jeudi 31 mars 2011

Un enfant sauvage de la Cadie

Un acte de sépulture qui m'a beaucoup intrigué. Le 23 septembre 1760, le curé de Yamachiche donne la sépulture à «un enfant sauvage de la Cadie dont le nom était inconnu à celui qui l'a apporté à l'église, de père et mère sauvage mariés ensemble, âgé d'environ 1 mois." 

Si l'enfant était inconnu, comment celui qui l'a apporté savait-il qu'il venait de l'Acadie et que ses parents étaient mariés ? Comment un enfant d'un mois pouvait-il se retrouver seul, sans ses parents, si loin de son pays ?

On sait que des familles de réfugiés acadiens sont arrivés à Yamachiche à cette époque. Les Amérindiens qui vivaient en Acadie étaient des Micmacs, des alliés de la France contre l'Angleterre. Les parents de cet enfant ont peut-être accompagné des Acadiens dans leur exil.


dimanche 13 mars 2011

Les funérailles d'un scout


Le 27 juillet 1966. C'était l'âge d'or du mouvement scout au Québec. Il y avait une troupe dans chacune des paroisses. Sur la photo ci-haut, on voit une haie d'honneur de jeunes scouts aux funérailles de l'abbé Raymond Mercier qui était, si je me souviens bien, l'aumônier du mouvement dans le diocèse de Trois-Rivières. Le service funèbre a eu lieu à l'église Saint-Marc de Shawinigan. J'étais le deuxième de la rangée de droite.

Voir aussi Le scout catholique et Une vieille chanson scoute

mercredi 9 mars 2011

La peste russe romancée

La dernière manifestation de la peste en Europe s'est produite en 1878-1879 en Russie, dans la région d'Astrakhan sur les rives de la Volga. Le bacille était originaire de la Mésopotamie (Irak).  Environ 400 personnes seraient mortes de cette maladie entre novembre 1878 et janvier 1879, la plupart dans le village de Vetlanka. La nouvelle du retour de la peste avait terrifié les populations européennes. Des mesures avaient été prises pour empêcher sa propagation en fermant les frontières avec la Russie. 

Au Canada comme en Europe, les journaux ont couvert cet événement à leur façon, en exagérant ses effets, faisant partager à leurs lecteurs les craintes qu'inspirait la peste russe. En février 1879, le journal La Patrie a offert un récit romancé de l'origine  et de la propagation de la maladie. Selon cette version, la fiancée d'un soldat tartare aurait déclenché l'épidémie en dansant devant ses amis vêtue d'un châle infecté :
La peste fait des ravages terribles et s'est répandue dans les provinces méridionales. Les personnes atteintes ne vivent ordinairement que deux heures. Des milliers et des milliers de victimes ont succombé depuis quelques semaines. Tous les médecins sont morts dans l'espace de 24 heures après leur arrivée. Tous les cadavres sont brulés ainsi que les maisons dans lesquelles les gens meurent. Des villes entières sont dépeuplées. Le gouvernement a placé des cordons de soldats autour des provinces infectées. Sont impitoyablement fusillés tous ceux qui dépassent la ligne de démarcation. Personne ne peut sortir de l'empire. Les gouvernements autrichien et allemand ont placé un double cordon de troupes autour des frontières. Toutes les personnes sortant de la Russie en chemin de fer sont arrêtées à la frontière pour y subir une quarantaine. Les gens sont logés dans des hangars et des granges dépourvus de toute espèce de commodité.

On rapporte que cette peste a été introduite, il y a un mois, par un soldat tartare qui s'était enveloppé d'un châle trouvé sur le cadavre d'un soldat turc. En arrivant à sa ville natale, il fit cadeau de ce châle à sa finacée. Elle s'en enveloppa et se mit à danser dans un appartement où se trouvaient vingt-cinq personnes. Elle est morte au bout de deux heures et au bout de cinq heures les 25 personnes qui se trouvaient avec elle étaient mortes. Dans l'espace de trois jours, la population de la ville composée de 1100 personnes était passée de vie à trépas moins quarante-tois qui avaient pris la fuite. Telle est l'origine de la peste.

Une lettre venant du médecin de la cour de l'empereur dit que le onze du courant, la peste avait quasi terminé ses ravages. Cependant, le gouvernement tient encore strictement en force la loi de la quarantaine.

(Source de l'article : Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

L'histoire du châle est tirée d'une dépêche publiée à Londres le 3 février 1879 que l'on peut lire sur ce site. La Patrie a ajouté à ce récit plusieurs détails sensationnels, notamment la danse de la fiancée. Notons que dans cette dépêche la fiancée est morte au bout de deux jours alors qu'elle n'a survécu que deux heures selon La Patrie.

mardi 8 mars 2011

La visite des chantiers (2)

Charles-Théodore Bellemare, issu d'une famille aisée de Yamachiche, a été curé de Shawenegan (Saint-Boniface) de 1875 à 1894. Il entretenait une correspondance suivie avec son homologue Vital Bellemare, prêtre desservant de  la paroisse de Chambray en Normandie (voir La Normandie et le Québec vus du presbytère).

Dans une lettre écrite en février 1888, le curé de Shawenegan décrivait de façon très négative la visite annuelle qu'il devait faire en hiver dans les chantiers (voir La visite des chantiers). Peut-être intimidé par la rudesse des bûcherons et incapable d'établir la communication avec eux, ils les décrivaient alors comme la lie de la société et leur reprochait leur malpropreté.

Source de la photo : florelaurentienne.com

Cinq ans plus tard, son opinion et son attitude envers les bûcherons ont complètement changé.  De hautain qu'il était à son arrivée dans la paroisse, il est devenu plus familier et plus amical avec les fidèles. La visite des chantier est maintenant pour lui une fête et les bûcherons sont devenus de bons lurons qui font leur toilette avant l'arrivée du curé.  Le 16 février 1893, il écrivait à son correspondant normand :
Il est bon de vous dire que nous avons, cet hiver, sur la paroisse deux établissements en pleine forêt pour la coupe du bois. Ce sont deux grandes maisons, basses, la couverture surbaissée, bâties en bois rond, calfeutrées avec de la mousse et des étoupes. L'intérieur est vaste, avec une table d'une quarantaine de pieds de longueur et une rangée de lits à deux étages. Une quarantaine d'hommes occupent chacun de ces chantiers. Un de mes paroissiens, M. Morel, en est le contre-maître et les travaillants sont, pour la plupart de Shawenegan et de Saint-Étienne, ce qui fait qu'en arrivant dans ces chantiers, nous arrivons en pays de connaissance, et nous sommes bien reçus. La journée choisie par le prêtre pour visiter le chantier est annoncée d'avance ; le travail cesse un peu plus tôt et quand nous arrivons, vers 6 heures et demie chaque homme a fait sa toilette et nous commençons de suite les amusements avec tous ces bons lurons. Des contes, des chansons, quelquefois des danses, du violon, nous aident à passer bien agréablement les quelques heures données par encouragement à ces hommes qui peinent toute la journée à travers les neiges et les froids. Ils sont pourtant contents de leur sort, ils sont robustes, nos jeunes Canadiens (ce sont, en partie des jeunes gens), et quand, au printemps vous les voyez revenir du chantier, ils se présentent à vous, gros, gras, le teint plein de feu. S'ils travaillent fort, ils sont en général bien nourris, bien traités. Le lard, le boeuf, les pois, les haricots, la farine de première qualité pour le pain et les pâtisseries sont fournis par le bourgeois et s'il veut avoir des hommes il faut que sa cuisine soit chargée.

... nous arrivons vers 6 heures et demie. Après les salutations d'usage, quelques mots d'entretien avec le bourgeois, M. Ritchie, présent ce soir-là, et avec le contremaître, nous entrons dans la chambre des hommes où les bons chanteurs nous régalent des meilleurs morceaux de leur répertoire. Après les chansons, j'avise un mien cousin qui , comme moi, s'appelle Charles Bellemare, de nous conter quelques contes. Vous dire l'aspect du chantier quand je leur annonçai que Charles allait nous conter un conte, c'est un peu difficile. Nos Canadiens aiment les contes et l'on écoute le contenu comme à l'église l'on écoute le prêcheur. La renommée de Charles est bien connue, aussi dès que je leur annonçai qu'il avait donné son consentement, chacun de quitter sa place et de venir entourer mon homme, les uns s'asseyant sur les tables, les autres par terre, tous se plaçant de manière à avoir le conteur en vue, et Charles de commencer, avec son grand sérieux et son air de brigand ; mais le sérieux ne dura pas longtemps : Charles est un farceur et le cours de ses histoires nous amena bien des incidents où le chantier n'était pas assez grand pour contenir les éclats de rire des auditeurs ...Je récitai le chapelet avec toutes ces bonnes gens, je fis la prière du soir et leur donnai en quelques mots les avis que me suggéraient leur état et les renseignements que j'avais reçus du contremaître et nous leur disons : au revoir mes bons amis ! À 10 heures et quart, nous étions de retour à la maison ; M. Milot passa avec nous l'avant-midi et tantôt il nous disait adieu pour s'en aller voir sa vieille mère.

Voir aussi : La visite des chantiers et L'alambic du curé Bellemare