mardi 19 juillet 2016

Roman d'un curé de campagne

L'auteur est un prêtre qui a écrit un roman de prêtre.

Le Roman d'un curé de campagne a été publié en 1963. Il n'a pas suscité beaucoup d'intérêt et le nom de son auteur Eugène Rivest (un pseudonyme ?) est demeuré pratiquement inconnu, sauf peut-être dans les milieux ecclésiastiques.

Son défaut le plus évident est qu'il rappelle beaucoup trop, par son sujet et par son titre, le Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos qui a reçu le Grand prix du roman de l'Académie française en 1936. Les similitudes entre les deux romans sont nombreuses.























Rivest aurait pu dissiper le doute en reconnaissant s'être inspiré de Bernanos et en expliquant qu'il avait voulu transposer son histoire de curé de campagne dans un contexte canadien. Mais il ne l'a pas fait. Au contraire, il a prétendu que seul un prêtre peu écrire un bon roman de prêtre : « C'est un domaine trop sacré et trop mystérieux. Impossible de traiter convenablement du prêtre, à moins d'être prêtre » (page 83). Bernanos était un laïc.


Résumé


Les paroissiens de Saint-Zéphirin, peu pratiquants et rongés par l'avarice, font la vie dure à leur curé. Cinq prêtres se sont succédés en quelques années. L'un d'entre eux est mort de pneumonie parce que les marguilliers refusaient de chauffer l'église sur semaine. Un autre a fait une dépression et un troisième s'est complètement désintéressé de son ministère.

En 1946, le jeune abbé Antoine Fortier, fraîchement sorti du séminaire et nouvellement nommé à Saint-Zéphirin, va tenter de raviver la ferveur religieuse de ses paroissiens.

Le chef des méchants est l'homme le plus riche de la paroisse, Major Gratton surnommé le gendarme, un personnage qui rappelle le Séraphin Poudrier de Claude-Henri Grignon. Il se permet d'insulter le prêtre devant témoin, le traitant de baveux. Même Séraphin n'aurait jamais osé dire baveux à son curé.

Parallèlement aux ennuis du prêtre, une intrigue romanesque très mineure se développe entre le sacristain Serge Labrie et la jeune Violette, une représentante du « sexe pieux » qui fréquente l'église à tous les matins. « Ce n'est pas dans les grills mais à l'église qu'on rencontre les meilleures filles ». Il y a de l'humour, peut-être involontaire, dans ce roman.

Le milieu


Le curé se sent étranger au milieu de ses paroissiens. Il affiche une attitude condescendante envers eux. L'auteur ne s'en est peut-être pas rendu compte tellement ce sentiment de supériorité était répandu autrefois dans le clergé catholique.

La description du milieu paroissial du début du XXe siècle m'a intéressé davantage que les intrigues religieuse et amoureuse. Voici des extraits de passages qui ont retenu mon attention.

- Le village

« ... cette affreuse agglomération de vieilles maisons qui se ressemblaient toutes et qui étaient liées, les unes aux autres, par un même relent de moisissure et d'ennui ... On n'était plus à la campagne ni, diraient les citadins, en province. On était au « village ». Quand ils jugeaient venue l'heure de « se donner » ou de vendre leur ferme, les habitants transportaient leurs pénates en ce suprême refuge. Le croque-mort aurait une distance moins longue à franchir, et exigerait moins, pour conduire leur dépouille dans le terrain de famille. Et ils songeaient à sanctifier leurs vieux jours en se rapprochant de l'église ... 

... Comme à n'importe quelle heure du jour, l'unique rue du village était déserte. Le calme morne d'un cimetière.

À peine pouvait-on apercevoir deux ou trois petits « rentiers », courbés ou boiteux, une main sur un vieux bâton noueux qui servait de canne, l'autre qui soutenait l'inséparable pipe. Ces fantômes de mort apparaissaient comme les derniers, les seuls témoins de la vie dans ce village de Saint-Zéphirin. Le matin, ils se dirigeaient vers l'église. Au cours de la journée, ils promenaient leur ennui chez le marchand ou chez le barbier. » (page 7) 

- Les commères

« Mais chaque maison constituait un observatoire. Personne n'échappait à l'oeil inquisiteur qui se dissimulait derrière les rideaux des fenêtres. Les commères savaient et répétaient qu'un « étrange » avait traversé leur village la veille. » (page 8)

- Une enfant donnée

« De constitution délicate, le visage mince et souriant, elle avait quitté sa famille qui habitait Saint-Exupère, pour servir de bâton de vieillesse à l'oncle et à la tante de sa mère, monsieur et madame Michel Lalime. Ce vieux couple n'avait jamais eu d'enfants, alors que les parents de Violette suffisaient à peine à la charge de leur nombreuse famille. » (page 10).

Pourquoi les héroïnes de roman étaient-elles toujours de constitution délicate ?

- Le presbytère

« L'immense presbytère de dix-huit pièces, bâti selon la conception du siècle précédent de façon à pouvoir accueillir tous les curés voisins pendant trois jours complets, à l'occasion des Quarante-Heures, et pendant toute une semaine, à l'occasion de la retraite paroissiale, avait l'apparence d'un club. Il lui semblait aussi triste, ce jour-là, qu'il avait pu être, jadis, le théâtre de réunions joyeuses et enrichissantes. » (page 19). 


- L'école du rang

« Mais en 1946, ces pauvres cabanes, dépourvues du confort et de l'hygiène les plus élémentaires, ne sont-elles pas les vestiges d'un âge révolu tout autant que les témoins de sacrifices héroïque.

La poignée de la porte tomba à terre, comme il la tournait. Dans une salle dont les murs n'avaient pas reçu de peinture depuis longtemps et qui dégageait une odeur âcre, quinze enfants, aux allures gauches et au regard fauve, répartis en sept divisions ... À mesure que le curé tentait de les apprivoiser, ils se regardaient les uns et les autres d'un air inquiet. » (page 32).

La commission scolaire locale refusait de transporter les enfants dans une école du village pour sauver de l'argent. 

- L'enchère des bancs d'église

« Le jeune Serge Labrie convoitait le banc de son père. Celui-ci avait quitté Saint-Zéphirin pour la paroisse voisine depuis bientôt un an. La loi des fabriques exige, en pareil cas, que le banc soit mis en vente, mais accorde à l'aîné des fils le droit de retraire le banc au prix de la dernière enchère. » (page 54).

Le verbe ancien retraire signifie retirer.

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