lundi 25 avril 2011

L'autel sur le toit

Cette carte postale, tirée de la collection numérique de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, est intitulée : "L'autel sur le toit et rue qui conduit au village". Elle représente une cérémonie religieuse, possiblement la Fête-Dieu, sur le toit du soubassement qui a servi d'église dans la paroisse Saint-Pierre de Shawinigan de 1901 à 1929. Une foule nombreuse assiste à cet événement. On voit à l'arrière-plan sur la rue Hemlock le couvent des Ursulines qui a été construit en 1908.


Vois sur ce blog : Où est l'église ?

vendredi 22 avril 2011

Le premier-né de Yamachiche

Dans un pays de colonisation, la naissance d'un premier enfant est un événement important. En 1704, Yamachiche ne comptait que quelques familles nouvellement établies à l'embouchure des rivières sur le bord du Saint-Laurent. Il y avait des Lesieur et des Gélinas, dont les descendant se sont disputé l'honneur d'appartenir à la plus ancienne famille du lieu. Deux historiens de Yamachiche, François Lesieur-Desaulniers et Raphaël (Gélinas-)Bellemare ont entretenu une polémique à ce sujet, chacun soutenant que sa propre famille était arrivée la première.

Photo : Adrienne

Dans Les vieilles familles d'Yamachiche publié en 1898, François  Lesieur-Desaulniers écrit "les membres de la famille Lesieur-Desaulniers seront heureux de lire ce qui suit :
"L'enfant que l'on présente sur les fonds baptismaux est Marie-Françoise Lesieur, fille de Charles Lesieur (les registres disent Pierre) et de Marie-Charlotte Rivard. On est au 4 mai 1705, mais l'enfant est né le premier novembre 1704 ; il a été ondoyé, à la maison paternelle. En y réfléchissant, nous nous rendons bien compte de ce qui s'est passé : l'enfant est né aux jours froids de l'automne, et ce n'est qu'aux premiers beaux jours du printemps, et à l'ouverture de la navigation, qu'il a été possible de le porter aux Trois-Rivières, pour faire suppléer les cérémonies du baptême et pour faire entrer son nom aux registres.
 
Marie-Francoise Lesieur est la première enfant qui soit née à Yamachiche."

D'après mes notes tirées du registre de Trois-Rivières, le premier-né de Yamachiche était plutôt un Gélinas. En effet, on trouve en date du 19 octobre 1704 : 
"Baptême d'Étienne Gélinas, à la maison à Agmachiche, sous condition, ondoyé en cas de nécessité par Pierre Gélinas, né le 8 du même mois, fils d'Étienne Gélinas et de Marguerite Benoist."
Le petit Gélinas est donc arrivé 3 semaines avant la petite Lesieur. L'honneur familial est ainsi partagé : le premier garçon aux Gélinas et la première fille aux Lesieur.

Ces actes de baptême montrent bien l'isolement dans lequel se trouvaient les premiers colons de Yamachiche en 1704. Étienne, né le 8 octobre, a été baptisé 11 jours plus tard à Trois-Rivières, tandis que Marie-Françoise, née le 1er novembre, n'a été baptisée que 6 mois plus tard à Trois-Rivières.  Qu'est-il arrivé entre le 19 octobre et le 1er novembre 1704 ? Probablement la neige et la glace qui ont interrompu la navigation côtière sur le fleuve Saint-Laurent, isolant les premiers habitants de Yamachiche du reste de la colonie pendant 5 ou 6 mois.

mardi 19 avril 2011

Le schisme de Maskinongé

Casaubon, Jacques, L'histoire de la paroisse Saint-Joseph de Maskinongé. Maskinongé, 1982, 548 pages.

Dans les paroisses naissantes, le choix de l'emplacement de l'église était un décision importante. Il y avait souvent des chicanes entre les habitants des différents rangs à ce sujet. L'enjeu était de taille, car c'était autour de l'église que se développait le village, ce qui augmentait la valeur des propriétés du rang choisi. Par exemple, à Saint-Boniface-de-Shawinigan en 1852, l'Évêque en personne avait dû intervenir pour trancher un différend entre les habitants des quatrième et sixième rangs. Quand il devait trancher, l'évêque allait planter une croix sur l'emplacement choisi  pour bien marquer sa décision et imposer son autorité aux paroissiens déçus.

En 1889, Maskinongé fondée en 1720 n'était plus une paroisse naissante, mais une nouvelle église, la quatrième, devait être construite plus près de la rivière où le village s'était développé après l'arrivée du chemin de fer. Jamais un chicane à propos de la construction d'une église n'est allée aussi loin. Déçues du choix de l'emplacement de la rive Sud-Ouest, une centaine de familles de la rive Nord-Est ont alors décidé de construire leur propre chapelle. Puis, comme l'évêque de Trois-Rivières leur refusait la visite d'un prêtre catholique, ils ont accueilli un ministre baptiste M. Burwash, envoyé par la mission de la Grande-Ligne dans le Richelieu, et se sont convertis à cette religion. Le pasteur baptiste William Stephen Bullock s'établit à Maskinongé en 1892 (voir Des loups dans la bergerie). Cette nouvelle paroisse protestante a ensuite servi de tremplin pour établir des missions à Sainte-Ursule et à Saint-Gabriel-de-Brandon en 1895.

Dans son Histoire de la paroisse, Jacques Casaubon nous présente une abondante correspondance échangée par les acteurs de ce drame paroissial. Je retiens deux éléments qui expliquent pourquoi ce conflit a dégénéré :
  • Le leadership des dissidents. Deux personnalités fortes étaient à la tête des habitants de la rive Nord-Est, le notaire Galipeau, président de la chambre des notaires, et M. Isaïe Marchand, qui pouvaient tenir tête au clergé local et même argumenter avec l'évêché.
  • Les maladresses du clergé. L'évêque de Trois-Rivières, Monseigneur Laflèche, avait d'abord tranché en faveur de la rive Nord-Est, et s'était même rendu y planter une croix, avant de se raviser après qu'une pétition ait été présentée par les habitants de la rive Sud-Ouest. Par la suite, un émissaire de l'évêque, le vicaire Hendricks, s'est permis de maudire la chapelle nouvellement construite, ce qui a provoqué la colère des dissidents. Enfin, le curé de la paroisse, qui a pris partie pour les habitants de la rive Sud-Ouest, était le neveu de l'évêque, ce qui a sans doute entaché la décision finale aux yeux des habitants de la rive Nord-Est.

samedi 16 avril 2011

On accable l'ingénieur Louvin

Un article paru dans le Journal des Trois-Rivières du 20 mars 1880 :
« Lundi dernier, un jeune homme du nom de Alphonse Desaulniers, dans un moment d’aliénation mentale, s’est jeté sous les chars à la Rivière-du-Loup absolument au même endroit où un homme a été tué l’année dernière. Autre coïncidence non moins remarquable, c’est l’ingénieur Louvin qui conduisait la locomotive, le même qui a été inculpé dans l’accident en question... »
Source : Bases de données en histoire de la Mauricie.

vendredi 15 avril 2011

Les timbres GoldStar

Dans la pièce de théâtre Les Belles-Soeurs de Michel Tremblay, créée en 1968, Germaine Lauzon gagne un million de timbres GoldStar. Elle demande l'aide de ses voisines pour les coller dans des livrets qu'elle pourra ensuite échanger contre divers objets de consommation présentés dans un catalogue. L'action se situe dans un milieu défavorisé et c'était, je crois, la première pièce de théâtre québécoise écrite en joual :

"Allô ! Ah ! c'est toé, Rose... Ben oui, sont arrivés... C'est ben pour dire, hein ? Un million ! Sont devant moé, là, pis j'le crois pas encore ! Un million ! J'sais pas au juste combien ça fait, mais quand on dit un million, on rit pus ! Oui, y m'ont donné un cataloye, avec. J'en avais déjà un, mais celui-là c'est celui de ç't'année, ça fait que c'est ben mieux... L'autre était toute magané... Oui, y'a des belles affaires tu devrais voir ça ! C'est pas creyable ! J'pense que j'vas pouvoir toute prendre c'qu'y'a d'dans J'vas toute meubler ma maison en neuf ! J'vas avoir un poêle, un frigidaire, un set de cuisine... "
Les timbres GoldStar étaient distribués par les épiceries IGA et Métro dans les années 1960. C'était une technique de fidélisation des clients. Le livret ci-haut pouvait recevoir des timbres "simples" de couleur jaune, des 10 de couleur mauve et des 50 orange. On inscrivait à la fin du carnet l'article demandé en échange des timbres. 

Cette stratégie de marketing  a été mise au point aux États-Unis dans les années 1930 (S&H Green Stamps). Au Québec, Steinberg a été la première chaîne à l'utiliser en 1959. C'était l'entreprise de distribution alimentaire la plus novatrice de l'époque. On disait alors "faire son Steinberg" comme on dit maintenant faire l'épicerie. C'étaient des timbres de marque Pinky que me mère collectionnait dans des carnets de couleur rose.

jeudi 14 avril 2011

Boire et manger

Un entrefilet comique paru dans le premier numéro du journal Le Bien Public de Trois-Rivières, mardi le 8 juin 1909 :
« À Montréal, il paraît que 100 boulangers suffisent à donner du pain à tous ceux qui ont faim. Mais pour donner à boire à tous ceux qui ont soif il faut, à part les réservoirs de l'aqueduc, 500 buvettes et des centaines d'épiceries licenciées. On demande un homme de bonne volonté pour faire le même calcul aux Trois-Rivières. »

L'insecte qui reluit

Dans le message précédent (Pâques selon Verhaeren),  «l'insecte qui reluit de brindille en brindille» m'a fait penser à la cicindèle à six points, un insecte pour le moins brillant. Par une belle journée  du mois de mai, on peut les voir par dizaines se chauffer au soleil sur les chemins sablonneux. Le nom latin de ce coléoptère de la famille des Carabides, Cicindela Sexguttata, fait référence aux six taches blanches que l'on aperçoit sur ses élytres d'un turquoise métallique. C'est un prédateur redoutable, qui se déplace rapidement, sur ses pattes comme en vol. Il y a d'autres espèces de cicindèles au Québec, mais aucune n'est aussi spectaculaire que Sexguttata. C'est l'insecte qui incarne le mieux le retour des beaux jours.

mercredi 13 avril 2011

Pâques selon Verhaeren

La fête de Pâques a inspiré les poètes, sans doute parce qu'elle marque le retour du printemps. Après le Pâques selon Choquette, voici celui d'Émile Verhaeren (1855-1916), un poète flammand de langue française. Il est tiré du recueil Les blés mouvants publié en 1912.


Verhaeren s'adresse ici à Frère Jacques, le sonneur des matines de la chanson enfantine, qui devient pour la circonstance le «rude et vaillant carillonneur de Pâques». Après avoir dormi tout l'hiver, Frère Jacques, qui symbolise la nature, se réveille à Pâques pour sonner l'arrivée du printemps : «Il a neigé durant des mois et sur tes mains, et sur tes doigts, pleins de gerçures».

Contrairement à Choquette, Verhaeren ignore complètement la dimension religieuse de la Fête. Sinon, le traitement du sujet est un peu le même : le retour des cloches marque le début du printemps qui est mis en contraste avec l'hiver. Mais le poème de Verhaeren est nettement plus original et plus inspiré que celui de Choquette.

On comprend qu'en Belgique le temps à Pâques est plus doux et le printemps plus hâtif que chez nous. Les «fins taillis déjà verts» et «l'insecte qui reluit de broussaille en broussaille» ne seront de retour au Québec qu'en mai. Pourtant déjà «les sèves sous terre immensément tressaillent». 

A Pâques

Frère Jacques, frère Jacques,
Réveille-toi de ton sommeil d'hiver
Les fins taillis sont déjà verts
Et nous voici au temps de Pâques,
Frère Jacques.

Au coin du bois morne et blêmi
Où ton grand corps s'est endormi
Depuis l'automne,
L'aveugle et vacillant brouillard,
Sur les grand-routes du hasard,
S'est promené, longtemps, par les champs monotones ;
Et les chênes aux rameaux noirs
Tordus de vent farouche
Ont laissé choir,
De soir en soir,
Leur feuillage d'or mort sur les bords de ta couche.

Frère Jacques,
Il a neigé durant des mois
Et sur tes mains, et sur tes doigts
Pleins de gerçures ;
Il a neigé, il a givré,
Sur ton chef pâle et tonsuré
Et dans les plis décolorés
De ta robe de bure.

La torpide saison est comme entrée en toi
Avec son deuil et son effroi,
Et sa bise sournoise et son gel volontaire ;
Et telle est la lourdeur de ton vieux front lassé
Et l'immobilité de tes deux bras croisés,
Qu'on les dirait d'un mort qui repose sous terre.

Frère Jacques,
Hier au matin, malgré le froid,
Deux jonquilles, trois anémones
Ont soulevé leurs pétales roses ou jaunes
Vers toi,

Et la mésange à tête blanche,
Fragile et preste, a sautillé
Sur la branche de cornouiller
Qui vers ton large lit de feuillages mouillés
Se penche.

Et tu dors, et tu dors toujours,
Au coin du bois profond et sourd,
Bien que s'en viennent les abeilles
Bourdonner jusqu'au soir à tes closes oreilles
Et que l'on voie en tourbillons
Rôder sur ta barbe rigide
Un couple clair et rapide
De papillons.

Pourtant, voici qu'à travers ton somme
Tu as surpris, dès l'aube, s'en aller
Le cortège bariolé
Des cent cloches qui vont à Rome ;
Et, leurs clochers restant
Muets et hésitants
Durant ces trois longs jours et d'angoisse et d'absence,
Tu t'éveilles en écoutant
Régner de l'un à l'autre bout des champs
Le silence.

Et secouant alors
De ton pesant manteau que les ronces festonnent
Les glaçons de l'hiver et les brumes d'automne,
Frère Jacques, tu sonnes
D'un bras si rude et fort
Que tout se hâte aux prés et s'enfièvre aux collines
A l'appel clair de tes matines.

Et du bout d'un verger le coucou te répond ;
Et l'insecte reluit de broussaille en broussaille ;
Et les sèves sous terre immensément tressaillent ;
Et les frondaisons d'or se propagent et font
Que leur ombre s'incline aux vieux murs des chaumières ;
Et le travail surgit innombrable et puissant ;
Et le vent semble fait de mouvante lumière
Pour frôler le bouton d'une rose trémière
Et le front hérissé d'un pâle épi naissant.

Frère Jacques, frère Jacques
Combien la vie entière à confiance en toi ;
Et comme l'oiseau chante au faîte de mon toit ;
Frère Jacques, frère Jacques,
Rude et vaillant carillonneur de Pâques.



lundi 11 avril 2011

Le crachoir

Le crachoir était un objet très courant à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle, alors que beaucoup d'hommes chiquaient du tabac. Son usage a marqué un progrès en matière d'hygiène en évitant que les gens ne crachent par terre. On ajoutait souvent un peu de terre ou de bran de scie dans le fond du contenant pour absorber les crachats.


L'usage du crachoir a été remis en question après la grippe espagnole de 1918,  une épidémie dont il aurait favorisé la propagation selon certains. Voici un  article sur ce sujet qui est paru le 15 mai 1921 dans la Revue de  Shawinigan, un journal bimensuel consacré aux questions de santé publique, d'hygiène et de sécurité :
"Notre attention a été attirée sur le fait que certaines personnes vident des crachoirs dans les ruelles, et nous ne saurions assez protester contre cette habitude très malpropre. Quand donc ces gens comprendront-ils qu’un des plus grands dangers pour la santé des enfants ainsi que des adultes provient des mouches qui se déposent sur ces ordures et ces crachats et qui, en s’introduisant ensuite dans la maison, transmettent les germes des maladies les plus graves? Les crachoirs doivent être vidés dans les latrines non pas en plein air, et ensuite être convenablement désinfectés. Nous invitons donc ces personnes à observer les règles les plus élémentaires de l’hygiène."
Enfant, vers 1960, j'avais deux grands-oncles à Sainte-Ursule, Pitt et Henry Robitaille, qui utilisaient encore un crachoir placé stratégiquement entre leurs deux chaises berçantes. Ils visaient le réceptacle avec beaucoup d'adresse, mais manquaient parfois leur jet. Quel spectacle !


Source : L'article de La Revue de Shawinigan provient de Bases de données en histoire de la Mauricie.

samedi 9 avril 2011

Des Acadiens à Yamachiche (4)

Dans Histoire de la paroisse d'Yamachiche (précis historique), publié en 1892 à Trois-Rivières, l'abbé Napoléon Caron nous raconte les péripéties qui ont précédé l'arrivée d'un groupe de réfugiés Acadiens à Yamachiche vers 1758, après un exil à Boston et un voyage interrompu vers la Martinique. Il tenait cette histoire d'un certain Joseph Trahan. Voici donc le récit de l'abbé Caron sur les aventures qu'auraient vécues les premiers Acadiens de Yamachiche :

"Les Acadiens qui sont venus habiter Yamachiche avaient été arrachés de Port-Royal, et de ses environs. C'étaient tous de riches propriétaires, attachés à l'Acadie et à la France, et d'une foi simple et forte comme celle des chrétiens de la primitive Église.

Ils eurent au moins la consolation de s'embarquer avec leurs familles, à l'exception toutefois d'un nommé Aucoin qui se vit séparé de sa femme, un soldat bourru ayant poussé la chaloupe au moment où celle-ci allait y mettre pied, et n'ayant fait que rire des larmes de cette malheureuse. Les deux époux se rencontrèrent au bout de trois ans dans la colonie acadienne de Saint-Grégoire. On comprend mieux qu'on ne peut les exprimer les larmes de bonheur qui accompagnaient de telles rencontres.

Le vaisseau qui portait les Acadiens dont nous parlons alla les déposer à Boston. Ils y demeurèrent deux ans, puis ils se rembarquèrent pour de nouvelle aventures. Ce second vaisseau devait les porter à la Martinique. Cette déportation à la Martinique ne leur souriait que peu. Lorsqu'ils furent en pleine mer ils s'entendirent entre eux, et comme ils étaient en grand nombre, ils méditèrent un coup de main pour conquérir la liberté de choisir le lieu de leur exil. Ils firent le capitaine prisonnier dans sa chambre, et mirent aussi la main sur les divers employés. Un nommé Doucet se mit à la barre du vaisseau, les autres remplirent les fonctions de matelots, et l'on vogua vers le port de Québec.

Le nouveau capitaine était habile en son art, et l'on se rendit sans tarder ni accidents.

Arrivés à Québec ils remirent le vaisseau entre les mains de son capitaine. et prirent alors diverses directions. Les uns allèrent s'établir à St-Grégoire où une colonie d'Acadiens venait de se fixer, les autres se rendirent au Ruisseau-Vacher, c'est-à-dire dans cette colonie de St-Jacques ...;  enfin dix-neuf familles se dirigèrent vers la nouvelle paroisse d'Yamachiche. Les pauvres émigrés examinèrent les terrains et allèrent former une nouvelle concession qu'ils appelèrent du nom suave d'Acadie. Comme ils durent se fixer sur deux rangs, le plus étendu s'appela la grande Acadie, et le moins étendu la petite Acadie. "
Il y a surement une part de vérité dans ce récit rocambolesque, mais je ne sais pas laquelle. D'après mes recherches, les premiers réfugiés Acadiens qui sont arrivés en Nouvelle-France ont fui la déportation en octobre 1755. Certains ont peut-être quitté l'Acadie dès l'arrivée des Anglais, avant même de savoir qu'ils allaient être déportés. Ils seraient donc arrivés en Gaspésie et dans la vallée du Saint-Laurent à l'automne 1755 ou au printemps suivant. Des Amérindiens les accompagnaient probablement. Selon certaines sources, ils auraient d'abord séjourné à Québec et Cacouna jusqu'en 1758, avant de se disperser dans plusieurs paroisses dont Yamachiche, Pointe-du-Lac et Maskinongé en Mauricie. J'ai trouvé les premières mentions de leur présence à Yamachiche en 1760. Je crois que c'est le récit le plus cohérent qu'on puisse faire de l'arrivée de ces premiers réfugiés acadiens. Mais j'aime bien quand même l'histoire du bateau de l'abbé Caron.

Des Acadiens à Yamachiche (3)

Nous avons vu dans les deux messages précédents qu'une cinquantaine de familles de réfugiés acadiens se sont établies à Yamachiche au fil des ans, après la déportation de 1755. Voir l'arrivée Des Acadiens à Yamachiche (1). J'ai identifié des familles qui faisaient probablement partie d'un contingent arrivé en juillet 1767, à partir des actes de baptêmes multiples qui ont été célébrés par le curé Chefdeville dans les semaines qui ont suivi cette arrivée. Voir Des Acadiens à Yamachiche (2).


Dans plusieurs documents traitant des Acadiens de Yamachiche, ce contingent de juillet 1767 est considéré comme le premier groupe de réfugiés. Or, on trouve dans le registre de Yamachiche des actes relatifs à des familles acadiennes dès 1760. J'ai identifié 6, mais un examen plus minutieux du registre permettrait probablement d'en trouver davantage. Voici la liste de ces familles avec la date de la première mention dans le registre. J'ai aussi ajouté les noms des autres Acadiens qui sont inscrits à titre de témoin, parrain ou marraine :
  1. Bastarache, Anselme et Marguerite Melançon : l'acte de baptême de leur fille Marguerite est daté du 30 avril 1762.
  2. Comeau, Joseph et Élisabeth Lord : leur fille Marie-Élisabeth a été baptisée le 8 mars 1761. Joseph Lord est parrain.
  3. Gaudet, Joseph et Marie-Josephte Comeau : leur fils Louis a été baptisé le 26 février 1764. Joseph Comeau est parrain.
  4. Landry, Jean-Baptiste et Marie Comeau : ils sont dits résidents de la paroisse de Yamachiche au mariage de leur fille Marie le 14 octobre 1765.
  5. Lord, Joseph  et Madeleine Comeau : originaires de "Chigouti"; leur fille Josette épouse Étienne Héroux le 10 novembre 1760 à Yamachiche.
  6. Roy, Jean-Baptiste, fils de Jean-Baptiste Roy et de Marie Benoist «de la Cadie», épouse  Marie Bastarache, fille de Jean Bastarache et d'Angélique Richard «de la paroisse du port Royal de la Cadie» le 27 février 1764 à Yamachiche. Anselme Bastarache est témoin à ce mariage.
Certaines de ces familles sont apparentées à celles qui sont arrivées en 1767. Ces dernières seraient donc allées rejoindre des parents déjà établis dans la paroisse. Ainsi, Marie Bastarache qui se marie à Yamachiche en 1764 était la fille  de Jean Bastarache et de Marguerite Richard qui sont arrivés en 1767.
Deux documents que j'ai consultés mentionnent une arrivée d'Acadiens antérieure à celle de juillet 1767 :
  • Selon un article de madame Louise Cyr, que l'on peut consulter sur le site érudit.org, les réfugiés acadiens seraient arrivés en Mauricie en deux vagues : «des groupes nombreux d'Acadiens passés par Québec ou Cacouna, en 1758, ou arrivés directement de leur lieu de déportation, après 1766
  •  Dans Histoire de la paroisse d'Yamachiche publiée en 1892, l'abbé Napoléon Caron raconte l'aventure de réfugiés acadiens qui, s'étant emparé du navire qui les déportaient en Martinique, auraient navigué jusqu'à Québec et se seraient ensuite dispersés dans différentes paroisses de la vallée du Saint-Laurent. L'abbé Caron ne précise pas la date de leur arrivée en Nouvelle-France, mais on comprend, d'après le contexte, que ce devait être vers 1758.
Cela situe l'arrivée des premiers Acadiens à Yamachiche entre 1758 et 1760, sous le Régime français. Nous verrons dans un prochain message le récit rocambolesque de l'abbé Caron sur les événements qui ont précédé cette arrivée.

Voir Des Acadiens à Yamachiche (4).

vendredi 8 avril 2011

Le prénom rime avec Gélinas

Angélina est un joli prénom. Très féminin. Mais il perd un peu de son charme lorsqu'il précède le nom de famille le plus répandu en Mauricie. Il faut cependant admirer la perfection de la rime :
  • Angélina Gélinas, fille d'Onésime et d'Oliva Lamy. a épousé Isaïe Guillemette, fils de Benjamin et de Philomène Lacerte, le 10 janvier 1905 à Saint-Sévère.
  • Angélina Gélinas, fille de Thomas et d'Agnès Lamy, a épousé Fernando Lord, fils de Joseph et d'Oliva Boisvert, le 4 octobre 1909 à Saint-Boniface de Shawinigan.
  • Angélina Gélinas, fille d'Élie et d'Annie Hill, a été recensée en 1891 à Saint-Boniface de Shawinigan.
Célina était un prénom très courant mais quand même étonnant pour une Gélinas. La rime est un peu moins riche :
  • Célina Gélinas, fille d'Alexis et de Louise Landry, a épousé Pierre Lampron, fils de Jean-Baptiste et de Louise Hangard-Lapolice, le 23 juillet 1864 à Saint-Sévère.
  • Célina Gélinas, fille d'Antoine et de Célina Blais, a épousé Amédée Boucher, fils de Léger et de Lucie Aubry, le 16 février 1881 à Saint-Barnabé.
  • Célina Gélinas, fille de Georges et d'Élisabeth Gélinas, a épousé Adélard Déziel, fils de Joseph et de Zélia Lavergne, le 6 novembre 1900 à Saint-Sévère.
  • Célina Gélinas, fille d'Onésime et d'Olivine Lesieur, a épousé Louis Grenier, fils d'Édouard et d'Élisabeth Lesieur, le 27 octobre 1902 à Saint-Sévère.
  • Célina Gélinas, fille de Pierre-Étienne et de Domithilde Bellemare, a épousé Arsène Bellemare, fils d'Eusèbe et d'Appoline Bellemare, le 7 janvier 1884 à Saint-Barnabé.
  • Célina Gélinas, fille de Joseph et de Sophie Lord, a épousé Prime Pelletier, fils de Paul et de Marie-Josephte Godin, le 28 septembre 1880 à Saint-Boniface de Shawinigan.
  • Célina Gélinas, fille d'Honoré et de Lucie Déziel, a épousé Majorique Gélinas, fils de Charles et de Lucie Melançon, le 29 avril 1872 à Saint-Sévère.
  • Célina Gélinas, fille de Jean-Baptiste et d'Adèle Caron, a épousé Pierre Rivard le 22 février 1880 à Saint-Boniface de Shawinigan.
Dans la même veine, quelques Adélina Gélinas :
  • Adélina Gélinas, fille de Joseph et d'Adéline Bellemare, a épousé Onésime Dugré, fils d'Olivier et de Marie Landry, le 9 avril 1872 à Saint-Boniface de Shawinigan.
  • Adélina Gélinas, fille de Paul et d'Oliva Milot, a épousé Thomas Lacerte le 23 novembre 1914 à Saint-Sévère.
  • Adélina Gélinas, fille d'Élie et d'Annie Hill, a été recensée en 1891 à Saint-Boniface de Shawinigan. Elle était la soeur de la troisième Angélina Gélinas mentionnée plus haut.

jeudi 7 avril 2011

Des Acadiens à Yamachiche (2)

Nous avons vu dans le message du 6 avril 2011 qu'une cinquantaine de familles de réfugiés acadiens se sont installées à Yamachiche au fil des ans, après le Grand Dérangement. Certaines de ces familles revenaient d'un exil dans la région de Boston, où elles avaient été déportées en 1755. Dans les semaines qui ont suivi leur arrivée à Yamachiche en juillet 1767, le curé Chefdeville s'est empressé de baptiser leurs enfants en célébrant des baptêmes multiples. Voir Des Acadiens à Yamachiche (1).

(Tableau de Claude Picard)

On considère généralement que le premier contingent de réfugiés acadiens est arrivé à Yamachiche en juillet 1767. J'ai essayé d'identifier dans le registre de Yamachiche les familles qui faisaient partie de ce contingent. J'en ai trouvé 12 dans les actes de baptême d'enfants acadiens célébrés en août, septembre et octobre 1767. On peut en effet supposer que ces 12 familles impliqués dans des baptêmes multiples venaient d'arriver dans la paroisse. J'ai ajouté après le nom du couple la première mention que j'ai trouvée d'eux à Yamachiche :
  1. Benoist, François et Françoise Daigle : baptême de leur fille Marie-Françoise âgée de 10 ans  le 21 septembre 1767.
  2. Benoist, Geoffroy et Madeleine Babin : baptême de leur fille Marie-Françoise le 16 août 1767.
  3. Doucet, Joseph et Anne Melançon : baptême de leur fils Joseph le 9 août 1767.
  4. Garceau, Joseph et Marie-Josephte Aubour ou Aubois (mais non Dubois) : baptême de leurs enfants Paul,  Marie, Joseph, Marie-Anne et Jean le 23 août 1767.
  5. Hébert, Joseph et Marie-Josephte Thibodeau : baptêmes de leurs enfants Joseph et Marguerite le 16 août 1767.
  6. Landry, Charles et Marie Hébert : baptême de leurs enfants Charles et "Calil" le 4 octobre 1767.
  7. Landry, Joseph et Madeleine Douairon : baptême de leurs enfants Joseph, Marguerite, Pierre et Paul le 23 août 1767.
  8. Leblanc, Augustin et Françoise Hébert: baptêmes de leurs fils Augustin et Charles le 3 septembre 1767.
  9. Leblanc, Jean-Baptiste et Marguerite Hébert : baptême de leur fils Pierre le 4 octobre 1767.
  10. Melançon, Pierre et Élisabeth Richard : baptême de leur fils Pierre le 9 août 1767.
  11. Thibodeau, Alexis et Marguerite Dupuis : baptême de leurs enfants Charles et Marguerite le 6 septembre 1767.
  12. Trahan, Charles et Anne Landry : sépulture de leur fils Joseph le 2 septembre 1767 et baptême de leur fille Marguerite le 4 octobre 1767.
Il y en avait peut-être davantage mais pas beaucoup plus. J'ai vérifié les autres familles qui sont mentionnées dans les documents qui traitent de l'arrivée des Acadiens à Yamachiche et aucune n'est inscrite dans le registre à l'automne 1767. Ces autres familles sont toutes arrivées plus tard ou n'avaient pas d'enfant à faire baptiser à leur arrivée. Les autres réfugiés du contingent de juillet 1767 étaient donc probablement des célibataires, des personnes âgées ou des couples sans enfant.

Mise en garde : Le curé Chefdeville ne connaissait pas ces Acadiens qui venaient d'arriver à Yamachiche et qui parlaient un français différent de celui en usage dans la vallée du Saint-Laurent. Il a donc pu faire des erreurs dans les noms des parents, en particulier au baptême collectif extrêmement complexe du 23 août 1767  impliquant 11 enfants, où des dizaines de noms sont mentionnés.

Nous verrons dans un prochain message que l'histoire de l'arrivée d'un premier contingent d'Acadiens à Yamachiche en juillet 1767, doit être révisée. Des familles acadiennes se sont installées dans cette paroisse plusieurs années auparavant (à suivre).

Voir Des Acadiens à Yamachiche (3).

Un avenir pour le Coton

Une excellente nouvelle pour tous ceux qui ont à coeur la préservation du patrimoine industriel de Shawinigan. La ville compte acquérir l'ancienne usine de textile de la Wabasso, familièrement appelée "le Coton",  sur l'avenue de la Station (voir Jeunes filles au coton sur ce blog). On peut maintenant espérer que la suite logique sera l'acquisition de la vieille gare de chemin de fer abandonnée qui est située juste en face de la Wabasso (voir La vieille gare du CP sur ce blog).

Voici à ce sujet des extraits d'un article d'Antoine Tremblay qui a été publié dans l'Hebdo du Saint-Maurice du 15 mars 2011 :

"Après 25 ans d'inactivité, l'édifice de la Wabasso revivra. Le bâtiment situé sur l'avenue de la Station sera prochainement acquis et rénové par la Ville de Shawinigan au coût de trois millions de dollars. Elle y installera en collaboration avec la Commission scolaire de l'Énergie, le Centre d'entrepreneuriat de Shawinigan.

D'entrée de jeu, le maire Michel Angers s'est exclamé «enfin!» tout en mentionnant que c'était un vieux rêve qu'il caressait depuis 2007. Ce projet unique s'inscrit dans la lignée des actions menées avec la Communauté entrepreneuriale de Shawinigan ainsi qu'avec le Comité de diversification et développement économique ...

Le Centre d'entrepreneuriat offrira un programme de développement des compétences ainsi que des outils d'accompagnement. Le tout sera géré par une coopérative formée de partenaires qui permettra de mettre en commun les services de réceptionniste, de secrétariat et tout le processus de gestion.

Il y a aura trois niveaux au programme. Les trois premiers de 18 mois seront destinés à la formation des futurs entrepreneurs. De 18 mois à 3 ans, ce sera l'incubation de leurs entreprises, toujours en étant en formation en continu, dans des locaux adaptés. Une fois toutes ces étapes réalisées, l'hébergement de la nouvelle PME et sa relocalisation entreront en ligne de compte. «Ce qu'on leur offre, c'est le petit coup de pouce. Quand on sait que ce sont les cinq premières années les plus difficiles, ça aidera grandement les entrepreneurs», précise la présidente de la Commission scolaire de l'Énergie, Danielle Bolduc ...

Un total de 600 000$ sera consacré à l'acquisition du bâtiment tandis que quelque 2,4M$ seront consacrés à la restauration et à la rénovation. Outre le Centre d'entrepreneuriat, l'édifice offrira des espaces locatifs au prix du marché pour des entreprises qui ont un besoin d'espaces. Le maire précise que l'idée n'est pas d'entrer en compétition avec le secteur privé dans cette portion du projet, mais bien de soutenir financièrement le Centre ...

Les travaux commenceront dès que le beau temps reprendra. L'objectif rencontré est de voir la première cohorte d'entrepreneurs occuper les lieux dès l'automne. «On ne sait pas quand, mais le plus tôt possible. On ne dit pas que tout le bâtiment sera terminé, mais l'idée est que les entrepreneurs commencent leurs formations et que les locaux soient disponibles», souligne le maire.

Rappelons que l'édifice Wabasso fait partie de l'inventaire du patrimoine bâti de Shawinigan et qu'il a reçu une cote supérieure de la firme Patri-Arch. Sa restauration s'inscrit dans la volonté de la Politique du patrimoine et permettra d'améliorer l'apparence de l'avenue de la Station.

Et de l'autre côté de l'Avenue?

En 2010, les autorités municipales ont appelées le Canadian Pacific pour discuter de l'achat de la gare. «Toutefois, la politique du CP est qu'ils discutent seulement quand les bâtiments sont sur une liste de bâtiments excédentaires, ce qui n'était pas le cas en 2010. Nous pensons qu'en 2011, nous pourrions avoir la possibilité de reprendre les discussions. Il y a des projets sur la table, mais il faut attendre l'approbation du CP avant d'entreprendre quoi que ce soit», affirme M. Angers".

mercredi 6 avril 2011

Des Acadiens à Yamachiche (1)

Voici le premier de quatre messages sur l'arrivée de familles acadiennes à Yamachiche après le «Grand Dérangement», c'est-à-dire après leur déportation par les Britanniques.

La Déportation des Acadiens a été un nettoyage éthnique complet. Un peuple entier a été chassé de ses terres. On estime aujourd'hui qu'entre 8000 et 10000 personnes ont été déportées soit aux États-Unis, dans les îles britanniques ou encore en France. Ces chiffres sont très approximatifs. Il n'existe aucune comptabilité vraiment précise du nombre total de déportés acadiens. Un certain nombre d'Acadiens ont réussi à fuir la déportation en se réfugiant dans les bois où ils ont survécu avec l'aide des Amérindiens. Environ 2000 auraient réussi à gagner la Nouvelle-France qui se réduisait alors à peu près aux rives du Saint-Laurent dans le Québec d'aujourd'hui.

Le 8 octobre 1755, environ 2000 Acadiens ont été déportés par les Britanniques dans la région de Boston dans le Massachusetts. Ils ont vécu difficilement, en résidence surveillée, dans un environnement anglophone et protestant mais ne pouvaient retourner chez eux parce cela leur était interdit. De toute façon, leurs propriétés avaient été détruites ou confisquées et occupées par des colons anglais.


L'interdiction faite aux Acadiens de revenir au Canada a été levée vers 1765 mais un bon nombre d'entre eux sont retournés vivre en Acadie dès 1763. Certains déportés sont venus s'établir dans la vallée du Saint-Laurent.  Ils ont été dirigés vers des seigneuries qui avaient encore des terres disponibles, notamment dans celle de Grobois-Est à Yamachiche. Ainsi, en juillet 1767, un groupe d'Acadiens est arrivé à bord d'une goélette dans l'embouchure de la rivière Yamachiche où des paroissiens s'étaient rassemblés pour leur offrir l'hospitalité.

Pendant leur séjour aux États-Unis, les Acadiens déportés n'avaient pas de prêtre pour célébrer les baptêmes de leurs enfants. De retour dans un pays catholique, il leur fallait maintenant régulariser le statut des enfants qu'ils avaient eus dans le Masachussets. Comme il y avait beaucoup d'enfants à baptiser et qu'on voulait le faire le plus rapidement possible, des baptêmes multiples ont été célébrés par le curé Chefdeville en août, septembre et octobre 1767. La première mention que j'ai trouvé d'une telle cérémonie dans le registre de Yamachiche est du 9 août 1767, à l'occasion d'un baptême double, celui d'un enfant de Pierre Melançon et d'Élisabeth Richard et d'un enfant de Joseph Doucet et d'Anne Melançon.

Le 16 août, un baptême triple. Le curé précise dans l'acte que les deux premiers baptisés sont des «enfants cadiens âgés de huit et dix ans». Un autre baptême double est célébré le même jour. Le 23 août la cadence augmente, le curé en baptise alors onze d'un seul coup. J'ai ensuite noté une dizaine de baptêmes d'enfants de couples acadiens au cour des mois de septembre et octobre, dont huit baptêmes doubles. Plusieurs de ces cérémonies ont été célébrés sous condition, ce qui pouvait signifier un manque d'assiduité de ces familles à l'église ou encore certains comportements que le curé leur reprochait.  Certains des baptisés étaient âgés de plus de dix ans.

On mentionne sur le site internet de la municipalité que 42 couples acadiens sont arrivés à Yamachiche, au fil des ans, dont une liste a été dressée par l'historien J. Alide Pellerin. Elle comprend 21 patronymes : Aucoin (1), Benoist (4), Corriveau (1), Douairon (1), Doucet (4), Dupuis (1), Garceau (2), Girouard (1), Hébert (1), Landry (5), Leblanc (3), Leroy (1), Melançon (4), Pellerin (1), Proulx (1), Raymond (1), Yhibault (3), Thibodeau (3), Trahan (1), Vallée (1) et Vincent (2).

Cette liste est incomplète. J'ai conservé des notes de recherches que j'ai effectuées sur les Acadiens de Yamachiche il y a une vingtaine d'années. J'y retrouve des familles qui portent les noms Arsenault, Bastarache, Comeau, Gaudet et Lord qui ne font pas partie des 21 patronymes mentionnés plus haut. J'estime plutôt à plus de 50 le nombre total de familles acadiennes qui se sont installées à Yamachiche après la déportation.

Nous verrons dans le prochain message une liste des familles qui faisaient probablement partie du contingent de juillet 1767 qui est généralement considéré comme le premier groupe d'Acadiens arrivés à Yamachiche. Voir Des Acadiens à Yamachiche (2).

lundi 4 avril 2011

Pâques selon Choquette

Pâques, le poème de Robert Choquette, a été publié une première fois en 1925 dans le recueil À travers les vents. Choquette nous décrit un Pâques hâtif où la neige est "amoncelée aux bras des sapins" et les traîneaux défilent sur le chemin du roi. La fête chrétienne de Pâques correspond au premier dimanche qui suit la première pleine lune après l'équinoxe du printemps sous la longitude de la ville de Rome (ouf!). Elle se situe entre le 22 mars et le 25 avril. Cette année, ce sera le 24 avril et on peut espérer qu'il n'y aura plus de neige aux bras des sapins et que les traîneaux ne pourront plus glisser sur le chemin du roi.

PÂQUES

Sous le soleil d'avril qui flambe dans l'azur
La campagne du Nord s'étale et se déroule
Avec ampleur. Tout est calme dans le vent pur.
La neige, amoncelée aux bras des sapins, croule.

Soudain voici venir sur le chemin du roi,
Pleins jusqu'aux bords d'un groupe en riant apanage,
La file des traîneaux dont la gai désarroi
Se mêle aux piaillements des moineaux en ménage.

Et le ciel verse sa cascade de splendeur
À la plaine. Là-bas, le clocher catholique
Au-dessus des pins bleus brille. Lors, plein d'ardeur,
Grelots en tête, ils vont sur la route publique.

Car c'est au vieux Québec la fête du printemps,
La fête du clocher qui fait les toits plus proches.
Jour de Pâques, jour d'or où la Terre a vingt ans.
Eclosion du coeur, renaissance des cloches !


On trouve aussi ce poème dans le recueil Oeuvres Poétiques de Robert Choquette, publié en 1967 chez Fides. Il est accessible sur ce site.

Il n'y a pas que la date de Pâques qui soit compliquée. Son genre l'est aussi. C'est masculin singulier quand on désigne la fête chrétienne, comme dans un Pâques hâtif, mais féminin pluriel dans un souhait comme JOYEUSES PÂQUES.

Cette carte postale en tissu a été postée à Québec le 6 avril 1912. Celui qui l'a envoyée a utilisé une formule qui était alors en vogue : "que cette humble pensée vous dise qu'en ce jour de Pâques, il y aura un coeur qui pensera à vous".

samedi 2 avril 2011

L'eau divine de l'abbé Côté

« L'Eau divine » n'est pas qu'une marque de parfum. Depuis des siècles, ce terme désigne différentes potions ou lotions qui sont supposées guérir ceux qui ont la foi. Encore aujourd'hui, on peut attirer sur soi les « forces bénéfiques », en achetant de l'eau divine sur internet.


Dans Sainte-Geneviève de Batiscan, publié en 1936 aux Éditions du Bien Public, E.-Z. Massicotte raconte une anecdote au sujet du curé François-Xavier Côté (1788-1862) qui avait, parait-il, des talents de guérisseur. L'abbé Côté, qui aurait peut-être préféré devenir médecin ou apothicaire, confectionnait ses propres remèdes et les administrait aux malades, parfois contre l'avis du médecin traitant. Voici ce que Massicotte raconte à son sujet :

" Pour préparer ses médicaments, l'expert abbé Côté employait souvent des plantes, mais son remède par excellence, son « Eau divine » , que le peuple nommait « l'eau rouge», était d'une autre composition.  
Avec ce liquide et la profonde confiance qu'il inspirait à ses patients et la foi en Dieu qu'il savait admirablement développer chez ceux qui avaient recours à ses soins, il obtint des guérisons remarquables. Le lieutenant-colonel Massicotte citait, par exemple, le cas d'un nommé Casimir Sanscartier, employé aux scieries des chutes sur la rivière Batiscan. Ce malheureux, par une fausse manoeuvre, s'était fait entamer un bras et il avait perdu beaucoup de sang. On alla chercher un docteur ainsi que l'abbé Côté. Le chirurgien fut d'avis de pratiquer l'amputation et le blessé allait consentir, lorsque le bon vieux curé défendit à Sancartier de se laisser mutiler. Il avait examiné la blessure et assurait qu'avec l'aide du Souverain Maître et de son « eau rouge », il lui conserverait le membre endommagé.
Aussitôt, il fit une application de l'eau, puis banda le bras avec des éclisses et de la toile. Il continua le traitement, renouvela les applications, puis, un jour, Sancartier reprit l'usage de son bras. Cette « eau rouge » dont on ignora longtemps la composition, semble maintenant connue. Du moins, la « Matière médicale » des RR. SS. de la Providence en donne la formule, car voici ce qu'on lit aux mots « Peroxyde de fer », colcota, ou rouille de fer : « L'Eau divine de M. Côté, composée d'une grande cuillerée de colcotar pour une chopine d'eau bouillante forme une des meilleures lotions à employer pour la cure radicale des plaies et pour l'inflammation des yeux. Pour ce dernier cas, l'eau doit être affaiblie .... "

J'ai rassemblé quelques informations sur les personnages de cette histoire.

François-Xavier Côté ( 1788-1862)
Les talents de guérisseur de l'abbé François-Xavier Côté lui ont amené des patients venant de partout au Québec. Il est devenu, en quelque sorte, le Frère André de Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il a été curé de cette paroisse pendant 43 ans de 1818 à 1861.  Nommé archiprêtre, il s'est beaucoup impliqué dans les oeuvres d'aide aux pauvres. Il possédait une importante bibliothèque contenant, notamment, des ouvrages de médecine. Habile artisan, il a fabriqué lui-même une partie du mobilier de l'église. À ses funérailles, des fidèles qui défilaient devant sa tombe en profitèrent pour prélever des reliques en lui coupant une mèche de cheveu ou un morceau de vêtement.

Un dénommé Casimir Sanscartier a épousé Marie-Louise Massicotte en 1825 à Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Il pourrait s'agir du blessé du récit du lieutenant-colonel Massicotte.

Narcisse-Pierre Massicotte (1830-1897)
Le lieutenant-colonel Narcisse-Pierre Massicotte était propriétaire d'un pont à péage sur la rivière Batiscan, qu'il avait construit en 1872 avec les pierres de l'ancienne église de Sainte-Geneviève. Il en coûtait 2 cents pour le passer à pied et 2 dollars annuellement pour les voitures. C'était une entreprise très rentable. Narcisse-Pierre Massicotte était responsable des compagnies de milice dans le comté de Champlain, d'où son titre de lieutenant-colonel. Il a épousé Marie-Émerentienne Matte le 21 janvier 1856 à Sainte-Anne-de-la-Pérade.



Les deux portraits ci-dessus sont de l'illustrateur Joseph-Edmond Massicotte. Ils ont été publiés dans Le Monde illustré. On les trouve sur le site de BANQ.