samedi 31 mars 2012

Les prénoms bibliques

Doit-on chercher une origine juive aux immigrants qui portaient des prénoms de l'Ancien Testament ?

Le sacrifice d'Abraham
Des traditions différentes

La religion a occupé une  place très importante dans la vie de nos ancêtres catholiques. Quand venait le temps de faire baptiser leurs enfants, ils pensaient naturellement aux prénoms qu'il avaient entendu prononcer à l'église. De plus, le clergé suggérait aux parents d'utiliser des prénoms chrétiens, ce qui inclus ceux de l'Ancien et du Nouveau Testament, de même que les prénoms des saints. Les prénoms bibliques étaient donc en usage chez les catholiques. Certains prénoms de l'Ancien Testament ont d'ailleurs été très populaires. Parmi les plus communs, mentionnons Élisabeth, Suzanne, Élie et Raphaël.

Mais il était très rare qu'une famille catholique donne systématiquement des prénoms de l'Ancien Testament à ses enfants. Par contre, c'était la tradition chez les Juifs et assez fréquent chez les protestants qui étudiaient librement la Bible. L'Église catholique ne permettait pas le libre examen des textes bibliques par ses fidèles. Les protestants étaient donc plus familiers avec les personnages de l'Ancien Testament que les catholiques.

Je ne crois pas que les hommes intervenaient beaucoup dans le choix des prénoms de leurs enfants, sauf peut-être pour le premier fils. C'était plutôt une responsabilité ou un privilège de la mère. Dans les cas de mariages mixtes, il faut donc considérer l'origine religieuse des deux parents.

Dans le texte qui suit, prénom biblique est employé comme synonyme de prénom de l'Ancien Testament.

Chez les Juifs  

Portrait d'Aaron Hart
Donner des prénoms bibliques à ses enfants était une tradition chez les Juifs, mais pas une règle. Prenons l'exemple d'Aaron Hart, un marchand juif qui a suivi l'armée du général Wolfe. Il a épousé une cousine, juive elle aussi. Leurs enfants : Moses, Ezekiel, Benjamin, Alexandre, Catherine, Charlotte, Elizabeth et Sarah. On trouve quand même trois prénoms sur huit qui ne sont pas d'origine biblique : Alexandre, Catherine et Charlotte.

À ma connaissance, très peu de personnes de religion juive avérée ont immigré au Québec à l'époque de la Nouvelle-France et aucune d'entre elles n'a laissé de descendance. Certains prétendent qu'Étienne Gélinas était juif, mais je n'ai vu aucune preuve à cet effet. Il est cependant possible que des immigrants en Nouvelle-France aient caché une origine juive pour s'intégrer à la population locale.

Les familles juives ont commencé à arriver au Québec au moment de la Conquête. Selon l'historien Denis Vaugeois, ils représentaient une portion importante de la population anglophone sous le régime militaire anglais. À l'époque, les étrangers étaient nombreux et l'antisémitisme était peu répandu dans la population canadienne.

Les mariages mixtes de Juifs avec des catholiques ont été plutôt rares. Quand cela arrivait, un des deux conjoints devait abjurer sa foi. Reprenons l'exemple de la famille Hart de Trois-Rivières. À la troisième génération,  le notaire Moses-Ezechiel Hart a épousé Georgiana Pothier à la cathédrale de Trois-Rivières. Leurs enfants : Marie-Anne Georgiana, Moîse-Alexandre-Thomas, Ezéchiel, Joséphine-Domitille, Emma, Judas, David, Louis-Napoléon-Hormidas. Quatre prénoms de l'Ancien Testament sur huit. Dans ce cas, la tradition des prénoms bibliques s'est maintenue après la conversion au catholicisme. Moses-Ezechiel Hart a reçu une sépulture catholique.

Chez les catholiques

Peu d'immigrants français ont porté  des prénoms de l'Ancien Testament. Les plus connus sont Abraham Martin qui a laissé son prénom aux Plaine d'Abraham à Québec et Zacharie Cloutier dont la descendance est très nombreuse. On trouve aussi quelques prénoms bibliques comme patronymes : Abraham, Adam, Benjamin, David, Élie, Jacob.

J'ai trouvé 39 filles du roi qui portaient des prénoms de l'Ancien Testament, soit moins de 6 % du total. La moitié d'entre elles portaient le prénom d'Élisabeth. Voici la liste :

Élisabeth Aubert, Suzanne Aubineau, Marthe Barton,  Marthe Beauregard, Élisabeth Blais,Suzanne Chevalier, Esther Coindreau, Élisabeth Cretel, Esther Dannessé, Élisabeth Delaguéripière, Suzanne Delicerace, Judith De Matras, Élisabeth Deschatelets, Élisabeth Detarragon, Élisabeth Doucinet, Élisabeth Durand, Suzanne Durand, Élisabeth Godillon, Élisabeth Haquin, Élisabeth Hubert, Élisabeth Jossard, Suzanne Lacroix, Suzanne Lecomte, Élisabeth Leconte, Élisabeth Lefebvre, Élisabeth Lequin, Élisabeth Marchand, Marthe Payen, Marthe Pointel, Élisabeth Prévost, Marthe Quitel, Marthe Ragot, Marthe Raudy, Élisabeth Renault, Élisabeth Renault, Suzanne Rousselin, Élisabeth Roy, Suzanne Tru, Judith Vallée.

Chez les protestants

Plusieurs immigrants qui ont fréquenté des églises protestantes portaient des prénoms de l'Ancien Testament. Dans les cas où on n'a pas retrouvé d'acte de baptême, l'hypothèse d'une origine juive ne peut être écartée. Mais il faut être prudent.

Prenons l'exemple de Jacob Bettez, un négociant suisse qui serait arrivé au Canada avec l'armée du général Wolfe. Ses parents Jacob-Antoine Bettez et Marie-Esther Tapis portaient aussi des prénoms bibliques. Quatre de ses six frères et soeurs portaient de tels  prénoms (Suzanne, Abraham, David et Daniel). Bettez  s'est marié deux fois. Il a donné des prénoms de l'Ancien Testament à 8 de se 21 enfants. Son prénom, son métier, les prénoms de ses parents, de ses frères et soeurs et de ses enfants, tout porte à croire qu'il était Juif.  Mais non ! On a retrouvé son acte de baptême : Jacob Bettez a été baptisé le 9 août 1733 à Combremont-le-Petit.


La fréquence des prénoms bibliques

J'ai calculé la fréquence des prénoms bibliques dans ma base de données généalogiques qui contient des informations sur 18 906 individus, en grande majorité des francophones catholiques de la Mauricie. Je me suis limité aux prénoms de l'Ancien Testament (Abraham, Esther, Gabriel, Isaïe, Jacob, Rachel, Rébecca ...).

Dans cet échantillon, on trouve que 729 personnes ont porté un prénom tiré de l'Ancien Testament, soit 4 % du total ou encore, 1 personne sur 25. La fréquence était plus forte chez les filles (403) que chez les garçons (326), à cause de la popularité du prénom Élisabeth. Voici les résultats obtenus pour chaque prénom :

Chez les garçons : Abraham (15), Adam (30), Benjamin (26), Daniel (22), David (19), Élie (46), Emmanuel (4), Gabriel (14), Isaac (37), Jacob (10), Jérémie (3), Joël (1), Jonathan (3), Jonas (1), Josué (7), Lévi (1), Moïsee (23), Noé (5), Raphaël (41), Salomon (2), Samuel (10), Zacharie (6). Total : 326.

Chez les filles : Carmelle (6), Déborah (1), Dina (13), Dora (5), Edna (1), Élisabeth (143), Esther (22), Gabrielle (23), Judith (21), Léa (20), Marthe (9), Myriam (1), Rachel (19), Rébecca (25), Ruth (2), Salomé (7), Sarah (32), Suzanne (53). Total : 403.

De nos jours

Certains de ces prénoms sont devenus très populaires de nos jours. En 2010, selon la Régie des rentes du Québec, 4 des 10 prénoms les plus donnés aux garçons étaient d'origine biblique : Jacob, Nathan, Samuel et Gabriel. Zacharie était aussi très fréquent. Par contre, il n'y en avait qu'un seul parmi les 10 prénoms les plus populaires chez les filles : Chloé.

Le sacrifice d'Abraham est une toile de Rembrandt qui date de 1635. Elle est conservée au Musée de l'Hermitage à Saint-Petersbourg.

mardi 27 mars 2012

Infanticide sur la Batiscan

On trouve parfois des choses horribles en lisant les journaux anciens. Voici un entrefilet publié dans le journal Le Constitutionnel de Trois-Rivières le 27 août 1869 :
« Mercredi soir, Monsieur le coroner Guillet fut informé qu’un enfant nouveau-né avait été trouvé dans la rivière Batiscan, vis à vis St-Tite, avec une corde au cou à laquelle était attachée une roche. On soupçonne qui a pu commettre un crime aussi abominable, mais on a encore rien de certain. »
L'article est tiré des Bases de données en histoire de la Mauricie.

dimanche 25 mars 2012

Une saison dans la vie d'Emmanuel


La littérature canadienne-française, c'est-à-dire la littérature québécoise d'avant 1960, présentait  un portrait idyllique des familles nombreuses. On trouve un bon exemple de cette vision positive de la famille rurale dans le roman La campagne canadienne d'Adélard Dugré. Les Barré de Pointe-du-Lac vivent dans une grande maison sur une ferme prospère. Leurs nombreux enfants sont heureux, bien élevés et bien nourris. Les parents, aidés par les grands-parents, les aiment et pourvoient à tous leurs besoins. Le temps des Fêtes dure plusieurs jours et la maison est pleine d'invités.

La réalité était parfois moins rose. Je me suis déjà demandé en voyant une ancienne maison de colon - il en reste encore quelques-unes dans certaines régions de colonisation récente - comment des familles de dix ou douze enfants pouvaient vivre dans un espace aussi restreint. Ces vieilles maisons de bois construites à  la fin du XIXe siècle ont environ quinze à vingt pieds de façade avec un demi-étage qui servait au coucher. On peut imaginer la promiscuité et les problèmes d'hygiène, particulièrement en hiver.

Dans son roman Une saison dans la vie d'Emmanuel, prix Médicis en 1966, Marie-Claire Blais porte un regard très sombre sur la famille rurale. Les parents sont complètement dépassés par leurs tâches et c'est la grand-mère qui prend toutes les décisions. Les seize enfants ne reçoivent que très peu d'attention et encore moins d'affection. Ils sont sales et s'entassent à quatre ou cinq dans le même lit.

La grand-mère Antoinette dit à Emmanuel, le nouveau-né : « C'est un bien mauvais temps pour naître, nous n'avons jamais été aussi pauvres, une saison dure pour tout le monde, la guerre, la faim, et puis tu es le seizième ... »  Un peu plus loin : « Les nouveaux-nés sont sales. Ils me dégoûtent. Mais tu vois, je suis bonne pour toi, je te lave, je te soigne, et tu seras le premier à te réjouir de ma mort. »

Mais ça demeure un très bon roman que j'ai aimé relire.

Voir aussi sur ce blog : La campagne canadienne et la Loi des douze enfants.

lundi 19 mars 2012

Un draveur s'est noyé

Un article paru dans le journal Le Nouveau Trois-Rivières du 20 mai 1910 fait état de la noyade d'un draveur :
« Fin tragique de Ovila Desaulniers.

Grandes Piles, Qué., 20. Un employé de la Gray Falls Co. nommé Ovila Desaulniers, qui travaillait à la descente des billots sur la rivière Batiscan, près du St-Maurice, s’est noyé le 16 mai. Son corps fut transporté ici en canot par ses compagnons de travail. Il était âgé de 19 ans et il était le fils de Joseph Desaulniers, de Shawinigan. Le coroner J.E. Vanasse de St-Maurice a rendu un verdict de mort accidentelle. » 
On trouve au registre de la paroisse Saint-Pierre de Shawinigan, en date du 19 mai 1910, la sépulture de Joseph-Ovila Desaulniers, fils de Joseph Desaulniers et d'Éliza Lupien. Son décès a eu lieu le 16, ce qui correspond à la date de la noyade rapportée dans Le Nouveau Trois-Rivières. Il est à noter que le véritable prénom de sa mère était Laïseur et non pas Éliza.

Je n'ai rien trouvé sur l'entreprise pour laquelle il travaillait, la Grey Falls Co.

L'article du journal est tiré des Bases de données en histoire de la Mauricie.

mercredi 14 mars 2012

Des loups la nuit

Quand je suis allé le voir quelques mois avant son décès, le vieux Monsieur Lampron du chemin des Dalles à Saint-Étienne-des-Grès m'a raconté une autre anecdote qui montre bien que la vie des enfants comportait davantage de risques dans son temps. Les garçons surtout devaient commencer très jeunes à assumer des responsabilités d'adultes en dehors de la maison.

Voici l'histoire qu'il m'a raconté. Son père lui avait demandé d'aller chercher des bardeaux de cèdre au moulin à scie de Saint-Mathieu. Le chemin le plus court pour y aller passait par la montagne au bout du chemin du quatrième rang de Saint-Boniface. Cet ancien « chemin de bois » qui traversait une érablière était juste assez large pour laisser passer les voitures à chevaux. C'est devenu ajourd'hui une piste pour les motoneiges.

Monsieur Lampron, alors âgé de neuf ou dix ans, était parti très tôt le matin « pour revenir de clarté », disait-il. Mais un problème au moulin à scie avait retardé son retour et l'obscurité, « la noirceur »,  l'avait surpris en pleine forêt. Dans la montagne entre Saint-Mathieu et Saint-Boniface, on ne distinguait plus le chemin bordé par les arbres. Des loups hurlaient. L'enfant effrayé s'était blotti au fond du chariot en pleurant, convaincu qu'il allait âtre dévoré par les loups.


Il est difficile la nuit dans la montagne de localiser les hurlements des loups et de se se faire une idée précise de la distance qui nous sépare de la meute. Heureusement, le cheval n'a pas paniqué. Il a poursuivi sa route et ramené l'enfant vivant mais traumatisé à la maison de son père.

Il paraît que la pression de la machoire d'un loup est trois fois plus forte que celle d'un chien.

mardi 13 mars 2012

La démocratie municipale

Quelques mois avant son décès, le vieux Monsieur Lampron du chemin des Dalles m'a raconté un souvenir des élections municipales à Saint-Étienne-des-Grès dans les années 1930. Son fils l'aidait à raconter.

Cette année-là, un des deux candidats à la mairie était mon grand-père Joseph-Félix Saintonge. Le vote avait lieu dans un petit bureau où se tenaient un secrétaire d'élection et les deux candidats à la mairie. À tour de rôle, les électeurs entraient dans le bureau et désignaient à haute voix le candidat de leur choix. Les candidats savaient donc précisément qui votaient contre eux. C'était intimidant pour les électeurs.

Monsieur Lampron hésitait à m'avouer qu'il n'aimait pas mon grand-père Félix : « C'était pas mon homme, il écoutait pas.» Il avait donc désigné l'autre candidat et mon grand-père avait été battu de peu. Les jours suivant l'élection, Monsieur Lampron était gêné d'aller au magasin général qui était tenu par ma grand-mère Alma Picard qu'il aimait bien. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle savait et qu'elle lui en voulait d'avoir voté contre son mari.

Alma Picard ( 1895-1976)

samedi 10 mars 2012

La jeune fille en tous pays

Dans la série des cartes postales véhiculant des préjugés nationaux, voici une autre carte produite en France par Bergeret dans les années 1900-1905 et vendue au Canada par Pinsonneault et Frères de Trois-Rivières. Le texte en rouge (cliquez sur la carte) nous explique les différences entre les jeunes filles française, américaine, allemande, etc.

Remarquez l'évolution des canons de beauté. On savait alors apprécier les créatures bien en chair.

Voir aussi sur ce blog : Une carte postale chauvine et Commandements de la jeune épousée

vendredi 9 mars 2012

Un naturel anglais

Un naturel anglais de 2 ans prénommé Wilbrun a été recensé à Trois-Rivières en 1852. C'est la première fois que je trouve une telle mention dans un recensement. 

Il vivait chez la veuve Marie L Ouellette (50 ans) et ses trois filles célibataires : Marie Charrette (23 ans), Julie Charrette (20 ans) et Marguerite Charrette (17 ans). Les quatre femmes exerçaient le métier de blanchisseuse. Marie L Ouellette est née à Kamouraska et ses trois filles, à Trois-Rivières. L'enfant Wilbrun est aussi né à Trois-Rivières selon le recensement.

Dans le contexte de l'époque, naturel désigne un enfant dont les parents n'étaient pas mariés au moment de sa conception. Wilbrun pouvait être le fils d'une des quatre femmes avec qui il habitait ou encore, un enfant recueilli. Habituellement les enfants qui n'avaient pas de patronyme étaient des enfants trouvés. Dans ce cas-ci, le fait que le recenseur ait inscrit sur le formulaire Angl. pour anglais m'incite à croire que l'identité des parents était connue. Le recenseur a aussi indiqué que Wilbrun n'était pas un membre de la famille de Marie L Ouellette.

D'autres enfants sans patronyme ont été recensés à Trois-Rivières en 1852. Il y avait dix-sept enfants naturels qui vivaient dans une crèche pour enfants trouvés tenue par la famille Péligor. On pense au roman David Copperfield de Charles Dickens écrit en 1850. La vie était plus dure qu'aujourd'hui et les abandons d'enfants plus fréquents à cette époque. Le petit Wilbrun, qui vivait seul avec quatre femmes, était mieux entouré que ces dix-sept enfants trouvés.

Voir aussi sur ce blog : Un dépotoir à nourrissons.

dimanche 4 mars 2012

Les pins de Nicolet

Le poète et conteur  Louis Fréchette (1839-1908) est né à Lévis, en face de Québec, sur la rive sud du Saint-Laurent. Il a d'abord fréquenté le séminaire de Québec puis, brièvement, l'institut de La Pocatière dans le Bas-du-fleuve. Je crois avoir lu quelque part qu'il s'était fait mettre à la porte du séminaire de Québec pour indiscipline. Il a ensuite étudié au séminaire de Nicolet pendant deux ans, en 1859 et en 1860. Il y avait seulement trois collèges classiques au Bas-Canada à cette époque : Québec, Nicolet et Montréal. Le choix était donc limité.

Fréchette était considéré comme un très bon élève à Nicolet, mais il n'a pas complété son cours classique. Il a abandonné ses études après la Rhétorique, soit l'équivalent de Collège 1 aujourd'hui, alors qu'il lui restait encore deux années à faire avant d'être admis à l'université :  la Philo 1 et la Philo 2. En raison de son parcours irrégulier, il était de deux ans plus âgé que ses confrères de classe.

Il a conservé un fort attachement au collège de Nicolet qu'il considérait comme son alma mater. Il s'est lié d'amitié avec le grand vicaire Thomas Caron qui deviendra plus tard le supérieur du collège.

Féchette a regroupé ses oeuvres de jeunesse dans un premier recueil intitulé Mes loisirs qui a été publié à Québec en 1863.  Trois poèmes de ce recueil font allusion à son séjour à Nicolet : 
  • Alleluia, un hommage à l'abbé Thomas Caron, 1859;
  • Un soir au bord du Lac Saint-Pierre, Souvenir de Nicolet, 1860;
  • Les pins de Nicolet, dédié à Mademoiselle M.C.,1861. 
Les pins de Nicolet est inspiré d'une pinède qui était située près du collège sur le bord de la rivière Nicolet. Cette pinède est maintenant disparue. Le boisé a été emporté par un glissement de terrain le 12 novembre 1955. On trouve le récit de cet événement dans le numéro 82 de la revue Cap-aux-Diamants : « À la place du parc des Pins, qu'avait chanté Louis Frechette, il ne restait plus qu'un vaste cratère d'environ 7 à 10 mètres de profondeur, 145 mètres de largeur et 200 mètres de longueur »

Au dix-huitième vers du poème Les pins de Nicolet, le narrateur entend « Ever of Thee! », chanté par une voix féminine. « Ever of Thee! » est le titre d'une chanson populaire américaine composée en 1858. On peut l'entendre sur Youtube interprétée par la contralto Sophie Braslau.  Je suppose que les étudiants du collège de Nicolet connaissaient cette chanson. C'était avant l'invention du phonographe, mais les partitions des chansons populaires étaient commercialisées.


Les pins de Nicolet

Ô mes vieux pins touffus, dont le tronc centenaire 
Se dresse, défiant le temps qui détruit tout, 
Et, le front foudroyé d'un éclat de tonnerre, 
Indomptable géant, reste toujours debout! 
J'aime vos longs rameaux étendus sur la plaine, 
Harmonieux séjours, palais aériens,
Où les brises du soir semblent à chaque haleine 
Caresser des milliers de luths éoliens. 
J'aime vos troncs rugueux, votre tête qui ploie
Quand le sombre ouragan vous prend par les cheveux, 
Votre cime où se cache un nid d'oiseau de proie, 
Vos sourds rugissements, vos sons mystérieux. 
Un soir, il m'en souvient, distrait, foulant la mousse 
Qui tapisse en rampant vos gigantesques pieds, 
J'entendis une voix fraîche, enivrante, douce, 
Ainsi qu'un chant d'oiseau qui monte des halliers. 
Et j'écoutai rêveur... et la note vibrante
Disait : Ever of thee! - C'était un soir de mai; 
La nature était belle, et la brise odorante... 
Tout ainsi que la voix disait : aime! ... et j'aimai ! 
O mes vieux pins géants, dans vos concerts sublimes, 
J'ai souvent retrouvé ce divin chant d'amour
Qui résonne toujours dans mes rêves intimes, 
Et votre souvenir dore mon plus beau jour. 
Puissé-je, un soir encor, sous vos sombres ombrages, 
Rêver en écoutant vos soupirs amoureux
Ou vos longues clameurs, quand l'aile des orages 
Vous secoue en tordant vos bras majestueux! 
Malheur à qui prendra la hache sacrilège
Pour mutiler vos flancs par de mortels affronts!... 
Mais non ! ô mes vieux pins ! le respect vous protège, 
Et des siècles encor passeront sur vos fronts.
 1 Juin 1861

vendredi 2 mars 2012

La musique de Monsieur Chatillon

Cathédrale de Nicolet en 1890
Octave Hardy dit Chatillon (1831-1906) a été professeur de musique au collège de Nicolet pendant une quarantaine d'années et organiste à la cathédrale de cette ville. Selon Louis Caron : c'était un personnage de haute taille et d'allure martiale, à la tête couronnée d'une chevelure léontine et dont le visage s'enveloppait d'une épaisse barbe descendant en pointes sur la poitrine.

Il a surtout composé de la musique religieuse. On lui doit six messes, cinq cantates, des motets, des choeurs et diverses oeuvres écrites pour certains instruments. Signalons une musique pour flûte, clarinette et violoncelle dont les pièces sont intitulées : Les chutes de Shawinigan, Les Forges, Le voyage de noces, Promenades, Le Saint-Maurice et Voyage en train. Un enregistrement réalisé par son arrière-petit-fils Jean Chatillon est disponible aux BANQ.

On trouve dans Le Journal des Trois-Rivières du 28 décembre 1866 le compte-rendu d'une fête au collège de Nicolet au cours de laquelle Octave Chatillon assurait la partie musicale :
« La St-Thomas a été célébrée au collège de Nicolet avec le même entrain et la même pompe que dans les années précédentes. Et certes, il ne pouvait en être autrement, car les élèves de cette institution chôment la fête patronale de leur supérieur, de Monsieur le Grand-Vicaire Thomas Caron, de cet homme de bien qui, depuis vingt-huit ans, se consume, avec un dévouement sans égal, dans l’oeuvre de l’éducation de l’esprit et du coeur de la jeunesse du pays. Il y avait à la séance du soir une vingtaine des messieurs du clergé du diocèse et une foule extraordinaire de laïques toujours avides de cette fête.

 On a joué les “deux captifs”, et on a remporté dans cette pièce un succès remarquable. Plusieurs des acteurs se sont révélés au public comme des orateurs puissants. La comédie “foin et paille” a excité à plusieurs reprises les rires de toute l’assemblée. La musique et le chant ont été ravissants comme toujours sous la direction d’un violoniste aussi habile que l’est Monsieur de Châtillon. »

L'article du Journal des Trois-Rivières est tiré des Bases de données en histoire de la Mauricie. La photo de la cathédrale de Nicolet provient de la collection des BANQ.