Dans Histoire de la paroisse d'Yamachiche (précis historique), publié en 1892 à Trois-Rivières, l'abbé Napoléon Caron nous raconte les péripéties qui ont précédé l'arrivée d'un groupe de réfugiés Acadiens à Yamachiche vers 1758, après un exil à Boston et un voyage interrompu vers la Martinique. Il tenait cette histoire d'un certain Joseph Trahan. Voici donc le récit de l'abbé Caron sur les aventures qu'auraient vécues les premiers Acadiens de Yamachiche :
"Les Acadiens qui sont venus habiter Yamachiche avaient été arrachés de Port-Royal, et de ses environs. C'étaient tous de riches propriétaires, attachés à l'Acadie et à la France, et d'une foi simple et forte comme celle des chrétiens de la primitive Église.Ils eurent au moins la consolation de s'embarquer avec leurs familles, à l'exception toutefois d'un nommé Aucoin qui se vit séparé de sa femme, un soldat bourru ayant poussé la chaloupe au moment où celle-ci allait y mettre pied, et n'ayant fait que rire des larmes de cette malheureuse. Les deux époux se rencontrèrent au bout de trois ans dans la colonie acadienne de Saint-Grégoire. On comprend mieux qu'on ne peut les exprimer les larmes de bonheur qui accompagnaient de telles rencontres.Le vaisseau qui portait les Acadiens dont nous parlons alla les déposer à Boston. Ils y demeurèrent deux ans, puis ils se rembarquèrent pour de nouvelle aventures. Ce second vaisseau devait les porter à la Martinique. Cette déportation à la Martinique ne leur souriait que peu. Lorsqu'ils furent en pleine mer ils s'entendirent entre eux, et comme ils étaient en grand nombre, ils méditèrent un coup de main pour conquérir la liberté de choisir le lieu de leur exil. Ils firent le capitaine prisonnier dans sa chambre, et mirent aussi la main sur les divers employés. Un nommé Doucet se mit à la barre du vaisseau, les autres remplirent les fonctions de matelots, et l'on vogua vers le port de Québec.Le nouveau capitaine était habile en son art, et l'on se rendit sans tarder ni accidents.Arrivés à Québec ils remirent le vaisseau entre les mains de son capitaine. et prirent alors diverses directions. Les uns allèrent s'établir à St-Grégoire où une colonie d'Acadiens venait de se fixer, les autres se rendirent au Ruisseau-Vacher, c'est-à-dire dans cette colonie de St-Jacques ...; enfin dix-neuf familles se dirigèrent vers la nouvelle paroisse d'Yamachiche. Les pauvres émigrés examinèrent les terrains et allèrent former une nouvelle concession qu'ils appelèrent du nom suave d'Acadie. Comme ils durent se fixer sur deux rangs, le plus étendu s'appela la grande Acadie, et le moins étendu la petite Acadie. "
Il y a surement une part de vérité dans ce récit rocambolesque, mais je ne sais pas laquelle. D'après mes recherches, les premiers réfugiés Acadiens qui sont arrivés en Nouvelle-France ont fui la déportation en octobre 1755. Certains ont peut-être quitté l'Acadie dès l'arrivée des Anglais, avant même de savoir qu'ils allaient être déportés. Ils seraient donc arrivés en Gaspésie et dans la vallée du Saint-Laurent à l'automne 1755 ou au printemps suivant. Des Amérindiens les accompagnaient probablement. Selon certaines sources, ils auraient d'abord séjourné à Québec et Cacouna jusqu'en 1758, avant de se disperser dans plusieurs paroisses dont Yamachiche, Pointe-du-Lac et Maskinongé en Mauricie. J'ai trouvé les premières mentions de leur présence à Yamachiche en 1760. Je crois que c'est le récit le plus cohérent qu'on puisse faire de l'arrivée de ces premiers réfugiés acadiens. Mais j'aime bien quand même l'histoire du bateau de l'abbé Caron.
Voir aussi : Des Acadiens à Yamachiche (1), Des Acadiens à Yamachiche (2), Des Acadiens à Yamchiche (3) et Un enfant sauvage de la Cadie. Napoléon Caron est aussi l'auteur de Deux voyages sur le Saint-Maurice.
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