dimanche 18 juillet 2010

L'alambic du curé Bellemare

Au Québec, la fin du dix-neuvième siècle correspond à l'âge d'or des sociétés de tempérance. Des centaines de milliers de catholiques avaient fait le voeu de ne pas boire d'alcool et de ne pas fréquenter d'établissements qui vendaient des boissons alcooliques. Le clergé devait  alors donner l'exemple.  Un curé qui aurait été surpris à prendre un verre aurait pu perdre sa place.

L'attitude envers l'alcool était complètement différente en Normandie où un curé pouvait ouvertement opérer son propre alambic ! Dans sa lettre du 8 octobre 1887, Vital Bellemare (photo ci-contre), curé de Chambray en Normandie, s'étonne que son correspondant canadien, le curé Charles Bellemare de Saint-Boniface en Mauricie,  lui écrive ne pas boire d'alcool mais plutôt de l'eau fraîche et claire :

Ô misère ! Ô privation ! ils boivent de l'eau ! ! ! fraîche tant que vous voudrez, claire tant qu'il vous plaira mais ce composé d'hydrogène et d'oxygène est sans saveur pour les palais des Normands buveurs de bons cidres, de petit et de gros vin, et d'alcools falsifiés. Je ne m'explique pas que vous soyez réduits à un régime si calmant, pour des gens de pays froids, pour des fumeurs endurcis comme vous l'êtes ; mais la bière est donc bien chère ou bien difficile à fabriquer là-bas [...] Si je pouvais donc vous expédier quelque bonne pièce de ce cidre qu'en ce moment même mon père fabrique dans la cour du presbytère ? On va bientôt remplir les fûts vides ; la lie et déchet qui se trouve au fond, vous doutez-vous de ce que je vais en faire. Voici : il y a quelques années je me suis pourvu d'un alambic : nous montons le petit appareil dans le jardin, on chauffe, on dirige, et il nous vient cette bonne eau-de-vie de cidre appelée ici "calvados", pas falsifiée, celle-là ! Nous en avons déjà fabriqué des centaines de litres : mais hélas ! elle ne vieillit pas beaucoup. Tous les jours, au repas du midi, le café, à quatre que nous sommes sans compter quelques bouches gourmandes, qui viennent par-ci, par-là, nous aider, le litre d'eau-de-vie y passe chaque semaine [...] Il y a 2 ou 3 ans j'ai fabriqué ainsi, dans mes moments perdus, et papa aidant, toutes sortes de liqueurs que je serais aisé de vous faire goûter, mes chers amis : alcool de prunes, de prunelles sauvages, de mûres sauvages (baies de ronces), de merises, de poires, etc.

Source : La Normandie et le Québec vus du presbytère : correspondance inédite. Publications de l'Université de Rouen, 1987, page 56.

Voir aussi sur ce blog : La visite des chantiers ; La visite des chantiers (2) ; L'alcool à Yamachiche en 1851

jeudi 15 juillet 2010

La Danse à Saint-Dilon

Hier, nous avons vu Gilles Vigneault sur les Plaines d'Abraham à Québec. Peut-être un de ses derniers spectacles.  Il célébrait, sans trop insister quand même, le cinquantième anniversaire de sa carrière artistique. À 81 ans, Vigneault est encore vert. Il m'a même semblé en meilleure forme que la dernière fois que je l'ai vu, il y a une dizaine d'années. N'empêche qu'on était tous un peu inquiets  quand il s'est mis à giguer sur scène dans La Danse à Saint-Dilon :


Samedi soir à Saint-Dilon
Y avait pas grand-chose à faire;
On s'est dit: «On fait une danse,
On va danser chez Bibi.»
On s'est trouvé un violon,
Un salon, des partenaires,
Puis là la soirée commence
C'était vers sept heures et demie.

Entrez mesdames, entrez messieurs, Marianne a sa belle robe et puis Rolande a ses yeux bleus. Yvonne a mis ses souliers blancs, son décolleté puis ses beaux gants, ça aime à faire les choses en grand, ça vient d'arriver du couvent. Y a aussi Jean-Marie, mon cousin puis mon ami, qu'a mis sa belle habit avec ses petits souliers vernis. Le voilà mis, comme on dit, comme un commis-voyageur.

Quand on danse à Saint-Dilon
C'est pas pour des embrassages;
C'est au reel puis ça va vite,
Il faut pas passer des pas,
Il faut bien suivre le violon.
Si vous voulez pas être sages,
Aussi bien partir tout de suite -
Y a ni temps ni place pour ça!

Tout le monde balance et puis tout le monde danse. Jeanne danse avec Antoine et puis Jeannette avec Raymond. Ti-Paul vient d'arriver avec Thérèse à ses côtés, ça va passer la soirée à faire semblant de s'amuser mais ça s'ennuie de Jean-Louis, son amour et son ami, qui est parti gagner sa vie, l'autre bord de l'Île Anticosti, est parti un beau samedi comme un maudit malfaiteur.

Ont dansé toute la soirée
Le Brandy puis la Plongeuse,
Et le Corbeau dans la cage,
Et puis nous voilà passé minuit.
C'est Charlie qui a tout callé -
A perdu son amoureuse.
Il s'est fait mettre en pacage
Par moins fin mais plus beau que lui!

Un dernier tour, la chaîne des dames avant de partir, a' m'a serré la main plus fort, a' m'a regardé, j'ai perdu le pas. Dimanche au soir, après les vêpres, j'irai-t-y bien j'irai-t-y pas? Un petit salut, passez tout droit, j'avais jamais viré comme ça! Me voilà tout étourdi, mon amour puis mon ami! C'est ici qu'il s'est mis à la tourner comme une toupie. Elle a compris puis elle a dit: «Les mardis puis les jeudis, ça ferait-y ton bonheur?»

Quand un petit gars de Saint-Dilon
Prend sa course après une fille,
Il la fait virer si vite
Qu'elle ne peut plus s'arrêter.
Pour un petit air de violon
A' vendrait toute sa famille
À penser que samedi en huit
Il peut peut-être la r'inviter!

Puis là ôte ta capine puis swing la mandoline, et puis ôte ton jupon puis swing la Madelon, swing-la fort et puis tords-y le corps, puis fais-y voir que t'es pas mort!

Domino! Les femmes ont chaud!



Sur Youtube sur un dessin animé de Disney intitulé La danse des squelettes.

mardi 13 juillet 2010

Un affreux malheur

E.-Z. Massicotte, Sainte-Geneviève-de-Batiscan, Collection "Pages trifluviennes", Série A, no 18, Les éditions du Bien Public, Les Trois-Rivières, 1936, 127 pages.

L'historien montréalais Édouard-Zotique  Massicotte (1867-1947) a publié en 1936 ce petit livre d'une centaine de pages sur l'histoire de la paroisse de Sainte-Geneviève-de-Batiscan qui était le chef-lieu du comté de Champlain. Son père était né dans cette paroisse. L'avant-propos est signé par Albert Tessier qui dirigeait la collection Pages trifluviennes. L'ouvrage comporte quelques passages intéressants, dont le récit saisissant d'une catastrophe naturelle. On trouve ce récit à la page 40 sous le titre Affreux malheur :
Le premier mai 1877, vers onze heures du matin, un éboulement se produisit sur la Rivière-à-Veillet, à un mille au nord du village de S.-Geneviève.

La partie écroulée était en bois debout ; elle avait une étendue d'environ six arpents de longueur, quatre en largeur et trente à quarante pieds en profondeur.

Cette masse de terre, en tombant dans le lit étroit de la rivière souleva une vague de trente pieds de hauteur qui alla s'abattre quelques arpents plus bas, sur le moulin de Xavier Massicotte et le détruisit complètement.

Au moment de l'éboulement, M. Jean Cloutier causait sur la chaussée du moulin avec M. Massicotte. M. Cloutier fut emporté par la vague et disparut, mais le meunier Massicotte put se cramponer à un poteau et sauver sa vie.

Dans le moulin, il y avait six personnes : Samuel lanouette, sa femme, trois enfants, puis Ferdinand Gervais. Tous furent entraînés avec les débris; cependant les sieurs Lanouette et Gervais projetés sur le rivage sans connaissance purent être ranimés. La catastrophe avait causé la mort de cinq personnes. La nouvelle du sinistre se répandit partout, et bientôt, tant de S.-Geneviève que des paroisses voisines, au-delà de mille personnes accoururent.

Environ deux cents d'entre elles se mirent à faire des fouilles dans les décombres. On retira d'abord le corps d'un enfant, le lendemain celui d'un autre enfant et, le trois mai, les corps de dame Lanouette et de M. Cloutier. La cinquième victime, une petite fille de six semaines, ne put être retrouvée.

Le curé Noiseux, de S.-Geneviève, le curé Roberge, de S.-Prosper, et le curé Gouin, de S.-Anne, assistèrent aux fouilles et contribuèrent à entretenir le courage et l'ardeur des travaillants.

Par ce désastre, Samuel Lanouette perdait ses trois enfants et sa femme, Célanire Romaré, agée de 21 ans seulement.

La famille Cloutier éprouvait une perte douloureuse. Jean Cloutier, cultivateur âgé de 58 ans, était maire de S.-Prosper. Quatre de ses filles étaient religieuses et deux de ses fils étaient prêtres. L'un des deux devint évêque des Trois-Rivières, l'autre fut curé de Champlain."

Ajout du 20 novembre 2010 : Massicotte a grandement sous-estimé la progéniture de Jean Cloutier. Il a eu, avec sa deuxième femme Olive Rivard-Lacoursière, 14 enfants qui ont atteint l'âge adulte parmi lesquels on trouve 11 membres du clergé, soit 3 prêtres dont un évêque et 8 religieuses dont une supérieure de la Congrégation de Notre-Dame. Je crois bien que c'est un record pour un couple. Voir sur ce blog Le destin de Jean Cloutier.

lundi 12 juillet 2010

La vieille gare du CP


Le 17 avril 2009, M. André-Jean Bordeleau écrivait sur le forum de la Société d'histoire et de généalogie de Shawinigan le texte suivant qui a aussi été publié dans le journal Le Nouvelliste :

"Bientôt la saison touristique 2009. Bientôt des visiteurs viendront nous voir. Pour ceux qui arriveront par la côte de la Baie, ils auront une réception visuelle intéressante avec les aménagements autour du carrefour giratoire. Cependant, s’ils veulent remonter vers le haut de la ville dans le secteur Saint-Marc, ils seront désolés de voir un restant de gare abandonnée en face d’une grande usine délabrée et désaffectée. Parlons de la Gare, celle que l’on dit du CP (Canadien Pacifique), je ne sais pas si elle a encore une certaine fonction auprès du CP.

Je ne sais pas si cette bâtisse appartient encore au CP. Cependant, je sais qu’elle est sur le territoire de la ville de Shawinigan et je sais qu’elle fait partie de notre histoire et de notre patrimoine. Je ne comprends pas que l’on attende encore pour lui donner une autre vocation afin d’en assurer l’entretien et la préservation.Je suis certain que la ville pourrait avoir accès à un emploi étudiant subventionné pour avoir quelqu’un qui offrirait un service quelconque à la population et aux visiteurs. Que ce soit pour l’accueil touristique, un groupe d’étudiants qui en font une salle de spectacle, un petit restaurant, etc.

Je viens juste d’aller voir cette bâtisse. Qu’elle ne fut pas ma surprise de voir que des graffitis ont déjà faits leur apparition sur les portes. Une autre surprise encore plus désagréable est de constater que la bâtisse est « squattées » et qu’il n’en faudra pas beaucoup plus pour qu’elle disparaisse à la suite de vandalisme plus radical. Il est grand temps que des gens se mobilisent pour faire bouger les politiciens ..."

C'était il y a plus d'un an et rien n'a changé depuis. Hier, je suis allé à la vieille gare  de la rue de la Station pour constater l'état des lieux. Ce n'est pas un grand bâtiment mais il  a du style et il est très représentatif de l'architecture des petites gares de campagne qui ont été construites au début du vingtième siècle. La gare du Canadien Pacifique a été construite en 1927. Elle aurait bien besoin de rénovations mais la structure du bâtiment semble encore très solide. Il faudrait, en particulier, refaire le toit avec son revêtement d'origine qui était, je crois, en bardeaux de cèdre.

Ce serait l'endroit idéal pour un kiosque d'informations touristiques ou pour un petit musée.

Quant au statut de la gare, elle semble tout simplement avoir été laissée à l'abandon par  le Canadien Pacifique qui est une entreprise privée. Les voies ferrées qui passent devant sont maintenant  recouvertes de végétation :  linaires, molènes, carottes sauvages, herbe à poux, verges d'or.  L'usine de la Shawinigan Coton Company que l'on voit en arrière-plan est aussi abandonnée. L'ensemble à des allures de ville-fantôme.

Située un peu plus à l'est, l'autre gare de Shawinigan, celle du Canadien National construite en 1929, est encore en opération. Elle reçoit les passagers de la compagnie Via Rail, une  société d'État. Le gouvernement fédéral qui en est propriétaire lui a accordé le statut de gare patrimoniale du Canada, ce qui en fait un site historique national.

vendredi 9 juillet 2010

Flora Urbana

Roger Latour, photographe naturaliste urbain, a créé un blog Flora Urbana consacré à la flore urbaine de la ville de Montréal. Il est aussi l'auteur du guide  La flore urbaine publié chez Fides en 2009.

J'aime sa conception de l'écologie :
"Un terrain vague est justement un mélange biogéographique d’espèces y compris des échappées de jardin et, occasionnellement, des plantations citoyennes. Un terrain vague est en plus un mélange de processus biologiques spontanés et d’intentions humaines."

Si l'on regarde bien, il y a un univers à découvrir dans les terrains vagues, les terre-pleins, les fonds de cour et les ruelles d'une ville.

Une visite imprévue

J'aime les photos qui racontent une histoire. Celle-ci a été prise à l'été 1938 à Saint-Boniface de Shawinigan alors que Germain Lampron (le grand costaud en soutane devant la fenêtre) et une douzaine de Frères de l'Instruction chrétienne (F.I.C.) sont arrivés à l'improviste pour visiter la ferme des Lampron. Je dis à l'improviste parce que les Lampron, qui étaient des gens très fiers, ne se seraient jamais laissés photographier en habits de travail si on les avait prévenus.


La photo a été prise sur le côté ouest de la maison du quatrième rang. On aperçoit à droite l'ancienne galerie du devant. Les trois fillettes sont Lise avec son chat, Solange et Pierrette devant leurs parents Alice Descôteaux et Claudio Lampron et leurs grands-parents Diana Bourassa et Georges Lampron (de profil). On voit aussi Léandre Lampron, le frère de Claudio au début de la dernière rangée à la gauche de son frère Germain.

À cette époque, Germain Lampron, alias Frère Louis-Pierre, enseignait à l'Académie Saint-Louis-de-Gonzague de Louiseville, un pensionnat administré par les F.I.C. Les autres Frères que l'on aperçoit sur la photo étaient probablement en poste au même endroit.

Voir aussi sur ce blog : Le collège Saint-Louis-de-Gonzague de Louiseville.

mercredi 7 juillet 2010

Du nom Shawinigan

Larochelle, Fabien, Shawinigan depuis 75 ans. Hôtel de ville, Shawinigan, 1976, 747 pages.

Plusieurs monographies ont été consacrées à l'histoire de la ville de Shawinigan. Celle qui a été écrite par Fabien Larochelle en 1976 est sûrement la mieux faite et la plus complète qu'il m'ait été donné de lire. Directeur de la bibliothèque municipale, l'auteur a accumulé patiemment pendant des décennies les matériaux qui lui ont permis de rédiger cet ouvrage. L'information est toujours précise. C'est un régal pour ceux qui s'intéressent à la petite histoire.

Le premier chapitre s'ouvre sur l'origine du nom  Shawinigan qui vient de l'algonquin. Ce nom désignait non pas la chute elle-même mais plutôt le portage que les canotiers devaient faire pour franchir cet obstacle. Selon différentes sources, il signifierait "portage sur la crête" ou encore "portage aux hêtres". Quant à l'orthographe, Larochelle écrit ce qui suit (page 11) :
"Concernant l'orthographe du nom, celui que nous connaissons aujourd'hui a été choisi par la compagnie Shawinigan Water & Power au moment de son incorporation. Depuis 1902, c'est le même que l'on retrouve sur tous les documents officiels.

La Compagnie n'eut que l'embarras du choix pour se donner une identification, si on en juge par la grande diversité des formes adoptées dans l'orthographe du nom par différents auteurs et artistes au cours du siècle précédent. Nos recherches nous ont amené à rencontrer les suivantes : Assa8nigane, Achawenékame, Cha8nigane, Osha8négane, Chawinigame, Chawinigane, Shawenegan, Shawanehagan, Shawonegan, Shawinnegamme, Shabonigame."
J'ajouterais au texte de Larochelle qu'avant de désigner la nouvelle ville en 1902, le nom a d'abord été porté au 19ième siècle par la municipalité de Saint-Boniface dont le territoire s'étendait jusqu'au pied de la chute.  On désignait cette municipalité sous le nom de Shawenegan ou encore de canton Shawenegan. C'était avant la création de la Shawinigan Water and Power, une entreprise dirigée par des anglophones, qui allait remplacer les "e" par des "i" et donner naissance à la ville de Shawinigan dont le territoire a été détaché de celui de Saint-Boniface.

Ajout du 16 octobre 2010 : J'ai relevé la forme Shabonigan dans les Notes de voyage d'un avocat trifluvien d'Elzéar Gérin publiées en septembre 1871 dans la Revue Canadienne. Selon l'auteur, ce mot algonquin se traduirait par "portage fait en  faîne" parce que le rocher à cet endroit aurait la forme du fruit du hêtre. Il tenait cette information d'un certain Francis Lacroix "qui sait le sauvage comme son pater".

Par ailleurs, il y a un lac Shawnigan (noter l'absence du premier i) sur l'île Victoria en Colombie-Britannique. La signification de ce nom n'est pas connue. Mais l'énormité de la distance et aussi le fait que les Amérindiens des deux régions ne parlent pas la même langue me portent à croire qu'il s'agit d'une simple coïncidence. Les noms amérindiens ont été tellement déformés!

mardi 6 juillet 2010

Régionalisme et littérature

En 1993, l'historien René Verrette a fait un survol de productions littéraires des années trente qui, selon lui, doivent leur cachet particulier, sinon leur existence, aux mots d'ordre lancés par les régionalistes trifluviens. Albert Tessier avait incité les écrivains locaux à exploiter la richesse que constitue la Nature, à promouvoir l'effort tenace et illustrer l'amour du risque dans leurs récits et leurs poèmes. Clément Marchand, qui avait pris la direction du Mauricien avec Raymond Douville, faisait de son côté l'apologie d'un régionalisme plus ouvert à la réalité urbaine et d'une littérature canadienne modelée sur les écrivains célébrés par la droite française catholique ou régionaliste.

Ce survol des oeuvres littéraires qui ont été influencées par le régionalisme mauricien des années trente comprend non seulement des oeuvres d'auteurs de la région, mais aussi celles d'écrivains ou poètes de l'extérieur dont les écrits ont été inspirés par la Mauricie de cette époque. J'ai classé les auteurs mentionnés dans l'article de Verrette selon l'ordre alphabétique et ajouté quelques informations de nature biographique :


Genevoix, Maurice (1890-1980). Écrivain régionaliste du Val de Loire, il publie un roman Laframboise et Bellehumeur qui met en scène des trappeurs mauriciens. Genevoix avait visité la Mauricie en 1939 avec Albert Tessier comme guide.

Laferrière, Philippe dit Phyl. (1891-1971)  Il publie un recueil de nouvelles intitulé La Rue des Forges (Montréal, Albert Lévesque,1932).

L'Archevêque, Jeanne (1901-1998). Épouse du peintre paysagiste Rodolphe Duguay, elle fait paraître Écrin (Trois-Rivières, Le Bien public, 1934), un recueil de textes en vers et en prose illustrant des personnages trifluviens et la défense de la vie rurale.

Larkin, Sarah (1896-1988). Elle a écrit un poème Three Rivers (1934) et un roman Radisson (1938) inspirés de ses séjours en Haute-Mauricie. Cette riche américaine passait ses vacances d'hiver et d'été à son domaine du lac Clair de 1930 à 1965.

Le Franc, Marie (1879-1964). Elle a publié pendant son séjour au Canada le roman La Randonnée passionnée (1936) au sujet duquel Raymond Douville écrivait «Le Saint-Maurice fait son entrée dans la littérature française».

Marchand, Clément (1912- ) : Les soirs rouges (Trois-Rivières, le Bien Public, 1947). Les poèmes qui composent ce recueil avaient d'abord paru dans le journal Le Bien Public durant les années trente.

Olier, Moïsette pseudonyme de Corinne Beauchemin (1885-1972). Elle a  publié L'homme à la physionimie macabre (1927) qui raconte l'histoire des Forges du Saint-Maurice et qu'Albert Tessier qualifie de roman régional, de même que Le Saint-Maurice (Trois-Rivières, Le Bien Public, 1932), Cha8inigane (Trois-Rivières, Le Bien public, 1934), Étincelles (Trois-Rivières, Le Nouvelliste, 1936) et Mademoiselle Sérénité (Trois-Rivières, Le Nouvelliste, 1936), ce dernier roman ayant pour toile de fond le tricentenaire de la ville de Trois-Rivières. Un texte lui est consacré sur le site de la Société d'histoire et de généalogie de Shawinigan (ici).

Piché, Alphonse (1917- 1998) : Ballades de la petite extrace (Montréal, Fernand Pilon, 1946), un recueil de poèmes écrits à Trois-Rivières en 1939 qui évoquent la misère urbaine.

Ringuet pseudonyme du Dr Philippe Panneton (1895-1960). Natif de Trois-Rivières,  il a publié Trente arpents (Paris, Flammarion, 1938), un roman qui évoque la vie rurale mais sans complaisance aucune.

Sylvain pseudonyme du Dr Auguste Panneton, frère de Ringuet (1888-1966) : Mon petit pays (Trois-Rivières, Le Bien public, 1932), En flânant dans les portages (Trois-Rivières, Le Bien public, 1933).


(Source : Verrette, René, Le régionalisme mauricien des années trente, Revue d'histoire de l'Amérique française, vol 47, no 1, 1993, p 27-52.)