jeudi 23 mai 2013

Mettre hache en bois

Mettre hache en bois est une expression ancienne et peu commune, peut-être un canadianisme. Toutes les mentions que j'ai trouvées datent du dix-neuvième siècle.

Elle signifiait commencer des travaux. L'expression était surtout utilisées par des religieux qui faisaient construire un couvent, une chapelle. On la trouve notamment dans les Annales des Ursulines de Trois-Rivières, en l'année 1843, en rapport avec les travaux d'agrandissement du pensionnat : « Nos mères de Québec écrivaient toute la satisfaction qu'elles éprouvaient en apprenant que nous allions mettre "hache en bois". »

mercredi 22 mai 2013

Baptême de deux Flamands suivi d'une mascarade

On trouve dans les annales des Ursulines de Trois-Rivières pour l'année 1843 la mention suivante : "Baptême de deux Flamands de Montachaigne qui étaient descendus aux Trois-Rivières. Ces jeunes gens étaient âgés l'un de vingt-trois et l'autre, de dix-huit ans." Ils seraient donc nés en 1820 et 1825.

Il s'agissait de la mission de Weymontachingue, maintenant nommée Wemotaci qui comptait alors une vingtaine de familles seulement. On trouve aussi dans cette région les rivières Flamand et Petit Flamand, de même que le lac Flamand.

Les deux "Flamands" baptisés en 1843 étaient vraisemblablement des descendants, fils ou petis-fils, de Joseph Flamand, un chasseur blanc à l'emploi de la Hudson's Bay Company qui a épousé une Algonquine Tête-de-Boule de la région de Weymontachie vers 1790.

Selon Claude Gélinas, dans La gestion de l'étranger (page 109), Flamand et sa femme ont eu au moins deux fils métis, Charles et Joseph qui se sont intégrés à la communauté autochtone. Charles a eu à son tour deux fils qui ont reçu des noms autochtones : Coocoocoo et Oskelamask, signe de leur acceptation par la communauté.

Ces deux petits-fils de Joseph Flamand auraient pu être les baptisés de 1843. Mais rien n'est moins sûr. Il pouvait aussi s'agir de ses fils ou d'autres petit-fils. Les Têtes-de-Boule (on dit maintenant Attikameks) ne connaissaient pas le calendrier grégorien et n'avaient pas de certificat de naissance. L'âge qu'on leur attribuait était donc très approximatif.

On trouve dans un récit d'un certain John Adams le passage suivant qui relate une mascarade des fils d'un vieux chasseur canadien nommé Flamand au poste de "Wemontachinque" en 1829 :

" But these poor Indians themselves are possessed of no mean talent as masqueraders, of which I will relate an instance. One evening while residing at the same post, the party were intruded upon by two of the most frightfully distorted and disgusting figures I have ever seen, in the persons of two old men — lame, hump-backed, blackened with gun-powder, and with white teeth protruding from the upper jaw downwards, at least two inches; they were represented to us as idiots and brothers, and seated themselves in the room, making violent gestures, expressive of anger or impatience, and at intervals furiously striking the floor with their paddles. Having been previously prepared to expect a singular arrival at the post on that evening, and the agents of the conspiracy against our discernment having well performed their part, two of us were deceived, Mr. Ingall alone being sceptical. I myself doubted them at first, but in the end I confess myself to have been taken in by their inimitable acting, as on one of the servants of the post pretending great alarm after they had retired into the next room, and running into ours', apparently for protection, I seriously asked him whether he was so cowardly as to be afraid of such poor decripid creatures. These two worthies were handsome lads, the eldest not more than seventeen, and sons of an old Canadian hunter, named Flamand, by his wife, a Tète de Boule woman. — The teeth they had cut out of wood, and so fixed them as to resemble the long, curved upper cutting teeth of a beaver. Never was deception more admirably managed."
Selon ce témoignage, le fils aîné de cet "old Canadian hunter named Flamand" serait né vers 1812

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Le titre complet de l'ouvrage de Claude Gélinas est La gestion de l'étranger : les Attikamekw et la présence eurocanadienne en Haute-Mauricie 1760-1870. Il a été publié en 2000 aux Éditions du Septentrion.

Le texte de John Adams intitulé Sketches of the Tete de Boule Indians of the River St. Maurice a été publié  originellement en 1831 dans les Transactions de la Literary and Historical Society of Quebec, Original Series, Volume 2. Adams relate des souvenirs de l'expédition d'Ingall sur le Saint-Maurice et l'Outaouais en 1829.

lundi 20 mai 2013

Le Jeune et la fumée

La plus ancienne et peut-être la meilleure description du mode de vie ancestral des peuples Algonquiens est un récit du Père Le Jeune publié dans Les Relations des Jésuites de l'année 1636. Paul Le Jeune a participé à une expédition de chasse hivernale des Montagnais (Innus) pour apprendre leur langue et aussi tenter de les convertir. Ces Amérindiens, de la grande famille des Algonquiens, habitaient normalement la Côte-Nord et le Saguenay, mais faisaient parfois des expéditions de chasse sur la rive Sud du fleuve Saint-Laurent. Pendant l'hiver 1633-1634, Le Jeune a suivi dans cette région un groupe d'une quinzaine de Montagnais et partagé leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs.

Paul Le Jeune (1591-1664)

Pour un Européen habitué à un certain confort, Le Jeune s'accommode plutôt bien du mode de vie des Amérindiens, de leurs longs déplacements à pied, en raquettes ou en canoe, et même d'un épisode de famine quand le gibier est venu à manquer. Ce qui le dérange le plus, c'est la promiscuité et l'inconfort des habitations temporaires, mi-igloos, mi wigwams. que les Montagnais construisaient dans la neige à chaque étape du voyage.

Son récit est présenté comme un des premiers textes littéraires écrits au Canada dans l'Histoire de la littérature canadienne-française par les textes de Bessette, Geslin et Parent, publié en 1968.



Dans un passage du récit, intitulé Chez les Sauvages, Le Jeune raconte comment étaient construits les abris d'hiver des Montagnais. Il décrit aussi les conditions de vie difficiles dans ces wigwams enfouis dans la neige, le pire étant la fumée qui emplissait l'habitacle. On peut facilement imaginer les conséquences néfastes de l'inhalation continuelle de cette fumée sur l'état de santé des peuples algonquiens. Voici un extrait du passage en question :
« Figurez-vous donc un grand rond ou un carré dans la neige, haute de deux, de trois ou de quatre pieds, selon les temps ou les lieux où on cabane. Cette profondeur nous faisait une muraille blanche, qui nous environnait de tous côtés, excepté par l'endroit où on la fendait pour faire la porte. La charpente apportée, qui consiste en quelque vingt ou trente perches, plus ou moins selon la grandeur de la cabane, on la plante, non sur la terre, mais sur le haut de la neige; puis on jette, sur ces perches, qui s'approchent un petit par en haut, deux ou trois rouleaux d'écorce cousus ensemble, commençant par le bas; et voilà la maison faite. On couvre la terre, comme aussi cette muraille de neige qui règne tout à l'entour de la cabane, de petites branches de pin et, pour dernière perfection, on attache une méchante peau à deux perches pour servir de porte, dont les jambages sont la neige même.

Voyons maintenant en détail toutes les commodités de ce beau Louvre.

Vous ne sauriez demeurer debout dans cette maison, tant pour sa bassesse que pour la fumée qui suffoquerait, et par conséquent il faut toujours être couché ou assis sur la plate terre; c'est la posture ordinaire des sauvages. De sortir dehors, le froid, la neige, le danger de s'égarer dans ces grands bois, vous font rentrer plus vite que le vent et vous tiennent en prison dans un cachot qui n'a ni clef ni serrure.

Ce cachot, outre la posture fâcheuse qu'il faut tenir sur un lit de terre, a quatre grandes incommodités; le froid, le chaud, la fumée et les chiens.

... Or, je dirai néanmoins que ni le froid ni le chaud n'ont rien d'intolérable et qu'on trouve quelque remède à ces deux maux. Mais pour la fumée, je vous confesse que c'est un martyre. Elle me tuait, et me faisait pleurer incessamment sans que j'eusse ni douleur ni tristesse dans le coeur. Elle nous terrassait parfois tous tant que nous étions dans la cabane, c'est-à-dire qu'il fallait mettre la bouche contre terre pour respirer. Car, encore que les sauvages soient accoutumés à ce tourment, si est-ce que parfois il redoublait avec une telle violence qu'ils étaient contraints aussi bien que moi de se coucher sur le ventre, et de manger quasi la terre pour ne point boire la fumée. J'ai quelquefois demeuré plusieurs heures en cette situation. notamment dans les plus grands froids, et lorsqu'il neigeait. Car c'était en ces temps-là que la fumée nous assaillait avec le plus de fureur, nous saisissant à la gorge, aux naseaux et aux yeux : que ce breuvage est amer! que cette odeur est forte! que cette vapeur est nuisible à la vue! J'ai cru plusieurs fois que je m'en allais être aveugle, les yeux me cuisaient comme feu, ils me pleuraient ou distillaient comme un alambic, je ne voyais plus rien que confusément, à la façon de ce bonhomme qui disait : Video homines velut arbores ambulentes (je vois les gens comme des arbres qui marchent). Je disais les psaumes de mon bréviaire comme je le pouvais, les sachant à demi par coeur, j'attendais que la douleur me donnât un peu relâche pour réciter les leçons. Et quand je venais à les lire, elles me semblaient écrites en lettres de feu, ou d'écarlate. J'ai souvent fermé mon livre, n'y voyant rien que confusion qui me blessait la vue. Quelqu'un me dira que je devais sortir de ce trou enfumé et prendre l'air, et je lui répondrai que l'air était ordinairement en ce temps-là si froid, que les arbres qui ont la peau plus dure que celle de l'homme, et le corps plus solide, ne lui pouvaient résister, se fendant jusqu'au coeur faisant un bruit comme d'un mousquet en s'éclatant. »

Paul Le Jeune a rédigé au moins dix volumes des Relations des Jésuites de 1632 à 1641. Il a aussi écrit un catéchisme en langue montagnaise. C'est lui qui a célébré les funérailles de Samuel de Champlain en 1635.

jeudi 2 mai 2013

Deux cousins patriotes

Des cousins Kimber, tous les deux médecins et chefs du parti patriote, l'un à Trois-Rivières et l'autre à Chambly, ont adopté des positions diamétralement opposées pendant la révolte de 1837.

On oublie souvent de préciser que si l'insurrection à touché certains comtés de l'Ouest, le Richelieu principalement, elle ne s'est pas étendue au reste du Québec. Dans la plupart des districts, les membres du parti patriote ont refusé de prendre les armes. Le tome quatrième des Annales des Ursulines de Trois-Rivières, publié en 1911, nous offre un témoignage à ce sujet :
« Nous arrivons aux événements si graves de 1837 ; mais les agitations politiques s'arrêtent sur le seuil du cloître. L'annaliste n'en dit rien. D'ailleurs, on était modéré aux Trois-Rivières. Le Dr Kimber, homme prudent et éclairé, qui fut le chef des patriotes du district, en ces jours néfastes, ne voulait combattre que sur le terrain constitutionnel. » (page 11).
Les Kimber descendent de Joseph-Antoine Ickembert, un jardiner d'origine allemande, soldat des troupes de la marine, arrivé en Nouvelle-France vers 1750. Il a eu deux petits-fils médecins et patriotes : René-Joseph à Trois-Rivières et Timothée à Chambly. 

René-Joseph (1786-1843) était un chef patriote modéré qui s'est opposé à l'usage des armes. Il a été médecin des Ursulines, capitaine de milice et député de Trois-Rivières. Le site de l'Assemblée nationale présente une courte biographie de ce parlementaire.

Son cousin Timothée, un patriote radical, a pris part à la bataille de Saint-Denis et s'est ensuite enfui aux États-Unis où il a été arrêté. Il rêvait de prendre Montréal à la tête d'une armée de 50 000 hommes avant de marcher sur Québec. Il est entré dans le Dictionnaire biographique du Canada.

On peut imaginer l'ambiance qui régnait chez les Kimber lors des réunions de famille.







Ickembert, Jos.-Antoine

Allard, Geneviève

27 août 1753 Beauport



Kimber, Joseph
Kimber, René
Dabin, Josephte
Robitaille, Josette
27 juin 1780 Québec
19 mai 1785 Québec



Kimber, Timothée
Kimber, René-Joseph
Boileau, Émilie
Berthelot, Appoline
12 nov. 1822 Chambly
29 octobre 1811 Montréal