jeudi 29 septembre 2011

Deux portraits de Jean-Baptiste Boucher

Jean-Baptiste Boucher, fils de Jean-Baptiste et de Marguerite Flamand, était un métis rattaché aux Algonquins Têtes-de-Boule de la Haute-Mauricie. Il a épousé Célina Plamondon, fille de Félix et de Margerite Chartrand, le 22 août 1865 à Saint-Tite dans le comté de Champlain. L'abbé Napoléon Caron a écrit que la femme de Jean-Baptiste était une sauvage, mais j'en doute. Elle était peut-être métisse d'une autre nation. Ça reste à confirmer. Des Abénaquis chassaient sur la rivière Batiscan à cette époque.

Ils ont habité une maison sur le bord du Saint-Maurice, à l'embouchure de la rivière Croche, au nord de La Tuque. Ils cultivaient la terre selon l'abbé Caron. Jean-Baptiste Boucher faisait aussi la chasse et la trappe et vendait ses fourrures aux Trois-Rivières. Il était connu parce que sa maison se trouvait sur la route des voyageurs qui remontaient ou descendaient le Saint-Maurice. J'ai trouvé une quinzaine d'actes les concernant dans les registres des paroisses de Saint-Tite, Sainte-Flore et Grande-Anse, notamment des baptêmes d'enfants nés sur la rivière Croche.

On trouve deux témoignages contradictoires sur Jean-Baptiste Boucher : le premier, en 1872, le présente comme un scélérat et le second, en 1887, comme un bon chrétien. Lequel croire ?

Le scélérat

Un article du journal Le Constitutionnel de Trois-Rivières du 22 janvier 1872 nous trace un portait très négatif de Jean-Baptiste Boucher :
"Un sauvage Tête-de-Boule du nom de Boucher, résidant à l'embouchure de la Rivière Croche, dans le haut du St-Maurice, a été arrêté en cette ville, samedi, au moment où il était à vendre des pelleteries chez M. Lesieur, rue Notre Dame. La cause de cette arrestation mérite d'être connue. Si les faits sont tels que les raconte la rumeur publique, cet homme serait d'une cruauté et d'une scélératesse inouïe.

Un jeune homme et une jeune fille restent avec Boucher. Ce sont les enfants d'un de ses beaux-frères nommé Plamondon, mort depuis quelques années. Boucher était parti, il y a quelques temps, avec son neveu pour aller trancher le castor, c'est- à dire pour aller prendre le castor sous la glace sur les lacs. Boucher revint seul à la maison, il y a quelques jours. M. Vassal, qui descendait du St. Maurice, trouva le jeune Plamondon sur le chemin, presque mort de froid et de faim. Il le ramassa, le mit dans sa voiture et le ramena chez son oncle. Le jeune homme raconta que Boucher, prétextant qu'il manquait de vivres, avait refusé de lui donner à manger, et que à mesure qu'il affaiblissait, son oncle le battait pour le faire marcher. A la fin, ne pouvant plus se tenir sur ses jambes, il tomba de lassitude sur le bord de la route. Lorsque Boucher vit que son neveu ne pouvait plus bouger il lui jeta une hache et s'en vint à sa maison. Il était alors à neuf milles de sa demeure. En se rendant chez Boucher, M. Vassal rencontra en route la soeur du jeune homme qu'il avait dans sa voiture. Elle pleurait et lui dit qu'elle allait à la recherche de son frère, Il la ramena avec lui. Arrivé chez Boucher le jeune Plamondon était tellement gelé que les pieds lui tombèrent et qu'enfin il mourut deux jours après. On dit que même durant ces deux jours la conduite de Boucher a été suspecte, qu'il tenait à éloigner les étrangers de la maison et qu'il a lui même enterré son neveu, sans l'aide de personne. Il paraitrait que Plamondon porte sur son corps les marques de mauvais traitements graves. On ajoute que Boucher aurait eu la tentation de ravir l'héritage de son neveu.

Dès que ces faits furent connus à Trois- Rivières, le chef de police de notre ville a télégraphié au coroner de Québec, car la Croche se trouve dans le district de Québec. Le coroner de Québec n'a pas voulu s'occuper de l'affaire.

C'est sous ces circonstances que Boucher, étant venu vendre ses pelleteries en ville, a été arrêté par le constable Fearon. On ajoute qu'au moment où il a abandonné son neveu, Boucher avait encore la viande de deux castors.

Il est probable que cette affaire va donner lieu à une poursuite criminelle fort difficile et que les tribunaux de Québec auront à faire venir plusieurs des témoins de la Tuque et de la Croche."
Il y a au moins une invraisemblance dans cet article du Constitutionnel qui cite « la rumeur publique » : on ne peut pas enterrer quelqu'un au mois de janvier, sans parler des pieds gelés qui tombent.


Le bon chrétien

Selon le récit de ses voyages sur le Saint-Maurice publié en 1888, l'abbé Napoléon Caron s'est arrêté chez Boucher en août 1887, soit quinze ans après la mort du neveu Plamondon. Voici ce qu'il en dit :

"A l'endroit où la rivière Croche se jette dans le Saint-Maurice, il y a deux magnifiques fermes ; celle qui est du côté de la Tuque appartient à M. Alex Baptiste et a été louée à M. B Hall. Celle qui est du côté nord appartient à M. Jean-Baptiste Boucher, ci-devant chef des Sauvages de Montachingue.

Ce monsieur est un métis intelligent et bon chrétien ; par ses ancêtres français, il est de la même famille que le seigneur Boucher de Maskinongé. Il a épousé une sauvage, et il garde un goût prononcé pour la chasse ; mais il est cultivateur par raison. Il a une jolie maison, extérieurement lambrissée en déclin. Quant à la terre qu'il possède, il nous semble qu'un homme qui a une propriété comme celle-là est déjà arrivé à la richesse.

Madame Boucher a plusieurs enfants et nous avons vu le plus jeune sur un de ces berceaux dont nous avons déjà donné la description. Elle a tous les traits du type sauvage, parle bon français mais paraît vouloir toujours laisser la parole à son mari."
L'abbé Caron a ajouté dans la marge que Jean-Baptiste Boucher n'est plus chef et que c'est son frère Sévère qui l'a remplacé.


Le même Boucher ?

Était-ce bien le même Boucher ?  Plusieurs détails le confirment : son appartenance aux Têtes-de-Boule, la maison à l'embouchure de la Croche, un beau-frère Plamondon.

J'ai trouvé l'article du Constitutionnel et plusieurs autres informations sur le Forum Autochtone de Planète Généalogie, qui est animé par le généalogiste Serge Goudreau. C'est un site à visiter pour ceux qui s'intéressent à la généalogie et à la petite histoire des Amérindiens.

Voir aussi :

- CARON, Napoléon. Deux voyages sur le Saint-Maurice,  Éditions du Septentrion.
- GÉLINAS, Claude. La Gestion de l'étranger : Les Atikamekw et la présence eurocanadienne en Haute-Mauricie 1760-1870,  Éditions du Septentrion, 2000, 379 pages.

mardi 27 septembre 2011

Le roi de la Mauricie

Albert Tessier, Jean Crête et la Mauricie, Collection "L'histoire régionale" no 20, Éditions du Bien Public, Trois-Rivières, 1956.

Ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'industrie forestière dans la région connaissent le nom de Jean J. Crête (1888-1967), surnommé le roi de la Mauricie. Dans les années 1940-1950, c'était sans doute l'homme le plus connu de la région après Maurice Duplessis. Mais Crête était un libéral, un rouge, alors que Duplessis était bleu comme le ciel.

L'auteur, Albert Tessier était un vieil ami de Crête qui a grandement facilité ses déplacements en Haute-Mauricie. Tessier a publié cette biographie élogieuse en 1956, alors que le roi était encore en affaires. L'éloge est sans doute mérité. En effet, tous les témoignages concordent pour reconnaître à Jean Crête de grandes qualités : sa générosité, sa gentillesse et son génie de l'organisation, notamment. Il était loyal envers ses amis et n'avait qu'une parole. Mais on devine qu'il pouvait aussi être dur et intransigeant, quand les choses n'allaient pas comme il le voulait.

Le magasin général

Jean J. Crête n'est pas parti de rien. Son père Adolphe exploitait un magasin général aux Grandes-Piles qui était alors la porte d'entrée des chantiers de la Haute-Mauricie. C'était le dernier village au bout de la ligne de chemin de fer des Piles achevée en 1880. À partir de là, le transport des hommes, des chevaux et des marchandises devait se faire par bateau sur le Saint-Maurice, dans des conditions de navigation parfois difficiles.

À l'âge de dix-huit ans,  après des études commerciales en Ontario, Jean Crête a pris la direction du magasin de son père décédé en 1904. Ce magasin était attenant à sa résidence où se trouvaient aussi son bureau. C'était le début de sa carrière en affaires. Deux occasions se sont ensuite présentées qui lui on permis de construire sa fortune : l'organisation du transport fluvial sur le Saint-Maurice et l'exploitation d'un vaste territoire forestier au nord de Mont-Laurier.

Le transport sur le Saint-Maurice

Sa première grande réussite a été de s'accaparer le monopole du transport des marchandises sur le Saint-Maurice. Il a trouvé des solutions pratiques aux difficultés de navigation, notamment par l'emploi d'embarcations à plus faible tirant d'eau. Les compagnies forestières, trop heureuses de se débarrasser d'un problème, lui ont confié la responsabilité de l'approvisionnement de leurs chantiers. Grâce à ce monopole, Crête se trouvait en position de force pour vendre aux compagnies les marchandises de son magasin des Grandes Piles. Il avait ainsi réalisé un début d'intégration verticale qu'il allait ensuite compléter en effectuant lui-même la coupe du bois.

La coupe du bois

Son magasin général et sa flotte de bateaux lui laissaient du temps libre durant l'hiver et les entreprises de coupe et de flottage l'attiraient. Vers 1922, il a commencé à se faire la main dans l'exploitation forestière en soumissionnant pour de petits contrats. Mais son premier grand contrat, qui allait lui permettre d'établir sa réputation d'entrepreneur forestier, a été celui de la Compagnie MacLaren au nord de Mont-Laurier. L'affaire était particulièrement risquée à cause de l'éloignement de la concession, de l'absence d'infrastructures et du volume minimal prévu de 1,5 million de billots. En deux semaines, Crête a réussi à rentabiliser l'opération en accordant des sous-contrats pour un total record de 11 millions de billots.

Au sommet de ses activités, Crête donnait du travail à plus de 6 000 hommes.  Il a choisi ses plus proches collaborateurs parmi les membres de sa famille : son fils Jean-Paul, son cousin Albert Crête et son gendre Arthur Rouleau.

Il est décédé en novembre 1967, à l'âge de 79 ans, des suites des blessures que lui ont infligé des cambrioleurs qui s'étaient introduits dans son manoir des Grandes Piles.

La photo qui suit a été prise en 1955, alors qu'il était âgé de 67 ans. Remarquez la pose : le sourire engageant, la cigarette dans la main gauche et la main droite dans la poche de son pantalon. On pense évidemment à René Lévêque, mais j'ai une photo de mon grand-père Joseph-Félix Saintonge (1888-1967),  un contemporain de Jean Crête qui exploitait aussi un magasin général, et qui prenait exactement la même pose. C'était, je crois, la posture typique d'un homme entreprenant des années cinquante.


L'exemplaire du livre de Tessier que j'ai en main a été dédicacé par Jean J Crête : « M Mme Charles Dumont en souvenir de notre beau voyage en Europe ».

lundi 26 septembre 2011

Le piège à mouches de tante Eugénie

Eulalie et Eugénie Lampron

Cette photo a été prise vers 1950. On voit à gauche Eulalie Lampron (1879-1956) et à droite sa soeur aînée Eugénie (1875-1959), deux filles de Sévère Lampron et d'Adéline Lord de Saint-Boniface de Shawinigan. Les deux femmes étaient devant la maison d'Eugénie qui était l'épouse d'Hilarion St-Onge, un cultivateur du Grand Quatre.  Eulalie, la petite, était l'épouse du grand Télesphore Descôteaux, un vendeur de machinerie agricole qui a été maire de la paroisse.

Remarquez les mains d'Eulalie qui étaient déformées par l'arthrose. Elle devait souffrir le martyr. Sa soeur Eugénie était atteinte du même mal, mais à un stade moins avancé. C'était une maladie héréditaire des femmes de cette famille.

Eugénie Lampron avait  une façon originale d'attraper les mouches domestiques, en mettant un peu de mélasse dans le fond d'une assiette à tarte qu'elle posait ensuite sur le meuble de son moulin à coudre. Attirées par l'odeur du sucre, les mouches allaient s'y engluer. Le comportement des mouches fascinait les enfants qui observaient le piège.

Eugénie Lampron était sage-femme, à une époque où les mamans accouchaient encore à la maison. On éloignait les enfants chez une voisine pour ne pas qu'ils entendent souffrir leur mère. Les sages-femmes étaient respectées dans leur milieu ; elles inspiraient confiance. Alice Descôteaux ne voulait voir personne d'autre que sa tante Eugénie auprès d'elle dans ces circonstances.

Voir aussi sur ce blog : En attendant bébé en 1901.

jeudi 22 septembre 2011

L'eau ferrugineuse

Un vieux classique de Bourvil (1917-1970) qui m'a beaucoup fait rire : L'eau ferrugineuse.

On attribuait à l'eau riche en fer diverses propriétés médicinales dont celle de guérir l'alcoolisme. L'abbé François-Xavier Côté (1788-1862), curé de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, en avait fait un élixir qui guérissait tous les maux des paroissiens qui venaient le consulter (voir sur ce blog L'eau divine de l'abbé Côté).

dimanche 18 septembre 2011

Cinq demiards

Cinq demiards était le nom donné autrefois aux bouteilles d'alcool de cinquante onces, chaque demiard canadien valant dix onces (un quart de pinte). Les bûcherons, lorsqu'ils « montaient dans les chantiers » en décembre, en cachaient parfois dans leurs bagages pour prendre un coup durant l'hiver. Les contremaîtres avaient ordre de les confisquer, s'ils les trouvaient.

Vous pouvez écouter le Reel des cinq demiards par le violoneux Joseph Allard  ici.

On trouve une mention du cinq demiards dans Contes, anecdotes et récits canadiens d'Aristide Filiatreault (1910) : 
« ... en revenant à la pension nous eûmes la précaution de nous munir d'un flacon de gin de cinq demiards. »

jeudi 15 septembre 2011

Un site sur les Lavergne

J'ai découvert par hasard un site consacré à la descendance d'Ambroise Lavergne et de Madeleine Joyal, une famille de la Mauricie. Ce site a été construit par Gilles Lavergne et Marcel Dupont. On le trouve ici.

Voir aussi sur ce blog : Monographie de la famille Lavergne.

L'arrivée des Martineau-Saintonge en Mauricie

L'arrivée des Martineau-Saintonge en Mauricie date de 1759, l'année de la prise de Québec par l'armée de Wolfe. Cette année-là, Geneviève Arcand, alors veuve de Simon Martineau-Saintonge, a déménagé sa famille de Deschambault, dans la seigneurie de la Chevrotière, pour aller s'établir à la Rivière-du-Loup (aujourd'hui Louiseville). La seigneurie de la Rivière-du-Loup appartenait alors aux Ursulines de Trois-Rivières. Les familles Saintonge ou St-Onge de la Mauricie descendent des deux garçons de Geneviève Arcand, Simon et Joseph Martineau-Saintonge.

Le moulin de la Chevrotière à Deschambault
 
Geneviève Arcand

Geneviève Arcand a été baptisée le 5 août 1708 à Deschambault. Elle était fille de Simon Arcand et de Marie Isnard. Elle a épousé Simon Martineau-Saintonge, fils de l'ancêtre Mathurin Martineau dit Saintonge, le 25 février 1726 à Deschambault.

Geneviève et Simon ont eu onze enfants, tous nés à Deschambault, dont les huit premiers étaient des filles. C'est une suite d'événements hautement improbable. Essayez d'obtenir huit faces de suite en lançant une pièce de monnaie et vous risquez d'y passer des jours sinon des semaines. Enfin, les neuvième et dixième ont été des garçons, Simon né en 1741 et Joseph né en 1743, suivis d'une dernière fille prénommée Élisabeth.

Simon Martineau-Saintonge est décédé en janvier 1750. En août de l'année suivante, Geneviève Arcand s'est remariée avec un veuf, Jean Denevers dit Boisvert, qui est décédé lui aussi peu après.

Le contrat

On trouve des informations sur le départ de cette famille pour Louiseville dans un contrat qui a été rédigé par le curé de Deschambault, Jean Ménage, le 27 février 1759. Je suppose que le curé faisait alors office de notaire parce qu'il était instruit et qu'il n'y avait pas de notaire à Deschambault. Le contrat rédigé par le curé a ensuite été collationné par le notaire Guyard de Fleury le 8 octobre 1760. J'ai retrouvé des extraits de ce contrat dans le texte d'une conférence prononcée par le généalogiste Jean-Jacques Saintonge il y a une dizaine d'années.

Le contrat prévoit que Geneviève Arcand échange ses propriétés situées dans la seigneurie de la Chevrotière (maison, terre et bâtiments) contre celles de Jean-Baptiste Maranda situées dans la seigneurie de la Rivière-du-Loup  Il prévoit aussi des échanges d'animaux (vaches, moutons, cochons) et de mobilier (couchettes, rouets) pour éviter d'avoir à transporter le tout. En 1759, par le Chemin du roy, il fallait bien deux jours pour aller de Deschambault jusqu'à la Rivière-du-Loup.

Il est à noter que Simon Arcand, le frère de Geneviève est subrogé tuteur. Les femmes, mêmes veuves, n'avaient pas la capacité légale de contracter. Par ailleurs, le contrat nous apprend que la propriété acquise par Geneviève Arcand à la Rivière-du-Loup était située entre celle de Louis Derive au "sorouest" et celle de Gervais Lambert au "nordest". Le déménagement a dû se faire en cette même année 1759 puisque la famille était déjà établie à Louiseville en 1760.

Le contexte de la transaction

Cette transaction m'a longtemps intrigué. Elle soulève deux questions. Comment une veuve en charge d'une famille nombreuse a-t-elle pu organiser un tel échange entre deux propriétés aussi distantes ? Pourquoi s'est-elle ainsi éloignée de sa famille, de ses frères et soeurs qui vivaient à Deschambault ?

J'ai trouvé quelques éléments de réponse qui peuvent nous aider à comprendre le contexte dans lequel s'est faite cette transaction :
    1. Une des filles de Geneviève Arcand, Marie-Louise née en 1739 était déjà installée dans la région. Elle a épousé Alexis Gerbeau le 7 novembre 1757 à Louiseville. Alexis Gerbeau, natif de Louiseville, est peut-être celui qui a organisé l'échange des terres en 1759 pour permettre à sa belle-famille de venir les rejoindre.
    2. L'autre partie au contrat, Jean-Baptiste Maranda n'était pas un inconnu. Son épouse, Marie-Anne Cloutier, était originaire de Deschambault. Ils se sont mariés dans cette paroisse le 24 octobre 1757. 
    3. On observe à cette époque un mouvement de population de la région de Québec vers les seigneuries situées à l'ouest de Trois-Rivières où des terres étaient disponibles. Un nombre important de réfugiés acadiens se sont aussi dirigés vers cette région à la même époque.
Enfin, il ne faut pas oublier le contexte géopolitique. La forteresse de Louisbourg qui gardait l'entrée du golfe du Saint-Laurent est tombée en 1758. En février 1759, l'invasion de la Nouvelle-France était imminente et prévisible. Geneviève Arcand a peut-être voulu mettre ses enfants à l'abri dans la région des Trois-Rivières, moins exposée que celle de Québec à l'attaque des Anglais. Ce n'est qu'une hypothèse, bien sûr.

mardi 13 septembre 2011

La Longue Dépression

Aujourd'hui, dans les médias, crise économique est pratiquement  devenu synonyme de récession. On qualifie de crise le moindre ralentissement de l'activité économique. Mais il fut une époque où l'économie industrielle traversait périodiquement de véritables crises, des dépressions caractérisées par des excédents de production qui entraînaient un chômage massif et des baisses des salaires et des prix. La dernière en date et la plus connue a été la crise économique des années 1930, la Grande Dépression.

Au dix-neuvième siècle, la crise économique la plus sévère a été la Longue Dépression, ainsi appelée parce qu'elle aurait duré plus de vingt ans de 1873 à 1896. En réalité, il s'agissait plutôt d'une suite de récessions rapprochées, entrecoupées de quelques années de croissance. Cette Longue Dépression est survenue après deux décennies de croissance vigoureuse de l'économie mondiale dans les années 1850 et 1860.


Une des conséquences de la Longue Dépression a été la fermeture, temporaire ou définitive, de plusieurs usines de la Nouvelle-Angleterre qui employaient une main-d'oeuvre canadienne française. Des milliers de Franco-Américains devenus chômeurs sont alors revenus dans leur région d'origine pour trouver un moyen de subsistance. Ceux qui avaient accumulé un peu d'épargne pendant leur séjour aux États-Unis pouvaient facilement s'acheter une terre ou une maison à bas prix de ce côté-ci de la frontière, les autres sont allés vivre chez des parents. Beaucoup sont retournés travailler aux États-Unis après quelques années.

Une autre période propice aux retours de Franco-Américains au Canada a été les années 1914-1916 précédant l'engagement des États-Unis dans la première guerre mondiale. Devant la promesse du gouvernement fédéral canadien de ne pas décréter la conscription, beaucoup de Franco-Américains ont préféré ne pas courir le risque d'être enrôlés de force dans l'armée américaine.


vendredi 9 septembre 2011

Petits Chinois et mitraillettes

Dans les années 1950-1960,  à l'école primaire, on pouvait acheter pour 25 cents une image d'un enfant du Tiers-Monde auquel on donnait un prénom. On disait « acheter un petit Chinois ». C'était l'oeuvre de la Sainte-Enfance qui servait à financer les missions en Chine et en Afrique, notamment. Les enfants disaient « petit Chinois d'Afrique » quand l'image représentait un petit Africain.

C'était génial comme marketing. L'idée était de créer un besoin chez les enfants, qui aiment bien collectionner des images, pour qu'ils convainquent leurs parents de financer les missions.


Ma mère disait : « ils vont prendre cet argent-là pour s'acheter des mitraillettes et venir nous mettre des chaînes aux pieds ». Un prétexte pour ne pas payer ? J'en ai quand même acheté et la prophétie maternelle ne s'est pas réalisée : je n'ai pas encore de chaînes aux pieds. Quoique, à la vitesse à laquelle la Chine augmente ses dépenses militaires, ça finira peut-être bien par arriver. Mais c'est une autre histoire.

J'ai trouvé la photo des quatre petits Chinois sur ce site.

mercredi 7 septembre 2011

L'Acadie ou la Cadie ?

On trouve dans les textes anciens deux façons d'écrire le nom de la colonie française des Maritimes : l'Acadie ou la Cadie. La confusion entre les deux mots vient du fait que la prononciation est exactement la même. Celui qui entendait prononcer le nom, et qui ignorait son origine, pouvait donc aussi bien l'écrire d'une façon ou de l'autre.

Les historiens ont formulé deux hypothèses sur l'origine du mot :
  1. En 1524, l'explorateur italien Verazzano, qui était au service du roi de France, a donné à la péninsule de Delmarva au Delaware le nom d'Arcadie, en référence à une région de Grèce que les poètes comparaient à un paradis terrestre. Cette appellation aurait ensuite été déformée en Acadie pour désigner la colonie française située beaucoup plus au nord.
  2. Le nom Cadie viendrait d'une langue amérindienne, micmac ou malécite, et signifierait "terres fertiles".
Les avis sont partagés. Je penche pour la deuxième hypothèse. Malgré l'imprécision des cartes de l'époque, il est invraisemblable qu'un toponyme se soit déplacé ainsi d'un millier de kilomètres du Delaware jusqu'aux Maritimes, sans parler du "r" d'Arcadie qui serait mystérieusement disparu. L'origine amérindienne me semble plus plausible d'autant plus qu'on retrouve le suffixe Cadie dans plusieurs nom de lieux de la région. Si cette explication est la bonne, le terme La Cadie (terres fertiles) a par la suite été écrit différemment dans certains textes officiels, notamment dans le récit des voyages de Samuel de Champlain qui raconte « les choses remarquables qui sont le long de la coste d'Acadie ». Par contre, on trouve dans les Relations des Jésuites les deux noms Cadie et Acadie.

Malgré l'emploi officiel du nom Acadie, les mots Cadie et Cadien sont demeurés dans l'usage courant pendant très longtemps. Ainsi, les descendants des familles qui ont été déportées en Louisiane se nomment Cajuns, une déformation anglaise de Cadiens. Ceux qui sont venus s'établir en Nouvelle-France, à leur retour d'exil, étaient souvent appelés Cadiens et les terres où ils se sont installés étaient nommées Cadie ou petite Cadie.

Quoi qu'il en soit, le nom Acadie s'est finalement imposé et désigne maintenant le territoire habité par le peuple acadien.

mardi 6 septembre 2011

Pellastine

Pellastine est un mot d'enfant, une déformation de "pelle à steam" (steam shovel). Rien à voir avec la Palestine. Au XIXe siècle, les premiers excavateurs ou pelles mécaniques étaient actionnés par un moteur à vapeur. Le moteur diésel a pris la relève vers 1930 mais le nom "pelle à steam" est demeuré en usage au moins jusque dans les années 1960. La technologie change mais les vieux mots restent.

Une pelle à steam de marque Erie en 1925.


La photo coloriée provient du site Greenleigh Farm's Oliver Tractor.