dimanche 4 mars 2012

Les pins de Nicolet

Le poète et conteur  Louis Fréchette (1839-1908) est né à Lévis, en face de Québec, sur la rive sud du Saint-Laurent. Il a d'abord fréquenté le séminaire de Québec puis, brièvement, l'institut de La Pocatière dans le Bas-du-fleuve. Je crois avoir lu quelque part qu'il s'était fait mettre à la porte du séminaire de Québec pour indiscipline. Il a ensuite étudié au séminaire de Nicolet pendant deux ans, en 1859 et en 1860. Il y avait seulement trois collèges classiques au Bas-Canada à cette époque : Québec, Nicolet et Montréal. Le choix était donc limité.

Fréchette était considéré comme un très bon élève à Nicolet, mais il n'a pas complété son cours classique. Il a abandonné ses études après la Rhétorique, soit l'équivalent de Collège 1 aujourd'hui, alors qu'il lui restait encore deux années à faire avant d'être admis à l'université :  la Philo 1 et la Philo 2. En raison de son parcours irrégulier, il était de deux ans plus âgé que ses confrères de classe.

Il a conservé un fort attachement au collège de Nicolet qu'il considérait comme son alma mater. Il s'est lié d'amitié avec le grand vicaire Thomas Caron qui deviendra plus tard le supérieur du collège.

Féchette a regroupé ses oeuvres de jeunesse dans un premier recueil intitulé Mes loisirs qui a été publié à Québec en 1863.  Trois poèmes de ce recueil font allusion à son séjour à Nicolet : 
  • Alleluia, un hommage à l'abbé Thomas Caron, 1859;
  • Un soir au bord du Lac Saint-Pierre, Souvenir de Nicolet, 1860;
  • Les pins de Nicolet, dédié à Mademoiselle M.C.,1861. 
Les pins de Nicolet est inspiré d'une pinède qui était située près du collège sur le bord de la rivière Nicolet. Cette pinède est maintenant disparue. Le boisé a été emporté par un glissement de terrain le 12 novembre 1955. On trouve le récit de cet événement dans le numéro 82 de la revue Cap-aux-Diamants : « À la place du parc des Pins, qu'avait chanté Louis Frechette, il ne restait plus qu'un vaste cratère d'environ 7 à 10 mètres de profondeur, 145 mètres de largeur et 200 mètres de longueur »

Au dix-huitième vers du poème Les pins de Nicolet, le narrateur entend « Ever of Thee! », chanté par une voix féminine. « Ever of Thee! » est le titre d'une chanson populaire américaine composée en 1858. On peut l'entendre sur Youtube interprétée par la contralto Sophie Braslau.  Je suppose que les étudiants du collège de Nicolet connaissaient cette chanson. C'était avant l'invention du phonographe, mais les partitions des chansons populaires étaient commercialisées.


Les pins de Nicolet

Ô mes vieux pins touffus, dont le tronc centenaire 
Se dresse, défiant le temps qui détruit tout, 
Et, le front foudroyé d'un éclat de tonnerre, 
Indomptable géant, reste toujours debout! 
J'aime vos longs rameaux étendus sur la plaine, 
Harmonieux séjours, palais aériens,
Où les brises du soir semblent à chaque haleine 
Caresser des milliers de luths éoliens. 
J'aime vos troncs rugueux, votre tête qui ploie
Quand le sombre ouragan vous prend par les cheveux, 
Votre cime où se cache un nid d'oiseau de proie, 
Vos sourds rugissements, vos sons mystérieux. 
Un soir, il m'en souvient, distrait, foulant la mousse 
Qui tapisse en rampant vos gigantesques pieds, 
J'entendis une voix fraîche, enivrante, douce, 
Ainsi qu'un chant d'oiseau qui monte des halliers. 
Et j'écoutai rêveur... et la note vibrante
Disait : Ever of thee! - C'était un soir de mai; 
La nature était belle, et la brise odorante... 
Tout ainsi que la voix disait : aime! ... et j'aimai ! 
O mes vieux pins géants, dans vos concerts sublimes, 
J'ai souvent retrouvé ce divin chant d'amour
Qui résonne toujours dans mes rêves intimes, 
Et votre souvenir dore mon plus beau jour. 
Puissé-je, un soir encor, sous vos sombres ombrages, 
Rêver en écoutant vos soupirs amoureux
Ou vos longues clameurs, quand l'aile des orages 
Vous secoue en tordant vos bras majestueux! 
Malheur à qui prendra la hache sacrilège
Pour mutiler vos flancs par de mortels affronts!... 
Mais non ! ô mes vieux pins ! le respect vous protège, 
Et des siècles encor passeront sur vos fronts.
 1 Juin 1861

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