Ah, mon cher mary, tu m'as tuée.
Jacques Daniau fils, âgé de 49 ans et habitant du fief de Nicolet, a été accusé d'avoir tué sa femme d'un coup de fusil. Je n'ai pas retrouvé la date de l'incident, mais la victime Thérèse Dupuis a été inhumée le 14 octobre 1731 à Trois-Rivières. Elle avait environ 30 ans selon le célébrant. Notez la différence d'âge avec le mari. Le couple avait quatre enfants : Josephte (7 ans), François (6 ans), Ignace (4 ans) et Madeleine (22 mois).
Le procès a eu lieu le 19 janvier 1732 à Trois-Rivières, au terme duquel Daniau a été relâché de prison pour avoir commis un meurtre involontaire et «arrivé par malheur qu'il n'a pas pu prévoir». Le procureur général n'a pas cru à l'accident et a interjeté appel du jugement devant le Conseil supérieur de Québec, mais le Conseil a confirmé le jugement de la première instance. Daniau a ensuite été assigné à domicile chez lui à Nicolet en attente d'une décision relativement à sa demande de rémission (pardon).
On trouve une abondante documentation sur cette affaire dans la banque PISTARD des BANQ et sur le site Instrument de recherche en ligne (IREL) des Archives nationales de France. Voici un extraits de la demande de rémission datée du 19 janvier 1733 qui explique bien les circonstances du décès de Thérèse Dupuis. C'est du vieux français, mais la lecture en est facile :
Que Daniau partit un jour de chez luy avec sa femme, luy pour aller chercher des bestiaux qui luy manquaient depuis deux jours, et sa femme pour aller chercher du côté de la Baye St. Antoine des couteaux de braye pour brayer du lin. Que passant près d'un marais, sa femme luy dit de voir s'il n'y trouveroit point de gibier, et qu'il y entra à cet effet. Que n'y en ayant point trouvé, il voulut rejoindre sa femme qui avait continué son chemin ; mais qu'étant arrivé à deux pas ou environ près d'elle, son fusil qu'il tenait sous le bras, le bout devant et la crosse derrière, partit quoy qu'il fut en repos, et porta son coup sur la femme qui tomba en criant, ah mon cher mary tu m'as tuée. Que Daniau estant accouru, il fit des efforts pour l'emporter ; mais que n'ayant pu, il alla chercher du secours, et que les voisins l'aidèrent à la transporter dans sa maison, et de là à Québec pour la faire soigner. Que pendant ce temps qu'elle a vécu, elle a toujours cherché à calmer le chagrin du mary, en disant qu'il était la cause innocente de son malheur, que c'était elle qui l'avait engagé à marcher avec elle, et même à amorcer son fusil pour entrer dans le marais. Que le mary et la femme avaient toujours bien vécu ensemble et qu'ils étoient, l'un et l'autre, d'une humeur douce. Et qu'enfin, il a été vérifié que le fusil partoit de luy même, quoy qu'à son repos.
Jacques Daniau s'est remarié 26 mai 1732 avec Marie-Anne Desrosiers âgée de 24 ans. De nos jours, un remariage aussi rapide avec une femme plus jeune que la défunte paraîtrait pour le moins suspect. Mais c'était la coutume à l'époque chez les veufs avec enfants de trouver rapidement une femme pour s'occuper des petits. Jacques Daniau et Marie-Anne Desrosiers ont eu deux filles : Josephte en 1733 et Catherine en 1734.
Plusieurs voisins, habitants du fief de Nicolet, ont témoigné
lors du procès Daniau. Mentionnons Jean-Baptiste Laspron-Desfossés, fils
aîné de l'ancêtre Claude Laspron-Lacharité.
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