Dans son reportage sur la fermeture de la papeterie Belgo de Shawinigan, en mars 2008, Pierre Foglia nous racontait à quel point les travailleurs de cette usine étaient fiers de leur travail (voir Le bonheur de travailler). Pour comprendre la source de cette fierté, il faut remonter un siècle en arrière, jusqu'en 1907, l'année de la grève des Américains.
Au départ, à la Belgo, les emplois qui exigeaient le plus de compétences techniques étaient réservés à des travailleurs américains expérimentés. Les Canadiens-français, fils de cultivateurs ou de forestiers de la région, qui n'avaient pas l'expérience des machines à papier journal, devaient se contenter d'emplois de manoeuvre moins bien rémunérés. La situation a changé en 1907, quand les papetiers américains ont déclenché une grève spontanée.
Dans Shawinigan depuis 75 ans (page 265), Fabien Larochelle rapporte à ce sujet un témoignage d'Aquila Dehauffe qui a été le secrétaire de Hubert Biermans, directeur de l'usine :
"Pendant les 25 années qu'il dirigea l'usine de la Belgo, il n'y eut jamais de grève parmi les Canadiens-français. Seuls les conducteurs américains des machines à papier se sont mis un jour en grève, pour une vétille. Le lendemain, M. Biermans donnait ordre d'adresser les chèques de salaires aux grévistes en leur faisant part qu'il n'avait plus besoin de leurs services : entre-temps, il avait fait appel aux Canadiens-français qui étaient à la remorque des Américains et, tous ensemble, ils réussirent à remettre les machines en marche. Cette affaire avait couté $60,000 à la compagnie."
Les premiers travailleurs de la Belgo étaient sans doute très fiers d'avoir pu remplacer au pied levé des ouvriers spécialisés. Ils avaient compris le fonctionnement des machines en voyant travailler les Américains. Pour ces gens courageux mais peu instruits, la conduite des énormes machines à papier était un exploit. Leur savoir-faire et leur fierté se sont ensuite transmis aux générations suivantes jusqu'à ce jour de mars 2008 où l'usine a fermé définitivement ses portes.
Voir aussi sur ce blog : Du Congo à Shawinigan
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