mercredi 21 avril 2010

Apprendre à lire et à compter

  Jocelyne Murray, Apprendre à lire et à compter : école et société en Mauricie 1850-1900, Sillery, Éditions du Septentrion, 2003, 278 pages.

L'historienne Jocelyne Murray nous décrit le fonctionnement du systême d'éducation primaire en Mauricie de 1850 à 1900 : les corporations scolaires, la gestion du personnel, les conditions de travail, la fréquentation scolaire, etc. J'ai relevé quelques renseignements et anecdotes qui m'ont paru particulièrement représentatifs de cette époque, la deuxième moitié du dix-neuvième siècle :
  • L'obligation de savoir lire et écrire pour un commissaire d'école n'est apparue dans la loi qu'en 1899. Ainsi, en 1853, la moitié ne savent ni lire ni écrire. Le poste de président de la corporation scolaire est souvent occupé par la personne la plus instruite, quelquefois par le curé du village.
  • Seul le secrétaire-trésorier de la corporation est rémunéré pour son travail. Ce poste est souvent occupé par le notaire à cause de ses connaissances en droit et en comptabilité et aussi parce qu'il possède un coffre-fort. Il reçoit comme salaire un pourcentage fixe des taxes scolaires perçues, généralement 7 % ; le montant varie donc selon la richesse de la municipalité et peut atteindre environ 50 $ par année. C'est souvent le notaire secrétaire-trésorier qui finance les emprunts de la corporation scolaire. Il fait à chaque année une tournée de la paroisse pour recenser les enfants.
  • Les parents paient une rétribution mensuelle dont le total peut atteindre entre 50-75 cents  par année selon les paroisses. Dans certaines localités, les commissaires acceptent que cette rétribution soit payée en bois de chauffage pour l'école.
  • Le choix de l'emplacement d'une école est souvent un sujet de discorde. En 1878, les commissaires de Sainte-Ursule dans le comté de Maskinongé estimaient qu'un enfant de 5 à 8 ans ne devaient pas avoir à parcourir plus de 2 milles matin et soir pour aller à l'école. La plupart font le trajet à pied, parfois à travers les champs et la forêt quand il n'y a pas de chemin public.
  • La fréquentation scolaire n'est pas obligatoire. Le taux d'assiduité des élèves inscrits dans les écoles primaires se situe aux environs de 67 %. L'éloignement de l'école, des chemins difficiles, la rigueur du climat, les emplois saisonniers et les travaux domestiques contribuent à réduire la fréquentation scolaire.
  • Entre  1841 et 1873, le programme d'études devait être défini localement par les commissaires (dont la moitié étaient analphabètes !). Le premier programme uniforme d'études primaires a été établi en 1873. Il était d'une durée théorique de 4 ans mais pouvait difficilement être complété aussi rapidement. Au terme d'un séjour de 6 ans à l'école, en tenant compte des absences, la masse des élèves ne pouvait vraissemblablement que faire les deux premières années du programme.
  • Les curés se mêlent de l'embauche des institutrices, souvent avec l'assentiment des commissaires qui ne se sentent pas qualifiés pour cette tâche. Certains émettent des certificats à des jeunes filles non diplômées. 57 % des instituteurs sont originaires de la municipalité où ils enseignent. Il n'y a pas d'école normale en Mauricie et la très grande majorité des instituteurs n'a aucune formation en pédagogie. À la fin des années 1870, Mgr Laflèche réclame en vain la création d'une école normale à Trois-Rivières.
  • En 1864, les commissaires de Saint-Barnabé ont congédié l'institutrice Hermine Lamy pour sévérité excessive. Elle a dû payer 10 $ à des parents pour avoir battu un de ses élèves.
  • Les institutrices gagnaient souvent moins de 100 $ par année. Comment parvenaient-elles à vivre ? L'inspecteur David Lefebvre se disait "convaincu que les institutrices qui résolvent ce problème ne peuvent le faire que par le jeûne et le dénuement et non par la connaissance des mathématiques."
Un nom revient souvent dans ce livre, celui du notaire Petrus Hubert de Yamachiche dont il a déjà été question sur ce blog  (voir L'alcool à Yamachiche en 1851). Hubert a été inspecteur d'écoles pour l'ensemble de la Mauricie pendant près de 25 ans, soit de 1852 à 1876. À ce titre, il visitait deux fois par année toutes les écoles des comtés de Champlain, Saint-Maurice et Maskinongé.

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