mercredi 23 juin 2010

La Bonne Mort

Voici un billet d'admission à la Congrégation de la Bonne Mort du diocèse des Trois-Rivières pour l'année 1962.

 La contribution annuelle est de 25 cents si on entre dans la Congrégation avant l'âge de 50 ans et de 50 cents si l'on se fait inscrire après 50 ans. Personne n'est admis après 65 ans. Le billet a été émis par l'abbé Louis Massicotte. Il a été approuvé le 2 novembre 1951, jour de la Fête de la Commémoration des morts, par Georges-Léon, Évêque de Trois-Rivières. L'image sur le billet montre Saint-Joseph,  le Patron des mourants.


L'admission donne droit aux avantages spirituels suivants :

1. Tous les ans, un service solennel sera chanté dans la Cathédrale pour les membres défunts.
2. Un service de Bonne-Mort sera chanté au décès de chaque membre.
3. Une messe basse sera dite chaque jour pour les membres vivants et défunts de la Congrégation.
4. Les membres peuvent gagner au-delà de 30 indulgences plénières dans le cours de l'année.
5. De nombreuses indulgences partielles.

Les devoirs des membres de la Congrégation de la Bonne Mort sont énoncés sur le billet : Réciter, chaque jour, un Pater et un Ave pour demander, en faveur des confrères vivants, la grâce d'une bonne mort et pour la prompte délivrance des âmes des associés défunts. À ce Pater et à cet Ave, on ajoutera l'invocation "Saint-Joseph, priez pour nous".

Cette association est très ancienne. On trouve dans le Journal des Trois-Rivières du 21 août 1882 l'annonce d'un pèlerinage à Beaupré organisé par la Confrérie de la Bonne Mort et présidé par l'Évêque de Trois-Rivières, Monseigneur Laflèche. Par ailleurs, un article du journal Le Bien public du 15 octobre 1914 décrit le fonctionnement de la Confrérie de la Bonne Mort. Les conditions d'admission et les avantages spirituels mentionnés dans cet article de 1914 sont exactement les mêmes que sur le billet émis en 1962. Il semble donc que ce soit la même organisation mais que son nom ait été changé, pour une raison que j'ignore, de Confrérie à Congrégation.

lundi 21 juin 2010

Les inondations de 1896

Le 23 avril 1896, le curé Charles Bellemare, anciennement de Saint-Boniface-de-Shawinigan et maintenant en poste à Sainte-Geneviève de Batiscan, écrit à son correspondant le curé Vital Bellemare de Chambray en Normandie :

"Pendant que je vous écris, toute la vallée du Saint-Laurent, celle de la rivière Batiscan et d'un grand nombre d'autres rivières tributaires du Saint-Laurent sont inondées ; la désolation est générale. Pour ne parler que de Sainte-Geneviève, une grande partie de notre village est couverte d'eau. En plusieurs endroits, l'eau atteint dans les maisons des hauteurs de cinq et six pieds. Notre beau pont de 5 à 600 pieds de longeur en face de l'église, a été, hier, emporté tout d'un pain par les glaces. L'eau ayant monté et monté encore, il fut soulevé par les glaces à pas moins de trois pieds au-dessus de ses assises et les glaces s'étant mises en mouvement l'ont emporté. Il git maintenant à une dizaine d'arpents en bas de l'église. C'est un désastre pour notre paroisse divisée maintenant en deux parties par la rivière. Ce pont avait coûté au-delà de $ 10,000. Quand pourrons-nous en refaire un autre ?
Aux Trois-Rivières, près de 50 maisons ont été emportées par les glaces. Sainte-Anne-de-la-Pérade, notre paroisse voisine est sous l'eau. À Batiscan, il y a deux pieds d'eau dans l'église et c'est ainsi jusqu'à Montréal. À Yamachiche, Gaspard doit avoir de l'eau sur ses comptoirs. J'y suis allé la semaine dernière ; déjà l'eau entourait sa maison. Dégâts partout ! C'est la plus forte inondation de mémoire d'homme. Tout notre monde est découragé ; on pourrait l'être à moins."
(Source : Nadine-Josette Chaline et al, La Normandie et le Québec vus du presbytère, Publications de l'Université de Rouen, 1987).

mardi 15 juin 2010

Le régionalisme mauricien

René Verrette, Le régionalisme mauricien des années trente, Revue d'histoire de l'Amérique française, vol 47, no 1, 1993, p 27-52.

Dans cet article de la Revue d'histoire de l'Amérique française, René Verrette de l'Université du Québec à Trois-Rivières présente le fruit d'une recherche sur les origines du régionalisme en Mauricie qui s'est exprimé avec vigueur dans les années trente. Il examine le discours de quatre régionalistes : Joseph-Gérin Gélinas, Abert Tessier, Nérée Beauchemin et Louis-Delavoie Durand. Aux informations puisées dans l'article de Verrette, j'ai ajouté dans le texte qui suit quelques renseignements de nature biographique sur les principaux acteurs du mouvement régionaliste.

Le précurseur du mouvement a été l'abbé Joseph-Gérin Gélinas (1874-1927) qui a joué un rôle d'animateur dans son enseignement de l'histoire au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières. C'est lui qui a posé les fondements idéologiques du discours régionaliste, inspiré par l'auteur français Frédéric Mistral, le chantre du régionalisme provençal. 

Élève de l'abbé Gélinas au Séminaire Saint-Joseph, Albert Tessier (1895-1976), qui était originaire de Sainte-Anne-de--la-Pérade dans le comté de Champlain, est celui qui a exercé l'activité régionaliste la plus forte parmi les quatre. À sa fonction d'enseignant, l'abbé Tessier a ajouté celle d'animateur social par des conférences, des articles, des ouvrages, des films (plus de 70 documentaires) et des albums de photographie. Il était convaincu que les moyens de diffusion que lui-même mettait en oeuvre stimuleraient la fierté des Trifluviens en révélant "les grandeurs de leur histoire trois fois séculaire, le charme de leurs terres aux lignes adoucies, la majesté impétueuse de leur triple rivière aux lourdes eaux bronzées" (Le Bien public, 19 octobre 1933). 

Le docteur Nérée Beauchemin (1850-1931) était originaire de Yamachiche dans le comté de Saint-Maurice. Il s'est fait connaître comme poète de la «petite patrie». Encouragé par son ami l'abbé Joseph-Gérin Gélinas, il a fait paraître en 1928 le recueil de poèmes Patrie intime dans lequel les thèmes régionalistes transparaissent, de même que l'idéalisation de la mère-patrie. Jean-louis Lessard a consacré un article à ce recueil sur le site Laurentiana (ici).

L'avocat Louis-Delavoie Durand (1888-1965) est né à Trois-Rivières. Ardent nationaliste et candidat malchanceux à plusieurs élections, il tenait un discours régionaliste d'ordre économique et politique. Il multipliait les conférences et les causeries radiophoniques où le thème du régionalisme était omniprésent. Pour lui, le régionalisme repose sur "l'instauration d'une vie de famille entre les membres divers d'une même région, qui donne à chacun l'orgueil de sa petite patrie ... c'est une attitude devant la vie, idéaliste et réaliste à la fois" (Le Nouvelliste, 28 janvier 1936). Il a assumé la présidence du comité organisateur des fêtes du tricentenaire de la ville de Trois-Rivières en 1934.

On peut aussi ajouter les noms de deux jeunes journalistes du Bien public : Clément Marchand et Raymond Douville qui, sous la direction d'Albert Tessier, se font les propagandistes enthousiastes du réveil mauricien, le premier sous l'angle littéraire, le second dans une optique historique.

Leur idéologie est mise en contexte avec l'évolution socio-économique de la Mauricie qui a été durement affectée par la crise économique de 1929. Verrette cherche à établir un lien entre les représentations du discours régionaliste et un besoin d'identification à un idéal mobilisateur. Il cherche de plus à mesurer jusqu'à quel point ce discours a constitué un élément moteur du développement régional à cette époque. Le discours est présenté en interaction avec les mouvements collectifs qui en découlent et l'ont nourri. Les influences françaises sont mises en relief de même qu'une résistance des élites face à la modernité et à l'américanité.