoise Saint-Laurent, épouse de Toussaint Bellemare a eu son dernier enfant à l'âge de 46 ans.
Le lieu-dit La Pêche
En novembre 1870, Toussaint Bellemare a présenté une pétition au parlement de Québec. J'ignore le sujet de cette pétition, mais le recueil des Journaux de l'Assemblée nationale (volume 4) indique que Bellemare était de l'endroit appelé "La Pêche" sur la rivière Saint-Maurice.
Toussaint Bellemare est décédé le 11 juillet 1876. Ses funérailles ont eu lieu à Sainte-Flore, paroisse voisine des Piles. L'officiant a noté dans le registre que Toussaint était mort à la Pêche, Rivière Saint-Maurice à l'âge de soixante et onze ans.
Il est décédé, non pas alors qu'il pêchait sur le Saint-Maurice comme certains l'ont cru, mais plutôt en un lieu-dit La Pêche sur le Saint-Maurice. Par ailleurs, le curé de Sainte-Flore l'a vieilli de huit ans. Né en 1813, Toussaint avait 63 ans et non pas 71 lors de son décès.
Tout porte à croire que ce lieu-dit La Pêche était situé à l'embouchure de la Rivière à la Pêche sur le Saint-Maurice. C'est probablement à cet endroit que Gérin a visité Toussaint Bellemare vers 1871, deux lieues (environ dix kilomètres) au-dessus des Piles. L'étiquette Sur le Saint-Maurice pouvait signifier qu'il n'y avait par d'autre route que la rivière pour s'y rendre.
On trouve au nord de Saint-Jean-des-Piles, sur la rive Ouest du Saint-Maurice, l'embouchure de la rivière à la Pêche qui prend sa source dans le lac du même nom. Les résidents de cet endroit ont été expropriés lors de la création du Parc national de la Mauricie en 1970. Cette carte du parc montre le secteur de la rivière à la Pêche dans l'encadré en haut à droite.
Carte du secteur Rivière-à-la-Pêche du Parc national de la Mauricie |
À la fin du XIXe siècle, les colons installés à cet endroit et plus haut sur les deux rives du Saint-Maurice étaient rattachés à la mission de Mékinac, un mot algonquin qui signifie tortue. Sur son site web, la municipalité de Saint-Roch de Mékinac présente un bref historique qui comporte le passage suivant :
« La prise de possession des terres progressa très lentement. Les colons peu nombreux s’étaient éparpillés à partir de la Pointe-à-la-Mine jusqu’à Rivière Mattawin sur la rive est, et la rive ouest à partir de la rivière La Pêche jusqu’en face du lac Caribou. »
Merci à André Hamel qui m'a beaucoup aidé dans cette recherche.
Note : Il n'y a pas de lien de parenté proche entre Toussaint Bellemare et le coloré ministre de l'Union Nationale Maurice Bellemare, qui fut conseiller municipal à Saint-Jean-des-Piles après son retrait de la politique provinciale.
4 commentaires:
La Pêche? Ne pourrait-il pas s'agir d'un établissement dans le secteur de l'embouchure de la Rivière-La-Pêche à plusieurs km en amont des Piles. Il y avait des résidents sur cette rive du St-Maurice maintenant annexée au Parc de la Mauricie.
Il y eut, une centaine d'années plus tard, un autre Bellemare célèbre dans ce même coin de pays et dont vous vous souvenez sûrement: Maurice. Y avait-il un peu de Toussaint chez Maurice?
Je viens de trouver Toussaint Belmar, sa Françoise et ses enfants, dans le recensement de 1871 dans Champlain Nord, district de Mékinac, avec des Morris, les Olscamps, des Dontigny, des Cadorette, des Lacombe et bien d'autres. Il est possible que Mékinac comprit alors le secteur de Rivière-la-Pêche puisque le sous-district semblait s'étendre de Ste-Flore à La Bostonnais (oups!)
http://data2.collectionscanada.ca/1871/pdf/4395550_00154.pdf
Il était déjà là en 1861:
http://data2.collectionscanada.gc.ca/1861/pdf/4108684_00405.pdf
On le dit "cultivateur".
On est toujours dans Champlain et sous-district, cette fois, est "chantiers" et semble correspondre à tout ce qu'il y a au Nord de Ste-Flore. Il y a erreur dans la transcription du nom sur archives Canada. On écrit Belleman au lieu de Bellemare.
André H.
Me revoilà! J'ai trouvé quelque chose d'intéressant sur le site de la municipalité de Saint-Roch-de-Mékinac.
http://strochdemekinac.com
Il y est notamment écrit:
"La prise de possession des terres progressa très lentement. Les colons peu nombreux s’étaient éparpillés à partir de la Pointe-à-la-Mine jusqu’à Rivière Mattawin sur la rive est, et la rive ouest à partir de la rivière La Pêche jusqu’en face du lac Caribou."
Voilà qui irait dans le sens de ma première hypothèse sur le lieu-dit "La Pêche".
Je m'arrête ici et vous laisse le plaisir de poursuivre si le coeur vous en dit.
André H.
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