Avoir un ancêtre bâtard était autrefois une honte, c'est aujourd'hui un amusement, presque une fierté. Pour le généalogiste, ce peut être un obstacle insurmontable si l'identité du père n'est pas connue.
Un de mes ancêtres, Jacques Crevier dit Saint-Jean (Sosa 700) était un « enfant naturel », ce qui signifie que son père et sa mère n'étaient pas mariés ensemble au moment de sa conception. C'est le sens que l'on donnait autrefois au mot bâtard : un enfant conçu hors des normes sociales. Si l'un de ses parents avait été marié, on l'aurait qualifié d' « enfant adultérin » selon la terminologie du droit ancien. De nos jours, avec la baisse de taux de nuptialité, la moitié des enfants naissent hors-mariage et ces termes anciens ne sont plus guère utilisés.
Le baptême
Jacques a été baptisé sous le nom de Bonin le 8 octobre 1707 à Varennes. Il était le fils de Jacques Bonin et de Marie-Rose Prévost. Dans l'acte de baptême qui suit, le curé Claude Volant de Saint-Claude n'a pas fait mention de l'illégitimité de l'enfant, mais n'a pas écrit les mots habituels « du légitime mariage » Par contre, l'officiant a inscrit le nom du père, ce qui signifie que son identité était de notoriété publique.
Le père Jacques Bonin
L'enfant a reçu non seulement le nom, mais aussi le prénom de son père biologique, ce qui me porte à croire que les parents étaient en bons termes. Rien n'indique que le père était présent lors du baptême, mais les convenances ne l'auraient peut-être pas permis. Jacques Bonin père n'a pas laissé d'autre trace en Nouvelle-France que ce fils. On ne trouve aucune autre mention de lui ni avant, ni après le baptême. Il est peut-être retourné en France.
Parmi les six autres Bonin qui ont immigré en Nouvelle-France, trois étaient originaires de La Rochelle et un de la Saintonge voisine. On sait que beaucoup de huguenots ont émigré de cette ville après la révocation de l'édit de Nantes en 1685. Si Jacques Bonin avait été protestant, s'il avait fui les
persécutions religieuses en France, aurait-il pu épouser Rosalie Prévost
sans abjurer sa foi ? Ou bien était-il déjà marié en France ? Ce ne sont que des hypothèses, bien sûr.
La mère Rosalie Prévost
Marie-Rose ou Rosalie était âgée de 19 ans à la naissance de son fils. Elle était la fille d'Eustache Prévost, un soldat du régiment de Carignan, et d'Élisabeth Guertin. Cette dernière a aussi eu un enfant naturel, ou plutôt adultérin, avec un dénommé Jacques Hubert marchand de fourrures, en 1678. C'était donc une tradition familiale. Je crois que le mari était alors voyageur dans les Pays-d'en-Haut. On en vient à douter de la validité de nos tableaux d'ascendance !
Rosalie Prévost épousera Jean Crevier dit Saint-Jean le 31 mai 1713 à Montréal. Ils auront douze enfants ensemble. Le petit Jacques adoptera alors le patronyme de son beau-père : Jacques Bonin deviendra Jacques Crevier. Il perdra ainsi sont étiquette de bâtard. Plus tard, à son mariage avec Thérèse Prud'homme le 23 octobre 1737 à Saint-Sulpice, Jacques est dit fils de Jean Crevier et de Rosalie Prévost habitants de la coste St-Michel. Son père adoptif et son demi-frère Jean-Baptiste sont présents au mariage.
Comment nommer un bâtard ?
Anciennement, certains généalogistes l'ont identifié sous le patronyme de Prévost, celui de sa mère, même s'il a été baptisé Bonin. Je suppose qu'ils ne pouvaient accepter, pour des raisons d'ordre moral, qu'un enfant reçoivent le nom d'un homme qui n'est pas l'époux de sa mère. D'ailleurs, le curé de Varennes a peut-être erré en 1707 en baptisant un enfant naturel sous le nom de son père biologique. L'usage était plutôt, je crois, de donner le patronyme de la mère ou pas de patronyme du tout.
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