mercredi 31 juillet 2013

Le Roi du Spaghetti

Au Québec, dans les années 1950, les Rois de la Patate (frite) étaient légions, mais il n'y avait qu'un seul et unique Roi du Spaghetti, qui régnait sur la nouille italienne.

Son royaume était situé au 135, 4e rue, à Shawinigan. Le Roi du Spaghetti était selon l'annonce : « Le restaurant le plus fashionable et le plus fréquenté en ville. » (La Voix de Shawinigan, 2 novembre 1955).


Il était aussi le monarque des sports, un commanditaire des compétitions de hockey sur glace, de canot et de bowling.

Le hockey

Au hockey, le Roi écrasait ses adversaires : « Devant une foule que l'on estime à environ 1000 personnes, Le Roi du Spaghetti a déclassé le club St-Tite au formidable pointage de 20 à 6. Le St-Tite fut complètement déclassé dès la première période. Les joueurs du Roi du Spaghetti ont affiché trop de fini pour leurs jeunes adversaires qui, au fur et à mesure que la saison avance, prendront de l'expérience. » (Les Chutes de Shawinigan, 21 novembre 1951).

La grande vedette du Roi du Spaghetti était un nommé St-Pierre qui a obtenu 6 buts et 3 passes contre le St-Tite.




En 1954, la boutique de vêtements Doyon, de la rue Saint-Marc en haute-ville, était le dernier obstacle dans sa course au championnat : « Les éliminatoires de la Ligue intermédiaire de Shawinigan ont commencé mardi soir dernier alors que l'équipe Le Roi du Spaghetti rencontrait le Doyon Vêtements. Les hommes de Guy Boucher qui avaient terminé en première position du circuit Gignac ont remporté la victoire par 7 à 1. » (La Voix de Shawinigan, 26 février 1954).

Le Roi du Spaghetti, renommé The Spaghetti King pour l'occasion, était aussi suivi par le journal anglophone de Shawinigan : « The second annual Independant Hockey Tournament, sponsored by the Shawinigan Arena, got under way here Sunday afternoon when The Spaghetti King players, sparked by St-Pierre with five goals, trounced the shorthanded Belleville Knitting team, of Three Rivers 13-2. » (The Shawinigan Standard, 28 mars 1951).

La course de canots

En 1949, les canotiers du Roi du Spaghetti, Paul Vallières et Claude Bronsard, ont participé à la Classique Internationale de Canots sur la rivière Saint-Maurice. Mais l'histoire ne dit pas s'ils ont réussi à terminer cette compétition éprouvante organisée par le Club Nautique de Shawinigan : « À Shawinigan, plus de 15000 personnes attendaient la fin de la course sur le boulevard Saint-Maurice. L'Union musicale de Shawinigan faisait les frais de la musique en attendant les 14 équipes qui étaient encore dans la course. De nouveau l'équipe américaine formée de Estes et Jensen arriva en première place. » (La Voix de Shawinigan, 4 août 1950).


Le bowling

Le Roi du Spaghetti régnait aussi sur les tournois de petites quilles du Shawinigan Bowling Academy : « Jean-Paul Bellemare a roulé un simple de 201 et a gagné le spaghetti offert par le populaire sportif Hervé Roy, propriétaire du Roi du Spaghetti. »  (La Voix de Shawinigan, 9 novembre 1951).


Un royaume éphémère

La première mention que j'ai trouvée du Roi du Spaghetti de la 4e rue à Shawinigan date du mois d'août 1949 et la dernière, du 2 novembre 1955. 


Cette annonce est tirée du Programme-souvenir du 21e festival annuel de l'Association des fanfares amateurs de la Province de Québec, les 2 et 3 juin 1951, à l'occasion du 50e anniversaire de la Cité de Shawinigan Falls.

samedi 27 juillet 2013

La part sèche

Jean-Louis Lessard, La part sèche, Le lézard amureux, 2013.

Jean-Louis Lessard a publié un premier recueil de poésie intitulé La part sèche chez Les éditions Le lézard amoureux. Le flâneur que je suis aime beaucoup le nom de cet éditeur qui inspire la paresse et le bonheur. J'ai aussi aimé la poésie intimiste de Lessard dont le thème central me semble être le vieillissement.


L'inspiration vient de la nature, pas des grands paysages, mais plutôt de l'environnement immédiat, des champs, du jardin, des saisons, de la vieille maison, des oiseaux. L'auteur vit à la campagne. Le viréo du poème qui suit, un de mes préférés, est un petit oiseau forestier dont le chant est répétitif :

viréo de nuit
viréo de lune
tes cinq notes
toujours les mêmes

qui prendra la relève
la part belle
du petit matin
d'avant les hommes

ce monde affrété
qui s'offre aux passants
n'est plus pour toi

sois sage
viréo mon frère
quand l'aube viendra
il sera toujours temps
de prendre pied dans la lumière

Jean-Louis Lessard est un membre émérite de la communauté des blogueurs. Professeur de littérature à la retraite, il publié sur Laurentiana des revues d'oeuvres littéraires québécoises. Je crois qu'il a déjà couvert, depuis novembre 2006, plus de 400 livres québécois, anciens pour la plupart. Comme tous ses lecteurs, je souhaite qu'il continue dans cette veine. Il doit bien lui rester quelques centaines d'oeuvres à nous faire connaître.

jeudi 25 juillet 2013

Des Santons aux Saintonge de la Mauricie

Comme la Bretagne est le pays des Bretons et la Catalogne, celui des Catalans, la Saintonge était la terre des Santons, un peuple celte mentionné dans La guerre des Gaules de Jules César. Ce récit de l'invasion romaine était à l'étude autrefois dans les collèges classiques du Québec. Quand j'étais étudiant au Séminaire Sainte-Marie de Shawinigan, j'avais été intrigué par cette carte qui montre la localisation des peuples rencontrés par l'armée de César lors sa conquête de la Gaule.

En 58 avant Jésus-Christ, les Santons vivaient donc au Sud-Ouest de la Gaule sur un territoire qui correspond à celui de l'ancienne province de Saintonge avec pour capitale la ville de Saintes. La carte suivante montre la localisation de cette province à l'époque de l'immigration en Nouvelle-France.

Mathurin Martineau dit Saintonge, ancêtre des Martineau-Saintonge ou St-Onge de la Mauricie, est venu de la paroisse de Saint-Fraigne située au Nord-Est de la province. Pour ceux qui ont de bons yeux (cliquez sur l'image pour l'agrandir), Saint-Fraigne, orthographié Saint-Fresgne, apparaît dans le coin supérieur droit de la carte suivante qui date de 1650. Notez la proximité de Matha et de Saint-Jean d'Angély d'où sont venus plusieurs immigrants saintongeais en Nouvelle-France.

Source : La Saintonge par les cartes anciennes.
D'autres immigrants en Nouvelle-France ont porté le surnom de Saintonge, dont certains ont laissé une descendance. Mentionnons  Jean Baril, Vincent Boissonneau, Jacques Payan et Jean Roudier.

Insolite : sur ce site, on prétend que Saintonge est un surnom donné à une personne violente, qui brise tout !

Mathurin Martineau-Saintonge 512a

mercredi 24 juillet 2013

L'herbe à dindes dans le pré fleuri

J'ai converti un bout de terrain dont je ne me servais pas en pré fleuri, tout simplement en cessant d'y tondre la pelouse. Ou plutôt, je ne la tond qu'une seule fois à l'automne, quand les herbes sont sèches, pour éviter la pousse d'arbres et d'arbustes.

Pas besoin de semer des mélanges de graines coûteux, des fleurs sauvages de toutes les couleurs y viennent toutes seules en grand nombre : achillée millefeuille, aster, brunelle, épervière, érigéron, fraisier, jargeau, marguerite, renoncule, verge d'or. La population de plantes florifères augmente avec les années. La tonte d'automne aide à disperser leurs graines.

La vedette, ces jours-ci, est l'achillée millefeuille (achillea millefolium) surnommée herbe à dindes au Québec. Elle  produit un bel effet lorsque les plants sont rassemblés en colonies. Les fleurs sont généralement blanches et parfois rosées. La photo qui suit est un gros plan des corymbes.

Photo d'Adrienne

Selon le frère Marie-Victorin, dans La Flore Laurentienne publiée en 1935, l'herbe à dindes est ainsi nommée parce qu'elle servait au Québec à alimenter cette volaille. Aux Iles-de-la-Madeleine, on l'appelle herbe à dindons.

lundi 22 juillet 2013

L'origine de La Bonne Chanson

Pour la plupart des gens, La Bonne Chanson est un petit recueil des 100 plus belles chansons de l'abbé Gadbois que l'on retrouvait autrefois dans toutes les bonnes familles canadiennes-françaises. Ce recueil a été réédité à maintes reprises depuis les années 1940. On en trouve encore dans les librairies une édition qui date de 1982.

Une édition récente (1982)


L'abbé Gadbois n'a pas inventé le concept de La Bonne Chanson qu'il a diffusé au Canada français à compter de 1937. Il existait déjà en France depuis 1900 une revue portant ce titre qui était publiée par le régionaliste breton Thédore Botrel.

En diffusant au Québec des chansons puisées essentiellement dans le répertoire français traditionnel, Gadbois poursuivait les mêmes objectifs que Botrel : promouvoir la chanson française face à l'invasion de la musique américaine et détourner les fidèles des oeuvres modernes jugées malsaines. Comme le soulignait si justement Jean-Nicolas de Surmont, l'on ne retrouve pas dans La Bonne Chanson la Valentine chantée par Maurice Chevalier dans les années folles :
Elle avait des tout petits petons, Valentine, Valentine
Elle avait des tout petits tétons
Que je tâtais à tâtons, Ton ton tontaine
Elle avait un tout petit menton, Valentine, Valentine
Outre ses petits petons ses petits tétons son petit menton
Elle était frisée comme un mouton

Gadbois voulait donc promouvoir la chanson française mais pas n'importe laquelle. Les considérations morales l'emportaient toujours sur la mission culturelle. Il pouvait aller jusqu'à altérer les paroles des chants traditionnels pour les rendre conformes à sa conception des bonnes moeurs. Le folkloriste québécois Marius Barbeau lui en a d'ailleurs fait le reproche.

Marius Barbeau en 1942 (Wikipédia)

La Bonne Chanson, sous forme de feuillets de musique, était d'abord destinée aux élèves du Séminaire de Saint-Hyacinthe où l'abbé Gadbois enseignait. Puis, il les a regroupés, en 1938, dans des cahiers de cinquante chansons chacun qui ont été vendus comme livres de l'élève dans les écoles du Québec, de l'Acadie et de la Nouvelle-Angleterre. C'est donc l'appui du réseau de l'éducation, alors contrôlé par le clergé catholique, qui a permis la première grande diffusion de La Bonne Chanson. À partir de là, l'oeuvre de Gadbois est devenue une véritable industrie avec des disques, une station de radio (CJMS pour Canada Je me souviens), des recueils de chansons de Noël et autres produits dérivés.

Voir à ce sujet :
-Jean-Nicolas De Surmont, Les conditions de production et de circulation de l'oeuvre de La Bonne Chanson de Charles-Émile Gadbois, Les cahiers de l'Association pour l'avancement de la recherche en musique au Québec, no 16, p65-78.
- La thèse de maîtrise d'Helégouarch Solenn intitulée De la Bretagne au Québec : le succès de Théodore Botrel (1868-1935), chansonnier breton. Université de Montréal, 2010.
- Une exposition virtuelle du Centre d'archive de Saint-Hyacinthe sur La Bonne Chanson.

Voir aussi sur ce blog : C'est l'aviron.

vendredi 19 juillet 2013

Va chercher des croûtes

Autrefois en Mauricie, pays de forestiers, tous les villages avaient leur moulin à scie actionné par la force hydraulique. Les résidus d'écorce appelés croûtes (dosses) étaient entassés à l'extérieur du moulin, dans un coin de la cour à bois. Ces planches recouvertes d'écorce n'avaient pas de valeur commerciale, les villageois pouvaient donc en disposer.

Euclide Descôteaux, fils de Télesphore et d'Eulalie Lampron, m'a raconté que ses parents l'envoyaient au moulin à scie de Saint-Boniface de Shawinigan chercher des croûtes pour chauffer le poêle à bois. C'était les années 1930, pendant la crise économique. Les croûtes de résineux ne donnaient pas autant de chaleur que les bûches d'érable ou de hêtre, mais c'était gratuit.

J'ai appris récemment que les croûtes ont aussi servi de revêtement. Dans un article paru le 6 juillet dernier dans le journal Le Soleil, Alexandra Perron nous parle de deux maisons de Charlevoix qui sont encore recouvertes de ce matériau. Je crois que dans ce cas-ci les croûtes, aussi appelées dosses, avaient été lignées d'égale largeur. Il s'agissait donc d'un produit commercial et non des résidus dont il était question plus haut.

Une maison recouverte de croutes dans Charlevoix (Le Soleil 6 juillet 2013)

On peut de nos jours acheter des croûtes de pin pour le chauffage à vingt dollars la corde, soit environ le cinquième du prix du bois franc. Cette photo provient d'une annonce classée qui a été publiée sur le site LesPAC.com.

Source : LesPAC.com


Télesphore Descôteaux 30g

jeudi 18 juillet 2013

Des chasseurs sauvages à Trois-Rivières

Il est rare que l'on signale la présence d'Amérindiens dans les recensements des paroisses de la Basse-Mauricie. En 1852, quatre familles de chasseurs sauvages ont été recensées à Trois-Rivières. Ces familles étaient constituées de métis et d'Abénaquis, la plupart originaires de Saint-François-du-Lac :
  • Luc Vincent âgé de 37 ans (né à  Bécancour) et Marie Bomsawin âgée de 38 ans (née à Saint-François-du-Lac). Bomsawin est un patronyme répandu chez les Abénaquis. On trouve aussi la forme Obomsawin qu'on écrit parfois O'Bomsawin à la manière irlandaise.
  • Vincent Canacheau âgé de 42 ans (né à Trois-Rivières), Marie-Allum Cossette âgée de 38 ans (née à Saint-François-du-Lac) et un enfant de 12 ans nommé Louis Canacheau (né à Trois-Rivières). Je crois que Canacheau est une déformation de Kanaso Il est à noter que le garçon aussi est dit chasseur comme son père. 
  • François Brisebois (28 ans), Anastasie Bomsawin (23 ans), François Brisebois (6 ans) et Célina Brisebois (2 ans). Tous les membres de cette famille sont nés à Saint-François-du-Lac. Hélène Wilfrum (18 ans) née à Nicolet a été recensée avec eux.
  • Joseph Zézaie (45 ans) né à Saint-François, Henriette Abbotte (28 ans) née aux Forges du Saint-Maurice, Marie Zézaie (4 ans) née aux Forges et Félix Zézaie (18 ans) né aux Forges. Marie Lachance (43 ans) était aussi présente dans ce ménage. Henriette Abbotte n'était pas  amérindienne; elle a épousé Joseph Zézaie Launière le 3 février 1845 à la cathédrale de Trois-Rivières. Je crois que Joseph Zézaie Launière était un descendant de l'interprète Joseph Launière (1726-1796) né à Saint-François-du-Lac. Il aurait été employé aux Forges du Saint-Maurice où sa femme et ses enfants sont nés.
Ils étaient tous catholiques romains. Le terme sauvage n'avait rien de péjoratif. C'était simplement l'usage au 19e siècle.

Voir aussi sur ce blog: Des Hurons à Trois-Rivières.

mardi 16 juillet 2013

Recensé deux fois

En 1852 à Yamachiche, Cyriac Caron, un forgeron âgé de vingt ans, a été recensé deux fois :
  • Chez sa soeur Rose Caron, épouse d'Alexis Lacerte et mère de deux petits : Philomène et Pierre Lacerte.
  • Chez ses parents Alexis Caron et Pélagie Rivard-Laglanderie.
L'année suivante, le 22 novembre 1853, Cyriac Caron a épousé Marie Biron dans la paroisse Sainte-Anne de Manchester dans le New Hampshire aux États-Unis. Voir sur ce blog : Qui était Marie Biron ?

Cyriac Caron 122g

*****
J'aime bien cette coutume qu'avaient les recenseurs d'attribuer au jeune enfant de sexe masculin le métier du père. Ainsi, à l'âge tendre de deux ans, Pierre Lacerte était déjà journalier comme son papa Alexis Lacerte, époux de Rose Caron.

lundi 15 juillet 2013

Les pageants de Shawinigan

En mai 1951, le programme-souvenir des fêtes du cinquantième anniversaire de la « Cité de Shawinigan Falls » annonçait la présentation de pageants, un genre théâtral qui était alors très en vogue au Québec lors de célébrations à caractère historique.


Qu'est-ce qu'un pageant ? Dans un article intitulé Le phénomène des pageants au Québec, Rémi Tourangeau et Marcel Fortin nous proposent la définition suivante : 
« ... le pageant est une représentation dramatique dont le thème ou le sujet unificateur est l'histoire d'une ville qui célèbre un événement historique ou culturel important. Ce spectacle à grands effets est généralement donné en plein air sur un site pouvant accueillir plusieurs milliers de spectateurs. Il requiert d'ailleurs un grand nombre de participants choisis parmi les citoyens de la ville appelés à interpréter des personnages historiques ou à figurer dans des interludes de danses, de musique et de choeur... »
Le pageant trouve son origine dans l'Angleterre médiévale, mais sa forme moderne nous est venue des États-Unis après la deuxième guerre mondiale. 

Le scénario des pageants de Shawinigan a été écrit par Roger Varin, un des membres fondateurs de la troupe de théâtre Les Compagnons de Saint-Laurent avec le père Legault. Varin était un spécialiste de ce genre d'événement. Il en a écrit une vingtaine entre 1942 et 1966. Je devine, d'après la séquence des scènes présentée dans le programme ci-haut, qu'il s'est inspiré de L'épopée de Shawinigan de Gérard Filteau publié en 1944.



Les pageants ont été présentés les 21, 23, 24 et 30 juin1951 au stade municipal du Parc Saint-Marc dans la haute-ville de Shawinigan. Une annonce publiée dans le programme-souvenir donnait un aperçu de la formule : « Ballets -  Spectacle féérique - Musique originale - Éclairage en couleurs - Drame rempli de fantaisie, de rire, d'émotion, 800 rôles féminins et masculins vigoureusement interprétés. »

dimanche 14 juillet 2013

Une patente à gosse

Patente à gosse : objet que l'on a du mal à définir ou à nommer (selon Wikipédia).

La patente à gosse
Voici un bidule, un objet étrange que je ne saurais nommer. Il a été vendu pour presque rien lors d'un encan tenu à Saint-Boniface de Shawinigan il y a une dizaine d'années. Je crois qu'il servait à rouler des journaux pour en faire des bûches de papier. Mais le papier roulé serré se consume très mal. Il dégage peu de chaleur et beaucoup de fumée. L'inefficacité du produit serait donc la cause de la désuétude de la patente à gosse en question.

L'expression viendrait de l'anglais patent (brevet) et du français québécois gosser (bricoler) ou encore, selon certains, du français québécois gosses (testicules). Dans le deuxième cas, patente à gosses pourrait donc se traduire par bidule à testicules.

vendredi 12 juillet 2013

Les esclaves blancs

Marie-Louise Bonin, Débuts de la colonie franco-américaine de Woonsocket Rhode Island, Lakeview Press, Framingham Massachusetts, 1920, 342 page.

Dans cet ouvrage qui retrace les débuts de la ville de Woonsocket dans le Rhode Island,  Marie-Louise Bonier  décrit les conditions de travail pénibles des enfants qui étaient à l'emploi des premières manufactures de coton, au début du XIXe siècle. C'était avant l'arrivée des travailleurs Irlandais et Canadiens français, à une époque où les emplois dans ces premières usines étaient occupés par des Américains de la Nouvelle-Angleterre. 

Dans les années qui ont précédé la guerre de Sécession, les journaux de la Nouvelle-Angleterre déploraient les conditions de travail pénibles des esclaves noirs dans les plantations de coton du Sud des États-Unis. Les journaux du Sud rétorquaient que les conditions de vie des «esclaves blancs» qui travaillaient dans les manufactures de coton du Nord n'étaient guère meilleures.

Marie-Louise Bonin rapporte le témoigange d'un industriel de Woonsocket, Stephen A. Knight, à ce sujet. Ce dernier racontait dans le Providence Journal sa première expérience de travail dans une manufacture de coton alors qu'il était enfant :
«Au printemps de 1835, n'ayant pas encore sept ans, je fus embauché dans une manufacture de Coventry, R.I., comme bobbin boy ou back boy. Cet âge si tendre était l'âge moyen des débutants. La mentalité de l'époque n'y trouvait rien à redire... 

Mon salaire de bobbin boy était de quarante-deux sous par semaine pour une moyenne de quatre-vingt-quatre heures de travail, soit quatorze heures par jour. Je ne gagnais donc que qu'un demis-sou par heure.

La main-d'oeuvre n'était payée que quatre fois l'an. La manufacture ayant un magasin pour fournir les objets et vêtements nécessaires aux ouvriers, le montant des achats de chacun d'eux était retenu sur les gages au jour de la paye.

Voici quelles étaient les heures de travail : 5h15 du matin, entrée à la manufacture; 7h30, déjeuner; 8h, continuation du travail; 12h, dîner; 12h45, travail jusqu'à 7h30 du soir... il ne restait aucun temps pour l'école. La plupart des enfants apprenaient à lire aux écoles du dimanche (Sabbath school).

La cloche de la manufacture était la seule nécessaire dans le village. Elle dirigeait la vie de l'ouvrier du lever au coucher.»
Après avoir lu ce témoignage, on se demande pourquoi les gens acceptaient-ils de travailler dans ces conditions ? Peut-être bien parce que les conditions de vie des paysans étaient encore plus pénibles. Par ailleurs, la situation que Knight décrivait n'était pas vraiment différente de celles que l'on retrouvait dans les «company towns» de ce côté-ci de la frontière. Je pense aux hameaux dont la population étaient dépendante d'un moulin à scie à La Gabelle ou à Hunerstown en Mauricie.

mardi 9 juillet 2013

L'ascension sociale en Nouvelle-France

Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Dans un pays comme la Nouvelle-France, où tout restait à faire, un jeune homme entreprenant, avec un brin d'instruction, pouvait réussir à se faire une place sans commune mesure avec son origine sociale en France.

Étienne Jacob savait lire et écrire à une époque ou bien peu de gens étaient instruits. Il a commencé sa vie en Nouvelle-France comme domestique et a gravi rapidement l'échelle sociale pour devenir huissier, greffier, notaire et enfin juge.

1647 : Naissance à Paris. Fils d'Edme et de Jeanne Bellejambe.
1665 : Domestique d'Antoine Berson à L'Ange-Gardien.
1667 : Domestique d'Antoine Cassé à Beaupré.
1670 : Mariage avec Jeanne Fressel, fille du roi.
1676 : Huissier de la seigneurie de Beaupré.
1683 : Greffier et notaire de la seigneurie de Beaupré.
1689 : Juge bailli de la seigneurie de Beaupré.
1703 : Juge bailli de l'Île d'Orléans.

Il a aussi été favorisé par son mariage. Jeanne Fressel est venue en Nouvelle-France comme fille du roi à l'age de 17 ans, après la mort de son père. Elle avait une dot de 850 livres, ce qui était une véritable fortune à l'époque. La plupart des filles du roi arrivaient avec un dot de 50 livres seulement. Avec la pénurie de femmes qui sévissait alors en Nouvelle-France, la concurrence devait être féroce pour épouser un si beau parti.

Ils ont eu neuf enfants dont huit se sont mariés.

lundi 8 juillet 2013

L'équipement des Voyageurs

Les Voyageurs devaient affronter les intempéries pendant des mois. Ils couchaient à la belle étoile et dormaient sous leurs canots quand il pleuvait. Les contrats d'engagés pour le Nord-Ouest prévoyaient un équipement minimal avant le départ, des vêtements ou objets qui étaient nécessaires à leur survie pendant le voyage.


Voyageurs at Dawn de Frances Ann Hopkins, 1871.

À l'époque de la Nouvelle-France, les exigences en matière d'équipement, spécifiées dans les contrats d'engagés, étaient très variables. Le bourgeois fournissait parfois certains vêtements pour affronter le temps froid. Ainsi, le 26 mai 1736, le contrat d'engagement de Joseph La Charité devant le notaire Aldhémar prévoyait que l'engagé : « recevra une paire de mitasses, un brayer, une peau de chevreuil et mantelet ».

Sous le régime anglais, les exigences se standardisent. C'est maintenant l'engagé qui doit fournir un équipement minimal. Le 5 janvier 1816, le contrat d'engagement de Jean-Baptiste Lampron devant le notaire Beek prévoyait que l'engagé devait avoir pour équipement : « une couverte de trois points, une couverte de deux points et demie, six aunes de coton, une paire de souliers de boeuf et un collier ».

Le collier était une courroie du cuir passée sur le front qui permettait au Voyageur de suspendre des marchandises sur son dos pendant les portages. Il servait alors de mule en quelque sorte. Le terme brayer employé dans le contrat de Joseph La Charité en 1736 désignait, je crois, le même objet.

La toile de Frances Ann Hopkins intitulée Voyageurs at Dawn fait partie de la collection de Bibliothèque et Archives Canada à Ottawa. Frances Ann Hopkins (1838-1919) était l'épouse d'un cadre de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Elle l'a suivi dans ses voyages en canot dans les Pays-d'en-haut et en a ramené plusieurs portraits de Voyageurs.

dimanche 7 juillet 2013

Patronage et mobilité sociale à Yamachiche

À la fin du XIXe siècle, le village de Yamachiche, situé sur la rive Nord du Lac Saint-Pierre, s'est distingué par l'abondance de ses élites : avocats, notaires, médecins, politiciens, historiens, journalistes. Leur nombre, était alors sans commune mesure avec l'importance numérique de la population. Or, la plupart de ces notables provenaient de familles paysannes peu fortunées, un milieu qui normalement n'était pas propice à l'instruction des enfants.

Je crois que cette soudaine augmentation de la classe des notables était due à l'action du curé du village, l'abbé Dumoulin. Dans l'Histoire du séminaire de Nicolet 1803-1903, J-A Douville mentionne qu'en 1841, le curé de Yamachiche Sévère-Nicolas Dumoulin soutenait de ses deniers 14 élèves du séminaire (p 277).

Sévère-Joseph-Nicolas Dumoulin (1793-1853)

En fait, Yamachiche était alors la paroisse qui fournissait le plus d'élèves au séminaire de Nicolet.  Selon Marie-Claire Daveluy (dans la Revue d'histoire de l'Amérique française), l'abbé Dumoulin recrutait ses protégés lors de ses visites paroissiales. Il interrogeait les enfants, cherchant à discerner en eux des étincelles d'intelligence.

Je crois que l'action de l'abbé Dumoulin fut le début d'un réseautage qui a permis à d'autres enfants d'origine modeste d'avoir accès à des études supérieures. Certains d'entre eux ont ensuite enseigné au séminaire et patronné les membres de leurs famille. Ainsi, le journaliste Évariste Gélinas, fils d'une famille très nombreuse, avaient deux frères prêtres qui ont enseigné à cet endroit. D'autres ont favorisé les carrières de leurs compatriotes, comme Antoine Gérin-Lajoie qui a pris sous son aile son cousin Raphaël Bellemare, en lui cédant son poste de rédacteur du journal La Minerve, l'organe du parti conservateur dans le Bas-Canada. Un autre compatriote, Évariste Gélinas, occupera les mêmes fonctions à La Minerve quelques années plus tard.

Parmi les "notables" de Yamachiche  qui ont fréquenté le séminaire de Nicolet à cette époque, mentionnons l'historien et journaliste Raphaël Bellemare, le médecin et poète Nérée Beauchemin, l'avocat et politicien Nérée Le Noblet Duplessis, l'avocat et journaliste Évariste Gélinas, Anoine Gérin-Lajoie et son frère Elzéar, le notaire et auteur Petrus Hubert et l'avocat, politicien et historien François-Sévère Lesieur-Desaulniers. Il est à noter que la plupart de ces personnes ont milité pour le parti conservateur.

vendredi 5 juillet 2013

Des îles dans le lac et des lacs dans l'île

Arthur Buies, Le chemin de fer du Lac Saint-Jean, Léger Brousseau Imprimeur-Éditeur, Québec, 1895.

Arthur Buies, qui fut le secrétaire du célèbre curé Labelle, a raconté dans ce livre la construction du chemin de fer du Lac Saint-Jean qui traversait la Haute-Mauricie. Buies avait un parti pris évident pour le chemin de fer qu'il associait au progrès de la colonisation, une oeuvre chère à son patron. Par ailleurs, il croyait aux vertus du progrès technologique et aux bienfaits de l'ouverture des marchés. C'était une époque, la fin du 19e siècle, où l'on avait foi en l'avenir.



Ce qui m'a particulièrement intéressé dans cet ouvrage, c'est la description des territoires traversés par le chemin de fer. Par exemple, en Haute-Mauricie, au nord du bassin de la rivière Batiscan, se trouvent le Lac Édouard et l'Île du Lac Édouard (page 55). Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'île n'est pas située dans le lac, mais plus au sud entre deux rivières qui prennent leur source dans le Lac Édouard. 

Arthur Buies nous explique que s'il y a des îles dans le lac, il y a aussi des lacs dans l'Île :
« Au milieu du lac se trouve l'île Belisle, d'une longueur de deux milles environ, ainsi que d'autres petits îlots ; mais si le lac lui-même contient des îles, en revanche, l'île du lac renferme à son tour d'autres lacs tels que le lac Rognon, le lac Long, le lac du Centre ..., tous renommés pour l'abondance et la taille de leurs truites. »
La municipalité du Lac Édouard s'est constituée autour d'un sanatorium qui était en opération au début du vingtième siècle. Elle fait aujourd'hui partie de la ville de La Tuque.

mardi 2 juillet 2013

Les mes canadiens

Le menu d'une pizzéria du vieux Hull à Gatineau :