mardi 8 janvier 2013

Le dernier des hommes

Le 5 février 1857,  L'Écho du Saint-Maurice de Trois-Rivières a publié un article humoristique à propos  de la mode féminine de l'époque qui mettait en valeur des robes bouffantes soutenues par d'énormes crinolines. 

Caricature de Georges Cruikshank parue en 1850.

Le journal s'excusait d'avance auprès des belles lectrices, une façon sans doute de piquer leur curiosité. Voici donc le texte :

« Belles lectrices trifluviennes permettez-vous à L'Écho du Saint-Maurice de vous raconter un rêve qui mérite sûrement considération de votre part. Vous lui permettez, n'est-ce pas ? Oui, je vous entends toutes dire en choeur. Si donc ce récit blesse vos inclinations, ne vous choquez pas contre une feuille à qui vous avez donné une permission bénévole dont elle profite. C'est une tête américaine qui a engendré ce rêve, nous allons lui laisser raconter. Attention, belles lectrices.

Hier, dans le calme et le silence de la nuit, j'eus un rêve, un rêve terrible, qui me fit dresser les cheveux sur la tête comme les piquants d'un hérisson. Il me sembla que les jupons prenaient de gigantesques proportions et que sous la voute des cieux ils ne laissaient plus de place pour l'homme. Les bêtes et toutes les créatures rampantes étaient mortes. Plus de fleurs, les plantes et les herbes du printemps s'étaient flétries. Les crinolines enveloppaient la terre dans un linceul de dix-millions de lieux ; et sur la scène froide et désolée n'arrivait plus un seul rayon de soleil. Sur le sommet voilé du mont Ararat, le dernier homme s'était réfugié ; il se tenait là pâle, effaré, triste reste d'une race éteinte. En vain hélas ! en vain son pied cherchait-il l'antique appui de la terre maternelle, les jupons couvraient toutes les plaines et leurs nuages dérobaient les montagnes de leurs plis. Les blanches sphères grandirent encore, montant vers le haut sommet, dérobant et couvrant l'infortuné comme des drapeaux de neige. L'homme alors sonda le précipice du regard ; il jeta un dernier cri de désespoir, "Place aux crinolines" s'écria-t-il, et il plongea dans l'abime. »

La caricature provient d'English Wikipedia. Elle a été publiée originellement dans le Comic Almanach de 1850.

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